je poursuis la réponse à votre dernier message (réponse qui sera probablement étalée sur quelques messages, je crains).
Miam a écrit :louisa:
« L'Esprit s'efforce de persévérer dans son être 'en tant qu'il a tant des idées claires et distinctes que des idées confuses' (III 9). L'essence de l'Esprit est constituée d'idées, et c'est en tant qu'il a ces idées que l'Esprit s'efforce de persévérer dans son être. Mais comme l'Esprit, à travers les idées des affections du Corps est nécessairement conscient de soi, l'Esprit est conscient de son effort.
Donc: je dirais que cette conscience de l'effort ne vient que de l'idée des idées des affections. Et l'idée d'une idée a toujours l'être formel de cette dernière en tant qu'objet (TRE 33-36).
Autre passage qui me donne l'impression que l'objet d'une idée est toujours un être formel: Deleuze pg 110 "... tout ce qui existe formellement a une idée qui lui correspond objectivement." pg 111: "l'idée de l'idée, c'est la forme de l'idée, rapportée comme telle à la puissance de penser."
Je ne suis pas du tout sure que cela vaut partout, mais pour l'instant, dans ma propre lecture, ça marche. »
Miam:
La notion commune n’est rien d’autre que l’appréhension d’une essence actuelle, c’est à dire d’un rapport de mouvement et de repos commun d’une partie synthétique d’un corps et du mien. Vous verrez que tout le deuxième genre de connaissance se fonde sur l’idée de l’essence actuelle. Comment ce pourrait-il autrement puisque l’idée qui constitue notre Mental est celle d’une chose existant en acte. Si l’on peut avoir quelque notion adéquate de cette chose, ce sera en saisissant son essence actuelle qui peut « être dit exister » et existe en acte devant nous, non son essence formelle. Et cette essence actuelle, saisie par la notion commune, ce n’est rien d’autre que le conatus commun entre mon Corps et un autre corps. Le deuxième genre de connaissance, la notion commune, est la production d’un conatus commun et par cela d’un individu (concours des causes). C’est l’aspect dynamique du second genre de connaissance.
ce qui ne m'est pas encore très clair pour l'instant, c'est en effet ce qui est commun, dans la notion commune. Une même propriété dans deux essences (essence actuelle, si vous voulez; je n'ai pas encore trop fait attention à la relation connaissance du 2e genre - essence actuelle)? Ou le fait de composer ensemble un troisième individu, résultante de cette composition de deux rapports? Vous situeriez votre notion de 'synthèse' plutôt au premier niveau (dans ce cas, l'identité pré-existe à la synthèse) ou au deuxième nvieau (c'est la synthèse qui crée l'identité / le fait d'avoir quelque chose en commun)?
Puis: si la notion commune saisit la chose en tant qu'elle existe en acte, est-ce que cela exclut que ce qu'elle saisit, c'est l'être formel de cette chose (mais alors je fais à nouveau une distinction entre l'être formel et l'essence formelle: comme il est impossible que 2 essences ont quelque chose en commun (au niveau de ce qui les constitue en tant qu'essence), je suppose qu'une notion commune d'une essence formelle n'est pas vraiment possible. Par contre, saisir cette essence dans ce qu'elle a de formel, c'est-à-dire par ce par quoi elle appartient à d'autres attributs que celui de la Pensée, devrait éventuellement être possible, sans toucher à ce qui la constitue vraiment. Je devrais donc d'urgence consulter Wolfson, si lui aussi fait la distinction entre les deux.
Miam a écrit :« les idées elles-mêmes peuvent être actives ou passives? Je croyais jusqu'à présent que l'Esprit était active quand il avait une idée adéquate? »
En tant qu’affects. Les affects actifs sont des idées adéquates. Les affects passifs des idées inadéquates. Quand je dis « idée active » ou « passive », cela veut dire adéquate ou inadéquate mais du point de vue dynamique, car l’une est une puissance causale, un degré de puissance et l’autre n’est que l’idée d’un effet et effet elle-même sans nulle puissance causale sinon éventuellement celui du « commun » auquel elle se greffe. Bref, ce n’est que cela, un simple choix de vocabulaire pour mettre l’accent sur la puissance de l’idée plutôt que sur sa structure, puisqu’on se demande tous s’il faut distinguer comme Wolfson entre « être » et « essence »
Dans ma perception actuelle, en introduisant la possibilité de penser les idées elles-mêmes comme actives ou passives, vous me semblez en effet introduire une puissance causale à un niveau où je ne l'aurais jamais mis. Certes, une idée peut causer une idée (il n'y a même rien d'autre qui peut causer une idée), et quand nous avons une idée adéquate, nous sommes actifs, l'Affect est donc une action. Nous agissons. Et cela parce que c'était notre Esprit seul, sans le concours de causes externes, qui a causé cette idée.
