Doutes sur le rasoir d'Occam

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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YvesMichaud
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Doutes sur le rasoir d'Occam

Messagepar YvesMichaud » 24 juin 2006, 05:51

J'ai remarqué une application régulière du principe du rasoir d'Occam chez les philosophes anglo-saxons.

Ce principe, rappelons-le, se formule ainsi:

1) Les entités ne doivent pas être multipliées sans nécessité

OU

2) Toutes choses égales par ailleurs, l'explication la plus simple est la meilleure.

J'ai inclus ce principe parmi mes règles de raisonnement pendant quelque temps. Mais aujourd'hui, j'ai des doutes.

Si quelqu'un refusait d'admettre ce principe dans une discussion, comment pourrais-je l'en empêcher?

Car, en réalité, qui nous dit que dans la réalité, les choses doivent impérativement être simples? En fait, l'histoire de la science, c'est généralement le passage de théories simples à des théories plus compliquées (une exception étant le passage du catastrophisme de Cuvier à l'évolutionnisme). Autrement dit, le postulat de la simplicité du réel est sans cesse démenti par les découvertes scientifiques qui nous montrent que les choses ne sont «pas aussi simples» qu'on se l'était imaginé.

On comprend que le rasoir d'Occam ait sa place dans les sciences, car quand on peut faire simple, pourquoi faire compliqué? Mais en science, le but n'est pas d'avoir une compréhension exacte du monde, mais plutôt une compréhension efficace et pragmatique. Il est plus facile d'agir à partir d'une théorie simple. Mais en aucun cas cela ne pourrait établir que la réalité doit être aussi simple que dans les rêves de la science.

Si on décide néanmoins d'admettre le rasoir d'Occam parmi les règles de la raison dans le domaine philosophique, ce sera une décision arbitraire.

Ou bien y aurait-il une raison valable de considérer le rasoir d'Occam comme nécessairement valable?

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sescho
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Messagepar sescho » 24 juin 2006, 12:10

Personnellement, dans mon métier de "scientifique dans l'industrie" j'applique systématiquement le principe d'économie ("rasoir d'Occam"), et de même dans toute réflexion autre. Mais effectivement je pense que ce principe, comme son nom l'indique, est appuyé sur son avantage opérationnel. En fait, on ne complique qu'en cas de nécessité, savoir un défaut de prédiction « suffisamment » précise des évènements (nul, constant, continu et linéaire ou exponentiel, etc., etc. ou « en premier lieu, écarter toute coïncidence ») La Quantique est née de l'incapacité de la Physique classique à absorber l'effet photoelectrique, comme la Relativité restreinte est née de son incapacité à absorber l'invariance de la vitesse de la lumière dans un changement de référentiel. Ce n'est d'ailleurs pas forcément, à la base, une complication formelle, mais presque dans tous les cas un défit à l’intuition (ou l’habitude…)

Mais on ne décrète pas un avantage, c'est la Nature qui le donne. Disons alors que ce qui est le plus accessible à l’esprit (ce qui peut servir de définition à « simple ») permet souvent d’en tirer un avantage substantiel, et que ceci traduit une réalité naturelle (plus ou moins vague.) C’est cependant déjà discutable : outre de parler fort sans savoir, ce qui est le plus commun (et donc a priori encore plus simple) est quand-même une réflexion basique au-dessous du problème, assortie d’expérimentations primaires multiples ; ceci, comme sous-entendu, est, au moins à la longue, moins efficient que le fruit d’une réflexion plus poussée tout en restant pragmatique. Différence qui est contenue dans le terme « simplisme », qui fait référence à ce travers qui consiste à affubler une incompétence ou un simple désir de ne pas se fatiguer du beau terme d’ « efficience. » De l’autre côté, il apparaît que si l’on veut faire des progrès, il y a nécessité de mieux cerner les phénomènes, ce qui se traduit très généralement par une complexification (ou du moins un certain nombre de restrictions dans les errements.)

De cela, je pense qu’on peut conclure qu’il s’agit plus d’un critère empirique basé sur le ratio classique « profit constaté / effort » (qui en l’instant, le contexte tel que perçu étant pris en compte, prend la forme de « profit spéculé / effort », dont « valeur > 1 » est une condition sine qua non du déclenchement de l’action - ceci me semblant être fermement une loi de la Nature, pour le coup.) Ce ne saurait être une notion commune, autrement dit un axiome de l’Éthique, par exemple. La première difficulté vient de la définition du terme « simple. » A nouveau, cependant, « avantage » et « empirique » font référence à des faits de Nature.

