La notion d essence chez Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Henrique
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Messagepar Henrique » 04 oct. 2003, 18:13

[quote]
Mais que fait Henrique?
[/quote]

Je suis là et je constate que sur les trois premiers points, nous disons à peu de choses près la même chose :wink:.

Henrique

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Henrique
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Messagepar Henrique » 04 oct. 2003, 18:29

Cher Yves,
Quelques réponses à tes remarques :
[b]1. Sur la notion d’accident. [/b] Est accidentel selon les thomistes ce que Spinoza appelle modal, très bien, ce ne sont que des mots, mais sommes nous d’accord sur les idées ? Il me semble que le thomisme a une filiation avec Aristote qui comme je le disais définit l’accidentel non seulement comme ce qui est modal mais également comme ce qui est non nécessaire, contingent au sens d’un être qui pourrait ne pas être. Si les thomistes d’aujourd’hui voient dans l’accidentel ce qui est à la fois ‘en autre chose’ et ce qui existe nécessairement en vertu d’autre chose, nous sommes d’accord sur le concept.

Mais alors je ne vois toujours pas de raison d'opposer l’accidentel au contingent : d’une part ce qui est en autre chose et d’autre part ‘’l'être qui n'a pas en lui-même de quoi rendre compte de son existence’’, ce qui est précisément ce que Spinoza appelle également contingent. Si une chose n’a d’être qu’en autre chose, il me semble évident que son essence n’enveloppera point son existence. Le mode est donc contingent en ce sens.

Je nuancerais cependant ce que j’avais dit : on peut parler d’accident chez Spinoza si par là on entend la modification extrinsèque d’un être, une affection qui ne suit pas de son essence mais de l’existence d’autre chose, affection qui n’est donc pas moins nécessaire que la modification intrinsèque. L’accidentel serait alors ce qui peut être retiré sans que soit supprimée la chose.

[b]2. Sur la distinction de deux types de nécessités. [/b] Le spinoziste et le thomiste moderne sont d’accord ! :-) C’est la distinction que Spinoza fait entre la nécessité interne et la nécessité externe. Dieu existe en vertu de sa seule nécessité tandis que les modes existent en vertu de nécessités externes. A cette nuance près qu’il est possible pour les modes d’agir, et non plus simplement d’exister, aussi bien en vertu d’une nécessité externe, c’est la contrainte, que de leur nécessité interne, c’est la liberté, autrement dit le désir bien compris.

[b]3. Sur le propre et ‘l’accident prédicamental’[/b] Ce que tu appelles le propre, c’est si je ne m’abuse ce que Spinoza appelle propriété (ce qui dérive nécessairement d’une essence et possède dès lors sa propre essence, ex. l’idée d’écrire, propriété d’un esprit capable de lire) et qu’il distingue cependant du propre : ce qui n’est ni l’essence, parce que cela ne constitue pas la chose, mais modalité de l’essence ; ni la propriété, puisque celle-ci a son essence propre.

A cet égard, l’étendue ne saurait être une propriété des corps car si elle dérivait des corps, cela voudrait dire que les corps ne seraient pas en eux-mêmes étendus alors que dire que l’amour a pour propriété le désir de s’unir à l’autre n’est pas dire qu’en lui-même l’amour se réduit à ce désir. Si donc une essence comprend ses propriétés mais ne s’y réduit point, ce sont plutôt les corps qui sont propriétés, ou ce que tu appelles propres, de l’étendue que l’inverse. Car l’essence d’un corps ne se comprend pas à partir de soi, autrement ce serait Dieu, mais à partir de ce qui l’enveloppe, et de quoi pourrait-il s’agir sinon de l’étendue ?

Maintenant les propres de Dieu seront les modalités de son essence concevables sous trois formes. a) ce sont d'abord les modalités de son essence, i.e. de ses attributs : cause de soi, infinis, éternels etc. b) ce sont ensuite les modalités de son rapport à ses affections : causalité immanente, nécessaire, amour intellectuel etc. c) ce sont enfin les déterminations extrinsèques tirées de notre imagination plutôt que d’une compréhension intrinsèque de sa nature : justice, charité etc. et qui conduisent à l’anthropomorphisme, qui est l’obstacle épistémologique essentiel à la connaissance de l’essence de Dieu comme être absolument infini càd substance constituée d’une infinité d’attributs eux-mêmes infinis.

