Phobie sociale, autisme...et Spinoza

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Miam
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Messagepar Miam » 02 juil. 2007, 12:07

A Louisa,

Oui je me permets de railler celui qui nie l'intégration immédiate de l'homme dans une structure sociale. Et je persiste...
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Louisa
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Messagepar Louisa » 02 juil. 2007, 12:45

Miam a écrit :A Louisa,

Oui je me permets de railler celui qui nie l'intégration immédiate de l'homme dans une structure sociale. Et je persiste...


comme le dit Spinoza: chacun fait se qu'il peut. Nous ne perséverons pas seulement dans l'être en tant que nous avons des idées adéquates, mais aussi en tant que l'Esprit est constitué par des idées inadéquates, et on sait que chacun d'entre nous, sans exception, en a en quantité impressionnante .. . Dès lors, la seule chose qui m'intéressait, c'était de savoir si on était bien d'accord pour appeler la raillerie une idée inadéquate ... ?

A Faun: je ne pouvais tout de même pas m'empêcher de citer encore l'E4P73, quant à la possibilité ou l'intérêt de vivre seul:

"L'homme que mène la raison est plus libre dans la cité, où il vit selon le décret commun, que dans la solitude, où il n'obéit qu'à lui-même.
DEMO:
L'homme que mène la raison n'est pas amené à obéir par la Crainte; mais en tant qu'il s'efforce de conserver son être sous la dictée de la raison, c'est-à-dire en tant qu'il s'efforce de vivre librement, il désire observer la règle de la vie et de l'utilité communes, et par conséquent, vivre selon le décret commun de la cité. Donc l'homme que mène la raison désire, afin de vivre plus librement, observer les droits communs de la cité.
SCOLIE.
Cela, et les choses semblables que nous avons montrées au sujet de la vraie liberté de l'homme, se rapporte à la Force d'âme, c'est-à-dire à la Fermeté et à la Générosité. Et je ne pense pas qu'il vaille la peine de démontrer ici séparément toutes les propriétés de la Force d'âme, et beaucoup moins encore, que l'homme fort n'a de haine pour personne, ni colère, ni envie, ni indignation, ni mépris pour personne, ni le moindre orgueil. Car cela, et tout ce qui regarde la vie vraie et la Religion, se démontre aisément des Prop. 37 et 46 de cette Partie; à savoir, qu'il faut vaincre la Haine par l'Amour en retour, et que chacun qui mène la raison désire également pour les autres le bien auquel il aspire pour soi. A quoi s'ajoute ce que j'ai remarqué dans le Scolie de la Prop. 50 de cette Partie, ainsi qu'en d'autres lieux, à savoir que l'homme fort considère, avant tout, que tout suit de la nécessité de la nature divine, et par suite, que TOUT CE QU'IL JUGE PENIBLE et mauvais, ainsi que tout ce qui lui semble impie, horrible, injuste et déshonnête, naît de ce qu'il conçoit les choses elles-mêmes de manière troublée, mutilée et confuse; et c'est pourquoi il s'efforce, avant tout, de concevoir les choses telles qu'elles sont en soi, et d'écarter ce qui fait obstacle à la vraie connaissance, comme le font la Haine, la Colère, l'Envie, la Moquerie, l'Orgueil et les autres choses du même genre que nous avons relevées dans ce qui précède; et, par suite, il s'efforce autant qu'il peut, comme nous l'avons dit, de bien faire et d'être joyeux. "


Ceci montre assez bien, il me semble, qu'aller vivre seul, à l'écart de la société, c'est vivre sur sa Haine de la société, ce qui ne peut jamais être bon, mais est toujours mauvais. En plus, vivant seul on ne pourra jamais faire du bien, on ne pourra jamais être Généreux, affect qui pourtant appartient à la Force d'âme et qui définit par là la vraie liberté elle-même. Enfin: plus on vit selon la raison, plus on est libre, et plus on a intérêt de vivre dans la cité. Qui veut aller vivre seul, montre donc par là même en quoi il n'est pas très libre, et étant esclave de ses affects-passions, ne vit pas encore trop selon la raison, non?

