Le syllogisme est-il une tautologie?

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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YvesMichaud
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Le syllogisme est-il une tautologie?

Messagepar YvesMichaud » 03 juil. 2006, 05:54

Quelques auteurs ont avancé que le syllogisme était tautologique. Prenons un exemple banal:

L'homme est mortel.
Or, Socrate est un homme.
Donc, Socrate est mortel.

Est-ce que la vérité qui est exprimée dans la conclusion n'est pas déjà contenue dans la majeure? Si, vraiment, on connaît la majeure, on connaît alors du même coup la conclusion. Le raisonnement n'exprime rien de nouveau.

Les thomistes répondent en se basant sur leur théorie grotesque de l'extraction des essences, qui est clairement infirmée par l'expérience. On ne connaît pas la nature des choses. En fait je ne sais même pas si ça a un sens de parler de la nature des choses. J'en doute fort.

On peut répondre aussi que le syllogisme sert à expliciter une connaissance saisie confusément. Il nous permet d'avoir les idées claires. Notre esprit ne peut pas voir d'un seul regard tout ce qui est emmagasiné dans le cerveau. Ce serait déjà suffisant pour lui donner une place légitime.

Mais je pense qu'il y a une réponse plus profonde.

Le syllogisme ne se veut pas un enchaînement de certitudes. Le syllogisme est une application de la méthode hypothético-déductive. On suppose que l'homme est mortel (théorie). De là on fait des prédictions sur les observations:

si le concept d'homme implique le concept de mortalité, tout ce qui correspond à la définition de l'homme est mortel.
Or, Socrate correspond à la définition de l'homme (cela est un jugement analytique qu'il serait vain de contester).
Donc, on prédit que Socrate devra être mortel.

Si cette prédiction est confirmée, la théorie de la mortalité de l'homme tient bon. Mais on ne cherche pas à prouver cette théorie.

À part les prédictions, on peut aussi tenter de montrer par le syllogisme que les faits connus sont déduits par une théorie qu'on propose. On sait que Socrate est mortel. Or, ce fait se déduit de la théorie qui veut que l'homme soit mortel. Encore là, on ne cherche pas de preuve.

Quelqu'un pourrait faire en effet une théorie concurrente d'où il déduirait aussi bien ce fait: Dieu punit les libres-penseurs en les tuant. Or, Socrate est un libre-penseur, donc Socrate a été tué. Cette théorie ne suppose pas nécessairement que l'homme est mortel par soi. Les deux théories ont un pouvoir explicatif égal vis-à-vis de la mort de Socrate.

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Messagepar YvesMichaud » 03 juil. 2006, 18:08

D'ailleurs, de telles réflexions me paraissent contenir en germe la solution au paradoxe du menteur.

Quand on dit: «tout Crétois est un menteur», on n'entend pas exprimer une vérité, mais seulement une théorie dont on pourra déduire des prédictions.

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Messagepar vv06 » 05 juil. 2006, 14:18

Bonjour YvesMichaud,
Si j'ai bien compris votre pensée, cela voudrait dire que le syllogisme ne permet en rien de prétendre à la vérité. Il est au mieux "l'outil" permettant de prédire, comme vous le dites, dans un certain cadre (celui défini par la majeure).

De plus, pouvez vous expliciter ce qu'est le paradoxe du menteur et en quoi il semble résolu par votre analyse ?

Merci,

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Messagepar Miam » 05 juil. 2006, 14:28

Je remarque qu'on observe aujourd'hui en Logique et à partir des leçons de Quine, une remise en cause de la distinction synthétique-analytique. Plus précisément, c'est la réalité de l'"analytique" comme "ce qui est déjà contenu dans les prémisses" qui est remise en cause. Mais à partir de bases conceptuelles empiristes, bien sûr. C'est juste une observation.

Enfin : je ne comprends pas bien votre solution du paradoxe du menteur.

Miam

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Messagepar YvesMichaud » 05 juil. 2006, 20:16

vv06 a écrit :Bonjour YvesMichaud,
Si j'ai bien compris votre pensée, cela voudrait dire que le syllogisme ne permet en rien de prétendre à la vérité. Il est au mieux "l'outil" permettant de prédire, comme vous le dites, dans un certain cadre (celui défini par la majeure).

De plus, pouvez vous expliciter ce qu'est le paradoxe du menteur et en quoi il semble résolu par votre analyse ?

Merci,


Bonjour,

Dans une perspective pré-moderne, on considérait que les affirmations universelles étaient des vérités qui étaient saisies intuitivement ou qu'on pouvait démontrer par d'autres affirmations universelles.

Dans une perspective contemporaine, cela ne vaut plus.

Les affirmations universelles sont soit des jugements analytiques (qui se basent sur des définitions conventionnelles et non métaphysiques, soit des jugements synthétiques a priori.

En tant que jugements synthétiques a priori, les affirmations universelles ne sont rien de plus qu'un rouage de la méthode hypothético-déductive.

