Ontologie

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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anordam
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Ontologie

Messagepar anordam » 05 avr. 2007, 15:46

J'ai une difficulté concernant l'essence objective. Parce qu'elle est essence on est tenté de la mettre du côté de la chose (dont elle est l'essence) . Mais comme elle est dite objective elle est située par S dans l'entendement donc di côté des idées. Mais combien prés de l'idée de la chose . Et en particulier de l'idée vraie dont le contenu est selon S nécessairement donné dans la nature. Alors l'idée vraie et l'essence objective ne seraientelles pas identiques et comme le point asymptotique de l'idée en ses différents états successifs d'adéquation ? Mais là j'ai bien peur de faire une interprétation kantienne du concept d'essence objective.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 05 avr. 2007, 18:27

anordam a écrit :J'ai une difficulté concernant l'essence objective. Parce qu'elle est essence on est tenté de la mettre du côté de la chose (dont elle est l'essence) . Mais comme elle est dite objective elle est située par S dans l'entendement donc di côté des idées. Mais combien prés de l'idée de la chose . Et en particulier de l'idée vraie dont le contenu est selon S nécessairement donné dans la nature. Alors l'idée vraie et l'essence objective ne seraientelles pas identiques et comme le point asymptotique de l'idée en ses différents états successifs d'adéquation ? Mais là j'ai bien peur de faire une interprétation kantienne du concept d'essence objective.


Quels seraient selon vous les 'différents états successifs d'adéquation' d'une idée? Est-ce que pour Spinoza, il n'y a pas uniquement des idées adéquates et des idées inadéquates, sans gradation? Qu'est-ce qui vous fait penser qu'il y auraient des idées inadéquates qui seraient tout de même un peu plus adéquates déjà que d'autres? Et comment s'imaginer que ceci pourrait même concerner une seule idée, qui elle-même deviendrait graduellement plus adéquate, tout en restant inadéquate?
Certes, l'Ethique affirme que nous pouvons former de toute idée inadéquate une idée adéquate. Mais cela ne veut pas dire que nous transformons l'idée inadéquate en une idée adéquate, cela signifie plutôt que nous formons une deuxième idée de l'idée inadéquate, cette deuxième idée étant adéquate (mais la première restant inadéquate). Ainsi est-il possible de se rendre compte que l'idée qui nous donne l'impression que le soleil se trouve à quelques pieds de nous, est une idée inadéquate, en y ajoutant l'idée que les résultats scientifiques nous montrent que le soleil se trouve beaucoup plus éloigné de nous. Cette idée permettra ensuite de former une nouvelle idée de l'idée inadéquate (celle d'une distance de quelques pieds): nous savons maintenant qu'il ne s'agit que d'un effet optique qui, tout réel qu'il soit, n'en donnait pas moins qu'une image seulement partielle de la chose qu'est la distance entre la terre et le soleil. Je ne vois pas en quoi cela changerait l'inadéquation de la première idée. A mon sens, cette idée reste tout aussi inadéquate, mais entre-temps, nous avons pu en former une deuxième idée, celle-ci étant adéquate.
Mais peut-être que vous pensez à certains passages qui selon vous suggéraient tout de même la possibilité d'un passage graduel de l'inadéquation vers l'adéquation?

Sinon il me semble que ce que Elhanan Yakira a écrit au sujet des essences objectives vs. essences formelles (dans 'La Recta Ratio', Textes réunis par L. Bove, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1999) donne un aperçu assez intéressant de la question.
Il montre comment d'abord Descartes s'est réapproprié ces deux notions scolastiques en les transformant, puis comment Spinoza fait de même avec la pensée cartésienne: là où chez Descartes aussi bien l'essence objective que l'essence formelle sont des propriétés de l'idée, Spinoza en fait des propriétés de choses. Ou plutôt, pour Spinoza, ces notions désignent désormais des modes d'être des choses. L'essence objective est alors la chose en tant qu'idée, cette idée ayant le corps de la chose comme objet (ideatum) ou contenu. Du coup, les idées n'ont plus rien à voir avec la notion moderne de 'représentation': l'idée ne re-présente pas la chose pour un sujet connaissant, mais n'est rien d'autre qu'un aspect de cette chose même.

En d'autres termes, comme il s'agit d'une essence il faut en effet la mettre dans la chose elle-même, et comme il s'agit d'une essence objective, c'est en effet une essence qui appartient à l'attribut Pensée. Et donc oui, à mon avis l'essence objective d'une chose, c'est son idée vraie. Mais il ne faut pas confondre cette idée vraie ou essence objective d'une chose, avec l'idée qu'une autre chose (un homme pe) forme de cette première chose.
C'est pourquoi à mon avis il s'agit d'une erreur de dire qu'entre chose et idée vraie, il y aurait une relation 'asymptotique'. Car cela détruirait entièrement le monisme spinoziste, qui exige que l'essence objective et l'essence formelle d'une seule et même chose, soient l'expression différente de cette seule et même chose. Elles sont donc toujours déjà identiques, hormis le fait qu'elles se situent dans deux attributs différents.

