Incompatibilité de Dieu et du libre arbitre

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Pej
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Messagepar Pej » 07 avr. 2006, 11:36

Le concept d' "automate" a une histoire, et il est vrai qu'on pourrait le critiquer. Mais je pense que Compton l'emploie sans arrière-pensées telle celle d'un créateur.
Je comprends bien vos explicitations, mais je crois que c'est définitivement la métaphysique spinoziste à laquelle je n'arrive pas à adhérer.
Croire qu'on peut être déterminé par sa seule nature, voilà qui me paraît bien naïf. D'une part parce que ce terme de "nature" est plus que contestable, et d'autre part parce que je ne peux jamais me détacher des autres "modes finis" qui agissent sur moi.

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Messagepar hokousai » 07 avr. 2006, 14:21

à Pej

Il ne s'agit pas de croire .Il est logique qu'une substance infinie ne soit pas déterminé extrinsèquement .La nature la plus essentielle de Dieu est de ne pas être déterminé extrinsèquement ( causa sui) . Les attributs suivent .
On peut ne pas admettre cette séquenciation de Dieu en attributs . Spinoza a considérablement réduit le nombre des attributs traditionnellement admis .Il ne parle donc que des attributs auxquels selon lui nous avons accès .( la distinction esprit –pensée n’est évidemment pas une innovation)

On peut contester que l' étendue soit distinguables de la pensée ou bien réduire l' une à l'autre .Spinoza maintient une distinction ( évite le matérialisme et l'idéalisme ).
Une idée ressemble à une idée et est comparable à une idée , un corps étendu est comparable à un corps étendu .La distinction Spinoza la dit résider dans l’expression de deux attributs .Attribut et non mode puisque pensée et Etendue sont comprises comme éternelle infinie .
Puis qu’il faut rendre compte de la particularité des choses existantes on a recours à mode ou manière .

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Messagepar Pej » 08 avr. 2006, 13:28

Comme je le disais plus haut, ce débat s'efffectuant sur le terrain métaphysique, nous n'en sortirons jamais. Mais je vous remercie moi aussi pour les efforts effectués afin de défendre la pensée spinoziste, efforts qui permettent de l'éclairer sur de nombreux points.

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Messagepar sescho » 09 avr. 2006, 10:09

Je reviens sur certains points antérieurs :

pej a écrit :… les "spinozistes", et Spinoza lui-même, conservent une part d'illusion, laquelle consiste à se sentir libre, alors même qu'on affirme comprendre ses propres déterminations.
A mon sens, que Spinoza ait raison ou non (autrement dit, que la réalité soit entièrement déterminée ou non, et qu'un pouvoir tel que le "libre arbitre", pouvoir bien mystérieux j'en conviens existe ou non), l'illusion du libre arbitre me semble constitutive de la pensée humaine. Et lire l'Ethique autant qu'on veut n'y pourra rien changer.
On pourrait exprimer les choses ainsi : Je peux me penser comme déterminé, mais je ne peux pas me sentir déterminé.

Je dirais qu’en la matière il convient d’examiner les choses précisément : « constitutif », « pas constitutif » sont des affirmations dont il faut peser et argumenter la valeur réelle. En outre la pensée humaine n’est pas un être réel, mais un être de Raison, un terme générique qui dans la réalité est idée, émotion ou désir « conscients d’eux-mêmes », et ce « en l’instant. » Ce qui est premier c’est la conscience, autrement dit l’idée de quelque chose (une affection du corps, une émotion, un désir) qui est en même temps idée d’elle-même. Ceci constitue le seul « je » naturel, le sujet conscient par la conscience même ; y sont associés les objets, perçus comme extérieurs, et enfin la communauté de nature qu’implique cette communication entre les objets et le sujet. En cela, j’en suis parfaitement d’accord, aucune notion de « détermination », « nécessité » ne tient place ; mais pas plus « libre arbitre », « pas libre arbitre », etc. Il est à noter que Spinoza considère bien ces idées premières comme adéquates (« en elles-mêmes », comme idées d’affection du corps, par exemple) et donc exprimant « proprement » la nature de la substance ; mais très partiellement, évidemment. Il y en a bien d’autres, qui tiennent à l’usage de la Raison, elle-même basée sur ces idées premières (expérimentation), la mémoire et la logique (raisonnement.)

En conclusion sur le point de départ, je dirais, après m’être interrogé sans a priori sur ce qui est réellement « constitutif » de notre « nature psychique » - outre que l’on doit éviter de prendre pour vérité ce que seulement on ne soumet pas au doute - qu’il n’y a sentiment ni de détermination ni de non-détermination. La non-détermination, comme la détermination, doit donc être prouvée et non seulement affirmée. Dans ce cadre, je ne vois rien qui soutient la première, alors que tout soutient la seconde (mais sans doute, aucune preuve absolue n’est possible, en particulier du fait que le raisonnement exige des prémisses, par définition indémontrables, et que l’existence de la Nature unique et universelle en fait partie, expression générale de la communauté de nature citée plus haut.)

pej a écrit : Que les causes soient infinies, soit, mais cela ne change rien au fait qu'elles déterminent nécessairement l'effet (ou les effets, si à l'instar des causes on considère qu'isoler un effet n'a pas de sens). Et que donc croire que l'on pourrait y changer quelque chose est totalement illusoire.