J’ai d’autre part bien compris ce que tu appelles ‘accident prédicable’ mais tu n’expliques pas ‘prédicamental’ et la différence que tu voies n’admettant semble-t-il que 5 sortes de prédicats. Il y aurait peut-être une sixième sorte de prédicat, l’accident prédicamental, qui serait inclus dans son essence mais pas nécessairement ?

[b]4. Sur les affections de Dieu[/b] : Dieu selon les thomistes ne se modalise pas, je suppose en raison de sa perfection. On comprend alors difficilement en quoi il n’est pas une chose inerte. La perfection de Dieu chez les spinozistes implique qu’il aie la puissance de s’autoaffecter, la perfection étant ce à quoi il ne manque rien de positif et l’autoaffection étant détermination intrinsèque et donc entièrement positive de l’essence de Dieu par elle-même.

[b]5. et 6. Sur la distinction de l’en soi et du par soi[/b] La vapeur existe par l’ébullition de l’eau tout en étant distincte de celle-ci, certes puisqu’il y a ici causalité transitive, mais à l’évidence elle appartient à un ensemble qui l’enveloppe, même si elle a son essence propre : elle n’est pas en elle-même, mais elle est une modification de l’eau. Quelle différence y a-t-il avec un cheval qui est produit d’un certain nombre de conditions qu’on appelle biologiques ? La vapeur est une modification de l’eau au même titre l’eau est une modification de l’hydrogène et de l’oxygène, ou au même titre que le cheval est une modification des conditions biologiques qui ont déterminé son existence. Je suis donc bien d’accord pour dire qu’une substance n’est la modification de rien, mais il me semble que c’est parce qu’on se limite à une connaissance extérieure et extrinsèque des choses, càd à l’imagination, que l’on croit trouver des substances partout dans la nature.

Et comment ne pas voir que si ‘’les substances créées sont des participations de Dieu’’, ce ne sont pas des substances puisqu’elles se conçoivent en Dieu ? Je ne vois pas ce que tu entends par ‘communauté d’analogie’ entre les êtres : à la différence de la ressemblance, l’analogie est une identité de rapport entre au moins quatre termes, 4 est à 2 ce que 12 est à 6.

Je ne vois donc pas en quoi tu réfutes l’argument selon lequel si une substance peut être effet d’autre chose, elle doit avoir quelque chose de commun avec cette autre chose et donc être l’une et l’autre à l’intérieur de cet élément commun, càd être en autre chose, ce qui démontre qu’on a eu tort d’appeler substance l’effet d’une chose extérieure si par ce mot on entend ce qui est en soi.

[b]7. Sur la notion d’individu [/b] Ce que tu dis du ver de terre que l’on peut couper sans le tuer va dans mon sens, puisque je dis que l’individu est existentiellement une unité extrinsèque de corps singuliers, càd un simple agrégat : je dis qu’un tas de terre est aussi bien un individu qu’un cheval, avec cette seule différence que la complexité de l’un est beaucoup plus petite que celle de l’autre. Mais une fois que le tas de terre est formé, il s’efforce de résister à ce qui pourrait le déformer au même titre qu’un cheval sauvage s’efforcera de résister au dressage. Ainsi un tas de terre coupé en deux fait deux tas de terre, parce qu’ici il y a n’y a pas la complexité organique d’un cheval, tandis que cela se rapproche de la moindre complexité organique du ver. Mais là où l’individu demeure indivisible, ce n’est pas du point de vue de son existence, mais de son essence : les deux vers que donnent le ver coupé ne sont ni l’un ni l’autre le ver qu’on a coupé. C’est donc parler fort superficiellement que de dire que l’individu est multiple en puissance.


