Un ami de Spinoza

Espace pour se présenter : qui êtes vous (ou pensez vous être) ? Comment avez vous découvert Spinoza ? Qu'est-ce qui vous intéresse chez lui plus particulièrement ? et tout ce qu'il vous conviendra de dire pour permettre de mieux se connaître.
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Shagiu
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Un ami de Spinoza

Messagepar Shagiu » 28 déc. 2006, 20:45

Salutations à tous les amis et disciples du sage Baruch de Spinoza.

Je ne suis pas un intellectuel, encore moins un érudit en philosophie mais je me pose certaines questions auxquelles la science de la sagesse tente d'y répondre. Mon intellect étant plutôt limité, les textes écrits par les philosophes au cours des siècles sont bien souvent pour moi incompréhensibles. Cependant, un jour, alors que je feuilletais un dictionnaire de philosophie cherchant la définition du terme "Nature", le nom de Spinoza est apparu.
Vers l'âge de 17 ans, j'ai perdu la foi bien qu'allant depuis l'enfance à l'église et qu'ayant eu droit à six années de catéchisme. et c'est depuis cette époque que suis à la recherche d'une autre voie. Peu à peu, essayant cogiter, je suis arrivé à la conclusion que le dieu des religions monothéistes n'avait qu'une "existence fictive" et qu'évidemment il en allait de même pour les dieux anthropomorphes ou animaliers des autres religions passées ou présentes.
J'ai dû alors rechercher un dieu auquel je pourrais croire et c'est ainsi que le concept de "Nature" m'est venu à l'esprit.
La Nature... mère Nature voilà celle qui pourrait répondre à toutes mes questions. Elle est présente partout, elle est tout ce qui existe, de l'atome à l'Univers en passant par l'Homme. Dorénavant mon idéologie allait être la "philosophie de la Nature" : le naturalisme.
La Nature fut pour moi je le crois, dès le départ, l'entité unique, infinie et éternelle. Cause de toute chose, rien ne lui est supérieur.

Nature, quel mot puissant de sens...Je décidai alors de voir le ou les sens qu'on pouvait lui donner. D'abord, je consultai un dictionnaire général et c'est là que je vis qu'il y avait un sens philosophique. Rapidement je consultai donc un dictionnaire de philosophie.
De grands philosophes avaient défini le mot "Nature" et je cherchai donc leurs noms et ce qu'on disait sur eux ( d'ailleurs je ne pourrais même plus vous dire, pour la plupart, comment ils se nommaient ). Enfin, j'arrivai à Spinoza et grande fut ma joie lorsque je décrouvris sa vie et sa pensée.
"Deus sive Natura" , si je devais retenir une seule locution durant toute mon existence, ce serait celle-ci. Dieu c'est-à-dire la Nature.
Pour Baruch de Spinoza, la Nature est un Dieu immanent qui n'a pas de cause qu'elle-même, et rien n'en est son créateur. Elle comprend tout ce qui existe. Voilà enfin quelqu'un qui partageait ma pseudo idéologie, sauf que sa philosophie était bien plus développée, bien plus conceptualisée, bien plus argumentée que la mienne. Enfin j'avais un ami, enfin j'avais un maître.
Je me suis mis à la lecture de son chef d'oeuvre, "L'Ethique "( pour moi le plus grand livre qu'est livré l'humanité ) et par manque de motivation feuilleté son Traité Théologico-Politique.
Je dois l'avouer, j'ai compris, quelque peu, les idées générales de sa pensée. Mais combien de lignes me paraissèrent incompréhensibles! Et rapidement je me suis apperçu de la faiblesse de mon intellect.
J'ai lu plusieurs livres concernant Spinoza et je possède sa bible. Toutefois, j'ai pas retenu grand chose...

La vie du sage est admirable parce qu'il a appliqué sa philosophie. Et quel malheur pour nous une vie trop courte... S'il avait vécu plus longtemps et sans sa maladie. L'illumination, il aurait connu; une voie nous aurait été ouverte...


