fragilité de l'entreprise métaphysique

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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YvesMichaud
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Messagepar YvesMichaud » 09 avr. 2006, 22:16

Louisa a écrit :Si le thomisme prétend démontrer des thèses à partir de quelques principes de sens commun et de faits d'expériences élémentaires, ce qu'il comprend, dans ce cas, par 'démontrer' ne peut qu'être très différent d'une démonstration scientifique, il me semble. Car en sciences, il faut d'abord inventer et créer un dispositif expérimental, puis modifier le phénomène naturel que vous voulez étudier de telle sorte que l'artefact ainsi produit puisse interagir avec le dispositif. Encore faut-il que cette interaction permette au chercheur de faire activement varier des variables bien précises et indépendantes l'une de l'autre, pour ensuite tenter de formuler une loi, une fonction contenant toutes ces variables, et qui correspond exactement aux données issues de cette variation (correspondance qui peut être vérifiée et confirmée par tous les collègues compétents).
On est loin, là, du sens commun ou de quelques faits d'expériences élémentaires. On est en plein dans l'artifice, utilisant un savoir tout sauf 'commun' (savoir mathématique, lois scientifiques déjà établies, ...).

Donc s'il est vrai que dans le passé, beaucoup de métaphysiciens se servaient de termes comme 'vérité', 'démonstration' etc, j'ai tout de même l'impression qu'il est très important de tenir compte de la différence énorme entre ce qui fait une démonstration pour un métaphysicien, et ce qui fait une démonstration pour un scientifique. Cela n'enlève rien à la valeur de la démonstration proprement métaphysique. Les problèmes ne commencent que quand on croît qu'il s'agit du même type de réalité, du même type de vérité.


C'est pourtant une démonstration au sens large du terme. On fait dériver nécessairement des conclusions de prémisses tenues pour valables, soit qu'on les croie vraies, soit qu'on croie qu'elles sont nécessaires ou utiles pour une raison ou une autre. La conclusion suit nécessairement des prémisses selon les règles de la logique formelle et le degré de certitude de la conclusion équivaut au degré de certitude des prémisses.


Il n'a pas à savoir si les atomes existent 'réellement', car cela est une question philosophique qui a à voir avec les différentes possibilités de concevoir la notion d'existence réelle. Pour un chercheur, il suffit de savoir ce qu'on peut FAIRE avec ce qu'on appelle des 'atomes', pour, dans ce sens précis, supposer qu'ils existent. Mais ce n'est pas cette supposition d'existence qui est importante, en science. C'est tout ce qu'on peut faire avec ce qu'on appelle des atomes qui compte, si vous comprenez ce que je veux dire?


Justement, voilà: la démonstration scientifique cherche aussi à faire dériver des conclusions de prémisses tenues comme valables, valables en raison de leur utilité. La métaphysique classique dirait plutôt que les prémisses sont valables en raison de leur certitude.

Vous avez donc raison: science et métaphysique diffèrent sur la démonstration. Et pourtant on reconnaît en métaphysique une authentique démonstration.

J'avoue que personnellement, quand un scientifique lance un énoncé très proche des grandes thèses métaphysiques (comme la création à partir du néant), je me méfie toujours déjà un peu de la 'scientificité' de tels énoncés. Et cela seulement parce que la chance qu'un scientifique REUSSIT à traduire ces thèses métaphysiques en des propositions scientifiques vérifiables et reproductibles me semble être assez minime.


Oui mais c'est très frustrant de lire de la vulgarisation qui contient des thèses métaphysiques grandioses avec les mêmes concepts que ceux qui sont utilisés classiquement en philosophie, alors qu'on ne sait pas exactement comment on en est arrivés à de telles conclusions.