Cette méthode hypothético-déductive a deux objectifs:

- Réfuter des affirmations universelles, donc nous faire prendre conscience d'erreurs.

- Orienter les recherches, faire de nouvelles découvertes.

La méthode hypothético-déductive n'a PAS pour but de prouver les affirmations universelles, comme dans la perspective ancienne.

Il faut cependant faire une réserve: un fait qui contredit en apparence une affirmation universelle n'est peut-être pas suffisant pour la réfuter. Cette affirmation universelle pourrait être préservée si on lui ajoute d'autres suppositions, pourvu que ces suppositions soient testables. C'est exactement ce qui s'est passé pour la découverte de Neptune.

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Messagepar YvesMichaud » 05 juil. 2006, 20:23

Sur le paradoxe du menteur:

Le paradoxe du menteur consiste à supposer que tous les Crétois sont des menteurs. Or, il arrive qu'un Crétois déclare: «je mens».

Si ce Crétois ment en disant «je mens», ça veut dire qu'en quelque part, il dit la vérité. Mais alors, la supposition du départ est infirmée.

Si ce Crétois dit la vérité en disant «je mens», alors par cette vérité, il infirme également la supposition du départ.

Ce paradoxe en est un parce qu'on se place dans une perspective pré-moderne, où les affirmations universelles sont considérées comme des «vérités».

Dans une perspective contemporaine, dire que «tous les Crétois sont des menteurs» est une sorte de théorie à partir de laquelle on fait des prédictions sur des observations. Une des prédictions qu'on fait, c'est justement qu'un Crétois n'avouera jamais qu'il ment.

Si un Crétois dit qu'il ment, tout ce que ça veut dire, c'est que notre supposition du départ est infirmée.

Dans une perspective contemporaine, ce paradoxe est facilement soluble.

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Messagepar Miam » 06 juil. 2006, 14:30

Fort bien. Mais le problème, c'est que le Crétois lui-même asserte que "tous les Crétois sont des menteurs". Le problème est moins celui de la proposition universelle que la réflexivité de l'énoncé du Crétois, à la fois sujet et objet de la proposition. L'asssertion "tous les Crétois sont des menteurs" n'est pas présupposée avant un énoncé empirique "je mens" (dit le Crétois) : elle fait partie de l'occurence même de l'énoncé, empiriquement constaté, du Crétois. Elle est paradoxale dans le chef du Crétois, pas universellement. Bref : tout dépend du sujet de l'énonciation et de son rapport, réflexif ou non, avec l'objet de l'énoncé. C'est un problème de réflexivité linguistique et logique d'un énoncé empirique, pas de présupposition d'une proposition universelle. Ainsi, si Socrate dit "Socrate ment", le problème demeure le même.

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Messagepar nicoG » 06 juil. 2006, 14:59

Quelques auteurs ont avancé que le syllogisme était tautologique


Le syllogisme ne se veut pas un enchaînement de certitudes. Le syllogisme est une application de la méthode hypothético-déductive. On suppose que l'homme est mortel (théorie). De là on fait des prédictions sur les observations:


Certes mais quel est le problème? Pour moi la raison dêtre de la logique c est justement le tautologisme, c est de pouvoir élaborer des vérités de plus en plus complexe.

Maintenant oui le syllogisme n'est qu 'un outil logique qui peut facilement dérailler pour peu qu'on y mette des arguments non valides.

Maintenant analysons différents exemples d 'un point de vue logique et en tenant compte des différents type de connaissance proposés par spinoza.
Commençons par l 'exemple typique: l'homme est mortel , socrate est 1 homme donc socrate est mortel.

Dans la phrase 1 nous avons 2 connaissances de second type articulées autours d 'un verbe.Même si le concept homme ne renvoie pas tout le monde à la même représentation ( il y aura tjrs des antisémites et des racistes) la raison nous permet d 'avoir une opinion commune sur ce qu 'est un homme c est donc une connaissance de type 2. idem pour la mortalité. on entre les 2 concepts dans une fonction "et" pour aboutir à quelque chose qui a un sens universel.

avant d'entrer dans le vif du sujet, en décortiquant l'autre proposition et la conclusion tentons la même expérience avec les concept homme et immortel.

le mot immortel renvoie à une connaissance de type 1 et non de type 2.
Du moins pour l' instant: pour peu que l on puisse créé une technologie pour être immortel ou quand tout les hommes admettront qu'on soit immortel alors elle deviendra une connaissance de type 2 et on poura la mettre en argument de cette fonction "et". mais pour l instant le résultat de notre fonction "et"; "l'homme est immortel" ne renvoie pas à une vérité universel parce que l un de ses arguments n y renvoie pas.

On pourrait même complexifié la chose en imaginant une étape suplémentaire ou après avoir dans un premier temps élaboré le concept "homme mortel" à partir de ces 2 arguments ont génère la proposition "lhomme est mortel" en s'intérrogant sur la généralité.
de sorte que "homme bleu" deviendra difficilement "l "homme est bleu" puisque cette proposition ne tient pas en modulant la première proposition par la notion de généralité.(n excluons pas l 'eventualité d'une guerre thermonucléaire entrainant des mutations ayant effet sur notre pigmentation ni celle que "l'homme bleu" ainsi créé puisse un jour être notre seule espèce existante).