En cette fin d'année 2006, moi, homme de 28 ans, plus tout à fait jeune, j'essaie de trouver une voie qui me mènerait vers le bonheur absolu. N'ayant pas rencontré l'amour, j'aspire à devenir un sage, un saint.
J'aime philosopher, mais je n'ai aucune culture philosophique parce que n'ayant pas la volonté d'apprendre et parce qu'ayant une capacité mentale faible. A part Spinoza, que j'ai lu un peu, les philosophes et leurs écrits me sont méconnus.
Je m'intéresse aussi à la cosmologie, mais là aussi mes connaissances sont très sommaires. Les arts martiaux et les sports de combat attirent quelques fois mon intention. De même, les débats télévisés où il y a des joutes oratoires de grande qualité me font porter mon attention. Voilà a peu près toutes mes qualités à côté de la gentillesse.
Mes défauts; je ne veux pas m'attarder : je dirais que c'est la PEUR le plus grand frein à mon bonheur. C'est pour cela que je recherche le moyen, sinon de la vaincre, du moins l'atténuer.


J'aurais d'autres choses à dire mais je laisse un peu pour les discussions futures.

P.S : Veuillez m'excuser pour les fautes de français que je pourrais faire.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 28 déc. 2006, 22:16

Bonjour Shagiu,

d'autres pourront sans doute mieux répondre à votre message que moi-même, donc voici juste ceci: pour moi, ce que vous écrivez est aussi touchant qu'étonnant.

Touchant parce que vous évoquez si bien ce qu'une philosophie (celle de Spinoza en l'occurrence) peut avoir comme effet, comment une lecture d'un philosophe ou même simplement la compréhension d'un de ses concepts peut toucher son lecteur de manière existentielle, qu'il est difficile de ne pas être touché en lisant votre témoignage.

Etonnant parce que malgré cela et malgré votre style d'écriture, vous répétez néanmoins l'idée d'avoir un 'intellect faible'. Idée qui, quand on en est vraiment convaincu, me semble bien apte à décourager toute recherche philosophique plus en profondeur (même si apparemment vous avez tout de même déjà fait un parcours intéressant). Ou du moins, cette idée me semble être assez paralysante/angoissante seulement aussi longtemps que l'on pose la possession d'une grande intelligence comme condition à toute pratique vraiment philosophique.

Or dès le début, la philosophie a été conçue non pas comme ce qui requiert une grande érudition, au contraire même. Socrate interrogeait les plus grands sages de son époque, mais ne trouvait pas dans leurs réponses la vraie philosophie. Par contre, Platon montre bien comment Socrate a réussi à faire philosopher même un esclave, bref celui étant considéré, à l'époque, comme étant dépourvu de tout savoir!
Ce qui prouve que ce qu'il faut avoir pour pouvoir philosopher, ce n'est pas DU TOUT une grande intelligence, c'est tout à fait autre chose: le DESIR DE COMPRENDRE. Ce que très manifestement, vous avez. Le reste, l'intelligence, ne peut venir qu'après de longues années de pratique philosophique. Si vous voulez savoir plus cc les conditions nécessaires pour pouvoir philosopher, je ne peux que vous conseiller la lecture du début des deux livres suivants, tous les deux écrits par Monique Dixsaut et édités chez Vrin: "Platon. Le désir de comprendre", et "Le naturel philosophe. Essai sur les dialogues de Platon".