Il ne peut en donner un commentaire métaphysique, et rien d'autre. Il n'a pas les compétences requises pour donner un avis proprement 'scientifique' sur ce que disent les scientifiques. Mais si un scientifique commence à défendre des idées comme la création à partir de rien, le métaphysicien a ... 2500 ans de bagage derrière lui, qui peuvent le permettre d'au moins demander quelques précisions au scientifique. Car le concept de la 'création à partir de rien' a été développé de façons assez différentes, en fonction du philosophe qui voulait le penser. De quel type de création ex nihilo Hawkings parle-t-il? Souvent, j'ai l'impression que quand on essaie de poser ce genre de question, on ne peut que constater qu'en fait, la façon dont ce scientifique brandit ce concept philosophique tout de même très compliqué est tellement imprécis que jamais cela ne peut correspondre à de la 'bonne science'.


Encore une fois je dis ma frustration face aux vulgarisations qui mélangent philosophie et science. Vous vous rendez compte? Il me faudrait à peu près 10 ans d'études continues pour acquérir une formation solide en physique quantique. Et ce n'est même pas sûr que je suis assez intelligent pour ça. Mais comment autrement COMPRENDRE les erreurs des vulgarisations? Tout ce qu'on peut faire c'est lire d'autres vulgarisations rassurantes qui nous mettent en garde contre des mauvaises vulgarisations, mais là il faut toujours avoir FOI en ces vulgarisations.

Même si Bardamu venait me dire que la physique ne parle pas réellement d'ontologie, ce serait seulement un avis parmi d'autres qui sont proposés à ma foi.

Or ... il se fait que précisément Spinoza a créé un concept de détermination qui ne s'oppose pas du tout à la liberté. Si quelque scientifique avait identifié Spinoza au déterminisme, il avait compris par 'déterminisme' tout simplement ce que le sens commun occidental au XXe siècle comprend par déterminisme: absence de liberté. Qu'il comprend le déterminisme dans ce sens précis devient assez vite clair, si on lit de tels énoncés. Dès que c'est le cas, on peut en déduire sans problème, je crois, qu'ici le scientifique a quitté le domaine de ce qui est scientifiquement démontré, pour y projeter quelques notions communes appartenant au sens commun de son époque et culture (qu'il partage), notions qui du coup ont l'air de recevoir un statut scientifique ET philosophique, mais sans que cela soit fondé dans la réalité (scientifique et philosophique).


Eh bien moi je ne suis pas compatibiliste. Je pense que le déterminisme est réellement l'absence de liberté. La liberté c'est le pouvoir de participer consciemment à la détermination de la nature de notre avenir.

Cordialement

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Messagepar hokousai » 10 avr. 2006, 01:01

Dîtes moi Yves qu’ est ce qui vous intéresse vraiment ?
Est –ce de croire à la liberté ou bien de pouvoir l ‘exercer .

Et une idée ne recouvre pas l’autre . La croyance en la liberté ne rend pas libre, sans doute favorise telle l’action mais c’est l’acte qui rend libre . C’est l’ homme agissant qui est libre et non l ‘ homme croyant . Le croyant est responsable et culpabilisable , ce sont des catégories juridiques et morales .La croyance en la liberté est alors garante de la moralité .
On est plus dans le registre de l’activité .

Je vois une différence entre agir se pensant libre et agir se croyant libre .Bien que Spinoza parle de »se croire libre » il ne me semble évoquer que la conscience naturelle de liberté et non la croyance religieuse chrétienne dans le libre arbitre ( contexte du péché originel d ‘un Adam libre ).
Je pense que la "croyance" dans le libre- arbitre est une excroissance moralisante , juridique et religieuse d ‘un certain genre , exprimée violemment elle est d’ un certain genre. Elle autorise un certain genre de pratiques juridiques et religieuses ..

Vous défendez l’idée de liberté comme vous défendriez un dogme religieux . L’idée de liberté n’ a d’utilité que si elle me rend libre c’est à dire que si elle me rend apte à agir .
Elle ne me rend libre que si j’agis me pensant libre et Spinoza dit bien que nous agissons nous pensant libre mais qu’ une information sur le contexte dans lequel nous agissons est aussi utile et même très utile , sans qu’ on soit obligé de penser à un recteur surnaturel de la nature destinant tout à l’ usage des hommes . Cela devrait suffire .

bien à vous
jean luc H.

