Les idées expriment-elles des propriétés d'objets?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Louisa
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Messagepar Louisa » 15 juil. 2005, 00:35

Bonsoir Miam,

je poursuis la réponse à votre dernier message (réponse qui sera probablement étalée sur quelques messages, je crains).

Miam a écrit :louisa:
« L'Esprit s'efforce de persévérer dans son être 'en tant qu'il a tant des idées claires et distinctes que des idées confuses' (III 9). L'essence de l'Esprit est constituée d'idées, et c'est en tant qu'il a ces idées que l'Esprit s'efforce de persévérer dans son être. Mais comme l'Esprit, à travers les idées des affections du Corps est nécessairement conscient de soi, l'Esprit est conscient de son effort.
Donc: je dirais que cette conscience de l'effort ne vient que de l'idée des idées des affections. Et l'idée d'une idée a toujours l'être formel de cette dernière en tant qu'objet (TRE 33-36).
Autre passage qui me donne l'impression que l'objet d'une idée est toujours un être formel: Deleuze pg 110 "... tout ce qui existe formellement a une idée qui lui correspond objectivement." pg 111: "l'idée de l'idée, c'est la forme de l'idée, rapportée comme telle à la puissance de penser."
Je ne suis pas du tout sure que cela vaut partout, mais pour l'instant, dans ma propre lecture, ça marche. »

Miam:
La notion commune n’est rien d’autre que l’appréhension d’une essence actuelle, c’est à dire d’un rapport de mouvement et de repos commun d’une partie synthétique d’un corps et du mien. Vous verrez que tout le deuxième genre de connaissance se fonde sur l’idée de l’essence actuelle. Comment ce pourrait-il autrement puisque l’idée qui constitue notre Mental est celle d’une chose existant en acte. Si l’on peut avoir quelque notion adéquate de cette chose, ce sera en saisissant son essence actuelle qui peut « être dit exister » et existe en acte devant nous, non son essence formelle. Et cette essence actuelle, saisie par la notion commune, ce n’est rien d’autre que le conatus commun entre mon Corps et un autre corps. Le deuxième genre de connaissance, la notion commune, est la production d’un conatus commun et par cela d’un individu (concours des causes). C’est l’aspect dynamique du second genre de connaissance.


ce qui ne m'est pas encore très clair pour l'instant, c'est en effet ce qui est commun, dans la notion commune. Une même propriété dans deux essences (essence actuelle, si vous voulez; je n'ai pas encore trop fait attention à la relation connaissance du 2e genre - essence actuelle)? Ou le fait de composer ensemble un troisième individu, résultante de cette composition de deux rapports? Vous situeriez votre notion de 'synthèse' plutôt au premier niveau (dans ce cas, l'identité pré-existe à la synthèse) ou au deuxième nvieau (c'est la synthèse qui crée l'identité / le fait d'avoir quelque chose en commun)?

Puis: si la notion commune saisit la chose en tant qu'elle existe en acte, est-ce que cela exclut que ce qu'elle saisit, c'est l'être formel de cette chose (mais alors je fais à nouveau une distinction entre l'être formel et l'essence formelle: comme il est impossible que 2 essences ont quelque chose en commun (au niveau de ce qui les constitue en tant qu'essence), je suppose qu'une notion commune d'une essence formelle n'est pas vraiment possible. Par contre, saisir cette essence dans ce qu'elle a de formel, c'est-à-dire par ce par quoi elle appartient à d'autres attributs que celui de la Pensée, devrait éventuellement être possible, sans toucher à ce qui la constitue vraiment. Je devrais donc d'urgence consulter Wolfson, si lui aussi fait la distinction entre les deux.

Miam a écrit :« les idées elles-mêmes peuvent être actives ou passives? Je croyais jusqu'à présent que l'Esprit était active quand il avait une idée adéquate? »

En tant qu’affects. Les affects actifs sont des idées adéquates. Les affects passifs des idées inadéquates. Quand je dis « idée active » ou « passive », cela veut dire adéquate ou inadéquate mais du point de vue dynamique, car l’une est une puissance causale, un degré de puissance et l’autre n’est que l’idée d’un effet et effet elle-même sans nulle puissance causale sinon éventuellement celui du « commun » auquel elle se greffe. Bref, ce n’est que cela, un simple choix de vocabulaire pour mettre l’accent sur la puissance de l’idée plutôt que sur sa structure, puisqu’on se demande tous s’il faut distinguer comme Wolfson entre « être » et « essence »


Dans ma perception actuelle, en introduisant la possibilité de penser les idées elles-mêmes comme actives ou passives, vous me semblez en effet introduire une puissance causale à un niveau où je ne l'aurais jamais mis. Certes, une idée peut causer une idée (il n'y a même rien d'autre qui peut causer une idée), et quand nous avons une idée adéquate, nous sommes actifs, l'Affect est donc une action. Nous agissons. Et cela parce que c'était notre Esprit seul, sans le concours de causes externes, qui a causé cette idée.
Mais cette idée elle-même reste bel et bien un effet, non (je ne vois pas ce que le fait d'être adéquate ou inadéquate y changerait; cela ne change quelque chose qu'au niveau du nombre des causes, j'ai l'impression) ?

Miam a écrit :
« Une idée qui serait cause de soi? »

Mais enfin non. Etre la cause d’une autre idée dans une définition génétique suffit pour qu’une idée soit active. Il suffit que l’idée de la cause soit la cause de l’idée de l’effet. Bref que la production des idées soit la même que celle de ses objets. On nomme cela la causalité immanente. Et cette idée active est bien sûr aussi elle-même l’effet d’une autre idée. Une idée qui suit d’une autre, c’est l’effet de cette autre. Si l’idée inadéquate est comme une « conséquence privée de prémisse », c’est qu’elle n’est pas connue par sa cause.


Essayons avec un exemple. Un orage. Un éclair sur un arbre. Arbre pulvérisé. Je vois l'arbre pulvérisé, et j'en ai une idée. Comment en avoir une 'idée active'? "Il suffit que l'idée de la cause soit la cause de l'idée de l'effet". Idée de l'effet = idée de l'arbre pulvérisé. Cause de cette idée: le fait que je me trouve par hasard devant cet arbre. Dans ce cas, l'idée est inadéquate (arrivée en plein soleil, je ne vois pas le lien avec un orage, j'ai donc une idée d'une conséquence sans avoir l'idée des prémisses). Arrive un paysan qui m'explique l'orage et son effet dévastateur. J'ai donc une deuxième idée: celle de l'orage et de l'éclair, c'est-à-dire, l'idée de la cause de l'effet. Que la cause de cette deuxième idée ne soit pas moi-même mais le discours du paysan n'a pas d'importance. Ce qui est important, c'est que j'ai maintenant une idée de l'effet (arbre pulvérisé), et une idée de la cause de cet effet (orage). Mais dans ce cas, l'idée de la cause de cet effet (donc l'idée de l'orage) n'est pas la cause de l'idée de l'effet (donc l'idée de l'arbre pulvérisé). Pour que l'idée de la cause soit elle-même cause de l'idée de l'effet, faudrait-il que je voyais avec mes propres yeux l'éclair détruisant l'arbre? Serait-ce la condition pour avoir une idée adéquate de l'arbre pulvérisé, en langage spinoziste? Si oui: pourquoi ne pourrais-je pas avoir une idée adéquate de l'arbre pulvérisé sur base de l'exposé du paysan?

Miam a écrit :« oui, voilà la question en effet. En tout cas, je ne suis pas sure si des idées confuses qui sont connues par leurs causes, deviennent du coup adéquates (cela se trouve peut-être dans la 5e partie?). Suffit-il de connaître quelque chose par sa cause pour que l'idée qu'on en a devient adéquate? Comme l'adéquation est une dénomination intrinsèque, j'aurais plutôt tendance à dire: non. Il faut que l'idée devient moins confuse. Alors quelle est la relation entre 'plus ou moins confus' et 'connaître par la cause'? Ne faut-il pas plutôt situer le 'connaitre par la cause' du côté de la dénomination extrinsèque, et donc du côté de l'idée vraie? »

C’est bien gentil de vouloir inverser ma conception mais ce n’est pas possible, parce que précisément la cause immanente est une « cause interne » comme la nomme partout le CT et comme on peut s’en apercevoir un peu partout puisque c’est une cause qui demeure présente dans l’effet, de sorte que tout mode fini est infini par sa cause et partant, que son essence recèle cette infinité.


(Plutôt que de vouloir inverser votre conception, je voulais juste vous faire part de quelques questions/incertitudes à moi.)

Je n'ai pas encore lu le CT, mais j'ai déjà rencontré quelque part la différence cause immanente - cause transcendante (si je ne m'abuse). J'ai bien compris qu'en effet, dans la causalité immanente la cause est interne (dans le sens où Dieu cause les événements dans la nature mais est en même temps cette nature elle-même).
Mais le lien entre idée adéquate d'une chose et la chaîne causale qui a produit cette chose ne m'est pas encore très claire (en tout cas, cette chaîne me semble infinie, donc impossible de la penser 'adéquatement' (dans le sens courant du terme).

Miam a écrit :« donc même question: comment faites-vous pour penser une puissance causale des idées? Pour l'instant, j'attribuais cette puissance causale à l'Esprit, jamais à une idée comme chose singulière. »

Parce que l’Esprit (comme vous dites) ce n’est pas une idée ?


oui. Disons que je le (l'Esprit/Mental) voyais comme puissance causale que dans sa totalité. Une idée qui n'EST pas mon Esprit mais qui est une idée parmi l'infinité d'idées qu'il A, peut-elle avoir une puissance causale? Si oui, comment déterminer la 'grandeur' de cette puissance?