Autrement dit, que vous feuilletez l'Ethique et que vous comprenez peu de choses ne me semble rien dire DU TOUT de la puissance de votre intellect, qui est limité chez tout être humain. Vous éprouvez là tout simplement ce que tout lecteur éprouve en lisant ce livre (et bien d'autres livres de philosophie). Vous sentez qu'il est écrit dans un langage étrange. Mais langage étrange ne veut pas dire langage ésotérique! Quelqu'un avec un QI de 150 mais qui n'a jamais lu de la philosophie ni appris une façon de penser proprement philosophique, ou qui n'éprouve pas le désir de comprendre, aura exactement la même expérience d'étrangeté, et y comprendra aussi peu que tout lecteur débutant.
Pour pouvoir comprendre davantage de l'Ethique que ce que vous avez déjà compris, il suffit de deux choses:
1) le désir de comprendre (ce que vous avez clairement, vu que vous dites aimer philosopher et même aspirer à devenir un sage)
2) du temps. Et donc la patience de n'avancer que très lentement dans la compréhension (patience qui me semble être inconcevable aussi longtemps que l'on se perçoit soi-même comme manquant une qualité essentielle pour pouvoir comprendre (l'intelligence)). Car il se fait pe que Spinoza utilise un vocabulaire issu de la scolastique. Il faut donc parfois également consulter les dictionnaires philosophiques (et d'autres bouquins) pour savoir tout ce que l'on pourrait vouloir dire à l'époque par des mots comme 'essence', 'substance', 'cause de soi' etc, pour avoir un meilleur accès à la signification précise que Spinoza veut donner à ces notions. Mais là aussi, rien de plus facile que de consulter un dictionnaire. Il ne faut pas être un érudit pour cela, au contraire, c'est bien parce que l'on ne l'est pas que les dictionnaires existent. Puis on avance toujours plus vite si l'on discute de sa lecture avec d'autres lecteurs, mais là aussi, c'est ce que vous venez de faire, donc je ne vois aucun 'manque de capacités' de ce côté-là non plus.

Sans doute cette idée de ne disposer que d'un faible intellect n'est pas venue de nulle part, pour commencer à vous embêter un beau matin comme ça, tombant du ciel. Comme je ne vois pas comment la lier à votre 'essence', elle doit bien être le résultat de certaines 'rencontres fortuites avec la nature', pour le dire en termes spinozistes, c'est-à-dire sans doute vous avez rencontré assez de situations dans lesquelles on vous a affecté de cette idée pour vous identifier à présent avec elle. Mais justement, là-dessus aussi, Spinoza prétend pouvoir apporter quelques idées qui permettent de se libérer des idées qui nous déterminent de manière un peu trop hasardeuse.

Ce qu'il prétend, en plus, c'est de ne rien inventer que ce que l'on sait déjà tous (comme vient de le rappeler Henrique, si vous avez lu son dernier message sur ce forum), seulement on ne le sait que de manière confuse (ce qui d'ailleurs était aussi ce que disait déjà Platon: philosopher veut dire se remémoriser, voir Dixsaut). Selon Spinoza, le savoir de manière plus claire et distincte ne peut qu'ouvrir le chemin au bonheur. Mais comme tout un chacun sait déjà l'essentiel de ce qui est dit dans l'Ethique (par expérience, donc de manière implicite), il ne faut pas du tout un intellect immense pour pouvoir y arriver. Il suffit de s'amuser à ESSAYER de comprendre un peu ce qu'il veut dire par toutes ces propositions, axiomes, démonstrations etc, qui parfois sont bien drôles (surtout quand il écrit 'ceci est évident pour tous', tandis qu'on n'en a rien compris du tout :) ), parfois tout à fait obscures après même 5 lectures, et parfois tout simplement déjà quasiment immédiatement source de bonheur, comme vous venez de le décrire vous-même.

C'est pourquoi il me semble que vous êtes bien tombé si vous aspirez simultanément à la sagesse et au bonheur, comme vous le dites, en vous adressant à Spinoza, car c'est précisément ce à quoi il prétend qu'une tentative de compréhension de sa pensée donne accès. Ce qui ne peut empêcher que Spinoza aussi n'a qu'un intellect fini, et ne pouvait donc pas prévoir toutes les questions que des lecteurs intéressés au XXIe siècle pourraient se poser en le lisant, ce qui fait que parfois on ne peut que se dire que cela aurait été bien sympa si ce qu'il semble trouver si évident lui-même, il l'avait explicité un tout petit peu plus ... :) .
Dans l'espoir de vous revoir sur ce forum,
bien cordialement,
Louisa

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Joie Naturelle
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Messagepar Joie Naturelle » 02 janv. 2007, 16:40

Louisa a écrit :Bonjour Shagiu,


Etonnant parce que malgré cela et malgré votre style d'écriture, vous répétez néanmoins l'idée d'avoir un 'intellect faible'. Idée qui, quand on en est vraiment convaincu, me semble bien apte à décourager toute recherche philosophique plus en profondeur (même si apparemment vous avez tout de même déjà fait un parcours intéressant). Ou du moins, cette idée me semble être assez paralysante/angoissante seulement aussi longtemps que l'on pose la possession d'une grande intelligence comme condition à toute pratique vraiment philosophique.

