Le cercle comme mode de l'attribut Etendue

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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zerioughfe
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Le cercle comme mode de l'attribut Etendue

Messagepar zerioughfe » 17 nov. 2003, 17:37

Bonjour,

Spinoza a écrit :On se dépouillera aisément de ces préjugés si l'on fait attention à la nature de la pensée qui n'enveloppe nullement le concept de l'étendue ; et alors on comprendra clairement qu'une idée (en tant qu'elle est un mode de la pensée) ne consiste ni dans l'image d'une chose, ni dans des mots. Car ce qui constitue l'essence des mots et des images, ce sont des mouvements corporels, qui n'enveloppent nullement le concept de la pensée.


Spinoza a écrit :Et si j'ai dit que Dieu est cause de l'idée du cercle, par exemple, en tant seulement qu'il est chose pensante, et du cercle, en tant seulement que chose étendue


Si je comprends bien, l'image d'un cercle, pour Spinoza, est un mode de l'attribut Etendue. Mais où, dans la Nature, Spinoza a-t-il vu des cercles ??...

Merci d'avance pour vos éclaircissements !

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Henrique
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Messagepar Henrique » 18 nov. 2003, 00:07

Bonjour "zeriou":)
Pour toi, le cercle que dessine le professeur de géométrie sur son tableau n'est pas un cercle ?

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Messagepar zerioughfe » 18 nov. 2003, 10:21

Merci pour ta réponse !

Les objets mathématiques n'existent pas dans la nature. Le cercle que le professeur dessine au tableau n'est rien d'autre qu'un ensemble fini d'atomes, regroupés pour former des molécules de calcaire qui sont elles-mêmes réparties dans les trois dimensions (et non en une seule) d'une façon qui évoque pour nous l'idée de cercle. Ce n'est pas un vrai cercle.

J'ai donc deux problèmes, qui, en réalité, ne font qu'un :

1°/ Le cercle physique, précisément, n'est pas un vrai cercle. Pourquoi, dans ce cas, l'idée de cercle (qui est adéquate et parfaite) correspondrait à ce cercle (qui n'en est pas un) ?
2°/ Je peux dessiner au tableau de nombreux cercles de même rayon. Que se passera-t-il alors dans l'attribut Pensée ? Y aura-t-il plusieurs idées de cercles ? Si oui, n'est-ce pas contradictoire avec l'affirmation que l'idée de cercle est unique et adéquate ?

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Messagepar Henrique » 18 nov. 2003, 14:47

Spinoza disait, dans le passage que tu citais, il y a l'idée du cercle et il y a le cercle qui sont deux choses différentes. L'idée du cercle n'a aucune étendue tandis que le cercle doit bien avoir une étendue. En effet, si à l'idée de cercle ne correspondait aucune réalité étendue, l'idée du cercle ne serait pas idée de quelque chose, ce ne serait donc pas une véritable idée.

Si notre professeur de géométrie dessine au moyen d'un compas ce que tu appelles un ensemble d'atomes évoquant l'idée de cercle, n'y a-t-il pas dans l'objet physique que tu as décrit la figure du cercle à savoir "une figure décrite par toute ligne dont une extrémité est fixe et l'autre mobile" ? Que la réalité physique que tu as décrite soit infiniment plus riche que l'objet à deux dimensions correspondant à l'idée que je viens de définir n'est pas douteux. Mais qui peut le plus peut le moins oserais-je dire. Que la réalité dont tu as parlé ait trois dimensions n'empêche pas qu'y soit contenu la figure à deux dimensions.

Maintenant, si tu veux seulement dire que la réalité intelligible, telle qu'elle vient d'être définie n'est pas dans l'étendue, Spinoza ne dit pas le contraire : "Étant différente de son objet, l'idée sera par elle-même quelque chose d'intelligible ; je veux dire que l'idée, considérée dans son essence formelle, peut être l'objet d'une autre essence objective ; et à son tour cette autre essence objective, vue en elle-même, sera quelque chose de réel et d'intelligible, et ainsi indéfiniment. " L'intelligibilité, c'est du domaine de la pensée, elle relie des idées entre elles par la pensée - tandis que le mouvement du compas relie les objets entre eux par l'étendue en dernière analyse.


Dire que le cercle dessiné n'est pas un vrai cercle aurait du sens, s'il y avait moins dans la réalité étendue que dans l'idée elle-même. Or il y a plus. Le cercle dessiné au compas est donc en partie un vrai cercle et autre chose également.

Nous ne sommes pas ici dans le platonisme qui veut que la réalité sensible ne soit qu'une dégradation de la réalité intelligible. Nous ne sommes pas non plus dans l'empirisme qui veut que la réalité intelligible ne soit jamais qu'une dégradation de la réalité sensible. Chez Spinoza, l'intelligible et le sensible coexistent.