Conclusion: pas moyen d'être vraiment libre si on s'éloigne de la société. Voir dans la société que le bruit et la pollution, c'est avoir une idée inadéquate, tout simplement. Ce n'est pas concevoir les choses telles qu'elles sont en soi. C'est vivre sur base de la Crainte.
Ou y aurait-il moyen d'interpréter cette proposition autrement?
Cordialement,
louisa

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Messagepar Faun » 02 juil. 2007, 16:55

A propos de la société, je pense que le philosophe cherche bien à nouer des relations d'amitié avec les autres hommes, mais non avec tous. Car le philosophe cherche à créer une société nouvelle, fondée sur l'amitié, c'est à dire sur l'utilité réciproque, et avant tout intellectuelle. C'est dans l'amitié philosophique que la générosité prend son sens, car la seule chose que savons avec certitude nous être utile, c'est de comprendre (propositions 27 et 28 de la partie 4). Mais il n'est dit nulle part dans l'Ethique que le philosophe, c'est à dire l'homme libre, doit accepter la société telle qu'elle est, et se plier à ses préjugés et à ses habitudes irrationnelles, et subir sans réfléchir les affects qu'elle impose à ses membres. Au contraire, l'effort de libération philosophique impose de ne pas être affecté par les passions d'autrui, et cela n'est possible que dans la solitude.

Quant à la paresse, elle consiste à ne pas utiliser son intelligence, mais à se laisser conduire par les choses qui sont hors de nous, et je ne vois pas ce que cela a de contradictoire avec la philosophie de Spinoza.

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Messagepar Louisa » 02 juil. 2007, 17:57

Faun a écrit :A propos de la société, je pense que le philosophe cherche bien à nouer des relations d'amitié avec les autres hommes, mais non avec tous.


je crois qu'il s'agit d'une erreur. En l'E4P70 pe il dit littéralement l'inverse (c'est moi qui souligne):

"Or l'homme libre s'emploie à s'attacher d'amitiés TOUS les autres hommes (par la prop. 37 de cette partie)"

D'ailleurs dans le TIE Spinoza dit clairement qu'il cherche un bien qui se communique à TOUS. C'est pourquoi je crois que le sage n'est pas forcément un philosophe. Un boucher peut tout aussi bien mettre en pratique la tentative de toujours davantage connaître Dieu, non?

Faun a écrit : Car le philosophe cherche à créer une société nouvelle, fondée sur l'amitié, c'est à dire sur l'utilité réciproque, et avant tout intellectuelle.


oui, c'est bien la raison pour laquelle il s'agit de se lier d'amitié à TOUS. Sinon il ne chercherait pas à créer une nouvelle société, mais seulement à fonder une secte d'initiés.

Faun a écrit :C'est dans l'amitié philosophique que la générosité prend son sens, car la seule chose que savons avec certitude nous être utile, c'est de comprendre (propositions 27 et 28 de la partie 4).


je dirais: dans l'amitié tout court. Nul besoin d'être philosophes pour pouvoir être amis ... .

Faun a écrit :Mais il n'est dit nulle part dans l'Ethique que le philosophe, c'est à dire l'homme libre, doit accepter la société telle qu'elle est, et se plier à ses préjugés et à ses habitudes irrationnelles, et subir sans réfléchir les affects qu'elle impose à ses membres. Au contraire, l'effort de libération philosophique impose de ne pas être affecté par les passions d'autrui, et cela n'est possible que dans la solitude.


Le problème n'est pas que nous sommes affectés des passions d'autrui, le problème c'est que nous avons nous-mêmes des affects-passions, et cela nous l'aurons aussi longtemps que nous vivons, c'est-à-dire ne sont qu'une partie de la nature et par là ne pouvons pas nous concevoir sans elle.
Puis je ne vois vraiment pas comment arriver à faire l'éloge de la solitude après toutes les citations que j'ai déjà postées ici ... . RIEN ne garantit qu'étant seul, nous serions moins affectés de passions, au contraire même, nous dit Spinoza. Ce n'est pas parce qu'on veut améliorer la société qu'il faut d'abord la haïr et la fuir ... . Le sage est bel et bien celui qui est apte à être BEAUCOUP plus affecté que l'ignorant. Comment être affecté d'un plus grand nombre de manières en vivant tout seul?

