Physique cartésienne

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Pej
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Physique cartésienne

Messagepar Pej » 02 déc. 2005, 16:19

Bonjour,
Je sais qu'il s'agit d'un site spinoziste, mais comme tout bon spinoziste qui se respecte doit connaître son Descartes sur le bout des doigts, je vous soumets cette interrogation :
Dans son article "Le vivant et son milieu" (La connaissance de la vie), Canguilhem écrit : "dans la physique cartésienne, la notion de milieu ne trouve pas sa place".
Pourtant, Descartes emploie bel et bien le terme (et le concept physique) de milieu, notamment dans son Traité de la lumière. Faut-il y voir une simple erreur de lecture (et donc d'analyse) de Canguilhem (comme cela lui arrive assez souvent), ou bien est-il possible de concilier l'affirmation de Canguilhem avec le texte cartésien ? Et si oui, comment ?
J'en profite aussi pour poser cette autre question : Spinoza utilise-t-il le terme de "milieu" dans ses textes ?
Merci d'avance.

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bardamu
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Re: Physique cartésienne

Messagepar bardamu » 03 déc. 2005, 22:58

Pej a écrit :Bonjour,
Je sais qu'il s'agit d'un site spinoziste, mais comme tout bon spinoziste qui se respecte doit connaître son Descartes sur le bout des doigts, je vous soumets cette interrogation :
Dans son article "Le vivant et son milieu" (La connaissance de la vie), Canguilhem écrit : "dans la physique cartésienne, la notion de milieu ne trouve pas sa place".
Pourtant, Descartes emploie bel et bien le terme (et le concept physique) de milieu, notamment dans son Traité de la lumière. Faut-il y voir une simple erreur de lecture (et donc d'analyse) de Canguilhem (comme cela lui arrive assez souvent), ou bien est-il possible de concilier l'affirmation de Canguilhem avec le texte cartésien ? Et si oui, comment ?
J'en profite aussi pour poser cette autre question : Spinoza utilise-t-il le terme de "milieu" dans ses textes ?
Merci d'avance.

Salut,
le texte de l'article en question : http://pst.chez-alice.fr/milieu.htm

Il me semble que Canguilhem veut marquer une différence entre un milieu conçu comme un domaine homogène, mécaniste, "mort", et un milieu considéré comme environnement pour des êtres construisant un monde par la sélection qu'ils opèrent dans le milieu, des vivants.

Concernant Descartes, il considère peut-être que tout s'opère au même niveau : des "particules" qui se frottent et rebondissent les unes sur les autres. Il n'y a pas de centre comme on pourrait en avoir chez Newton avec des sources de force et un milieu transmettant la force, pas de différence entre un intérieur et un extérieur.
La loi du monde de Descartes lui est externe, personne ne choisit quoi que ce soit, l'horloger a lancé la machine et ensuite tout dépend de son miracle et des magiques agitations de la glande pinéale.

Avec Spinoza, je pense que sur une base cartésienne, on a une position qui s'approche de Canguilhem.
Le monde est homogène au niveau physique, rapport de corps en mouvement, mais ces corps se composent sur le mode du vivant en opérant la sélection qui donne son sens à l'environnement. La loi du monde lui étant interne, les êtres participent de cette liberté de "choix", de sélection : la liberté est une autonomie des êtres qui détermine par contraste un milieu, distingue des touts et des parties.

Dans l'article de Canguilhem, on lit :
Canguilhem a écrit :Du point de vue biologique, il faut comprendre qu'entre l'organisme et l'environnement, il y a le même rapport qu'entre les parties et le tout à l'intérieur de l'organisme lui-même. L'individualité du vivant ne cesse pas à ses frontières ectodermiques, pas plus qu'elle ne commence à la cellule. Le rapport biologique entre l'être et son milieu est un rapport fonctionnel et par conséquent, mobile, dont les termes échangent successivement leur rôle. La cellule est un milieu pour les éléments intracellulaires, elle vit elle-même dans un milieu intérieur qui est aux dimensions tantôt de l'organe et tantôt de l'organisme, lequel organisme vit lui-même dans un milieu, qui lui est en quelque façon ce que l'organisme est à ses composants. Il y a donc un sens biologique à acquérir pour juger les problèmes biologiques et la lecture de Uexküll et de Goldstein peut beaucoup contribuer à la formation de ce sens

En mettre en parallèle avec la lettre 32 de Spinoza :
Spinoza, lettre 32 a écrit :Par cohésion donc des parties j'entends simplement que les lois ou la nature de chaque partie s'ajustent de telle façon aux lois de la nature d'une atre qu'il ne peut y avoir de contrariété entre elles. Pour le rapport du tout et des parties je considère les choses comme parties d'un certain tout, toutes les fois que leur nature s'ajuste à celle des autres parties, de façon qu'il y ait auant que possible accord entre elles. Toutes les fois en revanche que les choses ne s'ajustent pas les unes aux autres, chacune d'elles forme dans notre esprit une idée distincte et doit être en conséquence considérée comme un tout, non comme une partie.
Par exemple, en tant que les mouvements des particules de la lymphe, du chyle, etc. seront considérés comme des parties du sang. Mais en tant que nous concevons les particules de la lymphe comme ne s'ajustant pas, eu égard à leur figure et à leur mouvement, aux particules de chyle, nous les considérons comme un tout et non comme une partie.


P.S. : Lyssenko, qu'évoque Canguilhem, était en fait un escroc et son "lamarckisme" s'est avéré stérile.

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Messagepar Pej » 04 déc. 2005, 10:46

Merci pour cet éclairage. :)

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Re: Physique cartésienne

Messagepar Pej » 04 déc. 2005, 19:06

bardamu a écrit :
Pej a écrit :Il me semble que Canguilhem veut marquer une différence entre un milieu conçu comme un domaine homogène, mécaniste, "mort", et un milieu considéré comme environnement pour des êtres construisant un monde par la sélection qu'ils opèrent dans le milieu, des vivants.


Tout à fait, mais le concept de milieu chez Newton par exemple, est justement conçu comme un domaine homogène, mécaniste, "mort". Donc, l'opposition Newton/Descartes apparaît peu pertinente sur ce point.


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