A bientôt pour la suite,
Louisa

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Messagepar Louisa » 17 juil. 2005, 01:05

Cher Miam,

voici la quatrième et, j'espère, dernière partie de ma réponse (les deux premières se trouvant sur la pg. 20).

Miam a écrit :D’accord. Les idées inadéquates ne sont en Dieu que comme parties ou effets (quid idem est) des idées adéquates. Il n’empêche qu’elles sont en Dieu. Ensuite je distingue les idées adéquates des idées claires et distinctes, en ce que ces dernières sont les premières considérées comme effets seulement, mais cela n’a pas d’importance ici.

Dans ce qui suit, du coup, je ne vois pas pourquoi les êtres objectifs devraient être tous adéquats puisqu’ils sont les mêmes idées que celles qui sont contenues dans l’attribut. Toutes les idées sont en Dieu, y compris les modes du penser. Le tout est de savoir si le Mental les rapporte à Dieu, et en quelle manière. C’est le Deus quatenus.


oui, justement: j'avais lu ces idées des choses qui n'existent pas du point de vue de Dieu, et non du point de vue de l'Esprit humain. De toutes les choses qui n'existent pas (et qui doivent être de nombre infini, vu l'infinité de Dieu, donc je suppose que nos idées de choses dont on sait qu'elles n'existent pas n'en forment qu'une toute petite partie), Dieu en a une idée. Ce n'est que dans l'Esprit humain que ces idées peuvent être adéquates ou non, mais en Dieu elles devraient être de toute façon adéquates, à mon avis. Il s'agit des idées que ces choses SONT en Dieu, et ces idées sont toujours adéquates et vraies (conviennent toujours avec leur objet). Dans ce sens, si on voulait lire les 'êtres objectifs' ici comme étant eux-mêmes des idées, je pouvais les comprendre si on y lisait 'essence objective' comme définie dans le TRE.

Miam a écrit :L’adéquation est relative au Mental considéré et au mode du rapport à Dieu. Si l’on a un être objectif que l’on fait suivre de l’idée de Dieu, alors cette idée est adéquate, ou du moins vraie (« Toutes les idées, considérées dans leur rapport avec Dieu sont vraies » II 32). Mais ce n’est que rarement le cas. Sans quoi toutes nos idées seraient derechef adéquates. L’adéquation, dans l’Ethique du moins, non encore dans le TRE, est la relation d’une idée constituant un Mental à Dieu, ce n’est pas la propriété d’une idée considérée comme une entité séparée.


Donc idem: je lirais cette proposition comme ne parlant que des idées que les choses non existantes sont, et pas des idées que les humains peuvent avoir de ces choses. Mais cela n'est peut-être pas tout à fait justifié.

Miam a écrit :« si vous comprenez 'idée' par 'être objectif', je ne suis pas du tout sure qu'il s'agit de la même idée. L'idée de Pierre dans le Mental de Paul ne doit-elle pas envelopper aussi bien la nature de Pierre que celle de Paul? Et donc d'office avoir un autre objet? Et donc être différente? »

Non, précisément. C’est la même idée, l’idée de Pierre, en tant qu’elle constitue le Mental de Pierre ou en tant qu’elle constitue le Mental de Paul. Remarquez que dans l’Ethique, l’idée que Pierre a de lui même peut être aussi confuse que l’idée que Paul à de Pierre. Dans le TRE ce n’est pas le cas parce que Spinoza considère le mental comme une idée sans poser la question de sa « constitution », précisément parce qu’il ne distingue pas être objectif et mode, non plus que puissance d’agir et puissance de penser. Toute la métaphysique de l’Ethique manque. La « constitution », c’est la découverte de l’Ethique à partir de l’aspect dynamique et relatif de l’idée qui apparaît avec la notion d’adéquation.


Donc: vous prenez 'dynamique' dans son étymologie grecque, 'dynamis' = puissance? L'aspect dynamique de l'Ethique, c'est alors pour vous le fait que les idées y sont liées au thème de la puissance, thème que vous liez (enfin, vous direz sans doute: que Spinoza lie...) également à la causalité et la distinction de l'ordre des causes et celui des effets, et par là à la notion d'adéquation? Si oui: j'ai juste compris ceci, mais cela reste encore très vague pour moi. Et l'importance de la 'constitution' là-dedans ne m'est pas encore très claire non plus.

Pour le reste : dans l'Ethique aussi je ferais la distinction entre les idées que Pierre a (dont notamment l'idée de soi) et l'idée que Pierre est en Dieu (qui connaît tout son Esprit adéquatement, contrairement à lui-même, pe).

miam a écrit :
« pourtant, TRE 35 pe dit bien "adaequatam ideam aut essentiam objectivam" »

Vous avez raison. Il faudrait étudier plus attentivement les deux notions dans le TRE. Mais on ne parle jamais du TRE. On ne l’analyse jamais malgré une tentative avortée, je le déplore, de « lecture cursive » (voir sujets anciens). Le TRE diffère beaucoup de l’Ethique et à la fois le prépare. Remarquez toutefois que votre citation correspond à la première (ou l’une des premières ?) apparition de l »idée adéquate » dans le TRE et qu’à ce niveau du TRE, on ne sait pas encore ce qu’est une idée adéquate. Il me semble que l’échec du TRE vient de l’incomplétude de sa théorie des idées. Il ne suffit pas de connaître les propriétés de l’entendement. Il faut une définition de l’entendement. Nous ne l’avons pas sinon en construisant une théologie et une anthropologie. Et c’est l’Ethique. Du coup l’être objectif de l’Ethique n’est plus l’essence objective du TRE. Ou du moins, s’il s’agit de la même notion, elle s’enrichit.


merci pour le lien vers la lecture du TRE, que je n'avais pas encore découvert. En tout cas, avoir lu le TRE me semble en effet indispensable pour une bonne compréhension de l'Ethique. J'espère pouvoir l'entamer vraiment en octobre. Si quelqu'un avait en ce moment-là envie de reprendre la lecture ici, cela m'intéresse bien.
Puis, comme vous avez pu lire dans le nouveau fil qu'a ouvert bardamu: je suis d'accord avec l'idée que dans l'être objectif de l'Ethique pourrait être différent que l'essence objective du TRE.
Quant à l'échec éventuel du TRE: ne l'ayant pas encore vraiment lu, je ne peux pas en juger.

Miam a écrit :« Comme je l'avais compris jusqu'à présent, il ne dit pas que ces choses n'existent pas. L'idée de leur essence n'enveloppe pas l'existence, c'est-à-dire elles ne sont pas dans la durée, »

L’essence d’une chose finie n’enveloppe jamais son existence, même si le Mental éternel existe selon son essence.


non, d'accord, mais je parlais de l'idée de leur essence. Celle-ci peut bel et bien envelopper l'existence, et cela arrive dès que l'essence existe aussi dans la durée (II 8 cor: ".. mais en tant également qu'elles sont dites durer, les idées également envelopperont l'existence, par quoi elles sont dites durer."

Miam a écrit : Jamais aucune chose finie ne peut savoir quand et jusque quand elle existe en acte, pas même le Mental éternel. Ces deux choses seront toujours contingentes pour le fini.


oui, d'accord, mais cela n'empêche que les choses qui n'existent pas dans la durée, existent quand même éternellement en Dieu. Comme vous le dites, la contingence ne vaut que du point de vue du fini. Du point de vue de Dieu, les idées des choses non existantes dans la durée, existent, et cela en tant qu'il existe une idée infinie de Dieu, tout comme ces choses elles-mêmes sont éternellement comprises dans les attributs de Dieu.

Miam a écrit :« Comme je peux difficilement m'imaginer que Dieu puisse percevoir une chose d'une manière confuse, je partais de l'idée que les idées de ces choses singulières non existantes dans la durée, devraient être des idées adéquates 'en Dieu' (je crois que vous avez raison d'accentuer le 'en' par rapport à l'adéquation: clair et distinct ne veut rien dire s'il n'y a pas un Esprit qui voit. Il s'agit donc toujours de l'idée 'du point de vue' d'un Esprit spécifique, celui de Dieu ou de quelqu'un d'autre, à mon avis). »

Oui enfin : je dis qu’elles ne sont pas même adéquates en Dieu mais seulement claires et distinctes parce qu’elles ne possèdent pas de puissance intrinsèque propre et qu’elles ne sont que des effets. Mais bon : tout ce que je dis peut apparaître comme un ensemble de nuances…


Pour pouvoir dire si pour moi, cela ne sont que des nuances, je devrais vraiment comprendre ce que vous voulez dire par 'puissance intrinsèque propre' et n'être que des effets' (comment concevoir cela, si I 36 dit que de tout ce qui existe il s'ensuit un effet?). En tout cas, un système dans lequel on abandonne les causes finales et où l'adéquation se définit par la causalité, et l'essence par la puissance, doit sans doute penser la causalité et la puissance d'une manière très spécifique. Je suis loin d'avoir tout compris là-dessus, donc il est bien possible que ce que vous écrivez ici ne soient pas du tout des nuances ... . Or comme le disait Van Gogh en parlant de l'art du dessin : "Car les grandes choses ne se font pas par impulsion seulement, et elles sont un enchaînement de petites choses réunies en un tout. ... il ne sert de rien d'y frapper fort, on doit miner le mur et le traverser à la lime, lentement et avec patience". Il ajoute: "Et il en est des choses artistiques comme des autres". Spinoza, en polissant ses lentils, devrait sans doute savoir de quoi il parle ... .
Bien à vous,
Louisa

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Messagepar Miam » 19 juil. 2005, 14:08

Salut Louisa,

« J'en conclus (hypothèses en combinant ceci avec l'Ethique) que :
1) l'être formel de la chose pourrait être la façon dont la chose est comprise dans les attributs formels de Dieu »

"Dans les attributs de Dieu". Pourquoi les attributs formels ? Cela semble une redite. Les modes du penser sont aussi contenus comme êtres formels dans l’attribut pensée. Donc :

»2) l'être objectif de la chose pourrait être la façon dont la chose est comprise dans l'attribut de la Pensée »

Non. Spinoza dit bien que l’être objectif est compris dans l’idée de Dieu (II 8). Et les modes du penser sont aussi des êtres formels.