Sinon le problème n'est donc pas d'être affecté par les autres. Le problème c'est d'IMITER les passions des autres. Voici ce que Spinoza dit à ce sujet:

"Il est avant tout utile aux hommes de nouer des relations, de s'enchaîner de ces liens par lesquels ils fassent d'eux TOUS un seul, plus apte, et, absolument parlant, de faire ce qui contribue à affermir les amitiés."
E4Chap.XII.

ceci montre encore une fois que le plus utile pour l'homme, c'est un autre homme, et non pas une vie en solitude. Cela montre aussi que le but est bel et bien de se lier d'amitié à TOUS.

E4Chap.XIII:
"Et donc, pour supporter chacun avec son tempérament et se retenir d'imiter leurs affects, il faut une singulière puissance d'âme. Et ceux qui, au contraire, s'entendent à critiquer les hommes, à réprouver les vices plutôt qu'enseigner les vertus, et, au lieu d'affermir les âmes d'hommes, à les briser, ceux-là sont pénibles et à soi et aux autres; et c'est pourquoi beaucoup, l'âme trop impatiente, et dans un faux zèle de religion, préfèrent vivre parmi les bêtes plutôt que parmi les hommes"

Cela confirme ce que j'écrivais déjà: celui qui se retire dans la solitude, loin des hommes, se trompe, est trop impatiente, fait preuve d'un faux zèle de religion. D'ailleurs, si le but est de fonder une nouvelle société, comment y arriver en allant vivre seul parmi les bêtes ... ??

E4chap.XIV:
"Donc, quoique les hommes règlent le plus souvent toute chose selon leur lubricité, il suit pourtant de leur société commune plus d'avantages que de dommages. Il vaut donc mieux supporter leurs offenses d'une âme égale, et consacrer tout son zèle à ce qui contribue à installer concorde et amitié."

Donc même si nous savons bien que vivre en société signifie vivre avec des hommes mûs principalement par des passions, toujours cette société POURTANT offre plus d'avantages que la vie solitaire. Seuls ceux qui n'ont pas la puissance d'âme de comprendre ces passions, ont l'idée inadéquate de se retirer de la société, croyant dans l'illusion de par là pouvoir être plus libre.

Faun a écrit :Quant à la paresse, elle consiste à ne pas utiliser son intelligence, mais à se laisser conduire par les choses qui sont hors de nous, et je ne vois pas ce que cela a de contradictoire avec la philosophie de Spinoza.


le problème se trouve dans le 'SE laisser conduire'. Cela suggère qu'il y a un choix: on peut se laisser conduire par les choses hors de nous, on peut aussi se laisser conduire par la raison. En réalité, on n'a aucun choix, selon Spinoza. Ou bien on relève de son propre droit, et alors d'office et par là même on ne subit pas ce qui vient du dehors, ou bien on est dans une situation de dépendance et donc d'impuissance, mais par là même on ne dispose pas des moyens pour s'en sortir. Ou plutôt: ce ne sera que dans la mesure où il reste un certain degré de puissance, que nous pourrons comprendre ce qui se passe au lieu de le subir.
Car si la raison, l'intelligence, définit notre ESSENCE même, comment croire que l'on pourrait la mettre de côté, et ne pas l'utiliser? On ne peut tout de même pas vivre de manière séparée de son essence, non?
A mon sens, c'est notamment en cela que consiste le grand écart entre le sens commun, devenu fort kantien, et la pensée de Spinoza: chez Spinoza, on utilise toujours toute l'intelligence qu'on a. Etre passif ne veut pas dire ne pas utiliser son intelligence, cela ne veut rien dire d'autre que de voir son degré d'intelligence diminuer... .
louisa

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Messagepar Faun » 02 juil. 2007, 20:58

Vous ne comprenez pas. La philosophie n'est pas une profession, c'est un devenir. Le philosophe devient tigre, le philosophe est un tigre.

Et la raison ne définit pas l'essence de l'homme en général, mais seulement celle des philosophes. L'essence des autres hommes se définit par leur passion prédominante, et non par l'intelligence, qu'ils n'utilisent pas.

