en remontant les messages de manière chronologique:
hokusai a écrit :Je ne suis pas d' accord non plus sur cela """""""""""L’essence objective d’une chose est la manière dont nous appréhendons une chose et, par conséquent, c'est un affect. """""""
pas dans l’Ethique en tout cas .
"""" ce qui détermine l ‘esprit à penser c’est une manière de penser ,non de l’étendue , ie ce n’est pas le corps """""""""
Pas si l’essence objective est l’idée adéquate . L’idée adéquate n’est pas une affect( l’affect est une affection du corps ).On ne peut confondre les affects et les idées sous le prétexte que l’ordre des idées est le même que l’ordre des choses .
E3 DEF 3 (majuscules de moi) : "Par Affect, j'entends les affections du Corps, qui augmentent ou diminuent, aident ou contrarient, la puissance d'agir de ce Corps, ET EN MÊME TEMPS LES IDÉES DE CES AFFECTIONS. Si donc nous pouvons être cause adéquate d'une de ces affections, alors par Affect j'entends une action; autrement, une passion."
E3P1: "Notre Esprit agit en certaines choses (...) en tant qu'il a des idées adéquates..."
L'Affect a donc bel et bien la caractéristique de pouvoir être en même temps une affection du Corps et une idée de l'Esprit. Et comme notre Esprit entreprend une action quand il a une idée adéquate, et comme une action est un Affect, on est bien obligé d'en conclure qu'une idée adéquate est un Affect.
Zourabichvili dans 'Spinoza. Une physique de la pensée': "la même réalité est appréhendée physiquement et mentalement". On pourrait donc dire que l'Affect est une façon d'appréhender physiquement et mentalement une même réalité: celle d'une augmentation ou d'une diminution de notre puissance d'agir. Puissance d'agir qui, elle aussi, peut être déclinée en une expression physique et une expression mentale.
Dire que l'affection du Corps est une idée n'est donc pas correcte: les deux ordres restent séparés l'un de l'autre. Mais dire que l'Affect est aussi bien une affection du Corps qu'une idée d'une affection du Corps est tout à fait correcte. Et donc tout idée adéquate est, tout comme toute idée inadéquate, un Affect.
bardamu a écrit :« En fait, je pense que ce que vous avez présenté n'était pas vraiment différent de ce que disait Miam même si son langage est souvent trop elliptique. Il me corrigera s'il le désire, mais il me semble qu'étant dans une optique ontologique, l'idée est chez lui spontanément "idée adéquate" et donc équivalent d'être objectif en tant que l'être objectif est la chose dans l'attribut Pensée. »
Miam a écrit :Pas du tout. J’entends par « idée » une idée adéquate ou non. Ce qui distingue les idées adéquates des idées inadéquates, ce ne sont pas deux sortes d’idées, mais l’ordre dans lequel on la place et par conséquent la temporalité EDT au sein duquel on les perçoit. On entre alors dans la logique du « Deus quatenus… » qui est plus épistémologique qu’ontologique.
temporalité EDT = éternité durée temps?
Jusqu'ici: d'accord.
En fait, jusqu'à présent, j'avais ressenti l'approche de Miam en général comme étant plus épistémologique qu'ontologique, ce qui était justement mon problème. Pour déjà répondre à une remarque de bardamu dans son message: je ne voulais pas du tout parler de l'objectif 'en soi'. Si j'ai déconnecté l'objectif de l'être ou de l'essence, c'était juste pour rappeler que l'objectif était, avant Spinoza, apparemment toujours lié à l'épistémologique (le concept ou l'idée ou l'objet de l'idée), tandis que dans ma perception, chez Spinoza, il faut lier l'objectif à l'ontologique, dans le sens où il utilise ce mot pour qualifier des essences. Et alors, à mon avis, il faut conclure avec Zourabichvili: "L'esse objectivum se dit en effet de la chose même, extérieure à l'idée (...)".
