l 'acte volontaire

Ce qui touche de façon indissociable à différents domaines de la philosophie spinozienne comme des comparaisons avec d'autres auteurs, ou à des informations d'ordre purement historiques ou biographiques.
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hokousai
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l 'acte volontaire

Messagepar hokousai » 09 juil. 2006, 13:44

Cher bardamu ( et à tout intéressé par le sujet )

Je reviens (sur ce fil )sur l’acte volontaire .Il en a été débattu déjà diverses fois .C’est une question difficile pour un spinoziste .

Pourquoi ?
C’est parce qu’il est contre intuitif de ne pas se penser comme cause de l’acte volontaire et tout Maine de Biran va dans ce sens . On ne peut sans examen rejeter Maine de Biran lequel enfonce le clou de la manière la plus systématique, la plus obsessionnelle, qui soit .

Victor Delbos oppose Maine de Biran à Malebranche (mais au sujet du parallélisme l analogie entre Malebranche et Spinoza est habituellement reconnue )
Je cite Delbos
Comment le philosophe(M de Biran) qui définissait essentiellement l'existence du moi par la causalité, qui faisait consister la causalité du moi dans l'effort moteur volontaire, n'aurait-il pas systématiquement combattu la doctrine des causes occasionnelles(Malebranche) ?
On sait, en effet, quel est le fond de cette doctrine. Elle peut se résumer brièvement ainsi : Dieu seul est véritablement cause. Ce [148] qu'on désigne sous le nom de cause naturelle n'est point une cause réelle et véritable, mais simplement, si l'on tient à garder le nom, une cause occasionnelle, qui détermine Dieu, en conséquence de lois générales, à manifester de telle façon son action, seule efficace


Source

Dans ce texte Delbos évoque brièvement Spinoza sans parvenir à me convaincre de l’ écart affirmé entre Malebranche et Spinoza .

.........................

J’insiste et j y reviendrai probablement à la rentrée il est contre intuitif de ne pas voir dans l ‘acte volontaire (pensée ) une cause du geste comme effet (corps ) .
De l’intuition du cogito Spinoza comme Descartes conclut : l’ homme pense . l’intuition est reconnu comme valide non contestable et productive d’ une science de Dieu (accès à un attribut ; la pensée )
En revanche de « je veux agir » intuitivement valide il n’en est pas conclut : l’homme veut mais il en est conclut :l’ homme agit (et puis Dieu agit : la puissance dc penser de Dieu est égale à son actuelle puissance d’ agir )
…………………….

Il est bien évident que j ‘agis , mais il est aussi évident qu’il m’arrive aussi de vouloir agir , cette éventualité est intégrée et de là effacée dans l’ordre et la suite des idées d un automate pensant/ actif .

Je dis que là est le cadavre dans le placard du spinozisme .

Cette question est récurrente et ne peut être résolu en disant qu’il s’agit de deux manières de voir une selon les corps et une selon l’étendue et qu’il n’y a pas de relation causale entre l’ idée ( de vouloir tel geste ) et le geste quand cette relation apparaît comme évidente claire et distincte .

Ce qui peut ce concevoir(le parallélisme) quand l’idée enregistre passivement un mouvement du corps ne se conçoit plus quand l’idée est une décision .
Vous me direz qu il y a une illusion , certes, et pourtant nous avons là une idée claire et distincte toute aussi claire et distincte que celle du cogito .


Amicalement


Avec mes remerciements au site pour m’ avoir supporté pendant une année (une de plus )

hokousai

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Messagepar Miam » 09 juil. 2006, 19:35

C'est contre-intuitif pour vous. Peut-être pas pour les autres. Et c'est scientifique : la neurologie montre que l'acte commence avant la volonté consciente d'agir. Autrement dit : la volonté est déjà un acte ou, comme le dit Spinoza, une volition. Voir une volonté derrière un acte, c'est voir une substance finie derrière chaque phénomène : ce qui est de l'ordre de la superstition selon Spinoza.