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Messagepar Louisa » 03 juil. 2007, 00:41

Faun a écrit :Vous ne comprenez pas. La philosophie n'est pas une profession, c'est un devenir. Le philosophe devient tigre, le philosophe est un tigre.


oui bon, vous pouvez donner au philosophe tous les noms des bêtes que vous voulez, toujours est-il que Spinoza parle tout simplement des hommes, ignorants ou sages, mais rarement des 'philosophes'. Comme pour autant que je sache nous discutons ici non pas de La Réalité mais de ce que la doctrine spinoziste prétend, je crois que DANS le vocabulaire de Spinoza, il n'est pas nécessaire de limiter la catégories des sages à la seule catégorie des philosophes, qu'ils soient tigres ou n'importe quel autre monstre ... :)

Faun a écrit :Et la raison ne définit pas l'essence de l'homme en général, mais seulement celle des philosophes. L'essence des autres hommes se définit par leur passion prédominante, et non par l'intelligence, qu'ils n'utilisent pas.


Vous voulez que je fais ici une liste de toutes les citations de Spinoza où il dit que NOTRE nature se définit par la raison? Quelques exemples:

E4P59: "Agir par raison n'est rien d'autre que faire les actions qui suivent de la nécessité de notre nature considérée en soi seule."
Rien n'indique qu'il faudrait limiter ce 'nous' à la seule classe des tigres ... .

E4P52: "Or la vraie puissance d'agir ou vertu de l'homme est la raison elle-même"
C'est bien aussi la puissance d'agir qui est identifiée à l'essence de l'homme, non?

E4P36sc: "Qu'on tienne la réponse pour acquise: si le souverain bien de l'homme est commun à tous, cela naît, non d'un accident, mais de la nature même de la raison, car cela se déduit de l'essence même de l'homme en tant qu'elle se définit par la raison."

E5P38: "L'essence de l'Esprit consiste dans la connaissance."

E5P9: "Ensuite, parce que l'essence de l'Esprit, c'est-à-dire sa puissance, consiste dans la seule pensée"

E5P4sc: "il n'y a pas d'autre puissance de l'Esprit que de celle de penser et de former des idées adéquates"

Enfin, il y a également un tas de citations qui prouvent qu'une passion est par définition un affect qui ne se déduit PAS de l'essence de l'homme, et qui ne peut donc pas définir cette essence non plus.

E4chap.VI: "Mais, parce que tout ce dont l'homme est la cause efficiente est nécessairement bon, il ne peut donc rien arriver de mauvais à l'homme, sinon par des causes extérieures"

E4chap.II: "Les Désirs qui suivent de notre nature de telle sorte qu'ils peuvent se comprendre par elle seule, sont ceux qui se rapportent à l'Esprit en tant qu'on le conçoit composé d'idées adéquates; quant aux autres Désirs, ils ne se rapportent à l'Esprit qu'en tant qu'il conçoit les choses de manière inadéquate, et leur force et leur accroissement doivent se définir par la puissance non de l'homme, mais des choses qui sont en dehors de nous: et c'est donc à bon droit qu'on appelle ceux-là des actions, et ceux-ci des passions; car ceux-là indiquent toujours notre puissance, et ceux-ci, au contraire, notre impuissance, et notre connaissance mutilée."
Ici aussi, il dit donc littéralement que jamais les passions peuvent définir l'essence de l'homme. Seuls les actions indiquent notre puissance ou essence.
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Messagepar Vagabond » 03 juil. 2007, 07:07

Mais tout est bel et bien déterminé éternellement, non?


Je ne crois pas... du moins, d'apres la physique quantique et l'inegalite de Heisenberg, il est impossible de connaitre la position et la vitesse des corps et des particules avec une precision infinie a un instant donne. Cette notion de mecanique quantique est subjective car elle nous concerne en tant qu'observateurs de corps exterieurs a nous-memes. Mais pour Dieu, la substance, la question ne se pose pas, tout est en lui (immanence). Mais il ne s'agit pas d'un Dieu ou d'une Nature avec une fin: il n'y a pas de debut, ni de fin, ni d'objectif a atteindre, pour Dieu. Il (ou Elle) est tout, et le temps n'existe plus. La determination dans le sens de causalite, oui je suis entierement d'accord. La vie, le monde, la Nature sont causales. Determinees? Determinees de toute eternite?

Pour un corps donne, il y a pour nous humains la possibilite de prevoir sa position et sa vitesse dans le futur; et ce en general pour les corps de tailles suffisantes, n'allant pas trop vite, et encore... On peut evoquer la notion de chaos deterministe, c'est a dire que nous ne pouvons connaitre le futur que localement (dans l'espace-temps) et pour des systemes non-complexes.