Il est vrai cependant qu'il y a une difficulté particulière avec les objets géométriques. Les idées d'objets géométriques sont ce que Spinoza appelle des abstractions, càd des idées partielles de la réalité. Mais ce sont les seules abstractions qui ont la propriété de pouvoir être adéquates : par leur simplicité, elles peuvent constituer une totalité autosuffisante et donc adéquate. Il est donc naturel qu'en un sens, on ne rencontre pas dans la nature étendue de sphère formée comme la géométrie peut la former, un demi-cercle en rotation. Mais il n'en existe pas moins des sphères ou des globes dans la nature étendue, même si par exemple le globe terrestre est bien plus qu'une simple figure géométrique.

Je n'ai pas le temps de répondre à ta dernière question, mais peut-être le pourras tu à partir de ce qui précède et de la distinction entre notions communes qui ont une unité de communauté, et idées intuitives qui ont une unité singulière.

Amicalement,
Henrique

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Messagepar zerioughfe » 18 nov. 2003, 16:36

Salut Henrique, et merci pour ta réponse très complète ! :wink:

Je crois que je comprends mieux. J'aimerais, si cela ne t'ennuie pas, que tu me dises si mon résumé est valable :

Si le cercle dessiné au tableau n'est pas un vrai cercle mais une chose plus complexe, alors son être objectif (c'est-à-dire son idée) doit lui aussi être plus complexe que l'abstraction qui consiste à imaginer un segment tournant autour de l'une de ses extrémités (soit dit en passant, le cercle dessiné est aussi moins que le cercle abstrait, puisque le trait n'est pas continu mais constitué de petites molécules séparées par du vide). Cette abstraction n'est qu'une idée formée par l'homme, un peu comme l'idée d'un cheval ailé, à la différence qu'il a une connaissance adéquate de cette abstraction, mais pas du cheval ailé.

Est-ce bien ce que pense Spinoza ?

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Messagepar Henrique » 19 nov. 2003, 01:57

C'est ce que je pense que Spinoza pense, du moins c'est comme cela que je comprends.
Tu amènes "au passage" une critique de ce que je disais avec l'idée de vide entre les mollécules de calcaire... Spinoza n'admet pas l'existence du vide, ce qui est une autre question assez lourde. Il ne saurait donc y avoir de discontinuité dans l'étendue. Mais effectivement, il y a sans doute d'autres particules que la craie sur le dessin au tableau, entre les mollécules de craie. Mais pourquoi, dans le cercle dessiné, n'entreraient pas ces autres particules ?...

Je ne vais pas être disponible désormais avant ce week end, je vous laisse donc d'ici là, bonnes discussions ;)

Henrique
Modifié en dernier par Henrique le 20 nov. 2003, 23:14, modifié 1 fois.

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Messagepar zerioughfe » 19 nov. 2003, 20:20

Mais pourquoi, dans le cercle dessiné, n'entreraient pas ces autres particules ?...


Mais parce qu'elles sont elles-mêmes séparées par du vide !... :wink:

Je ne vais pas être disponible désormais avant ce week end, je vous laisse donc d'ici là, bonnes discussions


Et encore merci pour ton explication.

Zerioughfe

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Messagepar bardamu » 20 nov. 2003, 22:14

zerioughfe a écrit :
Mais pourquoi, dans le cercle dessiné, n'entreraient pas ces autres particules ?...


Mais parce qu'elles sont elles-mêmes séparées par du vide !... :wink:


Salut,
il n'y a pas de vide, du moins si on en croit les physiciens contemporains et Spinoza.
Par contre, il y a des cercles si on considère qu'il existe des points, des lignes et des surface en dépit de l'incapacité de nos sens à les percevoir. On peut nier les points, les lignes et les surfaces mais, avec, on nie les théories physiques mathématisées qui semblent pourtant assez efficace. Sans doute l'existence des êtres géométriques est problématique si on les considère comme des êtres sensibles mais si on les prend pour ce qu'ils sont, des rapports entre parties, des fonctions, on leur trouve pas mal de réalité, c'est-à-dire de puissance.

Traité de la Réforme de l'Entedement, 72 :
"Ainsi pour former le concept d'une sphère, je modèle à mon gré une cause : à savoir qu'un demi-cercle tourne autour de son centre et que la sphère est pour ainsi dire engendrée par sa rotation. Cette idée est certainement vraie, et bien que nous sachions qu'aucune sphère n'a jamais été engendrée ainsi dans la Nature, c'est là néanmoins une perception vraie, et c'est la manière la plus facile de former le concept de la sphère."


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