Questions à C 162

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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Miam
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Questions à C 162

Messagepar Miam » 28 janv. 2006, 12:51

A C 162 :

Je me permets de vous poser une seconde fois ces quelques questions qui, hélas, furent noyées par les nombreux et récents « échanges » contenus dans le sujet « Le troisième genre de connaissance, etc… »

La première vous fut sans doute voilée par la discussion entre Hokusaï et Riseohms. Elle concerne la référence bibliographique du texte de Vinciguerra qui, dites-vous, critique la lecture faite par Moreau de la conception spinozienne du langage. Je ne sais si ce texte est facilement disponible. Dans le cas contraire, pourriez-vous me communiquer un bref résumé de son contenu ? (voir messages du 27/1 12h42 et 28/1 00h01)

La seconde question concerne le lien intime que vous affirmez entre la lecture de Spinoza par Zourabichvili d’une part et celle de Deleuze d’autre part. Pourriez-vous m’expliquer ce rapprochement ? (Voir message du 13/12 9h43)

La troisième concerne ce même lien intime que vous étendez aux commentaires de Rousset, Ramond et Moreau. Je pense qu’elle mérite également quelques précisions. (Voir messages du 20/12)

Enfin la quatrième concerne à l’inverse la critique selon vous commune à Zourabichvili, Ramond et Rousset de la « réification des essences » dans la lecture deleuzienne de Spinoza. Dans la mesure où je n’ai pas compris votre explication quelque peu laconique, pourriez-vous la développer ? (Voir message du 18/1 12h27)

Pardonnez-moi de vous donner tant de travail. Mais je pense que de nombreux lecteurs attendent avec impatience ces quelques développements. Sachez que je me réjouis de pouvoir communiquer avec un lecteur attentif de l’ouvrage zourabichvilien : « Spinoza, une physique de la pensée ». Aussi je regrette ces déplorables « malentendus », responsables du retard d’ échanges qui, j’en suis sûr, nous seront profitables à tous deux.

Bien à vous et à bientôt.
Miam.

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Messagepar Miam » 28 janv. 2006, 13:05

Comme je n'avais pas encore lu votre réponse, veuillez supprimer la première question.

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Re: Questions à C 162

Messagepar C162 » 29 janv. 2006, 20:16

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Messagepar Louisa » 30 janv. 2006, 05:50

Salut Miam et C162,

après ne plus avoir pu visiter ce forum pendant quelques semaines (ce qui veut dire que je dois toujours répondre au dernier message très long mais très intéressant de Miam :oops: ), voici que je rencontre par hasard dans vos échanges quelque chose qui touche au thème qu'on était en train d'aborder à l'époque:

C162 a écrit :plutôt lecteur attentif des commentaires de Moreau - je suis assez peu convaincu par les textes de Zourabichvili même si je ne peux que saluer son courage théorique (étude de ce qui était appelé parallélisme et qui est nommé aujourd'hui égalité)


Je suppose que vous référez à la proposition de Chantal Jaquet de remplacer 'parallélisme' par 'égalité'? Si oui: cela veut-il dire que vous êtes d'accord avec cette proposition? Comme je ne suis pas vraiment convaincue, cela m'intéresse toujours de connaître les raisons pour lesquelles cette proposition vous semble pertinente.
Bien à vous,
Louisa.

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Messagepar Miam » 31 janv. 2006, 16:48

Cher C 162

Sur Vinciguerra je n’ai encore rien reçu, sinon les références que vous avez livrées dans « Le troisième genre etc…. ».

Qu’est-ce qu’une « position quasi-officielle » et d’où vient-elle ? N’est-ce pas là une lecture parmi d’autres ?

Ce qui m’intéresse chez Zourabichvili, c’est la problématique de l’individu et de l’individuation chez Spinoza. Selon l’auteur lui-même, c’est bien de cela qu’il s’agit (Voir aussi le « conservatisme paradoxal » au sujet de l’enfance). Or, c’est bien de cela qu’il s’agit également dans nombre d’ouvrages deleuziens traitant de la critique de la conscience individuelle et de l’accès à un « sub-individuel » derechef collectif et historique. Mais certes, cela apparaît moins chez le Deleuze du «problème de l’expression » que dans « Spinoza, critique de la conscience » ou d’autres ouvrages qui ne traitent pas immédiatement de Spinoza.