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Messagepar YvesMichaud » 10 avr. 2006, 01:32

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Je crois qu'il y a un malentendu. Je ne crois pas (je ne crois plus) au libre arbitre. Ni au hasard. Je crois que tout arrive nécessairement, par la puissance de l'être suprême.

Le changement a une cause en acte. La volonté est en puissance vis-à-vis son acte de décision. Donc le changement que constitue la décision est causé par un pouvoir extrinsèque à la volonté.

C'est comms si c'était un syncrétisme entre le spinozisme et le thomisme, quoique ma connaissance du spinozisme soit assez minime.

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Messagepar hokousai » 10 avr. 2006, 14:56

oui , bon !
ça va- ça vient chez vous, j’ai répondu à ce que je pense être votre tonalité dominante

j’ai répondu à un Yves Michaud qui écrivait (sur st Thomas )fin février 2006

""""" C'est-à-dire que la conscience n'aurait aucune influence sur le corps et sur le cerveau en particulier. John Searle, en expliquant cette position, comparait la conscience, je crois, à l'écume des vagues. On appelle cela l'épiphénoménalisme.
Or, je viens de penser à un argument qui me semble écarter cette position……………
Il est donc raisonnable de rejeter le hasard. Il reste à rejeter l'hypothèse de l'épiphénoménalisme et à admettre que la conscience a un effet sur le corps.
Cette position est cohérente avec la thèse du libre arbitre, mais insuffisante pour le prouver. """"""""""""""

Cet Yves là est en ce moment plutôt déterministe , mais comme il pourrait bien revenir sur son opinion du jour je ne regrette pas mon message .


hokousai

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Messagepar Pej » 10 avr. 2006, 20:47

Louisa a écrit :Louisa a écrit:

Pour donner un autre exemple, que je connais un peu mieux: Libet avait fait une expérience célèbre qui montrait que quelques millisecondes avant qu'un cobaye décide de fermer la main, 'inconsciemment' le cerveau initiait déjà l'action. Certains en ont déduit que 'Spinoza avait raison'. Que voulaient-ils dire par là? Que donc l'inconscient déterminerait l'action consciente (ce qui n'était point démontré par l'expérience en question!), et que donc l'homme est déterminé, il n'est pas libre.
Or ... il se fait que précisément Spinoza a créé un concept de détermination qui ne s'oppose pas du tout à la liberté. Si quelque scientifique avait identifié Spinoza au déterminisme, il avait compris par 'déterminisme' tout simplement ce que le sens commun occidental au XXe siècle comprend par déterminisme: absence de liberté. Qu'il comprend le déterminisme dans ce sens précis devient assez vite clair, si on lit de tels énoncés.
Louisa


A Louisa :

Votre message est vraiment très intéressant et j'y souscris pour l'essentiel. Je rebondis uniquement sur le passage cité (qui rejoint un autre sujet de conversation sur le libre arbitre dans lequel je bataille ferme en ce moment).
Vous dites que Spinoza a créé un concept de détermination qui ne s'oppose pas du tout à la liberté. Effectivement, dans la mesure où Spinoza distingue libre-arbitre et liberté (terme dont il donne une nouvelle définition), on peut dire qu'il réconcile liberté et détermination.
Le problème, c'est que ce faisant Spinoza vide le concept de liberté de tout son sens. Car seul Dieu peut dès lors être dit libre (et que Dieu, tel que le conçoit Spinoza, soit libre, que nous importe ?). Certes, Spinoza tente de défendre l'idée qu'il est aussi possible à l'homme d'être libre, mais là je crois que sa réflexion n'est pas convaincante.
Ce que montre l'expérience de Libet, c'est que nous agissons avant d'avoir conscience d'agir. Autrement dit, nos actions ne seraient pas la conséquence d'une décision consciente (et a fortiori libre). En ce sens, en tirer la conclusion que nous ne sommes pas libre ne me paraît pas absurde. Et invoquer la philosophie spinoziste non plus (même si les formes selon lesquelles on l'invoque peuvent être discutables).

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Messagepar hokousai » 11 avr. 2006, 00:17

à Pej


Plutôt que de s 'en remettre aveuglément à Libet observons - nous .

