Spinoza et la Stoa

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Spinoza et la Stoa

Messagepar Miam » 15 févr. 2006, 17:28

Quelqu'un (l'un de vous ou quelque auteur) a-t-il étudié les rapports entre Spinoza et le stoïcisme : je veux dire moins ce qui concerne l'éthique au sens strict que la physique, la causalité, le conatus, le langage etc..?

Merci
Miam

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Re: Spinoza et la Stoa

Messagepar Pourquoipas » 16 févr. 2006, 12:03

J'arrive pas à envoyer le scan de la page 495 de Moreau, L'expérience..., mais voici ce qu'il dit concernant Spinoza-stoïcisme (note 1) :
« (...) stoïcisme : B. Carnois, Le désir selon les stoïciens et selon Spinoza, Dialogue, t. 19, 1980, p. 255-277 ; R. Schottlaender, Spinoza et le stoïcisme, Bulletin de l'Association des amis de Spinoza, n° 17, 1986, et de nombreux autres ; (...) »
Dans la même note, nombreuses références aux rapports avec les autres pensées grecques.

PS - Si quelqu'un pouvait m'expliquer si, et comment, on peut envoyer un scan dans un message...

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 16 févr. 2006, 16:25

:) Zank U. Ca ne va pas être facile à trouver...

C162
a déjà pris quelques habitudes ici
a déjà pris quelques habitudes ici
Messages : 47
Enregistré le : 05 déc. 2005, 00:00

Re: Spinoza et la Stoa

Messagepar C162 » 17 févr. 2006, 02:31

..
Modifié en dernier par C162 le 26 août 2010, 13:00, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 21 févr. 2006, 21:39

Merci. Je m'intéressais plutôt aux notions stoïciennes antiques comme l'"oikeiôsis", proche du conatus, ou du "sunechein", bien plus que du stoïcisme éthique à la mode au XVIIè siècle. Quant au sunechein (voire à l'hexis), je pensais pouvoir y retrouver la physique spinozienne. Mais je crois à présent qu'elle est beaucoup plus proche de celle de Lucrèce (l'atomisme en moins bien sûr).

A l'origine, je voulais examiner les relations possibles de Spinoza avec le lekton comme incorporel. Mais je n'en trouve pas, malgré l'insistance de Deleuze sur cette notion pour introduire celle de "sens", puisque, comme Moreau l'a vu (en inversant cependant les termes) Spinoza distingue le sens de la signification. Il est vrai que dans la "logique du sens", Deleuze cite bien plus Leibniz que Spinoza. Je suis le dernier à m'en étonner.

Actuellement j'examine plutôt le dialogue de Spinoza avec Aristote et son déplacement spoinozien de la notion aristotélicienne de "signification", de sorte à rapprocher notre auteur (de fait par son écriture) de la sophistique grecque ou de la rhétorique romaine (mais Ciceron, dont notre Spinoza possédait au moins les "épistolae" était à la fois rhétoricien et stoïcien).

Je pense que ce déplacement, corrélatif de la distinction stricte des idées, des images et des mots et, conséquemment, de la critique de la volonté (voire de tout transcendantal) permet chez Spinoza une certaine indépendance des signifiants qui ne convient pas à la notion classique de "logos" tel que l'envisagent nombre de philosophes encore peu ou prou aristotéliciens (y compris phénoménologues, pragmatistes et logiciens). Cela exige bien entendu une retraduction du "logos" comme poiésis ( ou plutôt comme synthèse de la poiésis, de la praxis et de la techné dans la production, puisque, selon moi, l'essence n'est autre que la production de la chose chez Spinoza, et non sa signification) : d'un logos comme production plutôt que comme discours apophantique sur l'être ou même discours tout court sur "quelque chose".

Car, si dans le TTP le "discours" (oratio et non discursus) signifie un sens (mais non une signification), le sens n'est cependant pas toujours signifié ou dit mais aussi indiqué, exprimé, enseigné... Ce qui l'étend bien au delà du signitif (contre Vinciguerra évidemment) et du logos entendu comme "dire". Cela pourrait expliquer l'intéret de Spinoza pour le politique, à mesure que, à partir du TRE, il élabore une "théorie du langage" toute personnelle (de la "propositio" à l'"oratio"). Le langage, chez Aristote, n'est-il pas d'abord celui de la Cité ? Cela permet également un rapprochement intéressant avec Pascal. J'indique là seulement une direction de recherche au cas où elle intéresserait quelqu'un d'autre...

Enfin, si on ne me voit plus beaucoup, on saura pourquoi...

A+
Miam

Pourquoipas
participe à l'administration du forum.
participe à l'administration du forum.
Messages : 387
Enregistré le : 30 déc. 2003, 00:00

Messagepar Pourquoipas » 22 févr. 2006, 00:37

Miam a écrit :Merci. Je m'intéressais plutôt aux notions stoïciennes antiques comme l'"oikeiôsis", proche du conatus, ou du "sunechein", bien plus que du stoïcisme éthique à la mode au XVIIè siècle. Quant au sunechein (voire à l'hexis), je pensais pouvoir y retrouver la physique spinozienne. Mais je crois à présent qu'elle est beaucoup plus proche de celle de Lucrèce (l'atomisme en moins bien sûr).