« 3) à l'être formel de l'idée correspond un être objectif de la chose (l'être objectif de la chose constitue l'objet de l'idée). »

Non L’être formel est « constitué » par l’être objectif du mode correspondant (II 13 et 15d) : « L’idée qui constitue l’être formel du Mental humain est l’idée du Corps » (II 15d). Quant à considérer l’être objectif comme l’objet de l’idée, vous savez que je ne suis pas d’accord, puisque précisément, comme le montre aussi cette dernière citation, l’objet de l’idée est un mode (II 13 et A15d) ou une chose (modalité) (II 11). Je me demande toujours où vous lisez chez Spinoza (je ne parle pas de l’acception scolastique) l’assimilation de l’être objectif et de l’objet de l’idée.

« Pour moi, cela veut dire que les choses sont contenu de manière objective dans l'idée de Dieu, c'est-à-dire en étant un objet de l'idée de Dieu »

Mais l’objet de l’idée de Dieu, c’est Dieu lui-même. C’est tout le schmilblick. Alors les attributs eux-même devraient être des êtres objectifs comme « objets de l’idée de Dieu ». Alors les attributs eux-mêmes « suivraient de l’idée de Dieu », ce qui est absurde puisque l’idée de Dieu c’est aussi l’entendement de Dieu qui est le mode d’un attribut. Comment un attribut pourrait-il « suivre » de l’aspect objectif d’un de ses modes, fût-il infini ?

Ensuite qu’est-ce qui peut « suivre » d’une idée sinon une autre idée ? Un corps (objet) ne saurait « suivre » d’une idée, fût-elle l’idée de Dieu. Faire suivre l’ objet d’une idée, de cette idée, c’est pécher contre le parallélisme.

« Tandis que l'être des essences qui sont des idées »

Ah pardon ! L’être de l’essence des PM ne se distingue pas des modes contenus dans tous les attributs : il « n'est rien d'autre que la façon dont les choses créées sont comprises dans les attributs de Dieu ». Ce ne sont donc pas les idées mais tous les modes en général, considérés en tant qu’essences.

« Mais alors, quelle serait la différence entre 'être objectivement dans une idée' et 'être objectif'? »

Où y a-t-il « être objectivement dans une idée » ? Je ne lis que « suivre objectivement d’une idée (l’idée de Dieu) ».

« ce qui ne m'est pas encore très clair pour l'instant, c'est en effet ce qui est commun, dans la notion commune. Une même propriété dans deux essences (essence actuelle, si vous voulez; je n'ai pas encore trop fait attention à la relation connaissance du 2e genre - essence actuelle)? Ou le fait de composer ensemble un troisième individu, résultante de cette composition de deux rapports? »

Les deux. Ce qui est commun, le « propre commun » est un individu. Le propre commun ne précède ni ne suit la production de la notion commune

« Puis: si la notion commune saisit la chose en tant qu'elle existe en acte, est-ce que cela exclut que ce qu'elle saisit, c'est l'être formel de cette chose (mais alors je fais à nouveau une distinction entre l'être formel et l'essence formelle: comme il est impossible que 2 essences ont quelque chose en commun (au niveau de ce qui les constitue en tant qu'essence), je suppose qu'une notion commune d'une essence formelle n'est pas vraiment possible ».

C’est l’essence actuelle que saisit la notion commune. Actuelle parce que actuellement existante dans la durée. La notion commune n’est pas différente d’un concours de conatus, c’est à dire d’essences actuelles, de façon à produire un même effet. C’est donc une partie de l’essence actuelle (conatus) d’une chose que je saisit dans la notion commune. Et de ce fait j’ai l’idée de l’essence actuelle de cette partie de chose ou propre commun.

Ensuite : une idée passive n’est qu’un effet : elle n’a pas de puissance causale. L’idée de Pégase n’est pas cause d’une autre idée, sinon par association entre des images, mais il s’agit alors de l’ordre des affections (des effets). Une idée active est bien sûr aussi un effet, mais également une cause et comprend en elle la causalité immanente et infinie qui fait d’elle cette cause (degré de puissance infinie).

« Que la cause de cette deuxième idée ne soit pas moi-même mais le discours du paysan n'a pas d'importance. »

Ah si ! Parce qu’il s’agit alors d’une connaissance par ouï-dire, qui est derechef inadéquate. Et c’est bien cela le problème que pose votre exemple.

« Il s'agit des idées que ces choses SONT en Dieu, et ces idées sont toujours adéquates et vraies (conviennent toujours avec leur objet). Dans ce sens, si on voulait lire les 'êtres objectifs' ici comme étant eux-mêmes des idées, je pouvais les comprendre si on y lisait 'essence objective' comme définie dans le TRE. »

Certes « Toutes les idées, en tant qu’elles sont en Dieu, sont vraies ». (II 32d). Mais adéquate ? je ne crois pas. Est-ce que l’adéquation n’est pas strictement relative au Mental et au rapport de l’idée qui le constitue à Dieu (logique du Deus quatenus…) ? Sinon, bien sûr, comme je l’ai dit à Bardamu : toutes les idées qui sont en nous confuses parce que séparées de leur cause (« conséquences sans prémisse ») ne le sont plus en Dieu. Mais cela ne veut pas dire que tous les êtres objectifs qui suivent de l’idée de Dieu sont des idées adéquates en nous puisque cela dépend de la manière dont ils constituent l’essence de notre Mental. Une idée confuse qui constitue l’essence de notre Mental, c’est un être objectif qui suit de l’idée de Dieu. Mais nous pouvons avoir cette idée sans qu’elle soit par nous rapportée à sa cause et, en dernière instance, à l’idée de Dieu (cf. les définitions du cercle et de la sphère dans le TRE). C’est du reste pourquoi elle est confuse.

Bien à vous
Miam

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Messagepar Louisa » 25 juil. 2005, 23:55

Salut Miam,

comme déjà dit, jusque fin septembre je suis dans une situation où je peux moins fréquemment qu'avant visiter ce forum, donc désolée pour les retards dans mes réponses.

Miam a écrit :« J'en conclus (hypothèses en combinant ceci avec l'Ethique) que :
1) l'être formel de la chose pourrait être la façon dont la chose est comprise dans les attributs formels de Dieu »

"Dans les attributs de Dieu". Pourquoi les attributs formels ? Cela semble une redite. Les modes du penser sont aussi contenus comme êtres formels dans l’attribut pensée.


Le raisonnement était le suivant:
- l'Être de l'Essence est la façon dont les choses créées sont comprises dans les attributs de Dieu
- prenons n'importe quelle essence, donc une 'chose'
- alors: l'être de la chose est la façon dont cette chose créée est comprise dans les attributs de Dieu
- si on ne prend que l'être formel de la chose, cela désigne la façon dont la chose est comprise dans les attributs formels de Dieu. Si on prend l'être objectif de la chose, cela désigne la façon dont la chose est comprise dans l'attribut Pensée de Dieu.

Dans le paragraphe juste avant (toujours PM I Ch II), il dit: "Dieu contient éminemment ce qui se trouve formellement dans les choses créées; c'est-à-dire Dieu a des attributs tels que toutes choses créées y soient contenues de façon plus éminente". Il y ajoute: "Dieu se connaît lui-même et connaît toutes choses, c'est-à-dire qu'il a aussi en lui toutes choses objectivement." Il réfère aux Principes de la Philosophie de Descartes PPDI AX 8: "Tout ce qu'il y a de réalité ou de perfection dans une chose se trouve ou formellement ou éminnemment dans sa cause première et adéquate. J'entends par 'éminemment' que la cause contient toute la réalité de l'effet plus parfaitement que l'effet lui-même: par 'formellement' qu'il la contient avec une perfection égale." Prenons l'ax. IX avec: "La réalité objective de nos idées requiert une cause dans laquelle cette même réalité soit contenue non pas seulement objectivement, mais formellement ou éminemment."

Les modes de la Pensée semblent donc être contenus dans leur cause de deux façons différentes: formellement et objectivement. En tant qu'ils sont eux aussi des choses créées, Dieu contient éminemment ce que ces modes contiennent formellement. Mais comme Dieu connaît toutes choses, et donc aussi les modes de la Pensée, il contient également en lui ces modes de la Pensèe de manière objective (ce qui veut dire qu'il en a une idée, je suppose?).

Donc je dirais: oui, les modes de la Pensée sont aussi contenus comme êtres formels dans l'attribut Pensée, mais peut-être que l'un n'exclut pas l'autre. Eventuellement, chaque mode est contenu comme être formel dans son attribut à lui. Dans ce cas, tout mode a un être formel, et c'est ce par quoi il est contenu dans son attribut. Alors s'il s'agit d'un mode de la Pensée, son être formel est contenu dans l'attribut Pensée.
Ensuite, tout mode a aussi un être objectif, c'est ce par quoi il est contenu dans l'idée de Dieu. L'être objectif de l'idée, c'est donc ce par quoi il est contenu dans l'idée de Dieu, ou c'est le fait que Dieu a une idée de cette idée.

Si cela serait correcte (mais ça reste à vérifier, évidemment), pourrait-on dire que tous les attributs sont des attributs formels, mais que l'attribut Pensée est un attribut formel spécifique, c'est-à-dire un attribut dont les modes sont des idées, qui se caractérisent, contrairement aux autres modes, par le fait qu'elles ont un objet? Et que ces objets peuvent notamment être des modes d'autres attributs (pe dans le cas de l'Esprit humain, constitué par une idée dont l'objet est le Corps, donc un mode appartenant à l'attribut Etendue)?