Or le monde, ou meme un etre, est un systeme complexe, car en constante interaction et retroaction avec son environnement. Il est possible de limiter ce chaos, en mettant des chaines, en edifiant des societes, avec des lois, des chatiments, des celebrations. Ainsi la societe peut forger des humains tels qu'elle les souhaite, pour sa propre puissance.

Une vie... c'est sur qu'il y a de l'inne, c'est l'evidence meme, et c'est meme la partie fondatrice de tout ce qui est soi. C'est a la fois notre prison et notre identite, notre chance et notre desespoir. L'acquis, c'est le chaos inherent a la vie: les rencontres, les conditions de vie, les rendez-vous manques, les accidents, les maladies. Tout est causal et chaotique, et je crois que c'est bien ce que Spinoza a discerne et a voulu expliquer.

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Messagepar Joie Naturelle » 03 juil. 2007, 08:34

Faun a écrit :Tout ceci me semble contredire complètement toute thèse niant à certains hommes la capacité de devenir savants et rationnels. Et cela, pour Spinoza est bien le fruit d'un effort, d'un labeur, auquels j'oppose évidemment la paresse, sans, il me semble, trahir en quoi que ce soit sa pensée.


Fruit d'un effort, sans doute, mais cet effort produit est-il le même pour tout le monde ? Parfaire l'intellect demande-t-il le même effort à tous ?

Si oui, alors il existe probablement des paresseux qui négligent de cultiver leur esprit.

Si non, c'est reconnaître que tous les êtres n'ont pas la même facilité à parfaire leur intellect, certains sentant plus de résistances ou de limites naturelles que d'autres. Certains auront donc davantage besoin d'efforts, donc de courage, de volonté que d'autres. Leur liberté d'accès à la perfection de l'intellect n'est donc pas la même pour tous.

Si tous les degrés de volonté existent pour atteindre un résultat similaire, alors la liberté de vouloir sera plus difficilement accessible à certains qu'à d'autres. Ceux pour lesquels le "travail", l'effort, est facilité par des dispositions naturelles favorables ont dès lors beau jeu de critiquer leurs "semblables".

Aux extrêmités de l'échelle, on trouverait alors, d'un côté, ceux qui avancent rapidement dans l'expérience de leur liberté, ne rencontrant que très peu d'obstacles au devant d'eux, et d'un autre côté des personnes quasiment privées (de fait) de liberté, car devant déployer des efforts quasi surhumains pour arriver au même point de perfection.

Or, une quasi privation de liberté ne résonne-t-elle pas comme une quasi condamnation ? On n'est peut-être jamais complètement prédestiné, si l'on considère que l'intellect est un attribut de l'être, mais certains semblent l'être plus que d'autres, puisqu'ils doivent accomplir davantage pour faire autant.

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Messagepar Louisa » 03 juil. 2007, 13:12

Vagabond a écrit :Citation:
Mais tout est bel et bien déterminé éternellement, non?

Je ne crois pas... du moins, d'apres la physique quantique et l'inegalite de Heisenberg, il est impossible de connaitre la position et la vitesse des corps et des particules avec une precision infinie a un instant donne. Cette notion de mecanique quantique est subjective car elle nous concerne en tant qu'observateurs de corps exterieurs a nous-memes. Mais pour Dieu, la substance, la question ne se pose pas, tout est en lui (immanence). Mais il ne s'agit pas d'un Dieu ou d'une Nature avec une fin: il n'y a pas de debut, ni de fin, ni d'objectif a atteindre, pour Dieu. Il (ou Elle) est tout, et le temps n'existe plus. La determination dans le sens de causalite, oui je suis entierement d'accord. La vie, le monde, la Nature sont causales. Determinees? Determinees de toute eternite?


tout ce que j'ai écrit dans ce fil ne concerne que ce que je crois être la pensée de Spinoza. Si l'on passe à ce que l'on croit soi-même, je crois effectivement que les sciences contemporaines ne peuvent que nous faire hésiter quant à l'idée de détermination absolue.