[b]8. Le tutoiement[/b] Bon, l’usage sur ce forum est plutôt le tutoiement, c’est pourquoi j’ai tendance à l’adopter notamment quand je vois que quelqu’un a l’air d’aimer la recherche de la vérité pour elle-même, je vais donc persévérer dans ce comportement puisque rien ne s’y oppose vraiment de ta part :wink:

Amicalement,
Henrique

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ghozzis
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Messagepar ghozzis » 06 oct. 2003, 21:20

Salut Henrique,
Je n'ai pas la capacité de traiter de front toutes tes remarques. J'en choisis donc une, qui me semble être celle qui ME met le plus en difficulté.
J'avais demandé à Yves de me dire une essence d'une chose quelconque, et je ne crois pas qu'il m'en ait donné.
Tu me dis: "l'essence de l'eau, c'est H20"
Toi, tu m'en donnes une. Je te remercie.
Seulement déja premier problème: ce n'est pas l'essence d'un individu, mais c'est celle d'une espèce que tu me donnes (on passe donc en quelque sorte d'un aristotélisme [ousia] a un platonisme [idea, eidos]).
Pour résumer j'avais demandé (sans le formuler clairement il est vrai) qu'on me montre une ousia, et tu me montres une idea.
Mais j'avoue que, autant je pense que l'ousia est inconnaissable (voire n'existe pas), autant je ne sais pas si l'idea est inconnaissable.
J'ai tendance à penser que oui, à moins de faire de la phénoménologie, dans quel cas on remonte aux sensations du sujet. Si l'on ne s'arrete pas dans la sensation, on fera une régression à l'infini dans la définition d'une chose:
je ne pense pas qu'on connaisse l'idea de l'eau, et je vais te dire pourquoi.
On dit l'eau, c'est H20. Qu'est ce que l'hydrogène, qu'est ce que l'oxygène? Ce sont des atomes. Qu 'est ce qu'un atome. Des électrons et des protons. Qu'est ce qu'un électron? Qu'est ce qu'un proton? Là, la science commence à avoir plusieurs théories. On découvre tous les 10 ans à l'intérieur du proton de nouvelles particules. Par conséquent, on avoue que l'on ne sait pas ce qu'est l'eau.
Et je ne vois pas comment on pourrait le savoir, car il faudrait qu'on sache ce qu'est la matière, mais 'savoir ce qu'est la matière' n'a aucun sens, car pour savoir ce qu'est la matière on doit dire de quoi elle est faite. Si elle est faite de A, on demandera de quoi est fait A etc....
Mais là n'était pas mon propos. Je voulais savoir s'il existait des essences des choses singulières. S'il existe de telles essences, soit elles sont connaissables, soient elles ne le sont pas. Si elles le sont, soit tu en connais une, soit tu n'en connais pas. Si tu en connais une, donne la moi, car à présent, il me semble que moi, je n'en connais pas. <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_confused.gif">

Merci à l'avance pour tes lumières!

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YvesMichaud
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Messagepar YvesMichaud » 07 oct. 2003, 01:43

Salut Sacha,
Il n'est pas nécessaire de tout savoir d'une chose pour dire qu'on la connaît. De même, il n'est pas nécessaire de savoir toutes les vérités pour dire que la vérité est accessible. Il n'y a pas une alternative qui serait tout connaître ou ne rien connaître. À supposer que l'essence de l'eauë soit H20, cela serait définitivement acquis, et nos découvertes ultérieures en physique subatomique* ne feraient qu'accroître et préciser cette connaissance, et non la changer. La science est un progrès, et non un bouleversement incessant.

Tu confrontes l'eidos de Platon et l'ousia d'Aristote.

La vraie différence entre l'essence platonicienne et l'essence aristotélicienne, c'est que, d'après Platon, les «formes» sont séparées des individus. D'après Aristote, les formes sont réalisées concrètement dans les individus. Elles sont donc à notre portée, si je puis dire.

Par contre, je concède une chose: si chercher les essences des choses signifie chercher à définir les choses à la manière des logiciens (définition «métaphysique» faite d'un genre et d'une différence spécifique), cette recherche ne peut qu'être stérile et infructueuse. Au mieux, nous n'aurons que des définitions artificielles.