Je décide d' ouvrir la main dans dix minutes .(ou n’importe quel ordre : sauter sur un pied etc ...)
Si j’oublie l’information que je me suis donné , il y a de fortes chances pour que ma main ne s ‘ouvre pas . Mais si je garde à la conscience cette ordre alors ma main va s’ ouvrir .

Si je ne me donne pas cet ordre ma main ne s’ouvre pas exactement au temps donné .

Difficile très difficile d’ évacuer la conscience de soi de se donner un ordre suivi d’ effet .De l’évacuer comme phénomène observable .
D ‘ évacuer l'explication causale qui fait que c'est mon ordre conscient qui détermine l ouverture et non une action inconsciente du cerveau .

J’exclus les cas d’ actions après suggestion hypnotique (lesquels sont particuliers ). L’expérience de Libet que je n’ai pas revue ne doit pas traiter du cas que je vous expose là .

hokousai

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Messagepar Louisa » 11 avr. 2006, 02:22

Bonjour Pej,

n'ayant que peu de temps 'libre' aujourd'hui, je ne réponds pour l'instant qu'à votre message, pour revenir demain sur les remarques d'Yves Michaud, et cela sans avoir déjà eu l'occasion de lire les autres messages à ce sujet (celui de la liberté chez Spinoza).

Pej a écrit :Vous dites que Spinoza a créé un concept de détermination qui ne s'oppose pas du tout à la liberté. Effectivement, dans la mesure où Spinoza distingue libre-arbitre et liberté (terme dont il donne une nouvelle définition), on peut dire qu'il réconcile liberté et détermination.
Le problème, c'est que ce faisant Spinoza vide le concept de liberté de tout son sens. Car seul Dieu peut dès lors être dit libre (et que Dieu, tel que le conçoit Spinoza, soit libre, que nous importe ?). Certes, Spinoza tente de défendre l'idée qu'il est aussi possible à l'homme d'être libre, mais là je crois que sa réflexion n'est pas convaincante.


Spinoza propose une toute autre conception de la liberté que celle qui l'identifie au libre arbitre, mais je ne vois pas pourquoi cette dernière serait du coup vidé de son sens. Si on adopte le point de vue spinoziste, il faut juste concevoir la liberté comme ce qui caractérise non pas un être vivant, mais un ACTE, et un acte d'un type très spécifique. Il construit de telle façon une conception qui ressemble à celle de Leibniz, qui lui aussi, si je l'ai bien compris, identifie la liberté non pas à un état général d'un organisme vivant, mais à un type d'acte (proposant cependant un autre genre d'acte que celui de Spinoza). Dans ce genre de conception, on n'est libre qu'au moment qu'on accomplisse l'acte en question, pas avant cet acte, et pas non plus une fois l'acte accomplit. C'est donc très différent de la liberté chrétienne pe, qui désigne quant à elle bel et bien un état permanent, qui ne subit aucune influence des actes que nous posons.

Mais j'avoue que je ne vois pas trop en quoi cette autre conception rendrait une conception de la liberté comme propriété permanente d'un organisme vivant non déterminé absolument impossible. Certes, cette conception est incompatible avec la conception spinoziste, mais pourquoi essayer de ne privilégier qu'une seule conception?

Que vous dites alors que seul Dieu peut être libre dans le sens spinoziste, me semble possible uniquement que si vous AJOUTEZ une condition supplémentaire à la notion spinoziste de la liberté: celle d'être une propriété PERMANENTE d'un être (ou individu). Car en effet, chez Spinoza seul Dieu est libre par essence. Seulement, pour Spinoza il suffit de poser un acte où on est seul cause de l'acte, pour que cet acte soit libre. Cela ne me semble pas si absurde que ça, mais il faudrait peut-être savoir un peu plus comment cela ne vous convainc pas trop pour pouvoir expliquer en quoi cela me semble assez intéressante, en tant que conception de la liberté?