Bon maintenant on entre l'argument "Socrate est un homme".
alors là beaucoup de problèmes se pose. je tient en en effet à faire remarqué que nous vivons au 21eme siècle et qu en décortiquant les différents mots selon la méthode précédente la bonne proposition me semble la suivante: socrate était un homme. encore que je ne puisse nier qu'il y ai parmit les milliards d'homme de cette terre quelqu un portant le nom de socrate. Auquel cas je m en tiendrait donc à la proposition par défaut en admettant que kkun de contemporain s'apelle Socrate.

Maintenant analysons le syllogisme en question:
il élabore une connaissance que je qualifierai de type 3 , c est à dire intuitive à partir de 2 connaissance de type 2. cette construction se fait autours d'une base commune de ces différents argument : l'homme.
dans les exemples d'yvemichaud, des exemple absurdes tentant de nous clarifier sur le non-sens de cette construction. je vois que les arguments de nveau 2 ( c est à dire sur la base de ce que j ai dévellopé plus haut, les phrases elle -même de ces proposition) sont d'une part des connaissance de type 1 ou opinion " les dieux punissent les libres penseurs" , une autre à cheval sur le type 1 et 2 "socrate est un libre penseur" , la notion de liberté devant être mieux défini . le tout élaborant nécessairement une opinion.
Il n 'en reste pas moins que cest précisement par l 'utilisation de cet outil que yvemichaud peut faire progresser sa pensée.Il sait maintenant que pour me convaincre que les dieux ont tués socrate il lui suffit de dévelloper cette notion de "liberté de pensée" dans un premier temps ; puis d 'écrire un ouvrage de 1000 pages par exemple ou il tentera de nous expliquer la vérité universelle suivante : les dieux détruisent les "libres penseurs" une fois que ces 2 points auront été dévellopés alors il m'aura convaincu.
:wink:
Maintenant certains critiquent le manque de cohérence de certains syllogisme. analysons quelques cas typiques:

aucun chat n'a 8 queues
un chat a une queue de plus qu'aucun chat
donc un chat a 9 queues
dans cette exemple dont les 2 arguments sont valides et ou le terme "aucun chat" renvoie au même concept, on ne tient pas compte de la négation de la première phrase qui du coup est devenu une affirmation et aboutit à une fausse conclusion. de plus dans cette exemple la conclusion qu on espère en tirer est déjà contenu dans un de ces 2 arguments: un chat a une queue de plus qu aucun chat donc 1.

plus il y a de gruyère, plus il y a de trous
plus il y a de trous moins il y a de gruyères
Donc plus il y a de gruyère,moins il y a de gruyère.

Dans cette exemple l 'un des arguments est valide de manière général.
En revanche le 2 eme ne l est que dans un cadre particulier: celui ou la quantité de gruyère demeure constante. dans un cadre plus général, celui qui prend en compte la proposition 1 , il est faux. Dans notre fonction syllogisme nous entrons un argument vrai et un faux il ne peut en découler qu une conclusion fausse.

maintenant arrêtons avec les syllogisme et analysons le problème suivant:

alban me dit que tout les crétois sont menteurs
alban est crétois
alban me dit il un mensonge ou une vérité?

que alban soit crétois est une connaissance de second type: on sait ce qu est la crête , il suffit de lui demander son passeport.
par contre quand il me dit "tout les crétois sont menteurs" je ne suis pas d'accord. il me semble impossible d 'une part de connaitre tout les crétois qui sont de même assez nombreux non? et dautre part de mentir à l 'échelle de tout une vie. il suffirait qu' à table je demande " ou est l'huile d 'olive ?" que spontanément il me réponde "au bout de la table" pour que sa ligne de conduite s'effondre. de plus il y a des enfants crétois et dans son enfance on dit beaucoup de vérité.
Donc au final il faudra trouver un autre exemple particulier pour illustrer vos interrogations. pour ma part alban a surtout dit une bêtise.

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Messagepar Pej » 07 juil. 2006, 10:34

Dans l'exemple du gruyère, il me semblait que l'erreur provenait d'un double usage du mot "gruyère". En effet, dans la première proposition, le mot "gruyère" désigne le fromage dans son ensemble (pâte + trous), alors que dans la 2e proposition, il ne désigne plus que la pâte (sans les trous).

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Messagepar Pourquoipas » 07 juil. 2006, 11:13

Bonjour,

Dans les deux messages suivants, je vais donner un cas d'énoncés portant sur les énoncés eux-mêmes, énoncés doués de sens – sens clair et non susceptible d'interprétations diverses –, sans intervention aucune du sujet énonciateur (un « paradoxe du menteur » épuré ?).

Portez-vous bien


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