Il vaut mieux procéder plus modestement, et chercher, non pas à définir chaque corps, mais chercher à connaître quelque chose des corps, des attributs, des propriétés, des lois. Cette démarche n'implique pas la négation des essences. Elle implique plutôt un renoncement à un idéal inaccessible pour nos intelligences.

Cordialement,
Yves M

* Remarquez mon icône atomique, tout à fait à propos.

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Messagepar ghozzis » 08 oct. 2003, 09:24

Salut Yves, salut Henrique,
sur ce que tu as dit Yves, je n'ai pas beaucoup à redire. Seulement je rappelle d'où était parti le débat.
Je remarquais que spinoza utilisait la notion de "essence de notre corps" pour définir la liberté et le désir. Comme cette notion me paraissait floue, j'en déduisais que des questions aussi importantes pour nous que celles du désir ou de la liberté n'avaient pas reçu de réponse satisfaisante.
Et j'avoue qu'à présent, j'en suis toujours au même point <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_frown.gif">
Cordialement,
Sacha Ghozzi

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Henrique
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Messagepar Henrique » 09 oct. 2003, 14:38

Il y a des problèmes sur le site, liés à une manipulation récente de mon système par mon hébergeur. Cela peut entraîner des pertes de certains messages. Je préviendrai quand ce sera rentré dans l'ordre.
Henrique

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bardamu
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Messagepar bardamu » 10 oct. 2003, 00:10

Bonjour,
je me permets de tenter d'apporter un petit éclairage sur la question en commentant ce scholie de E2,10 qui me semble important.

PROPOSITION X
Scholie ( ... ) Mais je n'insiste pas, mon dessein n'ayant été ici que d'expliquer pourquoi je n'ai pas dit que l'essence d'une chose, c'est ce sans quoi elle ne peut exister ni être conçue. Les choses particulières, en effet, ne peuvent exister ni être conçues sans Dieu ; et cependant Dieu n'appartient point à leur essence. En conséquence, j'ai dit : ce qui constitue l'essence d'une chose, c'est ce dont l'existence emporte celle de la chose, et la destruction sa destruction, en d'autres termes, ce qui est tel que la chose ne peut exister sans lui, ni lui sans la chose.

Selon moi, Spinoza insiste ici pour donner corps à la notion d'essence. Il sort ainsi de tout l'univers platonicien ou de celui de la logique pour faire de l'essence quelque chose de concret, de lié à l'existence.

Pourquoi ?
Regardons la conséquence de son changement d'optique.
Dans le cadre ''normal'', un homme forcé de tirer une charrue est un homme (essence) qui fait un travail de boeuf (accident de l'existence). Dans l'optique spinoziste, cet être est plutôt un boeuf, il tue son humanité en faiisant le boeuf, il se bovinise. Cela signifie qu'un être ne se définit pas par un être abstrait, par l'appartenance à une catégorie logique, d'espèce ou autre, même pas par une génétique ou une biologie seulement déterminée par des caractéristiques corporelles mais par un mode d'existence complet, un mode de vie qui implique corps et esprit.
N.B. : cela ne préjuge nullement de la valeur de telle ou telle essence chacune étant singuière, et les caractérisation ''bovine'' ou ''humaine'' étant déjà non-spinoziste en tant qu'expression de catégories appliquées à un individu.

Comment ?
Comment arrive-t-on a une telle notion de l'essence ?
Je crois que cela découle du parallélisme des attributs d'étendue et de pensée. Dans l'étendue et la pensée s'expriment les mêmes événements qui affectent la Substance. L'essence, que l'on place si souvent dans la pensée, dans le concept, devient ici une spécificité de la substance elle-même et s'exprime donc dans les 2 attributs simultanément.
Au mode substantiel ''Pierre'' correspond un mode étendue et un mode de pensée, un corps et une âme. Le mode substantiel ''Pierre'' est en quelque sorte un domaine en Dieu, une région, un état de la nature, territoire qualitatif et quantitatif, lieu de rapports spécifiques entre parties de Dieu.