Malebranche et Spinoza ? Mais une cause occasionnelle n'est pas une cause immanente. Et il n'y a pas chez Spinoza cet abîme entre l'existence et l'essence qu'il y a chez Malebranche. Bref, il n'y a pas cet arrière-monde d'esprits malebranchiste ni de ciel des idées (ontologisme malebranchiste).

Miam

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Messagepar hokousai » 10 juil. 2006, 00:43

à miam

Si c'est scientifique !! alors arrêtons là tout examen .Les philosophes (et le commun des mortels) persuadés qu’ ils décident de ce qu’ils vont faire avant de le faire peuvent aller se rhabiller , doivent à tout le moins se taire honteusement sur l ‘affirmation d’une conviction issue de l’expérience intime .Je voudrait bien qu ‘on me montre que ma main s’ouvre avant que je le veuille quand je le veux ou bien sans que je le veuille quand je ne le veux pas . Ce n’est pas du spinozisme c’est du spinozombisme .

C’est évidemment si contre intuitif qu’il fallut attendre les expériences de Libet pour avoir l’esquisse d’une prétendue preuve de l’antécédence de l’acte sur la conscience , ce qui n’est encore pas de l’acte sur la volition .
Si Zidane n’avait pas voulu, consciemment pas voulu donner ce fâcheux coup de tête à celui qui l’insultait, il ne l’aurait pas donné .Mais c’était comme le disait Valmont hors de sa volonté .( it's beyond my control)


Vous qui prétendez ne pas voir de finitude derrière l’acte mais probablement la substance infinie ne voyez plus rien du tout .On est dans l’ invocation pure et simple, ce qui se dit autrement comme la langue de bois, véritable superstition constant à croire qu’un effet de langage suffit à expliquer les chose et les choses finies aussi claires et distinctes qu’ elles nous apparaissent finies .


Faites l’expérience suivante
Décidez que vous vous ferez l’image mentale du premier objet trouvez sur une page au hasard du dictionnaire . Voilà une décision antérieure (et qui peut l’être antérieure sur des années ) à un événement mental
Je décide que dans deux minutes cet évènement sera effectif
je tombe par exemple sur page 434 de mon Larousse sur Fer
Je me fais donc une image du Fer (aussi bien que je le peux ce n'est pas la question, là, des images mentales ).

Allez m affirmer que je ne suis moi hokousai pour rien dans cet événement, à tout le moins que ma décision n’ y est pour rien , certes, mais alors quel est cet événement que la DECISION ?
Vous arrive t- il de décider de vos actes ou pas ?
Et vous arrive t- il de dire » je pense » ? Est- ce donc une superstition ?Mais « je veux » en serait une .

Laisser courir, les choses, vivez dans une ataraxie totale et vous serez à tout le moins en accord avec vos dires . Ne niez rien , mais aussi n’affirmez rien et vous serez sans doute digne de la philosophie de l’affirmation et du conatus .

Je rêve

….et puis je pars en vacance ( ce n’est pas que je l’ai décidé , non …pensez vous ,je ne décide de rien dans ma vie …... ça veut pour moi ) .

( it's beyond my control)

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Messagepar DGsu » 10 juil. 2006, 08:46

Décidez que vous vous ferez l’image mentale du premier objet trouvez sur une page au hasard du dictionnaire . Voilà une décision antérieure (et qui peut l’être antérieure sur des années ) à un événement mental

Cher Hokusai.
Il faut admettre que la "décision" de se faire une image mentale est également un acte, même s'il en préfigure un autre. Et en tant qu'acte, il n'est pas volontaire et ne représente pas la "décision" hors de l'action elle-même.
On pourrait considérer que la "décision" existe comme prise de conscience ou la matérialisation mentale de l'acte en train de s'effectuer.
De plus, je pense qu'il faut récuser la notion de volonté pour tout le fatras moralisant qu'elle traine derrière elle.
Zidane n'aurait pas pu faire autrement que de donner ce coup de tête, et c'est pourquoi il faut essayer de le comprendre et non de le juger.
Excellente journée à vous!
DG
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Re: l 'acte volontaire