Mais cette idée elle-même reste bel et bien un effet, non (je ne vois pas ce que le fait d'être adéquate ou inadéquate y changerait; cela ne change quelque chose qu'au niveau du nombre des causes, j'ai l'impression) ?
Miam a écrit :
« Une idée qui serait cause de soi? »
Mais enfin non. Etre la cause d’une autre idée dans une définition génétique suffit pour qu’une idée soit active. Il suffit que l’idée de la cause soit la cause de l’idée de l’effet. Bref que la production des idées soit la même que celle de ses objets. On nomme cela la causalité immanente. Et cette idée active est bien sûr aussi elle-même l’effet d’une autre idée. Une idée qui suit d’une autre, c’est l’effet de cette autre. Si l’idée inadéquate est comme une « conséquence privée de prémisse », c’est qu’elle n’est pas connue par sa cause.
Essayons avec un exemple. Un orage. Un éclair sur un arbre. Arbre pulvérisé. Je vois l'arbre pulvérisé, et j'en ai une idée. Comment en avoir une 'idée active'? "Il suffit que l'idée de la cause soit la cause de l'idée de l'effet". Idée de l'effet = idée de l'arbre pulvérisé. Cause de cette idée: le fait que je me trouve par hasard devant cet arbre. Dans ce cas, l'idée est inadéquate (arrivée en plein soleil, je ne vois pas le lien avec un orage, j'ai donc une idée d'une conséquence sans avoir l'idée des prémisses). Arrive un paysan qui m'explique l'orage et son effet dévastateur. J'ai donc une deuxième idée: celle de l'orage et de l'éclair, c'est-à-dire, l'idée de la cause de l'effet. Que la cause de cette deuxième idée ne soit pas moi-même mais le discours du paysan n'a pas d'importance. Ce qui est important, c'est que j'ai maintenant une idée de l'effet (arbre pulvérisé), et une idée de la cause de cet effet (orage). Mais dans ce cas, l'idée de la cause de cet effet (donc l'idée de l'orage) n'est pas la cause de l'idée de l'effet (donc l'idée de l'arbre pulvérisé). Pour que l'idée de la cause soit elle-même cause de l'idée de l'effet, faudrait-il que je voyais avec mes propres yeux l'éclair détruisant l'arbre? Serait-ce la condition pour avoir une idée adéquate de l'arbre pulvérisé, en langage spinoziste? Si oui: pourquoi ne pourrais-je pas avoir une idée adéquate de l'arbre pulvérisé sur base de l'exposé du paysan?
Miam a écrit :« oui, voilà la question en effet. En tout cas, je ne suis pas sure si des idées confuses qui sont connues par leurs causes, deviennent du coup adéquates (cela se trouve peut-être dans la 5e partie?). Suffit-il de connaître quelque chose par sa cause pour que l'idée qu'on en a devient adéquate? Comme l'adéquation est une dénomination intrinsèque, j'aurais plutôt tendance à dire: non. Il faut que l'idée devient moins confuse. Alors quelle est la relation entre 'plus ou moins confus' et 'connaître par la cause'? Ne faut-il pas plutôt situer le 'connaitre par la cause' du côté de la dénomination extrinsèque, et donc du côté de l'idée vraie? »
C’est bien gentil de vouloir inverser ma conception mais ce n’est pas possible, parce que précisément la cause immanente est une « cause interne » comme la nomme partout le CT et comme on peut s’en apercevoir un peu partout puisque c’est une cause qui demeure présente dans l’effet, de sorte que tout mode fini est infini par sa cause et partant, que son essence recèle cette infinité.
(Plutôt que de vouloir inverser votre conception, je voulais juste vous faire part de quelques questions/incertitudes à moi.)
Je n'ai pas encore lu le CT, mais j'ai déjà rencontré quelque part la différence cause immanente - cause transcendante (si je ne m'abuse). J'ai bien compris qu'en effet, dans la causalité immanente la cause est interne (dans le sens où Dieu cause les événements dans la nature mais est en même temps cette nature elle-même).
Mais le lien entre idée adéquate d'une chose et la chaîne causale qui a produit cette chose ne m'est pas encore très claire (en tout cas, cette chaîne me semble infinie, donc impossible de la penser 'adéquatement' (dans le sens courant du terme).
Miam a écrit :« donc même question: comment faites-vous pour penser une puissance causale des idées? Pour l'instant, j'attribuais cette puissance causale à l'Esprit, jamais à une idée comme chose singulière. »
Parce que l’Esprit (comme vous dites) ce n’est pas une idée ?
oui. Disons que je le (l'Esprit/Mental) voyais comme puissance causale que dans sa totalité. Une idée qui n'EST pas mon Esprit mais qui est une idée parmi l'infinité d'idées qu'il A, peut-elle avoir une puissance causale? Si oui, comment déterminer la 'grandeur' de cette puissance?
A bientôt pour la suite,
Louisa