A l'origine, je voulais examiner les relations possibles de Spinoza avec le lekton comme incorporel. Mais je n'en trouve pas, malgré l'insistance de Deleuze sur cette notion pour introduire celle de "sens", puisque, comme Moreau l'a vu (en inversant cependant les termes) Spinoza distingue le sens de la signification. Il est vrai que dans la "logique du sens", Deleuze cite bien plus Leibniz que Spinoza. Je suis le dernier à m'en étonner.

Actuellement j'examine plutôt le dialogue de Spinoza avec Aristote et son déplacement spoinozien de la notion aristotélicienne de "signification", de sorte à rapprocher notre auteur (de fait par son écriture) de la sophistique grecque ou de la rhétorique romaine (mais Ciceron, dont notre Spinoza possédait au moins les "épistolae" était à la fois rhétoricien et stoïcien).

Je pense que ce déplacement, corrélatif de la distinction stricte des idées, des images et des mots et, conséquemment, de la critique de la volonté (voire de tout transcendantal) permet chez Spinoza une certaine indépendance des signifiants qui ne convient pas à la notion classique de "logos" tel que l'envisagent nombre de philosophes encore peu ou prou aristotéliciens (y compris phénoménologues, pragmatistes et logiciens). Cela exige bien entendu une retraduction du "logos" comme poiésis ( ou plutôt comme synthèse de la poiésis, de la praxis et de la techné dans la production, puisque, selon moi, l'essence n'est autre que la production de la chose chez Spinoza, et non sa signification) : d'un logos comme production plutôt que comme discours apophantique sur l'être ou même discours tout court sur "quelque chose".

Car, si dans le TTP le "discours" (oratio et non discursus) signifie un sens (mais non une signification), le sens n'est cependant pas toujours signifié ou dit mais aussi indiqué, exprimé, enseigné... Ce qui l'étend bien au delà du signitif (contre Vinciguerra évidemment) et du logos entendu comme "dire". Cela pourrait expliquer l'intéret de Spinoza pour le politique, à mesure que, à partir du TRE, il élabore une "théorie du langage" toute personnelle (de la "propositio" à l'"oratio"). Le langage, chez Aristote, n'est-il pas d'abord celui de la Cité ? Cela permet également un rapprochement intéressant avec Pascal. J'indique là seulement une direction de recherche au cas où elle intéresserait quelqu'un d'autre...

Enfin, si on ne me voit plus beaucoup, on saura pourquoi...

A+
Miam


Cher Miam,

Tu es de toute évidence un grand travailleur et quelqu'un de philosophiquement très documenté. Mais, au lieu de nous apporter en brut moult notions grecques et latines, juste nommées et non précisées, ou au moins succinctement définies, ne serait-il pas mieux de se concentrer sur un problème précis et bien circonscrit et d'essayer un tant soit peu de l'analyser ou au moins d'en donner quelques indications (avec références à l'appui, si besoin) ? Par exemple :
— Sur le rapport oikeiôsis et conatus.
— Quand tu dis : « Quant au sunechein (voire à l'hexis), je pensais pouvoir y retrouver la physique spinozienne. Mais je crois à présent qu'elle est beaucoup plus proche de celle de Lucrèce (l'atomisme en moins bien sûr) », pourrais-tu être un peu plus disert et moins allusif ?
— Que veut dire « le lekton comme incorporel » ?
— Quant à « la notion classique de "logos" tel que l'envisagent nombre de philosophes encore peu ou prou aristotéliciens (y compris phénoménologues, pragmatistes et logiciens) », il faudrait là aussi préciser un peu plus, la notion de logos étant (c'est un minimum de le dire) très polysémique.
— Quant à faire intervenir une foultitude d'auteurs (Aristote, Lucrèce, Cicéron, Pascal, d'autres plus modernes) à propos de Spinoza, il faudra là encore aussi préciser, et sur des points plus précis...
— Quelle différence fais-tu entre oratio et discursus ? Et quel sens donnes-tu toi au « discours » tel que tu l'emploies ? Sans parler de la propositio et de l'oratio !
— Et puis, au sujet de « la parole dans la Cité », en quoi y a-t-il rapprochement intéressant avec Aristote et Pascal ?

Etc.

Bon courage dans ton travail, qui m'a l'air bien fourni. (Je suppose que tu prépares un ouvrage.)

Bien à toi.
Porte-toi bien.

JF

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 22 févr. 2006, 09:48

J'ai dit que j'indiquais seulement le sens de ma recherche, pas que j'allais m'expliquer. Cela exigerait de trop nombreuses pages. Quant aux termes grecs, il suffit de se rapporter aux commentateurs des stoïciens et d'Aristote. De même pour le lekton comme incorporel, dont parle Deleuze dans l'aujourd'hui très classique "Logique du sens".