Miam a écrit : Prises une à une les essences contenues dans l’attribut, et donc aussi les modes de penser comme essences formelles, c’est tout ce qui est pensable, adéquatement ou non. Et donc aussi les êtres objectifs, qui sont ces mêmes idées, mais en tant qu’elles s’appliquent à un objet-essence dans tous les attributs et sont comprises dans l’idée de Dieu.
oui, cela me semble cohérent avec la façon dont je vous comprenais avant (c'est-à-dire, à partir du moment où j'ai compris que pour vous, l'être objectif n'était pas l'idée en tant qu'elle est un mode de l'attribut, mais l'idée en tant qu'elle est en l'idée de Dieu).
En même temps, ceci me permet de formuler peut-être de manière plus claire mon problème: indépendamment du nom qu'on donne à l'idée en tant qu'elle s'applique à un objet-essence, comment qualifieriez-vous cet aspect de l'idée? Moi-même, j'ai pour l'instant tendance à considérer le fait qu'une idée s'applique à une essence (qui devient donc son objet; sommes-nous d'accord pour dire que cette essence est toujours une essence formelle?) comme quelque chose qui caractérise les idées en général, donc en tant qu'elles appartiennent à l'attribut de la pensée. Et donc, je mets cet aspect plutôt du côté de l'être formel de l'idée. Je suppose que vous ne seriez pas d'accord, mais je ne comprends pas très bien pourquoi pas.
Miam a écrit :Prises dans leur ordre causal par lequel elles suivent de l’idée de Dieu ou consistent en des degrés de perfection dans l’attribut, toutes les idées sont adéquates.
d'accord
Miam a écrit : L’idée d’une chose sera adéquate lorsqu’on la placera dans l’ordre des causes. Mais cette même idée sera inadéquate, « comme une conclusion sans prémisse » comme dit Spinoza, si on la place dans l’ordre des effets ou des affections.
pour moi, c'est nouveau de distinguer un ordre des causes d'un ordre des effets. Comme la connaissance de l'effet enveloppe la connaissance de la cause, il me semblait de prime abord impossible de les dissocier. Faut-il comprendre ici 'placer une idée dans l'ordre des effets' comme ne pas connaître la cause de l'idée? Ou comme ne pas être soi-même cause de l'idée en tant qu'effet?
En tout cas, je comprends qu'on puisse regarder une idée comme causée par Dieu et donc en Dieu et dans ce sens toujours adéquatement en Dieu, et qu'on puisse regarder cette même idée en tant que Dieu constitue l'Esprit humain, et dans ce cas, si l'Esprit n'est pas actif, cette même idée est inadéquate ('étant un effet d'une cause qui n'est pas lui-même seul). Si c'est cela ce que vous voulez dire: d'accord.
Miam a écrit : Ainsi même l’idée d’une chimère est adéquate si on la replace dans l’ordre des causes idéelles qui y conduisent. « Toutes les idées, considérées dans leur rapport avec Dieu, sont vraies » (II 22)
d'accord
bardamu a écrit :« Il faudrait que je lise l'intégralité de vos échanges, mais je crois que vous dites à peu près la même chose sauf que quand il dit "être objectif" il ne sépare pas "être" de "objectif" et parle de la chose en tant qu'elle est un mode dans la Pensée, donc une idée, alors que vous parlez d'un "objectif" ayant sa valeur propre, comme si il pouvait y avoir un "objet" indépendamment d'un être objectif, ce qui est impossible. »
Miam a écrit :C’est cela. Et en ce sens, au niveau modal, nous n’avons que des idées.
Si c'est cela, je n'ai rien compris du tout. A Miam: donc pour vous, l'être objectif, c'est quand même 'la chose en tant que'? En plus, c'est la chose en tant qu'elle est un mode de la Pensée? Je croyais que pour vous, l'être objectif n'était pas une chose mais une idée? Et puis, justement, que ce n'était pas l'idée en tant qu'elle est un mode dans la Pensée?
Et qu'est-ce que vous voulez dire par 'au niveau modal, nous n'avons que des idées'? Notre Corps, n'est-il pas également un mode?