Enfin il faut souligner que Yakira lui-même commence et termine son article en rappelant que ni chez les scolastiques, ni chez Descartes, ni chez Spinoza, la notion d'essence objective a pu recevoir un sens clair et univoque. A chaque fois, des questions restent ouvertes. Yakira se situe pe plutôt dans la lignée de B. Rousset, mais Miam (internaute sur ce forum) propose une interprétation différente.
Louisa

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guidel76
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Messagepar guidel76 » 09 avr. 2007, 14:43

Louisa a écrit :Quels seraient selon vous les 'différents états successifs d'adéquation' d'une idée? Est-ce que pour Spinoza, il n'y a pas uniquement des idées adéquates et des idées inadéquates, sans gradation? Qu'est-ce qui vous fait penser qu'il y auraient des idées inadéquates qui seraient tout de même un peu plus adéquates déjà que d'autres? Et comment s'imaginer que ceci pourrait même concerner une seule idée, qui elle-même deviendrait graduellement plus adéquate, tout en restant inadéquate?
Louisa


Bonjour.

Il me semble que concernant les idées inadéquates, rien n'interdit une gradation. Il n'y a certes pas d'idées plus ou moins adéquates, ni d'idée adéquate moins adéquate qu'une autre idée adéquate, mais les idées inadéquates sont, ce me semble, susceptibles de degré.. On peut être plus ou moins dans l'erreur, mais le vrai est tout entier vrai.

Et il me semble bien également que la possibilité existe de passer d'une idée inadéquate à une idée adéquate.

Pour le soleil, c'est notre imagination qui travaille. Si on se fie entièrement à elle pour penser la distance au soleil - en l'occurrence à la perception qu'on en a - on s'enferme de fait dans une idée inadéquate. Mais la raison peut éclairer les sens et "compléter" leur perception, qui demeure (n'étant, elle, ni vraie ni fausse), mais permet à partir de là de penser adéquatement la distance au soleil. L'idée adéquate remplace donc bien l'idée inadéquate, mais celle-ci ne consistait pas dans la perception qu'on avait, mais dans la conclusion qu'on tirait de cette perception. J'ai peur de ne pas être très clair, mais je crois en tout cas qu'il n'est pas possible, au sujet de la même réalité, d'en avoir à la fois une idée adéquate et une idée inadéquate.

Pour l'essence, je pense que c'est effectivement la même chose chez Spinoza que formelle et objective. Etant donné que chez lui "constitue nécessairement l'essence d'une chose [...] ce sans quoi la chose ne peut ni être ni être conçue et qui inversement sans la chose ne peut ni être ni être conçu" (E2, propX, sc2). On est bien dans les deux ordres à la fois, ce qui paraît de fait plutôt cohérent avec le monisme.

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Louisa
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Messagepar Louisa » 18 avr. 2007, 13:30

guidel76 a écrit :Il me semble que concernant les idées inadéquates, rien n'interdit une gradation. Il n'y a certes pas d'idées plus ou moins adéquates, ni d'idée adéquate moins adéquate qu'une autre idée adéquate, mais les idées inadéquates sont, ce me semble, susceptibles de degré.. On peut être plus ou moins dans l'erreur, mais le vrai est tout entier vrai.


Bonjour,

oui, peut-être. Mais Spinoza ne dit-il pas aussi qu'il n'y a rien de négatif dans l'idée inadéquate, et qu'il n'y a erreur que du point de vue du deuxième genre de connaissance? Puis l'adéquation est une dénomination intrinsèque de l'idée, ce qui implique qu'elle ne dépend pas d'autres idées (celles du 2e genre pe, qui constatent qu'elle est dans l'erreur), mais tire son caractère adéquat ou inadéquat entièrement d'elle-même. Dans ce cas, il faudrait donc trouver une façon d'évaluer l'adéquation d'une idée sans référer à l'erreur ou aux dénominations extrinsèques de l'idée vraie. Certes, en principe une idée pourrait être plus ou moins 'claire et distincte'. Mais est-ce que vous voyez des endroits chez Spinoza où il suggère cela, c'est-à-dire où il suggère qu'une même idée peut devenir plus ou moins claire et distincte?

guidel76 a écrit :Et il me semble bien également que la possibilité existe de passer d'une idée inadéquate à une idée adéquate.

Pour le soleil, c'est notre imagination qui travaille. Si on se fie entièrement à elle pour penser la distance au soleil - en l'occurrence à la perception qu'on en a - on s'enferme de fait dans une idée inadéquate. Mais la raison peut éclairer les sens et "compléter" leur perception, qui demeure (n'étant, elle, ni vraie ni fausse), mais permet à partir de là de penser adéquatement la distance au soleil. L'idée adéquate remplace donc bien l'idée inadéquate, mais celle-ci ne consistait pas dans la perception qu'on avait, mais dans la conclusion qu'on tirait de cette perception. J'ai peur de ne pas être très clair, mais je crois en tout cas qu'il n'est pas possible, au sujet de la même réalité, d'en avoir à la fois une idée adéquate et une idée inadéquate.


il me semble que si l'on veut admettre la possibilité d'une transformation d'une idée inadéquate en idée adéquate, il faut admettre la possibilité qu'une seule et même idée change de nature (vu qu'il s'agit des dénominations intrinsèques de l'idée). Ce qui est encore autre chose que de remplacer une idée par une autre, non?
Cordialement,
Louisa


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