Or dès le début, la philosophie a été conçue non pas comme ce qui requiert une grande érudition, au contraire même. Socrate interrogeait les plus grands sages de son époque, mais ne trouvait pas dans leurs réponses la vraie philosophie. Par contre, Platon montre bien comment Socrate a réussi à faire philosopher même un esclave, bref celui étant considéré, à l'époque, comme étant dépourvu de tout savoir!
Ce qui prouve que ce qu'il faut avoir pour pouvoir philosopher, ce n'est pas DU TOUT une grande intelligence, c'est tout à fait autre chose: le DESIR DE COMPRENDRE. Louisa


Désir de comprendre, et désir de toucher la vérité, n'est-ce pas ? Voilà ce qui m'anime aussi. Mais comme Shagiu, j'éprouve des difficultés à tout comprendre. C'est pourquoi je n'hésite pas à avoir recours aux commentaires explicatifs, même si ce sera pour certains peut-être une vulgarisation à éviter.
j'aimerais davantage parler. Ce forum semble merveilleux. Mais j'ai des problèmes d'Internet et je n'écris pas depuis chez moi. Une chose est sûre : je reviendrai, dès que je le pourrai. Merci Louisa et Shagiu. J'espère pouvoir discuter avec vous et avec d'autres encore, plus tard.
A propos, j'ai 35 ans, et suis plutôt musicien, à la base. J'ai entamé la lecture de l'Ethique : c'est dur. Je vais commencer par le traité de la réforme de l'entendement...peut-être pas toujours simple non plus.
A bientôt j'espère,

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Louisa
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Messagepar Louisa » 04 janv. 2007, 02:14

Bonsoir Flumigel,

en ce qui me concerne, je n'ai pas encore rencontré quelqu'un qui prétend avoir TOUT compris de Spinoza. J'ai plutôt l'impression que plus on l'étudie, plus on le comprend, sans qu'une 'limite' puisse être posée à cette compréhension ... .
Sinon voici une petite info qui pourrait peut-être servir à quelque chose: les gens que je connais et qui ne sont pas philosophes de formation et/ou qui ne connaissent pas très bien la philosophie scolastique souvent ont eu beaucoup de mal à comprendre la première partie de l'Ethique, celle qui traite de Dieu. Or si on ne s'y attarde pas trop, lors de la première lecture, pour passer assez rapidement à la deuxième et surtout à la troisième et quatrième partie (la cinquième étant à nouveau plus dense et donc plus difficile), on constate d'une part que les choses semblent être un peu plus accessibles à ce niveau-là, et d'autre part qu'il y a pas mal de renvois à la première partie, ce qui permet de mieux comprendre ce que Spinoza voulait dire plus précisément dans cette partie-là.
Et comme l'a dit quelque part ici DGsu: l'Ethique est construite de façon circulaire, donc si l'on y entre par la 'psychopathologie', on retombera de toute façon sur les autres parties, et on pourra reconstruire certains liens même sans suivre la lecture pas à pas. Toutefois, Spinoza lui-même prétend ne faire rien d'autre que d'expliciter ce que nous expérimentons déjà tous, dans la vie quotidienne, et que pour comprendre cela, il vaut mieux le lire d'abord en entier avant de juger de l'efficacité de ce qu'il propose. Mais rien n'empêche, bien sûr, de d'abord lire les parties II-III-IV, et ensuite de relire le tout en entier ... .
Puis, comme vous l'aurez peut-être constaté, ce site contient un tas d'infos qui facilitent la lecture. Et enfin, n'hésitez pas à poser ici des questions concernant ce qui vous fait problème! Si un visiteur de ce site s'intéresse par hasard à ce problème, il est certain qu'une réponse pourra également vous aider.
Bon courage, et surtout bon amusement!
A bientôt,
Louisa


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