Miam a écrit :»2) l'être objectif de la chose pourrait être la façon dont la chose est comprise dans l'attribut de la Pensée »

Non. Spinoza dit bien que l’être objectif est compris dans l’idée de Dieu (II 8). Et les modes du penser sont aussi des êtres formels.


oui, l'être objectif est compris dans l'idée de Dieu et les idées sont aussi des êtres formels. Je ne vois pas en quoi cela empêcherait que l'être objectif d'une chose soit la façon dont cette chose est comprise dans l'attribut de la Pensée, ou, si vous voulez, dans l'idée de Dieu?

Miam a écrit :« 3) à l'être formel de l'idée correspond un être objectif de la chose (l'être objectif de la chose constitue l'objet de l'idée). »

Non L’être formel est « constitué » par l’être objectif du mode correspondant (II 13 et 15d) : « L’idée qui constitue l’être formel du Mental humain est l’idée du Corps » (II 15d).


Je crois que j'ai été un peu trop vite, ou que j'ai utilisé ce 'constituer' de façon un peu trop légère. A mon avis, vous avez raison d'accentuer une distinction entre 'être' et 'constituer', et de souligner une signification précise pour 'constituer' chez Spinoza. Je ne ressens pas encore trop en quoi pourrait consister la différence ou le sens spécifiquement spinoziste de la constitution, mais j'ai l'impression qu'il soit intéressant de travailler là-dessus.
Je ne voulais donc pas dire que l'être objectif EST l'objet de l'idée, mais que c'est parce que la chose à un être tel qu'elle peut être prise comme objet d'une idée. Dans ce sens, l'être formel de l'idée doit consister en le fait d'avoir un objet; il doit donc forcément y avoir une chose qui puisse constituer cet objet.

Miam a écrit :Quant à considérer l’être objectif comme l’objet de l’idée, vous savez que je ne suis pas d’accord, puisque précisément, comme le montre aussi cette dernière citation, l’objet de l’idée est un mode (II 13 et A15d) ou une chose (modalité) (II 11). Je me demande toujours où vous lisez chez Spinoza (je ne parle pas de l’acception scolastique) l’assimilation de l’être objectif et de l’objet de l’idée.


il est tout à fait vrai qu'ici, dans ce que j'avais écrit, je semblais assimiler être objectif et objet de l'idée (pas via le verbe 'être', mais via le 'constituer'), mais j'espère que dans la rectification que je viens de faire, il soit au moins clair que je ne crois pas que l'être objectif, c'est l'objet de l'idée. Pour l'instant, je garde l'hypothèse que l'objet de l'idée est toujours un être formel (sur base du TRE 33: sachant qu'il définit là l'essence objective comme étant l'idée vraie ou adéquate, il y dit que "l'idée, en tant qu'essence formelle, peut être l'objet d'une autre essence objective", puis "l'idée de Pierre est quelque chose de réel, ayant son essence particulière (pour ceux qui se demandent s'il existe des essences singulières chez Spinoza: dans le TRE en tout cas oui, apparemment), elle sera également intelligible, c'est-à-dire l'objet d'une autre idée qui aura objectivement en elle, tout ce que l'idée de Pierre a formellement". TRE 34: "l'essence objective.., c'est-à-dire ... la manière dont nous sentons l'essence formelle").
Donc: pour moi, pour l'instant:

1) l'objet de l'idée, c'est un être formel
2) l'idée a elle-même un être formel (en tant qu'elle est comprise dans l'attribut Pensée) et l'idée a un être objectif (en tant qu'elle est comprise en l'idée de Dieu, donc en tant qu'elle est l'objet de l'idée de Dieu)
3) et la chose a un être formel (en tant qu'elle est comprise dans les attributs formels de Dieu) et un être objectif (en tant qu'elle est comprise en l'idée de Dieu, donc en tant qu'elle est objet de l'idée de Dieu, ou en tant qu'elle suit objectivement de l'idée de Dieu)

Miam a écrit :« Pour moi, cela veut dire que les choses sont contenu de manière objective dans l'idée de Dieu, c'est-à-dire en étant un objet de l'idée de Dieu »

Mais l’objet de l’idée de Dieu, c’est Dieu lui-même. C’est tout le schmilblick.


oui, mais l'objet de l'idée de Dieu, c'est l'être formel de Dieu. C'est deux fois Dieu, mais une fois en tant qu'idée, et une fois en tant qu'être formel.

Miam a écrit :Alors les attributs eux-même devraient être des êtres objectifs comme « objets de l’idée de Dieu ». Alors les attributs eux-mêmes « suivraient de l’idée de Dieu », ce qui est absurde puisque l’idée de Dieu c’est aussi l’entendement de Dieu qui est le mode d’un attribut. Comment un attribut pourrait-il « suivre » de l’aspect objectif d’un de ses modes, fût-il infini ?


Une différence entre votre usage de l'être objectif et le mien pourrait se trouver dans les verbes être/avoir. Pour moi, rien n'EST un être objectif, mais toute chose A un être objectif. L'objectif, c'est ce qui qualifie une chose. Tandis que pour vous, l'objectif semble d'office être assimilé à une essence même. Qu'en diriez-vous?
Pour moi, tout attribut a en effet un être objectif, mais ils ne SONT pas des êtres objectifs (ce sont des êtres formels, si vous voulez, donc ils suivent de 'l'éminence' de Dieu, de la réalité de Dieu). En tant que chaque attribut a un être objectif, c'est-à-dire puisse être l'objet d'une idée, il suit, dans ce sens précis, également de l'idée de Dieu. Mais cela, ce n'est que parce que les différents 'Êtres' que Spinoza distingue, "ne se distinguent les uns des autres que dans les créatures".."mais non du tout en Dieu" (PM I CH II). Tout suit donc de l'idée de Dieu, mais seulement en tant que Dieu a une idée de tout.

Miam a écrit :Ensuite qu’est-ce qui peut « suivre » d’une idée sinon une autre idée ? Un corps (objet) ne saurait « suivre » d’une idée, fût-elle l’idée de Dieu. Faire suivre l’ objet d’une idée, de cette idée, c’est pécher contre le parallélisme.


oui, tout à fait d'accord. Tout suit de l'idée de Dieu, mais seulement 'en tant que' Dieu en a une idée. L'objet ne suit pas de l'idée de Dieu, l'objet est un être formel. L'objet suit donc formellement de Dieu. Mais son être objectif, le fait que cet être formel puisse être pris comme objet d'une idée, le rend possible, pour Dieu, d'en avoir une idée. Et en tant qu'il existe une idée de la chose ou de son être formel, la chose suit aussi (mais seulement dans ce sens-ci) de l'idée de Dieu. En tant que Dieu en a une idée, donc.

Miam a écrit :« Tandis que l'être des essences qui sont des idées »

Ah pardon ! L’être de l’essence des PM ne se distingue pas des modes contenus dans tous les attributs : il « n'est rien d'autre que la façon dont les choses créées sont comprises dans les attributs de Dieu ». Ce ne sont donc pas les idées mais tous les modes en général, considérés en tant qu’essences.


je crains qu'il s'agit d'un malentendu. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez ici. Je ne voulais parler dans la suite de la phrase que de ces essences qui sont des idées (ou de ces modes qui sont des idées), donc pas de tous les modes/essences en général. Je ne voulais pas dire que les idées sont l'être des ou de toutes les essences, si c'est ça ce que vous avez lu?

Miam a écrit :« Mais alors, quelle serait la différence entre 'être objectivement dans une idée' et 'être objectif'? »

Où y a-t-il « être objectivement dans une idée » ? Je ne lis que « suivre objectivement d’une idée (l’idée de Dieu) ».


PM I CH.II, paragraphe juste avant:

"Dieu se connaît lui-même et connaît toutes choses, c'est-à-dire qu'il a aussi en lui toutes choses objectivement."

Je suppose qu'il a en lui toutes les choses objectivement en tant qu'il en a une idée, et en tant que l'idée de Dieu, c'est l'idée qui comprend toutes les idées?

Miam a écrit :« ce qui ne m'est pas encore très clair pour l'instant, c'est en effet ce qui est commun, dans la notion commune. Une même propriété dans deux essences (essence actuelle, si vous voulez; je n'ai pas encore trop fait attention à la relation connaissance du 2e genre - essence actuelle)? Ou le fait de composer ensemble un troisième individu, résultante de cette composition de deux rapports? »

Les deux. Ce qui est commun, le « propre commun » est un individu. Le propre commun ne précède ni ne suit la production de la notion commune


et ce propre commun constituerait alors le nouveau individu? Le composerait? Le fait d'être composé de ces deux individus serait-il alors un propre du 3e individu, ou constituerait-il vraiment l'essence de ce 3e individu? Je me pose ces questions parce que pour l'instant je pars de l'idée que le propre, ce n'est pas ce qui appartient à l'essence. Cela vous semble justifié dans le cas de Spinoza?