Sur la différence entre discursus et oratio, il semble que le premier se fonde sur la proposition et la signification du sujet (que ce soit par identité et différence comme chez Aristote ou par composition des natures simples comme chez Descartes:il s'agit de la signification d'une "chose" ), ou du moins sur l'opposition vrai/faux que conteste Spinoza, tandis que le second (oratio) est d'ordre plus rhétorique que dialectique et concerne le sens, plutôt que la signification. Je voulais simplement dire par là que Spinoza me semble contredire la notion normative du "logos" (légein = rassembler, recueillir, calculer, dire) depuis Parménide jusqu'à Heidegger.

Comme le discours philosophique se base sur une certaine notion normative du langage, il me paraît profitable de jeter un regard "non philosophique" (philologique, poétique, sophistique..?) sur la philosophie... pour s'apercevoir que dans la plupart des cas, la philosophie conduit à l'exclusion de l'Autre, à savoir de celui qui ne parle pas philosophiquement, c'est à dire (pour Aristote comme pour Heidegger) qui ne signifie rien et, partant, ne parle pas au sens classique du "logos". Ainsi les esclaves "eulogou" (sans logos), les femmes, les enfants et les sophistes chez Aristote, auxquels il faut ajouter les poètes chez Platon, sont comme exclus de la cité et par suite de l'humanité (les sophistes, chez Aristote, sont des "plantes"). C'est un thème fort actuel, il me semble...

A bientôt
Miam

Avatar du membre
Miam
participe avec force d'âme et générosité
participe avec force d'âme et générosité
Messages : 946
Enregistré le : 28 févr. 2004, 00:00

Messagepar Miam » 22 févr. 2006, 18:27

Bon, enfin : en gros l'oikeiôsis concerne l'autoconservation et la sunechein (et l'hexis) le mélange-synthèse entre les corps. Quant à Lucrèce, à seconde vue, s'il s'accorde à la physique spinozienne, c'est de façon fort lâche.

Quant aux aspects rhétoriques et poétiques dans l'Ethique, il y a par exemple "Verba" avec V majuscule en II 49s. "Verbum", on sait ce que cela veut dire : la Parole-Présence de Dieu : le Logos, précisément. Mais "Verba" au pluriel, j'appelle cela de l'humour. Sur les autres aspects poétiques dans l'Ethique (allitérations surtout), voir le bouquin de Meschonnic. PS. Si quelqu'un a compris pourquoi on trouve parfois "Mens" avec majuscule et parfois "mens" sans majuscule, de même que "Corps" humain et "corps" humain, qu'il me le fasse savoir...

Sur l'aspect rhétorique, il est à remarquer que la notion de signification selon II 18s et II 40s2 ressemble fort à ce qu'on trouve dans le "De l'interprétation" d'Aristote: à savoir la signification d'un état de l'âme semblable à la chose-même. Mais le retrait de la signification hors des images, c'est à dire la distinction des signes et des images (que ne veut pas voir Vinciguerra), déplace complètement cette structure, puisque le signe est fondé sur une simultanéité d'images et que, d'autre part, c'est l'image et non le signe qui "indique" la constitutio (= état) (II 16c) ou l'affect (constitutio seu affectus dit Spinoza quelque part). Cela, c'est à la fois de la persuasion dirigée vers un lectorat rompu à l'aristotélisme thomiste et, toujours, de l'humour.

Il en va de même pour les différentes propositions analogues si ce n'est que certaines concernent l'ordre des essences et les autres l'ordre des existence, comme l'a vu Guéroult. Cela aussi caresse le lecteur classique dans le sens du poil. Mais par ailleurs entre ces deux ordres, il n'y a pour Spinoza qu'une différence de "temporalité" (temps/éternité) et non deux domaines distincts dont l'un serait comme la possibilité de l'autre. De même dans le TTP : comment "...de Dieu", qui n'a pas de signification, peut-il avoir un sens ? Encore de l'humour...

La substance n'est elle pas cause, non seulement du possible-réel (cela on le sait, le possible est réel chez Spinoza), mais aussi de l'impossible, des cercle-carré, bouc-cerf et autres chimères sans signification ? Quant au non-sens qui, dans la "logique du sens" deleuzienne est cette case vide qui permet le sens, ne la trouve-t-on pas dans la notion même de substance ? La substance finie, dans la mesure où elle implique et non seulement enveloppe une contradiction (voir échange avec Pourquoi pas)n'est-elle pas un non-sens ? Le nom même de substance ne demeure-t-il pas (pour Spinoza) un non-sens si on n'assume pas le paradoxe (sans signification) d'une infinité d'attributs constituant cette substance sans en être les parties ? Etc... Cela pour indiquer plus précisément ma présente démarche, au cas où, comme je l'ai déjà dit, cela intéresserait quelqu'un d'autre (on peut croire au miracle et je me sens parfois un peu seul).

Bien à tous
Miam


Retourner vers « Questions transversales »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 22 invités