Messagepar platoche » 10 juil. 2006, 14:15

Bonjour,

Je voudrais réagir à la réflexion d'Hokusai, et notamment :

hokousai a écrit :
C’est parce qu’il est contre intuitif de ne pas se penser comme cause de l’acte volontaire

hokousai


C'est contre-intuitif ? Et alors ? En quoi l'intuition prouve-t-elle quoi que ce soit ?
Si vous vous fiez à votre intuition, pensez-vous que le soleil est à 150 millions de kilomètres, et nettement moins lumineux que la plupart des étoiles visibles ? Est-il intuitif que la vitesse de la lumière soit constante et que le temps dépende de la vitesse du référentiel ou l'on se place ?


Tout le discours gnoséalogique de Spinoza vise à mettre en avant le rationalisme et non l'intuition.

Le déterminisme me pose également des questions non résolues, mais aucune des théories contraires ne me convainc non plus.

La ridicule intuition de Descartes sur la "glande pinéale" semblerait plus vous séduire : comme exemple d'idée claire et distincte, on fait mieux !

Quant à celle de Platon sur le choix de soi réalisé dans l'autre monde, elle est l'illustration de "l'asile de l'ignorance" auquel Spinoza fait référence dans l'appendice du livre I.

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Messagepar bardamu » 14 juil. 2006, 16:22

hokousai a écrit :(...)
Allez m affirmer que je ne suis moi hokousai pour rien dans cet événement, à tout le moins que ma décision n’ y est pour rien , certes, mais alors quel est cet événement que la DECISION ?
Vous arrive t- il de décider de vos actes ou pas ?
Et vous arrive t- il de dire » je pense » ? Est- ce donc une superstition ?Mais « je veux » en serait une .
(...)

Salut,
j'ai l'impression que vous considerez comme équivalent "être cause" et "la volonté est cause".

Spinoza considère qu'on est effectivement cause et partiellement cause de soi (sinon il n'y aurait pas de liberté), mais que cela ne passe pas directement par une conscience. La conscience reproduit (idée de l'idée) ce qu'il se passe plutôt qu'elle n'en est la cause.
Spinoza dit plutôt "l'homme pense" que "je pense" parce que le "Je" est problématique. "MA volonté", "MA décision" ne sont pas toujours vraiment mienne, elles peuvent être essentiellement provoquées par une influence externe.

Que signifie prendre une décision ?

Le cas concret du fumeur malheureux :
- on a des idées : images de cancéreux, textes sur paquets de cigarette (Fumer tue), toux le matin etc. qui se synthétisent en un désagrément auquel est lié une idée du type "Faut que j'arrête de fumer" (appelons-là STOP)
- la conscience de STOP et d'une image de soi entraine l'idée verbale "je veux arrêter de fumer" (= STOP') qu'on qualifie de "volonté", de décision. STOP' implique des images de soi comme arrêtant de fumer dans le futur
- à côté de ça, on a les idées de plaisir données par la cigarette (= GO), avec des images de soi fumant dans le futur
- ensuite, on a un conflit d'idées entre STOP et GO, avec un renforcement de STOP par STOP' et ce qui en découle.

Au final, on a un résultat où bien souvent STOP' s'affirme verbalement ("je veux arrêter de fumer") et où c'est le résultat de (STOP + STOP') vs GO qui s'effectue, et quand GO gagne, on allume une cigarette de plus. Si on veut appeler "volonté" la cause en nous de l'acte, ce que l'on veut c'est toujours ce que l'on fait, et il faudrait dire que le "je veux arrêter" n'était pas ce que je voulais vraiment.