Ce qui m’intéresse chez Zourabichvili, c’est que son appréhension « synthétique » de la « physique » spinozienne, où tout corps est immédiatement à la fois mouvement et puissance d’agir (et son correspondant mental), permet précisément de faire l’économie du rabattement de l’ « exprimer » sur l’ « attribuer à/de… » que l’on trouve chez Deleuze. Cela ne veut pas dire que je sois en accord sur tout ce que dit Zourabichvili en cette matière. Il est certain que quelques unes de ses affirmations semblent hasardeuses, comme lorsqu’il met de côté le Lemme 4 pour cause d’ « archaïsme ». Mais je pense que ces confusions peuvent être évitées si l’on tient compte de ce que je nomme la « composition infinitaire » de tout corps et de toute idée dans un attribut indivisible et continu. Comme le montre Zourabichvili, Spinoza passe alors aisément du physique au biologique (bien mieux que ne l’a tenté Leibniz) et, de là, au problème de l’individuation, c’est à dire aussi de la désignation de l’individu – problème récurrent de la logique.

Dès lors, lorsque Zourabichvili reproche à Deleuze d’avoir réifié les essences à mesure que celles-ci s’actualisent dans le « quantitatif extensif » de l’existence, je suis d’accord avec lui, puisque nous observons tous deux une solution de continuité entre l’indivisibilité de l’attribut contenant les essences et le mouvement physique (ou mental) de la chose existant en acte. Cependant, on ne saurait dire que Zourabichvili reproche à Deleuze d’avoir fait des essences des choses « physiques », puisque pour Zourabichvili lui-même, et comme l’indique le titre de son ouvrage, les essences (ou « formes ») sont en effet toutes « physiques », bien qu’elles ne soient pas « réifiées ».

Je pense – il ne faudra pas m’engueuler pour cela – je pense donc que, sous l’apparence d’une même critique, Zourabichvili et Ramond signifient des choses différentes. Ce que Zourabichvili critique chez Deleuze (et avec cela je suis d’accord), c’est par exemple que, pour ce dernier, les parties constituantes d’un corps n’ont pas d’essence. Deleuze distingue l’essence de l’existence dans le « quantitatif extensif » du monde concret « existant en acte ». Ce que ne saurait accepter Zourabichvili, si attentif à expliquer l’indivisibilité des attributs et partant la synthèse des essences-formes à tous les niveaux de leur actualisation.

Ce que visent à l’inverse Ramond ou Moreau en disant que les essences deleuziennes ont « une réalité physique », c’est l’impossibilité d’une objectivité, d’une visée de l’essence qui soit non réflexive et exclue tout quantitatif, ou plutôt tout distributif. L’essence alors en effet ne saurait être « physique » ni au sens Zourabichvilien, ni au sens que l’on attribue à Deleuze. Le premier passe du quantitatif physique aux fonctions biologiques et aux formes essentielles synthétisées « physiquement ». Le second à l’inverse réifie la qualité intensive contenue dans l’attribut indivisible en quantités extensives « physiques ». Quant à Ramond, il conteste ce qu’acceptent les deux premiers : à savoir que l’on puisse, même au sein de la nature naturante, se passer du distributif « une infinité de… » et partant du quantitatif au fondement même de l’autoconstitution substantielle. Ramond entend établir l’échec de Spinoza à débarrasser la nature naturante de tout quantitatif. Et il montre que la qualité est elle-même rétablie au niveau modal par les degrés de perfection des espèces naturelles. Dans ce cas, et aussi pour Moreau, l’essence retrouve sa signification « analytique » pour une conscience réflexive.

Dans tous ces cas, la question est « qu’est-ce qu’une essence ? ». Et Zourabichvili ne répond pas à cette question comme le font Ramond ou Moreau.

Quant à la distinction entre l’essence et la chose dont elle est essence. Il faut noter qu’il ne s’agit pas de l’essence « d’une chose » mais de l’essence « de la substance, de Dieu, de l’attribut, du mental, du corps, etc… ». Il ne s’agit certainement pas de l’essence d’une chose = x, mais de choses déterminées. Une essence est bien plus qu’une définition. Aussi, plutôt que de conclure trop vite, il convient peut-être d’examiner à quelles occasions on « exprime », « enveloppe » ou « constitue » une « essence » (voire « une nature ») et à quelles occasions seulement la chose dont elle est l’essence. Il en va ainsi pour Dieu, mais aussi pour le Mental et bien d’autres « choses ». Il conviendrait par suite également de distinguer l’essence, la chose dont elle est l’essence, et son être (esse), en particulier lorsque celui-ci n’est pas décliné en êtres formel et actuel, comme dans le cas de la nature naturante. Et pour finir, il faudra bien aussi par suite distinguer entre l’être (esse) et l’existence (existentia). Bref : on n’a encore rien dit sur ce qui distingue l’essence et la chose dont elle est l’essence lorsqu’on fait remarquer que toute essence est l’essence de quelque chose. Et il me paraît un peu rapide de qualifier d’archaïsme néoplatonicien tout recourt au qualitatif dans l’Ethique, sous prétexte que le Traité politique n’a plus recourt qu’au quantitatif.