Bon, je vais hélas devoir interrompre ici.
A très bientôt pour la suite, j'espère,
Louisa

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Messagepar Pourquoipas » 26 juil. 2005, 11:40

,,,
Modifié en dernier par Pourquoipas le 04 janv. 2009, 12:42, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 26 juil. 2005, 13:24

Bonjour Jean-François,

Jean-François a écrit :
Tout cela est bel et bon, mais n'auriez-vous pas tendance à oublier que le titre du maître-ouvrage de Spinoza est Ethique et qu'il s'agit de nous conduire "comme par la main" vers notre béatitude suprême ? A chaque fois que je lis Spinoza ou un commentaire de lui, je me demande toujours : en quoi cela peut-il me rendre plus joyeux, plus libre, plus sage ?


est-ce qu'en tant que spinoziste, il est possible et pensable d'oublier son conatus, son effort pour devenir plus joyeux? Je ne crois pas. Par contre, la joie est éminemment 'subjective', ou, pour prendre un terme plus approprié, 'individuelle': le bon ne désigne jamais une chose, mais c'est parce qu'une chose fait concrètement augmenter la joie de quelqu'un que, pour cette personne et pour elle seule, la chose sera appellée bonne. Désolée donc si cette discussion ne vous rend pas vraiment plus joyeux, mais dans un spinozisme, il est à mon avis difficile de supposer qu'elle ne rende pas joyeux ceux qui y participent activement. Ce qui, hélas, ne garantit en rien que d'autres puissent du même coup se sentir plus libres en la lisant (on ne peut que l'espérer, c'est tout ...).

Jean-François a écrit :A part ça, j'ai comme vous tous un mal fou avec cette foutue question des essences... Si vous le permettez, peut-être interviendrai-je un jour à ce sujet. Mais j'essaie, avant tout, de ne pas me perdre dans les mots et de considérer les choses elles-mêmes (point sur lequel insiste souvent notre Hollandais judéo-lusitanien).


Atteindre la béatitude suprême, ne plus considérer les mots mais avoir accès aux choses elles-mêmes, n'est-pas ce que Spinoza situe au niveau de la connaissance du 3e genre? Et donc au niveau de l'intuition immédiate des essences des choses? Si considérer les choses elles-mêmes suffit pour avoir accès à la béatitude suprême, alors oui, 'pourquoi pas', moi je veux bien. Seulement ... comment y arriver?

Or, à mon avis, le sujet de cette discussion ici se situe plutôt au niveau du 2e genre de connaissance: on essaie simplement de trouver un peu de cohérence dans ce que Spinoza a écrit, et cela principalement au niveau des notions d'idées, d'objets, de modes, d'attributs, d'objectif-formel, et d'essence. En essayant de déchiffrer ces 'signes', nous 'expérimentons' juste ce qu'écrit Spinoza dans l'E2P47 scolie : "la plupart des erreurs consistent seulement en ceci que nous n'appliquons par correctement les noms aux choses". Il explique comment cela arrive: on associe, en entendant ou en lisant des mots de quelqu'un d'autre, à ces mots ce que notre Corps a appris d'y associer, en fonction de notre propre parcours historique. Cela ne garantit en rien que c'était cela ce que l'auteur voulait exprimer par ces mots. Les mots sont des images, pas des idées. Ce que l'on ressent spontanément en lisant, se situe principalement au 1e niveau de connaissance (ce qui n'empêche pas de pouvoir, spécialement en ce qui concerne l'Ethique, déjà ressentir énormément de joie, évidemment!).
Mais pour avoir accès aux idées de Spinoza (et c'est ce qui nous importe ici, nous participants à cette discussion), il faut dépasser ses propres associations spontanées, et construire une cohérence soujacente aux 'mots' écrits par Spinoza, c'est-à-dire reconstruire sa 'pensée' à lui. Donc: essayer de passer aux 2e genre de connaissance. Via, pe., la construction de quelques notions communes, communes au moins au petit nombre de participants à cette discussion. Mais, en ce qui me concerne, c'est déjà quelque chose. Et dans ce sens, il est clair que votre vision sur les essences et sur comment atteindre la béatitude suprême nous intéresse.

Un bel été à vous aussi :D
et à bientôt,
Louisa

PS à Miam: je viens de découvrir que pour une certaine mystique arabe, une connaissance est vécue comme une union essentielle sans confusion des personnes. Pourrait-on dire que c'est le cas dans la notion commune? L'union, chez Spinoza, serait alors exprimée par le fait qu'un troisième individu s'est formé, individu qui se manifeste dans ses effets, mais qui n'a pas besoin d'une réelle identité d'une propriété spécifique au sein même des deux individus qui le composent (à part le fait de provoquer ensemble cet effet)? Dans ce cas, la communauté ne consisterait que dans le fait de produire à deux un seul effet?

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Messagepar Louisa » 26 juil. 2005, 18:58

Salut Miam,

suite de la réponse ... .

Miam a écrit :« Puis: si la notion commune saisit la chose en tant qu'elle existe en acte, est-ce que cela exclut que ce qu'elle saisit, c'est l'être formel de cette chose (mais alors je fais à nouveau une distinction entre l'être formel et l'essence formelle: comme il est impossible que 2 essences ont quelque chose en commun (au niveau de ce qui les constitue en tant qu'essence), je suppose qu'une notion commune d'une essence formelle n'est pas vraiment possible ».

C’est l’essence actuelle que saisit la notion commune. Actuelle parce que actuellement existante dans la durée. La notion commune n’est pas différente d’un concours de conatus, c’est à dire d’essences actuelles, de façon à produire un même effet. C’est donc une partie de l’essence actuelle (conatus) d’une chose que je saisit dans la notion commune. Et de ce fait j’ai l’idée de l’essence actuelle de cette partie de chose ou propre commun.


je ne l'avais pas encore pensé comme ça, mais cela me semble potentiellement très pertinent. Cela ne résout pas vraiment le problème de la présence et/ou du rôle du formel dans la formation de la notion commune, mais en tant qu'approche de ce que c'est qu'une notion commune, j'ai vraiment l'impression que l'aborder d'une telle manière clarifie beaucoup de choses.
Mais cela voudrait dire que saisir une partie de l'essence actuelle d'une chose, ou saisir le propre commun (le fait que deux essences actuelles se conjuguent pour produire un même effet), signifierait saisir quand même le propre d'une essence. Or comme les essences ne peuvent rien avoir en commun, le propre d'une essence ne lui appartiendrait donc pas vraiment, chez Spinoza ?

Miam a écrit :Ensuite : une idée passive n’est qu’un effet : elle n’a pas de puissance causale. L’idée de Pégase n’est pas cause d’une autre idée, sinon par association entre des images, mais il s’agit alors de l’ordre des affections (des effets). Une idée active est bien sûr aussi un effet, mais également une cause et comprend en elle la causalité immanente et infinie qui fait d’elle cette cause (degré de puissance infinie).


Je continue à avoir un problème avec ce genre de raisonnements, et cela pour 2 raisons:
1) Spinoza ne dit pas que la passion n'a pas de puissance causale. Il dit juste que, dans la passion, nous avons une idée dont nous ne sommes pas la SEULE cause.
2) qu'est-ce qui vous fait penser que l'adéquation d'une idée n'est pas seulement déterminée par le fait que l'Esprit humain est seul à l'avoir causé, mais également par ce que cette idée elle-même cause?

Si tout ce qui existe, doit forcément avoir un effet (I 36), pourquoi ne serait-ce pas le cas avec l'idée de Pégase? Et si l'idée de Pégase appartient à l'attribut de la Pensée, comment pourrait-elle causer des images, qui, elles, appartiennent à l'Etendue?
Et je ne vois pas pourquoi l'idée de Pégase ne pourrait pas être, le cas échéant, adéquate, et causer à son tour d'autres idées adéquates. Je ne vois rien chez Spinoza qui rendrait ceci impossible.

Bref, il me semble toujours assez risqué de parler d'idées qui sont elles-mêmes actives ou passives. Dès que ce n'est pas l'Esprit ou le Corps qui est nommé actif ou passif (en fonction d'être la seule cause ou non), mais que ce sont les idées qui le deviennent, on peut tomber dans des contre-sens.

Miam a écrit :« Que la cause de cette deuxième idée ne soit pas moi-même mais le discours du paysan n'a pas d'importance. »

Ah si ! Parce qu’il s’agit alors d’une connaissance par ouï-dire, qui est derechef inadéquate. Et c’est bien cela le problème que pose votre exemple.


ah! bien vu. En effet, l'exemple tombe dans l'eau. Je reprends donc le passage concerné pour formuler mon problème autrement:

Miam a écrit :
louisa:
« Une idée qui serait cause de soi? »

Miam:
Mais enfin non. Etre la cause d’une autre idée dans une définition génétique suffit pour qu’une idée soit active. Il suffit que l’idée de la cause soit la cause de l’idée de l’effet. Bref que la production des idées soit la même que celle de ses objets. On nomme cela la causalité immanente. Et cette idée active est bien sûr aussi elle-même l’effet d’une autre idée. Une idée qui suit d’une autre, c’est l’effet de cette autre. Si l’idée inadéquate est comme une « conséquence privée de prémisse », c’est qu’elle n’est pas connue par sa cause.


Ce que je voulais illustrer avec l'exemple du paysan, c'est que vous situez le critère pour savoir si une idée soit active ou non, au niveau des effets de cette idée. Si l'idée de la cause cause l'idée de l'effet, la première idée serait adéquate. Pour moi, ce raisonnement est assez bizarre. Vous ne faites que répéter ici la définition du parallélisme entre l'ordre des idées et l'ordre des choses, mais ce parallélisme ne dit en rien quelle idée soit adéquate ou laquelle soit inadéquate. Si je schématise ce que vous dites:

ordre des choses: CAUSE -> EFFET

(relation de causalité)

ordre des idées: IDEE DE LA CAUSE -> IDEE DE L'EFFET


(il faut s'imaginer la 'relation de causalité' écrite sur les deux flèches (la flèche indique donc une relation de causalité) ... apparemment, le logiciel ne veut pas garder les espaces que j'avais insérés ...)

Or, il n'y a pas de situation où l'idée de la cause ne serait PAS la cause de l'idée de l'effet, il me semble. A cause du parallélisme, ceci est toujours le cas.