Le désir est défini et non pas déduit.
Il représente les rapports internes à l'homme, ce qui se passe entre les parties constituant son ''territoire'' :
E3, appendice déf. 1
. En effet, par une affection de l'essence de l'homme, nous entendons un état quelconque de cette même essence, soit inné, soit conçu par son rapport au seul attribut de la pensée, ou par son rapport au seul attribut de l'étendue, soit enfin rapporté à la fois à l'un et l'autre de ces attributs. J'entendrai donc, par le mot désir, tous les efforts, mouvements, appétits, volitions qui varient avec les divers états d'un même homme, et souvent sont si opposés les uns aux autres que l'homme, tiré en mille sens divers, ne sait plus quelle direction il doit suivre.

L'appetit, le désir agitent l'homme mais ils forment son essence lorsqu'ils sont orientés à la conservation d'un certain rapport qui est la définition même de cet homme. L'homme est un certain rapport de chose consubstantiel à un état de désir, le conatus.
Chaque chose a son conatus c'est-à-dire ce quelque chose qui la fait se conserver et c'est donc en quelque sorte le conatus dominant qui détermine une essence, un rapport qui se conserve.

En résumé, je comprends donc l'essence comme un certain rapport de chose.
Ce rapport est consubstantiel à un conatus, une tendance à se conserver. En celà, un être sans conatus, un homme sans désir ne se conserve pas, n'a pas de rapport établi et donc pas d'essence. Quand à la liberté, c'est simplement faire que tout notre être intensifie son conatus et ne se dissolve pas dans les affections ''autres''. Notre seule liberté est d'être nous-même, de résister, d'intensifier notre essence par la connaissance vraie de nous-même et du monde, par la conscience de notre rapport singulier au monde. Mouvement d'auto-intensification, la connaissance amenant la connaissance, la joie succédant à la joie, béatitude...[size=50][ Edité par bardamu Le 10 October 2003 ][/size]

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Messagepar ghozzis » 10 oct. 2003, 13:59

Salut Alexandre,
Je reprends
'En résumé, je comprends donc l'essence comme un certain rapport de chose.
Ce rapport est consubstantiel à un conatus, une tendance à se conserver. En celà, un être sans conatus, un homme sans désir ne se conserve pas, n'a pas de rapport établi et donc pas d'essence. '
Ce qui ne me satisfait pas dans ce que tu expliques, c'est que tu contentes de résumer ce que dit Spinoza, sans éclaircir ce qui justement fait difficulté.
Quel est précisément ce rapport entre les choses, pourquoi l'appeler 'essence'?
Comment se fait il qu'il y ait un lien avec un conatus?
Pourquoi ne pas se contenter du mécanisme et ià la place ntroduire la notion d'essence du corps?
Bien d'autres questions me viennent à l'esprit.
Pardonne-moi, mais tu n'es pas plus clair que Spinoza, et comme ce que dit Spinoza est flou et obscur...
Je te pose la question: es tu, TOI, convaincu parce que dit Spinoza, ou bien te contentes tu d'expliquer 'sans t'engager'? <IMG SRC="images/forum/smilies/icon_rolleyes.gif">
Sacha

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Messagepar bardamu » 11 oct. 2003, 14:18

Euh... c'est moi Alexandre ?
Disons que oui.

''Quel est précisément ce rapport entre les choses, pourquoi l'appeler 'essence'?
Comment se fait il qu'il y ait un lien avec un conatus?
Pourquoi ne pas se contenter du mécanisme et ià la place ntroduire la notion d'essence du corps?''