Pej a écrit :Ce que montre l'expérience de Libet, c'est que nous agissons avant d'avoir conscience d'agir. Autrement dit, nos actions ne seraient pas la conséquence d'une décision consciente (et a fortiori libre). En ce sens, en tirer la conclusion que nous ne sommes pas libre ne me paraît pas absurde. Et invoquer la philosophie spinoziste non plus (même si les formes selon lesquelles on l'invoque peuvent être discutables).


ici je suis plutôt d'accord avec le commentaire que vient de donner Hokusai, je crois. En effet, comme vous le dites, ce que montre l'expérience de Libet, c'est qu'en fermant la main dans de telles circonstances, nous agissons avant d'avoir conscience d'agir. RIEN DE PLUS!! Pour moi, ce qui suit votre 'autrement dit', est donc déjà de trop. C'est ce que certains ont conclu de l'article, mais cela n'est pas ce que PROUVE l'article.
Car d'abord, comme le dit Hokusai, on a bien demandé, AVANT que l'action inconsciente se produise, à la personne de bien VOULOIR de temps en temps fermer la main. On ne lui a pas dit: fermez la main quand vous sentez le besoin venir. On lui a dit: fermez la main quand vous le voulez. Le cobaye ayant assenti, la décision consciente est donc déjà prise, préalablement à l'action inconsciente.

Puis que l'acte conscient serait éventuellement en général (ce qui n'est pas prouvé) précédé par une activité inconsciente n'est pas si étonnant que ça. Tout dépend de comment on veut concevoir la notion de 'conscience'. L'article est bien clair là-dessus: ce qui est appelé, dans cette expérience-ci, 'conscience', c'est simplement le fait que quand la personne elle-même se trouve dans un état qu'elle-même ressent comme 'conscient' (sans qu'on lui dit ce qu'il faut comprendre par là), elle pousse sur un bouton. C'est une définition très pragmatique de la conscience, qui en dit très peu. Dès qu'on essaie d'approfondir un peu cette notion, on quitte donc ce qu'a mesuré l'expérience. Et alors on pourrait s'imaginer pe la conscience comme une intégration (supérieure) de réseaux neuronaux. Dans ce cas, il va de soi qu'avant qu'une intégration entre de différents réseaux actifs puisse avoir lieu, il faut que ces réseaux s'activent. La conscience, dans cette conception (inspirée notamment sur Daniel Dennett), n'est qu'une fonction d'une intégration. L'inconscient n'est donc pas, ici, l'opposé de 'La Conscience', mais tout simplement un degré moins élevé de conscience.
Rien, dans l'article, oblige d'interpréter la conscience d'une telle façon, mais rien ne l'empêche non plus. C'est tout simplement ce que l'expérience n'a PAS mesuré.

Alors SI on veut concevoir la liberté comme la possibilité d'avoir une activité consciente non précédée par une activité inconsciente (ce qui, je le rappelle, n'a RIEN à voir avec la conception spinoziste de la liberté!), dans ce cas il me semble être assez difficile de lier cette conception de la liberté à la conception 'graduelle', disons, de la conscience que je viens de décrire. Car dans ce cas, le verre est toujours quasiment aussi bien vide que rempli. Autrement dit: à un niveau x d'intégration de réseaux, on pourrait dire que le niveau de conscience est x, et alors, à ce moment précis, x-1 pe pourrait être appelé 'inconscient'. Mais au moment t-1, x-1 était le niveau conscient, et x-2 le niveau inconscient, si vous voyez ce que je veux dire? Si on suppose qu'intégrer plus de réseaux prenne plus de temps, l'acte dont on est le plus conscient (niveau x+ 5 pe) serait EN MÊME TEMPS l'acte qui comprend le plus de 'préparation inconsciente' (x+4). Si on définit la liberté par l'acte conscient non précédé par une activité inconsciente, on n'arrive, dans une conception graduelle de la conscience, qu'à des absurdités (la conscience n'existerait tout simplement plus, car dans cette conception elle demande toujours un accroissement de l'intégration qu'on puisse appeler 'inconscient'). Et donc une telle conception de la liberté ne me semble pas compatible avec une conception 'graduelle' de la conscience.