Notons en passant qu'Einstein était mené par une vision de simplicité, d'harmonie, d'esthétique, ... de et dans la Nature, qui ne lui a pas trop mal réussi... Par ailleurs, une idée très simple comme celle de Dieu - Nature chez Spinoza, ne représente pas la simplicité pour la majorité, dominée qu'elle est par la vision des choses singulières accessibles aux sens.

J'ajouterais aussi que je ne peux séparer "vérité" et "opératoire" : une affirmation qui n'aurait aucun effet opératoire, et donc aucun critère de validité, me semble devoir être abandonnée. Le but étant le bonheur, est "opératoire" ce qui y conduit (du plus petit au plus grand des effets.) La clarté de l'esprit, critère de vérité, étant une composante essentielle de ce bonheur, est donc au plus haut point opératoire.

Amicalement

Serge
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Messagepar leogol » 25 juin 2006, 17:57

J'ai toujours cru que le Rasoir d'Occam était un principe méthodologique s'opposant essentiellement à la tendance moyenâgeuses de multiplier les entités pour expliquer les phénomènes. Exemple, on invente l'entité « phlogiston » pour expliquer le feu. Les matériaux inflammables contiennent du « phlogiston ». Quand un produit brûle, il libère des phlogistons lesquels sont visibles sous forme de flammes. Quand Lavoisier découvre que la combustion est liée à l’oxygène l’entité « phlogiston » disparaît. D’Occam avait saisi que la création d’entités pour expliquer les phénomènes ne pouvait qu’embourber la connaissance d’une multitude d’entités rendant progressivement la recherche de connaissance de plus en plus compliquée et inefficace. L’idée de génie du bonhomme a été de postuler de la simplicité (Agencement plus ou moins complexe d’un nombre limité d’éléments) de la nature.

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Messagepar hokousai » 26 juin 2006, 13:27

cher Yves

""""""""""""Si on décide néanmoins d'admettre le rasoir d'Occam parmi les règles de la raison dans le domaine philosophique, ce sera une décision arbitraire. """""""""""""

En philosophie c’est aussi une question de goût et ça c’est peut-être dommageable .

Ou bien vous préférerez les formes claires et distinctes ou bien le tarabiscot , l’embrouillé, le profus, le confus .Il est probablement présomptueux d’ en faire une affaire de goût mais de quoi relevait donc alors ,en leur temps , de s’enferrer dans la scolastique médiévale ( continuée ) plutôt que d’opter pour Descartes ou Spinoza lesquels essayaient de s’ en désempêtrer ..Motivation théologique ( chrétienne ) dira- t -on ..peut -être mais pas seulement .


Je dis cela parce qu’il est quand même bien repérable que si la simplicité n ‘est pas la règle imposée , là où la possibilité de faire du compliqué avec du simple est illimitée , alors les philosophes compliquent .

Les philosophe ont- ils dans l’intention de clarifier ?
Nolens volens certains auraient- ils l ‘ambition affichée de simplifier , y parviennent-ils à la fin de leur Somme et je pense tout autant à la grande logique de Hegel qu’ à la Somme de st Thomas présentée par lui même comme l’introduction à….une introduction à quoi ? A quoi d’encore plus savant , plus complexe !!! Sur sa fin Thomas refusait tout de ce qu’il avait pu écrire .On devrait se demander pourquoi ce court -circuit ne s’était- il pas imposé d ‘emblée .


La possibilité de faire du compliqué avec du simple est illimitée mais pas l’inverse . On a donc plus d’espoir d’ aboutir à rechercher à simplifier plutôt qu à compliquer et cela s’ il y a désir d’ aboutir ou même tout simplement désir de commencer .
Parce qu’ effectivement s’il n’y a désir que de vagabonder indéfiniment la porte de l’imaginaire est largement ouverte

La première constatation en philosophie est de remarquer qu’ à la différence de la science le réel –réel ne contraint pas les règles .Qu ‘il faut donc se donner des règles ou les découvrir en intégrant la réflexion sur cette donation obligée : la méthode , la logique , la certitude, l’ évidence, le sens commun et tout ce qui vous semble un terrain vague mais qui ne devrait pas le rester pour quiconque s’ autorise à émettre un discours à prétention philosophique .

amicalement

jl


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