Le mécanisme est insuffisant parce qu'il fonctionne à partir de pièces d'un seul bloc qui n'existent pas chez Spinoza. Il n'y a pas de rouages, pas d'atomes insécables, tout est fluide, composé à l'infini, plutôt sur le modèle de la physique des champs (modulations de l'air = musique, du champ électromagnétique = lumière, de la surface de l'océan = vagues et
surf) que celui de la mécanique.
Il n'y a pas de rouage avec une essence de rouage, il y a plutôt des accords musicaux qui valent par le rapport entre les notes. Cela ressemble peut-être à ça <!-- BBCode auto-link start -->[url=http://perso.wanadoo.fr/pascal.brunot/Tablatures/tab48.htm]http://perso.wanadoo.fr/pascal.brunot/Tablatures/tab48.htm[/url]<!-- BBCode auto-link end --> , le monde de Spinoza.
Une chose n'est pas la note mais le rapport entre les notes. Faire 7-7-5 ce n'est pas le même accord que 5-5-5 et donc pas la même musique et donc pas la même essence.
De manière très analogique, le conatus est l'ordre interne à la chanson qui fait que quiconque chante ''Il suffira...'' provoque en lui-même la tendance à poursuivre par ''...d'un signe''. Il y a entrainement, viscosité, tendances propres qui font qu'une chose est ce qu'elle est.
Si l'essence est la spécificité d'un rapport de choses, c'est que tout n'est que rapport chez Spinoza, modes de la substance.

''Je te pose la question: es tu, TOI, convaincu parce que dit Spinoza, ou bien te contentes tu d'expliquer 'sans t'engager'?''
Eh bien, la question est moins de conviction que de sensibilité.
Il se trouve que mon univers de représentation est proche de celui de Spinoza et que je crois comprendre assez facilement ce qu'il dit. Je pense que c'est notamment dû à mon étude de la physique quantique qui m'a permis de sortir des représentations mécanistes du monde qui est la norme actuelle.
L'univers explicatif scolaire et donc ''grand public'' est dominé par la méthodologie des sciences du XVIIIe-XIXe avec des catégories, genres, espèces, de l'atomisme et des théories linéaires. Une chose est en général conçu comme un bloc de matière entrant dans telle ou telle catégorie. On n'est pas loin de Platon (ou Aristote ? j'sais plus...) et de son homme = animal à 2 pattes sans plumes.
Pourtant, le XXe siècle a vu naitre une autre physique qui domine dans les secteurs les plus ''ontologiques'' de la physique mais qui n'est pas passé dans la culture commune. Dans cette physique, les choses sont des états de systèmes expérimentaux (décomposables à l'infini), elles sont spatio-temporellement mal définies, non-locales (concept d'éternité, hors de l'espace-temps), elles sont des modulations de champs (cf modes de la substance) etc...
Je ne dirais pas qu'il faut étudier la physique quantique pour comprendre Spinoza mais il me semble clair qu'il faut sortir des représentations mécanistes avec des corps comme des billes fermée sur leur "en-soi" et s'arrangeant pour former des atomes-molécules-cellules-tissus-organes-corps humain.
Et il faut aussi lutter contre la psychologie organiciste (pensée = cerveau) et réapprendre ce qu'est un esprit, une âme, une idée. Spinoza se moque de Descartes et de sa glande pinéale qui relierait l'âme au cerveau, et on peut aussi se moquer des biologistes qui relieraient nos pensées aux neuro-transmetteurs et autre hypothalamus.
Comprendre ce qu'est la métaphysique, les autres attributs de la Nature outre le physique.

Fabien.

P.S. : Comme il faut du temps et du talent pour commenter Spinoza, et que je n'ai pas le premier et peut-être pas le second, je t'invite à consulter un cours de Deleuze riche et clair qui est tout à fait dans mon approche de Spinoza : <!-- BBCode auto-link start -->[url=http://www.webdeleuze.com/php/sommaire.html]http://www.webdeleuze.com/php/sommaire.html[/url]<!-- BBCode auto-link end --> . Pour tes questions les 3 derniers cours (10, 17 et 24-03-81) seront peut-être les plus éclairant.
N.B. : la fin des cours est parfois présente dans les docs en RTF ou PDF.[size=50][ Edité par bardamu Le 11 October 2003 ][/size]

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Messagepar Henrique » 11 oct. 2003, 16:10

[quote]
On 2003-10-11 14:18, bardamu message:
Euh... c'est moi Alexandre ?
Disons que oui.
[/quote]

<IMG SRC="images/forum/smilies/icon_biggrin.gif"> Tu as le même avatar, le gros oeil, qu'Alexandre un autre intervenant sur ce forum, Sacha qui ne fréquente le forum que depuis peu t'a pris pour lui. Content de te relire Bardamu, tu arrives à point nommé :wink:.
Henrique


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