Donc ... je flotte.
Pour l'objet qui serait indépendant d'un être objectif: j'espère avoir expliqué plus haut que ce n'est pas ce que je voulais dire.
louisa a écrit :« Mais la relation entre cette essence éternelle, et les idées adéquates et inadéquates acquises dans la durée effective, m'échappe encore largement (oui, j'ai bien compris que la part éternelle de l'Esprit est constituée par ces idées adéquates, mais comment dire, comme Deleuze le fait, que si on n'est pas arrivé à avoir beaucoup d'idées adéquates pendant sa vie dans la durée, la plus grand partie de soi-même meurt. C'est qui alors, ce 'soi-même'? La question reste pour moi ouverte, pour l'instant). »
Miam a écrit :Il faudrait revenir à la cinquième partie en observant que ce qui est éternel, ce n’est pas l’essence du Mental, mais une idée qui appartient à (pertinet ad) cette essence. Ce n’est pas une idée qui « constitue » cette essence (cf. II 11, 13, …) mais une idée qui est comprise dans la définition génétique (= par la cause) du Mental, à savoir l’idée de l’essence du Corps sub specie aeternitatis. Les idées adéquates ou inadéquates « constituent » l’essence du Mental. Mais les idées inadéquates ne lui « appartiennent » (pertinent) pas.
oui, voir pe l'E5P23. Donc: la part éternelle de l'Esprit, c'est quand même une partie de l'essence de l'Esprit? Et cette partie ne serait donc constituée que par les idées qui lui appartiennent vraiment, c'est-à-dire les idées adéquates?
Miam a écrit :Je pense que le problème peut se résoudre si l’on considère les idées inadéquates non comme inadéquates en soi, non comme un certain type d’idées, mais comme une idée toujours vraie lorsqu’elle est rapportée à Dieu (II 22) qui peut cependant être confuse (« mutilée », « conclusion sans prémisse ») ou non selon l’ordre dans laquelle on la pose : ordre des causes ou ordre des effets, selon qu’on la « rapporte à Dieu » ou non. C’est pourquoi pour éviter tout essentialisme je tente de partir de l’existence et des types de temporalités EDT. Il n’y a pas de distinction réelle entre l’essence et l’existence des modes finis sub specie aeternitatis bien que leur essence n’enveloppe pas l’existence (ils ne sont pas cause de soi).
L’essence actuelle, c’est l’existence actuelle sous l’aspect d’une durée indéfinie qui est celle d’un conatus infini (degré de puissance infinie). Ce sont donc aussi les idées confuses qui constituent l’essence du Mental (II 11 et 13). Mais dans les deuxièmes et troisième genre, les idées confuses sont ramenées à l’idée des affects qu’elles enveloppent. Elles sont ramenées au conatus ou essence actuelle en tant que transition (transitio) affective dans la durée et non plus à l’ordre temporel des affections.
Vous voulez dire que dans les 2e et 3e genre, les idées confuses sont ramenées à notre essence actuelle en ce qu'elle a d'essentielle (la durée), et ne sont plus seulements effets de la rencontre fortuite et chronologiquement déterminée avec les choses extérieures? Elles deviennent donc des idées qui appartiennent à notre essence actuelle, ou qui la constituent? En tout cas: qui la caractérisent? Et qui deviennent donc dans ce sens adéquates?
Miam a écrit : Enfin, dans le troisième genre c’est l’éternité-infinité intrinsèque du mode qui est appréhendée dans l’amour de Dieu.
Les idées confuses ne sont plus alors confuses mais ramenées à leur place dans l’ordre des causes. « Rapportées à Dieu », elles deviennent des idées vraies (II 22). Si bien qu’en effet les idées confuses ou affects passifs « meurent » avec le Corps, mais non pas en tant qu’idée ou affect qui « constituent » effectivement l’essence, seulement en tant qu’ils sont confus.