Encore une fois, l'adéquation d'une idée se trouve dans le fait que l'Esprit était lui seul cause de cette idée, et ne causait pas cette idée ensemble avec d'autres causes concourantes qui se trouvent hors de lui. Donc, si vous voulez, le critère pour savoir si une idée est adéquate ou non ne se trouve pas du côté de ce qu'elle produit, mais du côté de ce qui l'a produit. Il faut donc regarder cette idée en tant qu'effet, et remonter à sa cause. Si la cause était l'homme seul, alors l'idée est adéquate. Sinon, elle est inadéquate. Ce qu'elle produit elle-même n'a à mon avis rien à voir avec l'adéquation. Ce qui est important, c'est ce que l'Esprit produit, et comment il le produit (seul ou non; si c'est seul, alors Dieu aura une idée adéquate de l'idée produite en l'homme en tant qu'il est affecté par l'Esprit de l'homme seul. Sinon, l'idée ne sera adéquate en Dieu qu'en tant qu'il est affecté par l'Esprit de l'homme et les Esprits d'autres choses en même temps. Voir III 1).

Miam a écrit :« Il s'agit des idées que ces choses SONT en Dieu, et ces idées sont toujours adéquates et vraies (conviennent toujours avec leur objet). Dans ce sens, si on voulait lire les 'êtres objectifs' ici comme étant eux-mêmes des idées, je pouvais les comprendre si on y lisait 'essence objective' comme définie dans le TRE. »

Certes « Toutes les idées, en tant qu’elles sont en Dieu, sont vraies ». (II 32d). Mais adéquate ? je ne crois pas. Est-ce que l’adéquation n’est pas strictement relative au Mental et au rapport de l’idée qui le constitue à Dieu (logique du Deus quatenus…) ?


Si. Prenons pe III 1 démo: "..tout ce qui suit nécessairement d'une idée qui en Dieu est adéquate ...". Il suffit d'avoir 'un point de vue' spécifique sur une idée pour pouvoir dire si c'est adéquate ou non (donc je ne crois pas que les idées sont 'en soi' adéquates), mais il peut aussi bien s'agir du point de vue de Dieu que du point de vue d'un homme. Une idée qui en Dieu est adéquate, peut être inadéquate dans le Mental d'un homme, et dans les deux cas, il faut regarder le Mental en question pour pouvoir dire si l'idée y est adéquate ou non. Mais en Dieu, toutes les idées sont adéquates, vu qu'il a une 'vue d'ensemble (voir notre conversation précédente là-dessus, et la discussion avec bardamu; Dieu contient aussi les idées inadéquates, mais seulement en tant qu'elles sont parties d'une idée adéquate en lui).

Miam a écrit : Sinon, bien sûr, comme je l’ai dit à Bardamu : toutes les idées qui sont en nous confuses parce que séparées de leur cause (« conséquences sans prémisse ») ne le sont plus en Dieu.


oui voilà, c'est ce que je voulais dire.

Miam a écrit : Mais cela ne veut pas dire que tous les êtres objectifs qui suivent de l’idée de Dieu sont des idées adéquates en nous puisque cela dépend de la manière dont ils constituent l’essence de notre Mental.


(je lis ici 'idée' au lieu d''être objectif' pour être sure qu'on parle de la même chose) Tout à fait d'accord. Si une idée qui suit de l'idée de Dieu a été causée par notre Mental seul, alors elle est aussi adéquate 'en nous'. Sinon, si elle a été causée par notre Mental ensemble avec un autre Mental, elle est inadéquate en nous. Dieu a une idée adéquate de notre idée inadéquate en tant qu'il constitue aussi bien notre Mental que le Mental de l'autre qui a co-causé cette idée.

D'ailleurs, en latin il y a co-agere, ce qu'on traduit souvent par 'contraindre', mais alors on perd un peu cette notion d'action qui se fait à deux, ce qui est dommage, parce que dans la contrainte, on a l'idée d'une nécessité, tandis que chez Spinoza, aussi bien l'idée adéquate que l'idée inadéquate sont toujours nécessaires. L'important, c'est de savoir s'il s'agit d'une action de notre Esprit seul ou non (si oui, c'est une Action au sens spinoziste; si l'idée a été produite par une co-action de deux causes, dont une provenant de quelque chose hors de moi, c'est une idée inadéquate, ou une Passion).
Bien à toi,
Louisa

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Messagepar Miam » 28 juil. 2005, 14:07

A Louisa :

« Or comme les essences ne peuvent rien avoir en commun, »

Pardon ? N’ont-elles pas en commun d’être produites par la même cause immanente et de receler cette cause. N’ont-elles pas en commun (ici) le même attribut ? N’ont-elles pas en commun ce qui permet au concept d’une chose d’envelopper le concept d’une autre (I A 5) ? Où trouvez-vous que les essences n’ont rien en commun ?

« 1) Spinoza ne dit pas que la passion n'a pas de puissance causale. Il dit juste que, dans la passion, nous avons une idée dont nous ne sommes pas la SEULE cause. »

C’est pourquoi je dis que les passions ont la seule puissance qu’elles empruntent aux notions communes qu’elles supposent. Toute idée confuse se fonde tout de même sur une notion commune, sans quoi il n’y aurait rien de commun et une idée ne pourrait pas même en envelopper une autre (I Ax 5), si bien qu’il n’y aurait pas même d’idées confuses.

« 2) qu'est-ce qui vous fait penser que l'adéquation d'une idée n'est pas seulement déterminée par le fait que l'Esprit humain est seul à l'avoir causé, mais également par ce que cette idée elle-même cause? »

Cela revient au même puisque cette idée constitue le Mental. Le Mental est actif en tant qu’il a des idées adéquates qui le constituent.

« Si tout ce qui existe, doit forcément avoir un effet (I 36), pourquoi ne serait-ce pas le cas avec l'idée de Pégase? »

Pégase ne peut « être dit exister » sinon … », de même que l’idée de Pégase (II 8). Il n’existe pas au sens propre. Et si l’idée de Pégase est une « cause », c’est suivant l’ordre des affections, c’est à dire des effets : c’est une cause fausse parce que projetée à partir d’un effet selon les lois de l’association imaginaire. Au sens rationnel du terme, il n’est donc cause de rien.

« Et si l'idée de Pégase appartient à l'attribut de la Pensée, comment pourrait-elle causer des images, qui, elles, appartiennent à l'Etendue? »

Qui a dit cela : que l’idée était ici cause d’une image ? Pas moi.

« Et je ne vois pas pourquoi l'idée de Pégase ne pourrait pas être, le cas échéant, adéquate, et causer à son tour d'autres idées adéquates. Je ne vois rien chez Spinoza qui rendrait ceci impossible. »

Il use lui-même du « cheval ailé » comme exemple d’idée de l’imagination. Qu’elle soit adéquate est impossible parce qu’il n’y a pas de rapport interne de mouvement d’un cheval ailé : parce que c’est impossible pour des raisons physiques ou biologiques, parce que Pégase ne sera jamais un « être » (actuel ou formel), bien qu’il soit une essence formelle de l’attribut étendue auquel il se rapporte « comme à un genre ».

« Bref, il me semble toujours assez risqué de parler d'idées qui sont elles-mêmes actives ou passives »

Un affect est une idée. Donc un affect actif peut être nommé « idée active ».

« Or, il n'y a pas de situation où l'idée de la cause ne serait PAS la cause de l'idée de l'effet, il me semble. A cause du parallélisme, ceci est toujours le cas. »

Dans l’ordre des affections, l’idée de la cause n’est pas la cause de l’idée de l’effet. C’est même l’inverse puisqu’on projette la cause à partir de l’effet. Et l’ordre des affections n’est pas l’ordre des causes que l’on trouve dans tout ce qui suit de l’attribut qui exprime une cause immanente. L’idée confuse ne saisit pas cet ordre là.

« Il faut donc regarder cette idée en tant qu'effet, et remonter à sa cause. Si la cause était l'homme seul, alors l'idée est adéquate. »

Je n’ai donc d’idée du cercle que si l’homme est cause du cercle ? L’homme est cause du cercle ? C’est confondre l’homme avec Dieu. L’idée adéquate est une idée « qui se rapporte à Dieu en tant qu’il constitue l’essence du Mental ». C’est une idée qui non seulement constitue ce Mental, mais appartient à ce Mental. L’idée adéquate suppose un double rapport homologue au Mental et à Dieu. Non au Mental seul. Et c’est par conséquent qu’elle relève de l’activité (affect actif) du Mental. Comment savoir si le Mental est cause active de telle idée si l’on ne sait pas ce qui constitue ce Mental et si l’on ne se réfère pas à Lui, qui le constitue par sa puissance de penser ? Pour savoir si tel Mental est cause active, il faut encore savoir quel est ce Mental, non ? Et ceci ne se peut sans le rapporter à Dieu comme cause immanente, puisqu’on définit toute chose par sa cause immanente.

Encore une fois : le Mental est actif en tant qu’il est constitué d’idées adéquates. Sans cette constitution, on ne peut rien dire sur son activité ou sa passivité, c a d son rapport à Dieu selon la logique du « Deus quatenus… ». Le Mental est actif dans la mesure de cette constitution. Il y a bien des degrés d’activité puisque sa puissance augmente ou diminue selon les idées qui le constituent. Par suite, dire que le Mental est actif ne suffit pas pour savoir de quel degré d’activité il s’agit. Du reste, il n’est totalement actif que dans le troisième genre de connaissance.

« : "..tout ce qui suit nécessairement d'une idée qui en Dieu est adéquate ..." »

Je voulais seulement dire que, contrairement à l’idée vraie, l’idée adéquate me semble nécessiter un rapport à Dieu (Deus quatenus…). Dans votre citation, vous coupez le « quatenus » : « Tout ce qui suit d’une idée qui est adéquate en Dieu non en tant qu’il a en lui le Mental d’un certain homme seulement, mais en même temps qu’elle, les Mentaux d’autres choses, le Mental de cet homme n’en est pas la cause adéquate, mais seulement partielle », aussi partielle (-ale ?) que votre citation.