Sur ce point, je dirais d’abord qu’il s’agit ici de causes transitives. Or celles-ci méritent tout juste le qualificatif de « cause » : la cause ne se conçoit pas sans l’effet puisque ces concepts sont liés. Par extension ceci ne se peut concevoir clairement que simultanément, sinon il s’agit plutôt de séquences d’évènements, étant appelée « cause » un quelconque événement antérieur. La pierre vole à cause de la fronde qui tournait avant le lâcher, ceci à cause du frondeur, à cause de l’objectif qu’il avait de, à cause de… En fait la seule vraie cause est immanente : les lois de la nature qui sont à l’œuvre partout. Dans ce cadre nous ne pouvons certes pas changer ces lois, et nous-mêmes en sommes la manifestation. Mais, dans l’autre sens, nous sommes une manifestation de la Nature ; c’est déjà beau, non ? Elle nous détermine en nous-mêmes à agir et surtout à rechercher le bonheur, sans qu’il soit un objet préhensible. Prenons-en notre parti, cherchons… Que nous manque-t-il ? L’ego ? C’est une construction et un poison !

pej a écrit :Croire qu'on peut être déterminé par sa seule nature, voilà qui me paraît bien naïf. D'une part parce que ce terme de "nature" est plus que contestable, et d'autre part parce que je ne peux jamais me détacher des autres "modes finis" qui agissent sur moi.

Je vous trouve un peu prompt à l’affirmation et pas assez à l’argumentation. La saine philosophie, je pense, demande de la modestie et plus le souci de comprendre que de savoir et d’affirmer. « Plus que contestable » veut dire niable… je demande à voir… En tant que quelque chose, j’ai une nature : celle de ce quelque chose. Par extension, il est par exemple dans la nature d’un oiseau de voler (sous-entendu : même quand il ne vole pas ; ceci exprime un potentiel, peut-être discutable ontologiquement mais pas du point de vue de la Raison), et pas dans la mienne. Quand j’ai une idée claire et distincte, absolument rien ne m’indique qu’elle est déterminée, comme nous l’avons dit plus haut, en particulier de l’extérieur. Dans ce cadre, elle est donc propre à ma nature seule (au sein de la Nature en général.) En revanche, lorsque j’ai une idée confuse, je suis… dans la confusion. Spinoza nous dit qu’alors nous sommes influencés par ce qui ne relève pas de notre pouvoir, donc de notre nature (éventuellement au travers de la mémoire.) Bien évidemment nous ne pouvons dans l’absolu être et être conçus sans les autres modes finis (et Spinoza dit clairement cela comme le reste), preuve que les deux ne sont pas incompatibles. De même je peux désirer sans me tendre : l’intention sans la tension, le non-attachement, le désir sans la soif (subtilité de grande importance d’où certaines incompréhensions après traduction de certains textes orientaux.) Alors, je ne suis pas conçu sans les objets, mais motivé dans le cadre de mon pouvoir propre.


Amicalement


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Messagepar Pej » 09 avr. 2006, 12:02

Je crains que je n'aurai jamais assez de mes maigres forces pour lutter contre toutes ces attaques spinozistes. De plus, j'avoue que la discussion est biaisée, car mon rejet du spinozisme a une origine purement passionnelle (un professeur spinoziste qui m'en a définitivement dégoûté), même si depuis j'ai essayé de rendre ce rejet plus rationnel. ;)
Je reviens tout de même sur ce concept de "nature". Sans aller jusqu'à rejoindre Sartre (qui tombe dans l'excès inverse), il me semble que ce concept soit est faux, soit ne dit pas grand chose.
Votre exemple est intéressant puisqu'il montre à quel point ce concept est difficile à manier. Bien entendu, il n'est pas dans la nature d'un oiseau de voler (une autruche est un oiseau et elle ne vole pas). Certes, la majorité des oiseaux possèdent la capacité de voler (c'est un potentiel qu'ils peuvent ou non actualiser, mais je m'étonne de voir apparaître cette distinction aristotelicienne sous la plume d'un spinoziste, car il me semblait que la notion de puissance n'avait pas de réalité pour Spinoza), mais je ne vois pas en quoi l'utilisation du terme "nature" est utile ici.
Dire que mes actions découlent de ma nature, autrement dit que ce que je fais dépend de ce que je suis, voilà qui ne fait guère avancer le schmilblick.
En fait, je crois qu'une des énormes faiblesses de la pensée spinoziste, c'est qu'elle n'intègre aucune dimension historique. Or, la dimension historique met plus qu'à mal le concept de "nature". Je pense par exemple aux critiques émanant de la biologie évolutionniste sur l'idée qu'il existerait une "nature" de l'espèce (pour reprendre votre exemple).