Si je parviens à comprendre le processus idéel qui conduit à l’idée du cheval ailé, cette idée devient aussi nécessaire qu’une autre. C’est bien ce que Spinoza nomme « connaissance de soi et de Dieu ». Bien sûr en elle-même cette idée n’a aucune force causale. Mais il ne faut pas considérer l’ « essence éternelle » du Mental (du reste il ne s’agit pas de cela)
PS: en effet: pas d'essence éternelle du Mental. Nous étions d'accord (moi y compris) là-dessus. Il s'agissait d'un raccourci.
Miam a écrit : comme ce qui reste d’actif en enlevant toutes les idées passives. Ces idées demeurent, bien qu’elles ne participent à la puissance du mode que comme effets. L’essence ne précède pas l’existence. L’essence de notre Mental est bien « constitué » de toutes les idées que nous avons durant l’existence. Et c’est bien dans l’existence qu’apparaît le degré de puissance qu’est cette essence. Du point de vue de l’éternité, toute puissance est en acte. Ce n’est que du point de vue du mode que l’on peut distinguer une essence préalable à l’existence comme un possible, précisément parce que l’essence du mode n’enveloppe pas son existence, bien que ces deux ne se distinguent pas du point de vue de l’éternité. Il faut revenir la dessus, car ce qui précède n’est qu’une esquisse.
La piste me semble intéressante. Si j'essaie de la résumer: le 'soi', cela reste alors quand même l'ensemble des idées, adéquates ou non. Et cet ensemble constitue l'essence de l'Esprit. Mais comme ce ne sont que les idées adéquates qui appartiennent à cette essence, ce n'est que cette partie de l'essence qui est éternel. Dans un certain sens, les idées confuses 'participent' à cette partie éternel, mais cela seulement dans la mesure où 'en Dieu' elles sont également adéquates. C'est bien cela ce que vous voulez dire?
Je crois qu'en effet, l'embêtant c'est cette distinction essence-existence. Même sachant que l'éternel est hors-temps, j'ai toujours des difficultés à le qualifier de manière positive, ce qui fait que souvent, je remarque que je pense en des termes d'avant et après existence. Ce qui, en effet, n'a pas de sens si l'éternité n'est pas temporel. Pour répondre à la question 'quelle partie de nous demeurera après la mort du Corps?', il faut essayer de ne pas concevoir cette partie, qui est éternelle, comme ce qui reste en enlevant quelque chose qui était là avant. Il faut donc penser notre essence avec tout ce qui la constitue.
Pe: si on pense au fait que la puissance d'agir est également une puissance d'être affecté, en fait, il n'est pas exclu de concevoir que, d'une manière ou d'une autre, les passions doivent pouvoir être liées aussi à notre essence. Après tout, pouvoir s'imaginer un cheval ailé doit quand même donner plus de puissance que ne pas pouvoir s'imaginer cela du tout, non? Tout comme un bébé de 2 ans qui a entendu beaucoup de musique 'savante' a plus développé cette manière d'être affecté qu'un bébé de 2 ans vivant dans un environnement sonore banal; même si toutes ses idées qu'il a de Monk ou de Bach sont tout à fait confuses, il n'empêche qu'il a eu ces idées quand il meurt juste après, et l'autre bébé pas. Quelque part, il n'est donc peut-être pas exclu que ce premier bébé a atteint plus de puissance d'agir que l'autre, 'toutes choses égales'. Ou même, que bébé 1 a atteint une plus grande puissance d'agir à ses 2 ans qu'à ses 1,5 ans, et que donc la partie éternelle de son Esprit est plus grande?
Hypothèse prudente: pourrait-on dire que pour déterminer la 'grandeur' de la part de l'Esprit qui demeure parce qu'elle est éternelle, il ne faut pas seulement regarder le 'nombre' d'idées adéquates, mais également le nombre d'idées inadéquates? Même si ces dernières contribuent moins à la puissance de soi, et donc moins à l'essence, elles y participent quand même, et la font augmenter, ne fût-ce que sub specie aeternitatis?
Louisa