Miam.

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Messagepar Louisa » 28 juil. 2005, 16:20

Salut Miam,

juste ceci, la suite vient plus tard:

Miam a écrit :« Or comme les essences ne peuvent rien avoir en commun, »

Pardon ? N’ont-elles pas en commun d’être produites par la même cause immanente et de receler cette cause. N’ont-elles pas en commun (ici) le même attribut ? N’ont-elles pas en commun ce qui permet au concept d’une chose d’envelopper le concept d’une autre (I A 5) ? Où trouvez-vous que les essences n’ont rien en commun ?


Je me basais sur :

EII,37: "Ce qui est commun à tout (là-dessus, voir plus haut le Lemme 2), et est autant dans la partie que dans le tout, ne constitue l'essence d'aucune chose singulière."

Démo:
"Si tu le nies, conçois, si c'est possible, que cela constitue l'essence d'une chose singulière; disons, l'essence de B. C'est donc (par lé Défin.2 de cette p.) que sans B cela ne pourra ni être, ni se concevoir; or cela est contre l'Hypothèse: DONC CELA N'APPARTIENT PAS A L'ESSENCE DE B, ET NE CONSTITUE PAS L'ESSENCE D'UNE AUTRE CHOSE SINGULIERE. CQFD."

Les propositions suivantes traites toutes de ce que des choses peuvent avoir en commun, mais en fait, la communauté dont il parle est toujours une communauté entre corps, jamais entre essences. (Les idées de ces choses que les corps ont en commun et qui n'appartiennent pas à leur essence, sont toujours des idées adéquates. C'est pour ça qu'elles s'appellent des 'notions communes', mais il ne dit même pas que les Esprits qui ont ces idées ont quelque chose en commun.)

Le Lemme 2 auquel réfère la prop. dit clairement: "Tous les corps conviennent en quelque chose". C'est là aussi qu'on trouve que les corps conviennent en ce qu'ils enveloppent le concept d'un seul et même attribut, etc. Mais Spinoza n'y parle pas du tout d'essences.

Donc, inversément: où trouvez-vous que les essences ont quelque chose en commun? (cela me semble vraiment tout à fait impossible à cause de la déf.2 de l'EII, non?)

A bientôt,
Louisa

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Louisa
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Messagepar Louisa » 31 juil. 2005, 16:24

Cher Miam,

voici la suite ...

Miam a écrit :« Or comme les essences ne peuvent rien avoir en commun, »

Pardon ? N’ont-elles pas en commun d’être produites par la même cause immanente et de receler cette cause. N’ont-elles pas en commun (ici) le même attribut ? N’ont-elles pas en commun ce qui permet au concept d’une chose d’envelopper le concept d’une autre (I A 5) ? Où trouvez-vous que les essences n’ont rien en commun ?


à part ce que je viens d'écrire là-dessus, une dernière chose: E II,11 donne une explication supplémentaire de ce que Spinoza veut dire par la Déf II. Je suis loin de vraiment comprendre cette proposition, mais il y dit en tout cas que "je n'ai pas dit qu'appartient à l'essence d'une chose ce sans quoi la chose ne peut ni être ni se concevoir; c'est parce que les choses singulières ne peuvent sans Dieu ni être ni se concevoir, et pourtant Dieu n'appartient pas à leur essence". Autrement dit: "la substance ne constitue pas la forme de l'homme".

Quelle est la relation entre 'avoir quelque chose en commun', 'être commun à' et 'constituer une essence'? On peut tout de même dire, en effet, que dans un certain sens, toutes choses partagent le fait qu'elles sont toutes des modifications de Dieu. Mais est-ce que cela constitue leur essence, et/ou est-ce qu'elles ont cela en commun, au sens spinoziste? Je ne sais pas. Comme les essences sont constituées par des éléments qui n'ont de l'existence qu'en tant qu'ils constituent cette essence, et ne peuvent pas en constituer une autre, d'office, les essences ne peuvent rien avoir en commun. EII 37. Que toutes les choses sont des modifications de Dieu, ne serait donc pas un 'fait' qu'elles ont toutes en commun? Les essences ne sont pas 'constituées' par le fait qu'elles sont des modifications de Dieu?

Tout ceci ne m'est pas très clair pour l'instant. On ne peut pas nier la II 37. Pourtant, il est évident que les choses ont certains éléments en commun (vous en énumérez quelques-uns aussi). Dans ce cas, quel statut donner à ce qu'elles ont en commun? Ce que j'ai proposé dans un message précédent, c'était la notion du 'propre de l'essence'. En tout cas, ce que les choses ou essences ont en commun, doit être, en vertu de la II 37, de l'orde de l'accident, je crois.
Or, si l'existence dans la durée n'appartient pas à l'essence d'une chose créée non plus (II ax I), votre idée que les notions communes ont quelque chose à voir avec l'essence actuelle devient très plausible, pour moi. Car comme être en acte signifie, à mon avis, de toute façon qu'une essence est effectuée par un certain rapport de mouvement et de repos dans l'Etendue (et donc dans la durée), il devient compréhensible que tout ce qui convient chez Spinoza, est toujours d'abord de l'ordre des corps. Dans ce sens, des essences (formelles?) ne peuvent rien avoir en commun, mais des essences actuelles oui. Et des essences actuelles ont des choses en commun non en tant qu'elles sont des essences, mais en tant qu'elles sont actuelles. Si on l'interprète comme ça, on peut combiner sans trop de problèmes l'ax I de l'EII et la prop. 11.

Mais de nombreux problèmes subsistent, pour moi. Dans le cas où quelqu'un s'intéresse à l'un d'entre eux: pe, comment est-ce possible que Dieu ne constitue pas l'essence d'une chose singulière, si Dieu est toute la nature? Quel rapport Dieu a-t-il avec les accidents des essences? Qu'est-ce qui constitue la forme de l'homme, ou l'essence de l'homme, si ce n'est pas Dieu, et si rien n'existe hors de la substance?
Une première piste: si Dieu est la nature entière, dans sa totalité infinie, et si on voulait que Dieu constitue l'essence de l'homme, une totalité infinie devrait se trouver à l'intérieur d'une chose finie (comme chez Leibniz). Or, chez Spinoza il pourrait être que cela ne soit pas dans le sens où pour les choses créées, il y a une réelle extériorité (pe la chose qui va les détruire vient de l'extérieur). Eventuellement, chaque chose contient un ou plusieurs infinis 'en son genre', mais elle ne peut jamais contenir tous les infinis (sinon elle contiendrait également l'attribut de l'existence, et donc serait par définition Dieu; or il n'y a qu'un seul Dieu).
Et donc, Dieu ne constitue pas l'essence de l'homme dans la mesure où Dieu dépasse largement cette essence. Mais cela n'empêcherait pas que cette essence constitue une partie de Dieu. La constitution serait donc une relation asymétrique: la chose constitue l'essence de Dieu, mais Dieu ne constitue pas l'essence de la chose. Idem en ce qui concerne les accidents des choses. Tout ça est à vérifier.

Miam a écrit :« 1) Spinoza ne dit pas que la passion n'a pas de puissance causale. Il dit juste que, dans la passion, nous avons une idée dont nous ne sommes pas la SEULE cause. »

C’est pourquoi je dis que les passions ont la seule puissance qu’elles empruntent aux notions communes qu’elles supposent. Toute idée confuse se fonde tout de même sur une notion commune, sans quoi il n’y aurait rien de commun et une idée ne pourrait pas même en envelopper une autre (I Ax 5), si bien qu’il n’y aurait pas même d’idées confuses.


Toute idée confuse se fonde sur une notion commune? Je ne sais pas. Les notions communes sont certes le fondement de nos raisonnement (II 40 scolie I), mais un raisonnement, n'est pas une comparaison entre au moins deux idées? Le raisonnement, en tant qu'activité qui caractérise l'Esprit humain, ne consiste-t-il pas à contempler "plusieurs choses à la fois, à comprendre en quoi ces choses se conviennent, diffèrent ou s'opposent" (II,29 scolie)? Bref, les raisonnements se fondent sur des notions communes, mais les raisonnements ne sont pas d'idées confuses, ce sont des comparaisons d'idées.

Puis les notions communes font quand même partie de la connaissance du 2e genre, c'est-à-dire sont toujours des idées adéquates. Et tout ce qui suit d'une idée adéquate, est adéquate. Comment une idée confuse pourrait-elle alors suivre d'une notion commune, selon vous?

Enfin, vous voulez dire que sans connaissance du 2e genre, la connaissance du 1e genre ne serait pas possible? Mais comment concevoir ça?

Miam a écrit :« 2) qu'est-ce qui vous fait penser que l'adéquation d'une idée n'est pas seulement déterminée par le fait que l'Esprit humain est seul à l'avoir causé, mais également par ce que cette idée elle-même cause? »

Cela revient au même puisque cette idée constitue le Mental. Le Mental est actif en tant qu’il a des idées adéquates qui le constituent.


oui mais justement, si 'constituer' n'est pas une relation symétrique, ce n'est pas parce qu'une idée constitue l'idée qu'est le Mental, que le Mental constitue cette idée. Je veux dire: une idée d'une chose x constitue le Mental, mais n'EST pas le Mental. Ce n'en est qu'une partie. Spinoza ne dit, pour autant que je sache, nulle part qu'être cause adéquate d'un effet veut dire qu'il suffit qu'une partie infime de la cause (le Mental) cause l'effet.
Le Mental est en effet actif en tant qu'il a des idées adéquates qui le constituent, mais pour moi, cela veut dire que l'idée globale qu'EST le Mental est appelé actif, dans le sens où c'est l'individu constitué par un Mental et un Corps qui est cause de ces idées adéquates. Le Corps est autant actif que le Mental. Pour être actif, il faut que l'effet suit de notre nature. Si l'effet suit d'une seule idée qu'a notre Esprit, est-ce qu'on peut déjà dire que l'effet suit de toute notre nature? Je ne sais pas. Peut-être oui, mais j'ai des difficultés à le concevoir clairement.

