Vers une affirmation cohérente du scepticisme

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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YvesMichaud
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Vers une affirmation cohérente du scepticisme

Messagepar YvesMichaud » 09 juin 2006, 01:20

Voilà plusieurs mois que je suis un sceptique, et contre le scepticisme, j'entends régulièrement l'Argument classique, qui consiste à dire que le scepticisme s'auto-réfute, parce qu'il dit qu'il est certain que rien n'est certain (variante: il est vrai que rien n'est vrai).

Que peut-on faire contre cet argument? On peut emprunter trois voies.

1. Avancer le doute absolu, celui de Zerioughfe, qui consiste à dire qu'il n'est pas certain que l'évidence soit le critère de la certitude (ni quoi que ce soit d'autre).

2. Nier non pas la certitude dans sa totalité (par l'emploi de quantificateurs totalisants comme «tout» et «aucun»), mais tous les domaines de connaissance empiriquement connus. On dira ainsi: «il n'y a pas de certitude sur le monde extérieur». «Il n'y a pas de certitude sur mon esprit». «Il n'y a pas de certitude sur des êtres hors du monde». «Il n'y a pas de certitude en mathématiques». Finalement tout ce qui nous reste est un flux d'expériences en nous sans signification métaphysique.

3. On peut distinguer la connaissance primaire et la connaissance secondaire (ou méta-connaissance). La connaissance primaire porte directement sur des réalités, des entités, des qualités, ou leur absence. La connaissance secondaire porte sur des connaissances primaires en tant que formulées dans des propositions.

Par exemple, dire que mon chat est gros est une connaissance primaire. Mais dire: «il est vrai que mon chat est gros» est une connaissance secondaire. Les deux connaissances paraissent identiques, du moins en pratique, mais elles ne le sont pas forcément.

La différence entre connaissance primaire et connaissance secondaire apparaît justement dans des propositions sur la vérité et la certitude.

Donc reprenons l'Argument classique contre le scepticisme dans cette perspective:

«Rien n'est certain» C'est, malgré les apparences, une connaissance secondaire. En effet, qu'est-ce qu'implique «rien n'est certain»? Ça implique que pour chaque proposition qu'on avance, on peut y adjoindre le commentaire «et ce n'est pas certain».

Soit x l'ensemble des propositions possibles sur la réalité.

Le scepticisme dit: «il n'est pas certain que x». Ici apparaît plus clairement le fait que le scepticisme est une connaissance secondaire.

Tout ça pour dire que le scepticisme peut être cohérent. Il suffit de formuler sa thèse comme suit: «aucune connaissance primaire n'est certaine».

Même si la première position, le doute absolu, est irréfutable, je préfère la troisième pour sa logique.

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YvesMichaud
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Messagepar YvesMichaud » 09 juin 2006, 02:10

En fait la connaissance secondaire peut aussi porter sur d'autres connaissances secondaires.

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platoche
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Messagepar platoche » 09 juin 2006, 13:15

Bonjour,

Il n'y a pas réfutation dès lors que le septicisme considère également que le fait que rien ne soit certain n'est pas certain. A ma connaissance, les sceptiques ne disent pas le contraire, c'est à dire n'affirment pas leur vue du monde comme étant certaine.

Dans le cas contraire, il y a effectivement contradiction a considérer sous un angle dogmatique que rien n'est certain.

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Messagepar platoche » 09 juin 2006, 13:25

Dans le cas de l'exemple "mon chat est gros", qualifié de connaissance primaire :
- d'une part le chat est qualifié ainsi par rapport à un critère arbitraire, qui est l'idée d'un chat "idéal" : cela a un sens pour Platon , mais rien ne dit que cette idée est la vérité pour un sceptique.
- d'autre part, toujours pour un sceptique, rien ne dit que le chat existe : toute image que je perçois n'existe pas forcément, n'a pas forcément de réalité. Il serait plus exacte de dire, à l'instar du cogito : je perçois un chat qui est (selon des critères qui me sont propres) gros. Et là encore, à l'instar des opposants de Descartes, on pourrait encore y trouver à redire sur le "je".

Bref, "mon chat est gros" n'est pas une vérité pour un sceptique.

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Messagepar hokousai » 09 juin 2006, 14:39

cher Yves

Que répondez- vous à quelqu’un qui vous dit il est évident que l’évidence est évidente et qui rajoute qu il ne lui est pas possible de comprendre autrement l’évidence puisqu’il est de grammaire de ce mot là d être usuellement compris ainsi .
Ou bien vous ne comprenez pas du tout ce mot là « évidence « , mais si vous le comprenez , vous ne le confondez pas avec le doute ou l’incertitude ou quelque chose de ce genre là .

Mais vous pouvez le redire avec certain "" il est certain que la certitude est certaine "" .Ou alors ce n’est pas de la certitude dont on parle .

Ou ça ne va plus est qu’ on ne peut pas dire sans réserves » il est douteux que mon doute soit douteux « ou bien pour être plus clair ! "" il est incertain que mon incertitude soit incertaine ""


Ou bien "" Il n’est pas certain que mon manque de certitude soit un manque de certitude ""
Votre assertion est ( en dépit de la forme) très positive, car douter que son doute en soi un réel , c’est nier qu’ il en soit un , à tout le moins l’affaiblir considérablement , exit du doute .



Alors on se rattrape en disant « qu'il n'est pas certain que l'évidence soit le critère de la certitude (ni quoi que ce soit d'autre). »

D’ une évidence nous sommes certain de son évidence .Une certitude est évidente .Et un critère doit au minimum être apparant .Si on doute d’un critère il faut en proposer un autre , sinon c’est du vent .Le critère apparant jusqu’ alors tient la route jusqu à plus ample informé .

hokousai

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Messagepar YvesMichaud » 09 juin 2006, 23:53

platoche a écrit :Bonjour,

Il n'y a pas réfutation dès lors que le septicisme considère également que le fait que rien ne soit certain n'est pas certain. A ma connaissance, les sceptiques ne disent pas le contraire, c'est à dire n'affirment pas leur vue du monde comme étant certaine.