La lucidité demanderait qu'on accepte que ce que l'on est se traduit par ce que l'on fait, et que si il y a parfois correspondance entre des idées de "je veux" et ce qui se produit ensuite, cette correspondance n'est pas fondamentale. Ceci dit, elle pourrait être un indicateur de notre degré de liberté, un être libre produisant des suites d'idées, y compris conscientes, conformes à ses actes.

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Messagepar DGsu » 14 juil. 2006, 20:22

Merci bardamu pour cette lumineuse explication. :wink:
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Messagepar hokousai » 27 juil. 2006, 21:05

à Dgsu

Vous reprenez l’argument (recevable ) de l’impossibilité de vouloir notre propre volonté . Cet argument incline à penser que nous sommes déterminés par des causes inconscientes .
Mais cela ne répond pas au problème
Une fois consciente , l’intention de faire telle ou telle chose nous apparaît comme efficiente (ayant un effet ) cet événement (la conscience ) acquiert une autonomie dans le domaine de l’efficience .Elle l’acquiert comme explication de l’effet .
L’effet ( l’acte voulu ) est intuitivement attribué à la décision consciente de faire telle chose .

........................................

S' il y a causalité ( donc cause ) la décision n’est pas de l’ordre des causes observables physiquement ( neurophysiologie ) mais est d’ emblée observable par le sujet conscient comme "raison" (raison de faire telle ou telle chose )
- comme phénomène non matériel
-non sensuellement observable
-comme objet de la pensée .
Ce n’est pas une cause matérielle que celle de l’ intention ou de la motivation du moins ne nous apparaît- elle pas comme telle .

Une cause matérielle serait celle déduite de l’observation du cerveau .
Or l’observation du cerveau ne nous dit rien de ce qui se passe, c’est le sujet qui le dit .
L’observation du cerveau ne peut dire que tel phénomène est coexistant de la décision selon une raison ( un mobile d’ agir )que si le sujet informe .C’est le sujet ( vous, moi ) qui sait qu' il y a une décision selon un motif . La neurophysiologie est muette là dessus avant information par le sujet s’ auto observant .

Voilà pourquoi l intuition du sujet est d’une réelle importance dans le problème de l’acte volontaire .Pour tout dire la neurophysiologie n’en décèlerait aucun .Les animaux ne pouvant pas nous parler nous ne pouvons pas déceler d’ acte volontaire à la seule observation neurophysiologique. Nous leur refusons d’ ailleurs la volonté .
………………………………

Puisqu’il faut essayer de comprendre( par exemple Zidane.)La compréhension se fera dans l’ordre des motifs (ordre idéel )
Pour faire très bref , l’apparition à la conscience des conséquences ( même confusément) du geste qui va suivre (par ex un coup de tête) et ainsi la mise ne perspective sur un long terme, aurait peut être conduit à ne pas céder à la passion .
……………………………….

On a à mes yeux une intervention de l’ordre idéel (la pensée) dans l’ordre des corps l’étendue .Ce n’est pas sous la forme d une cause matérielle que l’efficience du motif d’ agir se donne à voir .

Ce qu’il faut montrer si vous êtes causaliste (déterministe )c’est que d’ abord cette causalité ( floue ) par le motif est inefficiente , est donc une illusion de causalité .

Mais , de plus, que la causalité par des processus neurophysiologiques est ,« elle », efficiente .C’est à dire en quelque sorte qu ‘un état actuel biochimique a son effet marqué en lui , c’est à dire que la cause biochimique est porteuse d’une image anticipatrice ( ce qui est une fin / finalité )
C’est à dire que telle configuration moléculaire est informée de ce qui peut arriver , cela la biochimie ne l’observe pas mais la conscience le fait .
Je veux dire que le point de vue de la science ( actuelle à tout le moins ) va nous faire apparaître comme automate matériel (matériel et non pas spirituel )et que je refuse que ce déterministe mécaniste soit la loi et les prophètes ..

Voilà un niveau de compréhension qui inclus la conscience réflexive dans la philosophie . Spinoza n’est certainement pas hors de cette préoccupation .

bien à vous
Hokousai


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