Mais tout cela dépasse largement la portée de l'expérience en soi. On est en pleine philosophie ici, et non plus à un niveau proprement scientifique.
Et en philosophie, de différentes conceptions sont très souvent aussi 'possibles'. C'est pourquoi l'objection de Hokusai me semble tout à fait pertinente. Qu'appelle-t-on 'décision consciente'? Quand va-t-on dire qu'elle commence et comment concevoir une notion de conscience compatible avec ce genre de 'seuil'? Tout dépend de comment on veut définir les concepts qu'on utilise. Et l'intérêt de ces concepts n'est pas de désigner quelque chose d'existant déjà dans la réalité (c'est ce que je voulais dire à Yves Michaud), mais consiste en le développement d'une conception possible, conception qui puisse à son tour, après-coup, influencer nos actes, et donc, qui sait, changer de telle façon une partie du réel (pe en permettant une expérience plus précise prenant l'un ou l'autre concept philosophique comme 'guide' ou inspiration).
Cordialement,
Louisa.

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Messagepar Pej » 11 avr. 2006, 09:55

Qu'on ne se méprenne pas. Je ne suis absolument pas un défenseur de Libet, ni des diverses expériences qui depuis sont allées dans le même sens (et ont confirmé ses résultats). Je pense en effet que la portée de ce genre d'expériences est très limitée. Toutefois, elles ne peuvent laisser indifférent.
Pour reprendre l'exemple donné par Hokousai, il faudrait savoir si, au moment où je décide d'ouvrir la main dans 10 minutes, on ne retrouve pas le même phénomène que celui observé dans l'expérience de Libet, à savoir qu'une activité cérébrale a précédé la prise de décision consciente. Dans ce cas, on se retrouverait au même point, et l'on pourrait en conclure que, là encore, ma "décision" consciente était en fait déterminée par une activité cérébrale inconsciente (et donc non libre).
Je reviens aussi sur la distinction entre une liberté qui serait "permanente" (essentielle) et une liberté qui serait celle de l'acte. Comment la seconde est-elle possible sans la première ?

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Messagepar hokousai » 11 avr. 2006, 13:01

à Pej

Vous trouverez toujours ( c’est évident) une activité cérébrale antérieure chez le vivant . Ce que vous ne retrouvez pas c’est une activité de la conscience précédent la décision d ‘ouvrir la main et qui soit cette activité de conscience là ,celle là précise .L activité de la conscience en général ne suffit pas c’est une précise qui suffit ( celle de donner un ordre précis sur le futur du sujet conscient).

Il faudrait imaginer une activité non-consciente qui soit du même genre que la conscience c’est à dire donneuse d 'un ordre Et alors oui on serait dans le même cas, mais dans le même cas que le mien .(celui de la conscience )

Le cerveau donnerait un ordre un ordre qu il ne doit pas oublier. Il maintient l’ordre parce que c’est un ordre .
Il faut bien qu à un moment donné l’ordre soit apprécié comme un ordre et non par exemple comme un réflexe .
Un ordre suppose une activité orientée motivée par ce qui va être exécuté . c’est à dire une intentionnalité .
Le cerveau dans sa constitution physico -chimique dépasse-t-il le maintenant pour prévoir ( voir dans le futur) ? Je vous le demande .
Je vous demande si l’explication qu’ on donne habituellement du cerveau implique que le cerveau pré- voit l ‘avenir et se comporte en prévision de l’avenir .


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Messagepar bardamu » 11 avr. 2006, 17:17

hokousai a écrit :(...)
Je vous demande si l’explication qu’ on donne habituellement du cerveau implique que le cerveau pré- voit l ‘avenir et se comporte en prévision de l’avenir .

Oui.
Par exemple, le singe qui saute d'une branche à une autre pré-voit sa trajectoire.
J'avais lu un article, je ne sais plus où, qui étuidiait l'hypothèse que le langage se soit développé à partir des zones psychomotrice chargées de ce type d'anticipation. Lancer une pierre comme début du symbolisme ? D'abord un représentant ("symbole") de la trajectoire et ensuite le lancer ?


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