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Messagepar hokousai » 09 avr. 2006, 18:41

A Pej

Pour Spinoza les espèces , les genres sont des intellections . Notions universelles ( l’homme le cheval le chien)" chacun formera selon la disposition de son corps propre des images universelles des choses ""
Ce qui est opposé à la scolastique réaliste qui affirme que l ‘espèce est réelle , que donc l’oiseau à une nature , nature de l'oiseau qui est cependant à distinguer de Nature ( Dieu ou la nature ).
...................

Spinoza dit "" la raison qui me fait parler d’intellect en acte n'est pas que j'accorde aucun intellect en puissance . ""
...................

Aucune dimension historique !! certes, dans la mesure ou Spinoza doit bien penser que son discours reste pertinent quelque soit la période historique , mais connaissez vous beaucoup de philosophes qui ne pensent pas ainsi ?

bien à vous
hokousai

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Messagepar Pej » 09 avr. 2006, 19:27

Quand je reprochais à Spinoza l'absence de dimension historique, je ne lui reprochais pas de défendre un système qui prétend à la vérité (donc à l'universalité) et qui par conséquent doit être valable quelle que soit l'époque. Je lui reprochais de décrire une réalité où l'histoire n'a pas de place. Le monde spinoziste n'a pas d'histoire. Or, il me semble que ce qu'ont montré le XIXe puis le XXe siècle (qu'il s'agisse de la science ou de la philosophie), c'est qu'il était nécessaire pour comprendre notre réalité de l'inscrire dans une histoire.

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Messagepar sescho » 09 avr. 2006, 19:49

Cher Pej,

Le cas particulier de l'autruche (et, que sais-je, de l'émeu, du casoar, du kiwi, des oiseaux amputés du bout de leurs ailes, etc.) ne change évidemment rien à mon propos ; je parlais d'un oiseau volant habituellement et pas de l'embranchement des oiseaux en général (qui est un être de raison ; mais il y a manifestement des caractères communs - communauté de nature - qui font que cette classification a un sens.)

Le sens commun le plus élémentaire s'appuie sur la prise en compte de ce qu'une chose est susceptible de devenir ou de faire de par sa nature, même si en l'instant elle ne le fait pas (!!!). Cela entre dans la connaissance du premier ou du second genre (point sur lequel Hokousai a justement fait porter l'attention) mais je ne vois pas qu'on puisse en nier l'utilité, et donc la pertinence. Il n'y a rien là de spécifiquement spinoziste (par ailleurs, je suis cherchant avant d'être spinoziste.) On peut sans doute retirer le terme "nature" pour le remplacer par autre chose ; ce qu'est la chose, en premier lieu, et ce que cela détermine dans ce qu'il est possible qu'elle devienne par elle-même (autant que cela est possible dans l'interdépendance) ? Je veux bien mettre en cause la pureté de tels concepts, mais leur utilité, non.

Sur l'essentiel, même si c'est en général un mélange des deux, à moins de tout confondre et ne plus rien discerner, il me paraît inconstestable que les choses diffèrent entre elles et que par ailleurs la distinction entre agir et subir (pâtir) a un sens.

Amicalement

Serge
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Messagepar Pej » 09 avr. 2006, 20:50

Mon attaque du concept de "nature" était abusive j'en conviens. Comme tout un chacun, il m'arrive de l'utiliser, et c'est un concept qui a sa raison d'être. Le problème, c'est qu'il est par trop chargé de métaphysique, et qu'il ne me paraît plus opérant au vu de l'évolution des nos connaissances. C'est pourquoi utiliser le concept de "nature", en particulier dans un sens spinoziste, ne me semble plus très pertinent.
Et pour en revenir au sujet qui était originellement discuté, dire, comme le fait Spinoza, qu'être libre c'est agir "par la seule nécessité de sa nature", voilà ce que je ne suis pas prêt à accepter.

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Messagepar hokousai » 10 avr. 2006, 00:26

à Pej

Il est vrai que Spinoza aurait tendance à inscrire l’ histoire dans la réalité plutôt que la réalité dans l’ histoire .

Il n'est pas historiciste .L' historicisme penche vers le relativisme ,Spinoza n'est pas sur le fond relativiste ( ni sceptique ). Son ontologie se présente comme un logos "absolu ". Il parle d' ailleurs d 'idées absolues .

Il distingue des niveaux de connaissances . Il y a chez lui une sorte de perspectivisme .
On peut être spinoziste et admettre une variabilité du savoir de la science et même une variabilité des problématiques philosophiques .
Il reste un fond permanent et semble- t- il à ses yeux éternel ,accessible à l’esprit humain et qui transcende l ' histoire .
Une connaissance de la substance ( Dieu ) indifférente aux aléas de l 'histoire .


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