Nonobstant Robinet, que je salue au passage, on trouve des « essences de figures » dans l’appendice de la partie I. Mais peu importe : je ne vois pas le rapport avec ce qui nous préoccupe, sinon qu’évidemment Spinoza ne dit jamais « les essences de la substance ». La définition 4 n’exclut pas les substances à un seul attribut. Enfin : comment traduisez-vous les « exprimit (certam) essentiam » de la première partie ? Est-ce partout « une essence de la substance », ou seulement là où l’on trouve « certam », ou encore selon d’autres critères ?

Bien à vous
Miam

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Messagepar C162 » 01 févr. 2006, 01:04

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Messagepar C162 » 01 févr. 2006, 02:09

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Messagepar Pourquoipas » 01 févr. 2006, 03:28

Salut C162

C162 a écrit :(...)
Pourquoipas aura peut-être une ou deux choses à dire au sujet de Ramond lorsqu'il dit : "La quantification des essences des choses singulières conduit ainsi [...] à la notion paradoxale d'une personnalité instantannée", et à la façon dont il se réfère à la Lettre 22.
(...)

Je suppose que tu fais allusion aux pages 229-230 de Qualité et quantité... après l'analyse de l'exemple de l'aveugle de la lettre 21, dont parle aussi Zourabichvili p. 129-130 de Une physique de la pensée ? En effet, j'aurai quelque chose à dire, mais ce sera un peu plus tard et pas ici – d'autre part, j'ai encore à apprendre à parler le zourabichvilien, le ramondien, puis le miamien et le C162zien (pour le pourquoipaïen, ça va...).

Lento gradu, brother !

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Messagepar Miam » 01 févr. 2006, 13:37

Cher C 162

Dans le Court Traité, mais aussi dans certains scolies polémiques comme celui de la proposition I 15, Spinoza use du terme substance au sens d’attribut ou du moins de constituée par un attribut, comme le permet la définition 4. Mais certes les premières propositions n’ont pas affaire nommément avec les substances à un attribut. Pour démontrer que la distinction numérique n’est pas réelle et vice versa, il suffit de procéder par l’absurde à partir de substances ayant un nombre fini d’attributs. Pourtant ces propositions n’excluent pas les substances à un attribut. Ainsi la proposition 5 assimile la nature de la substance à son attribut (naturae sive attributi). Du reste, peu importe si ces substances sont constituées d’un seul attribut ou d’un nombre déterminé (et donc fini) d’attributs. Ce qu’il faut distinguer, c’est la substance selon la définition 3 et la Substance absolument infinie que l’on nomme Dieu. C’est bien sûr ce passage à la limite qui permet chacune des essences exprimées par chaque attributs de constituer ensemble une même essence divine. Cela n’est possible que si « une infinité » d’attributs constituent une même substance.

Pautrat doit avoir raison de traduire ainsi en I 16. Mais alors pourquoi « l’essence de la substance divine » en I 19 ? Parce qu’il s’agit de Dieu et précisément de la substance « divine » dira-t-on. Mais n’est-ce pas aussi plus simplement parce que la formule « une essence de la substance » répugne à notre logique ? Et que faire alors du scolie de I 29 qui demeure fort ambigu ? :

« on doit entendre par Nature naturante ce qui est en soi et conçu par soi, autrement dit ces attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie, c’est à dire (hoc est) (Coroll. 1 de la Prop. 14 et Coroll. 2 de la Prop. 17) Dieu en tant qu’il est considéré comme cause libre. »

C’est pourquoi la question d’Augustin relative à la substance me paraît légitime.

« Au sujet du mot 'chose', comment comprenez-vous res dans E 1P9? »

Au sens le plus scolastique qui soit de « substance » d’une part : la proposition 9 demeure marginale. Elle n’est utilisée par aucune autre, sinon de façon implicite dans le scolie de I 10, où il s’agit bien de la réalité ou de l’être des substances.

Mais aussi au sens de « modalité ». Les attributs n’appartiennent (pertinent ad) pas à ces choses mais coïncident dans leur production (« competunt »). Cela convient aussi bien aux substances qu’aux « choses » au sens de modalités.

Enfin, et pour doubler Louisa, pouvez-vous me dire pourquoi feu le « parallélisme » est remplacé (officiellement ?) par une « égalité », alors que Spinoza, comme l’a montré Jacquet, parle de « simultanéité » ?

A Bientôt
Miam

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Messagepar C162 » 01 févr. 2006, 18:04

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