Dans le cas contraire, il y a effectivement contradiction a considérer sous un angle dogmatique que rien n'est certain.


J'ai rarement lu - ailleurs que sur internet - des sceptiques qui défendaient eux-mêmes leur position. J'ai lu le plus souvent des critiques du scepticisme.

Mais en effet, il paraît simpliste de dire que les sceptiques disent qu'il est certain que rien n'est certain.

Par contre, on ne voit pas comment le sceptique éviterait sans se contredire toute contradiction dans son discours.

Supposons qu'un sceptique dise: «je n'ai rien connu de certain jusqu'à maintenant». Apparemment, c'est une position plus logique que de dire: «il est certain que rien n'est certain». Et pourtant, un dogmatique aurait bien beau répondre: «donc il est certain pour vous que vous ne connaissez rien de certain?»

Bien sûr le sceptique pourrait encore raffiner sa position: «autant que je sache, je ne connais rien de certain, mais je peux me tromper».

Mais le dogmatique répondrait: «donc il est certain pour vous qu'autant vous sachiez, vous ne connaissez rien de certain?»

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Messagepar YvesMichaud » 10 juin 2006, 00:02

platoche a écrit :Dans le cas de l'exemple "mon chat est gros", qualifié de connaissance primaire :
- d'une part le chat est qualifié ainsi par rapport à un critère arbitraire, qui est l'idée d'un chat "idéal" : cela a un sens pour Platon , mais rien ne dit que cette idée est la vérité pour un sceptique.
- d'autre part, toujours pour un sceptique, rien ne dit que le chat existe : toute image que je perçois n'existe pas forcément, n'a pas forcément de réalité. Il serait plus exacte de dire, à l'instar du cogito : je perçois un chat qui est (selon des critères qui me sont propres) gros. Et là encore, à l'instar des opposants de Descartes, on pourrait encore y trouver à redire sur le "je".

Bref, "mon chat est gros" n'est pas une vérité pour un sceptique.


Je voulais dire que c'était une connaissance primaire dans une perspective dogmatique.

Mais en effet, le critère «gros» est arbitraire. Par contre, on peut dire objectivement que mon chat pèse plus que la moyenne des chats.

Le concept de chat est tiré de l'expérience de réalités qui se ressemblent à un degré important. Ça paraît simple. Mais on peut dire effectivement que ce concept, au-delà de son utilité conventionnelle indéniable, est problématique. Comment fait-on, en effet, pour définir ce qu'est un chat?

Bien sûr, je soupçonne mon questionnement d'être dépassé depuis longtemps dans les travaux des philosophes professionnels. Sur internet, on est en retard sur le monde réel de la philosophie.

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Messagepar YvesMichaud » 10 juin 2006, 00:06

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Justement, je ne sais pas quel effet ça fait de posséder une certitude. Comment alors saurais-je quand je possède une certitude?

Si on conteste l'évidence comme critère, il faudrait en proposer un autre? Oui, sans doute, si on continue à prendre la philosophie au sérieux, si on continue à rechercher la vérité.

Votre exigence ne s'impose pas. Pas dans toutes les perspectives en tout cas.

Pour moi, la philosophie comme quête de la vérité est démodée. J'attends autre chose de la philosophie que la connaissance de grandes vérités.

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Messagepar hokousai » 10 juin 2006, 00:41

cher Yves


Faites vous une différence entre savoir que vous avez une main droite et savoir que vous serez en vie demain ? Moi je fais une différence et le premier savoir est une certitude . Je nomme certitude ce genre de savoir , je sais donc ce que c’est qu’une certitude .

Maintenant savoir quel effet ça fait , c’est plus difficile à décrire .Je vous dis simplement que je sais reconnaître entre mes états mentaux certains que je nomme certitude .
De cela je suis certain c’est à dire que nommer certains états "certitude " fait partie des états mentaux nommé "certitude" .
Il m’est aussi certain que je nomme certitude le savoir de ma main droite que ce savoir lui même .
Je pense bien que je nomme et que ce n’est pas un autre qui s’occupe de cette affaire là .
............................................

Je ne pense pas qu’il y ait de critères d’ évaluation de l’évidence . Elle est comparable à moins d’évidence . On est dans un camp de plus ou moins grande netteté et quand c’est net cela s’impose . Il faut avoir un certain âge pour avoir éprouvé ce qu ‘est la presbytie et en tirer des analogies conséquentes pour la pensée .

Vous serez peut être devenu un peu plus philosophe quand vous n’attendrez plus rien de la philosophie et la laisserez faire ce qu’elle a à faire ( en votre esprit ). Un quelconque objectif posé entrave le mouvement naturel de la pensée et il en est un .

bien à vous
hks

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Messagepar hokousai » 10 juin 2006, 00:52

à Platoche

"""""""Bref, "mon chat est gros" n'est pas une vérité pour un sceptique.""""

ah bon ! et alors c’est quoi une vérité pour un sceptique ?

Je suppose qu’il a une petite idée pour me contredire quand je dis qu’il est bien vrai mon chat est gros ( si j ‘ai un chat et s'il est gros.... évidemment )
Est -ce donc faux de dire que mon chat est gros ? Devrais- je dire à la place que mon chien est maigre ?
Le sceptique se moque peut être de ce genre de vérités qu’il m’en propose de plus intéressantes et je verrai alors si sa position est digne d être considérée ..
S’il ne m’en propose pas , je garde les miennes .

hokousai


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