Miam a écrit :« Si tout ce qui existe, doit forcément avoir un effet (I 36), pourquoi ne serait-ce pas le cas avec l'idée de Pégase? »

Pégase ne peut « être dit exister » sinon … », de même que l’idée de Pégase (II 8). Il n’existe pas au sens propre. Et si l’idée de Pégase est une « cause », c’est suivant l’ordre des affections, c’est à dire des effets : c’est une cause fausse parce que projetée à partir d’un effet selon les lois de l’association imaginaire. Au sens rationnel du terme, il n’est donc cause de rien.


J'ai des difficultés avec les notions de 'cause fausse' et 'cause rationnelle'. Pourquoi faire cette distinction (elle est peut-être très pertinente, je ne veux pas du tout la 'contester', mais pour l'instant, je ne la ressens pas, c'est tout)?
Si j'ai l'idée de Pégase, idée qui a été causé en moi par la lecture de la mythologie, qu'est-ce qui empêche d'avoir une idée adéquate de ce Pégase en tant que figure mythique? Et qu'est-ce qui empêche que, sur base de cette idée adéquate, je construis pe une statue d'une telle manière qu'elle rende bien les caractéristiques de ce Pégase mythique. Pourquoi appeler cette idée une cause 'fausse'?
La vérité et la fausseté ne désignent-elles pas uniquement les idées, et pas les causes? Quel serait l'avantage de travailler avec des 'causes fausses' chez Spinoza?

Miam a écrit :« Et si l'idée de Pégase appartient à l'attribut de la Pensée, comment pourrait-elle causer des images, qui, elles, appartiennent à l'Etendue? »

Qui a dit cela : que l’idée était ici cause d’une image ? Pas moi.


je me basais sur le passage suivant:

Miam a écrit :Ensuite : une idée passive n’est qu’un effet : elle n’a pas de puissance causale. L’idée de Pégase n’est pas cause d’une autre idée, sinon par association entre des images, mais il s’agit alors de l’ordre des affections (des effets). Une idée active est bien sûr aussi un effet, mais également une cause et comprend en elle la causalité immanente et infinie qui fait d’elle cette cause (degré de puissance infinie).


si l'idée de Pégase est cause d'autres idées par associations entre des images, elle cause en effet des idées et pas des images, d'accord.
J'essaie de formuler le problème autrement: pourquoi appeler les idées causées par les idées inadéquates des idées qui n'ont pas de puissance causale? Si Spinoza fait la différence entre être seul la cause d'un effet, ou causer un effet ensemble avec une cause extérieure à nous, cela ne veut-il pas dire que de toute manière, dans les deux cas les idées causent d'autres idées? Pourquoi réserver la causalité uniquement pour les idées adéquates?
Toutes les idées inadéquates qui résultent de nos passions décrites dans la 3e partie, ne sont-elles pas des causes d'autres idées très puissantes, parfois tellement puissantes que nous ne pouvons rien faire contre (pe III, 6)?

Donc: même problème : pourquoi ajouter un deuxième critère à l'adéquation, à part celui que définit Spinoza? Pourquoi ne pas se contenter d'aller voir ce qui a causé une idée, pour l'appeler adéquate ou non, mais aussi regarder ce qu'elle cause elle-même, et comment?

Miam a écrit :« Et je ne vois pas pourquoi l'idée de Pégase ne pourrait pas être, le cas échéant, adéquate, et causer à son tour d'autres idées adéquates. Je ne vois rien chez Spinoza qui rendrait ceci impossible. »

Il use lui-même du « cheval ailé » comme exemple d’idée de l’imagination. Qu’elle soit adéquate est impossible parce qu’il n’y a pas de rapport interne de mouvement d’un cheval ailé : parce que c’est impossible pour des raisons physiques ou biologiques, parce que Pégase ne sera jamais un « être » (actuel ou formel), bien qu’il soit une essence formelle de l’attribut étendue auquel il se rapporte « comme à un genre ».


où est-ce qu'il dit que le cheval ailé n'a pas de rapport interne de mouvement et de repos, comme chaque essence? Et quel est le lien entre un objet qui a un rapport de mouvement et de repos précis, et l'adéquation ou l'inadéquation de l'idée de cet objet? L'adéquation est une dénomination intrinsèque de l'idée, donc ne dit quelque chose que de l'idée, pas de l'objet. L'objet pourrait être n'importe quoi, du moment que nous en avons une idée claire et distincte, et/ou que nous sommes nous-mêmes cause de cette idée, je ne vois pas ce qui l'empêcherait d'être une idée adéquate?
Pégase a à mon avis bel et bien un être formel (toujours la II 8: les choses qui n'existent qu'en tant qu'elles existent en Dieu, y existent aussi bien formellement qu'objectivement!). Mais en effet, dans la façon dont nous le concevons, l'être actuel n'est pas uniquement pas enveloppé par l'essence de Pégase, mais l'essence de Pégase exclut la possibilité de cet être actuel. Cela fait partie de la définition même de Pégase. Donc Pégase n'aura jamais d'essence actuelle, mais, comme toutes les choses qui existent dans l'infini qu'est Dieu, il aura toujours une essence formelle et objective.

Miam a écrit :« Bref, il me semble toujours assez risqué de parler d'idées qui sont elles-mêmes actives ou passives »

Un affect est une idée. Donc un affect actif peut être nommé « idée active ».


oui, un affect est une idée. Mais où avez-vous déjà rencontré chez Spinoza la notion d'un affect actif ou passif? L'affect est une action ou une passion d'un individu, mais pour moi, cela est très différent que de dire que l'affect lui-même est actif ou passif, justement parce que une action est définie comme une affection dont nous sommes cause adéquate. Pe: la joie, qui est un affect par laquelle l'Esprit passe à une plus grande perfection, est également une passion. Pourtant, cet affect augmente notre puissance d'agir. Parler dans ce cas d'un affect passif en soi me semble assez étonnant.

Miam a écrit :« Or, il n'y a pas de situation où l'idée de la cause ne serait PAS la cause de l'idée de l'effet, il me semble. A cause du parallélisme, ceci est toujours le cas. »

Dans l’ordre des affections, l’idée de la cause n’est pas la cause de l’idée de l’effet. C’est même l’inverse puisqu’on projette la cause à partir de l’effet. Et l’ordre des affections n’est pas l’ordre des causes que l’on trouve dans tout ce qui suit de l’attribut qui exprime une cause immanente. L’idée confuse ne saisit pas cet ordre là.


j'avoue que j'ai des difficultés à comprendre la distinction 'ordre des affections' - 'ordre des causes'. Je ne comprends donc pas vraiment ce que vous voulez dire ici. Pourtant, cela me semble assez crucial pour notre discussion ici, donc serait-il éventuellement possible de le reformuler à l'aide d'un exemple concret?

Miam a écrit :« Il faut donc regarder cette idée en tant qu'effet, et remonter à sa cause. Si la cause était l'homme seul, alors l'idée est adéquate. »

Je n’ai donc d’idée du cercle que si l’homme est cause du cercle ? L’homme est cause du cercle ?


non non, ce n'était pas ça ce que je voulais dire. L'essence du cercle me dépasse, et n'a pas été inventée par moi. Et l'idée du cercle n'est pas du tout la même chose que le cercle (voir TRE 33 ; il y a un endroit où il reprend la même idée dans l'Ethique, mais je ne le retrouve pas pour l'instant). Ce n'est pas parce que c'est l'homme seul qui a causé en lui l'idée d'un cercle, qu'il devient du coup cause du cercle lui-même. Il s'est juste déterminé uniquement par lui-même de contempler l'idée du cercle, et il n'y a pas été déterminé du dehors.

Mais j'avoue qu'en ce qui concerne le lien entre la causalité et les idées adéquates de choses extérieures à l'homme, je n'y vois pas encore très clair. Si on prend une idée qui est un affect, c'est-à-dire une idée qui a comme objet un changement de la puissance d'agir de l'homme, et pas une chose extérieure à lui comme le cercle, concevoir l'affect comme une idée adéquate si c'est nous-mêmes qui ont causé ce changement, me semble plus ou moins concevable. Mais dès qu'il ne s'agit plus d'un changement de notre Corps, mais d'une idée qui a comme objet une chose extérieure, le lien entre causalité et adéquation de l'idée me semble moins claire. Si nous agissons quand nous avons une idée adéquate du cercle, cela devrait vouloir dire que nous sommes seuls la cause du fait que nous avons cette idée (donc pas du cercle ni de l'idée du cercle en soi, mais du fait que nous avons cette idée). Mais qu'est-ce que, dans ce cas précis, cela signifie exactement?

Miam a écrit :« : "..tout ce qui suit nécessairement d'une idée qui en Dieu est adéquate ..." »

Je voulais seulement dire que, contrairement à l’idée vraie, l’idée adéquate me semble nécessiter un rapport à Dieu (Deus quatenus…). Dans votre citation, vous coupez le « quatenus » : « Tout ce qui suit d’une idée qui est adéquate en Dieu non en tant qu’il a en lui le Mental d’un certain homme seulement, mais en même temps qu’elle, les Mentaux d’autres choses, le Mental de cet homme n’en est pas la cause adéquate, mais seulement partielle », aussi partielle (-ale ?) que votre citation.


Oui, dans le sens où vous l'expliquez ici, je ne peux qu'être tout à fait d'accord.
A bientôt,
Louisa


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