Il y a la mécanique quantique (seulement, il faut faire la distinction entre le fait qu'éventuellement un observateur ne peut pas tout savoir parce que observer est intervenir et donc changer la situation observée, et l'idée que tout est déterminé - la façon dont l'observation change la situation initiale pourrait pe se dérouler selon des lois déterminées, et alors l'incertitude quant à la situation initiale non observée s'explique non pas par l'indétermination réelle dans cette situation, mais par l'impossibilité d'observer sans intervenir (d'ailleurs pour autant que je sache Einstein et Heisenberg ont discuté de ce problème, et l'une des deux solutions 'a gagné', mais je ne sais plus laquelle)).

Puis il y a les travaux du Nobel Prigogine, et qui concernent les systèmes dissipatives, où sont démontrés des moments de bifurcation d'un processus où - si je l'ai bien compris - il y aurait une part d'indétermination.

Enfin le temps, qui chez Spinoza comme dans la science moderne, est 'imaginé', donc n'appartient pas au réel lui-même, est réintroduit par Prigogine, c'est-à-dire selon lui le temps fait bel et bien partie de la réalité. Du coup, celle-ci n'est plus immuable, se développant selon des lois éternelles. Les lois elles-mêmes pourraient changer. Là aussi, il y aurait une façon d'introduire de l'indétermination dans la nature même.

Mais donc par la phrase citée ci-dessus je voulais simplement demander si nous sommes bel et bien d'accord pour dire que CHEZ SPINOZA, tout est déterminé.

Vagabond a écrit :
Pour un corps donne, il y a pour nous humains la possibilite de prevoir sa position et sa vitesse dans le futur; et ce en general pour les corps de tailles suffisantes, n'allant pas trop vite, et encore... On peut evoquer la notion de chaos deterministe, c'est a dire que nous ne pouvons connaitre le futur que localement (dans l'espace-temps) et pour des systemes non-complexes.


oui, effectivement. Un chaos déterministe ne serait alors qu'une illustration d'un monde entièrement déterminé mais non entièrement connaissable pour nous.

Vagabond a écrit :Or le monde, ou meme un etre, est un systeme complexe, car en constante interaction et retroaction avec son environnement. Il est possible de limiter ce chaos, en mettant des chaines, en edifiant des societes, avec des lois, des chatiments, des celebrations. Ainsi la societe peut forger des humains tels qu'elle les souhaite, pour sa propre puissance.


si un chaos déterministe pourrait être défini par le fait que les choses changent si vite de forme que les humains n'arrivent pas à les capter avant qu'il disparaissent, alors en effet, les interventions des humains pourraient être comparés au fait de limiter ce chaos. Mais limiter voudrait alors avant tout dire: limiter la vitesse de transformation naturelle, c'est-à-dire ralentir les processus de transformation, pour pouvoir leur donner une forme plus stable, forme qui en plus nous convient mieux, qui peut procurer plus de bonheur aux humains. Ce qui n'empêche que cette limitation elle aussi reste tout à fait naturelle, c'est-à-dire n'est rien d'autre que la CREATION des formes - formes humaines, c'est-à-dire formes nouvelles par rapport à un monde non humain. Vous pouvez donc parler de chaînes, je préfère parler de création de nouvelles formes, formes nécessaires à la vie humaine, et que la nature non humaine ne va pas créer spontanément, puisqu'elle agit de façon aveugle, réalisant tout ce qui est possible, sans se soucier du bonheur ou de la survie de telle ou telle espèce.


Vagabond a écrit :Une vie... c'est sur qu'il y a de l'inne, c'est l'evidence meme, et c'est meme la partie fondatrice de tout ce qui est soi.


on sait que des bébés que l'on nourrit seulement, sans leur parler ou les caresser, se laissent mourir. Hélas, chez l'homme l'inné n'est donc pas tout à fait 'fondactrice'. L'inné (dans le sens où l'inné serait ce qui est là dès le début de la vie), c'est ce qui ne suffit pas pour pouvoir vivre la vie de bébé, c'est ce qui ne suffit pas pour atteindre la vie adulte.

Vagabond a écrit : C'est a la fois notre prison et notre identite, notre chance et notre desespoir.


comme le dit Spinoza: difficile de dire qu'entre le bébé et l'adulte qu'il est devenu, il y aurait 'identité', tant les vécus et les capacités sont différents.
Voici comment pour l'instant je comprends cela: comme notre Esprit est autant constitué d'idées adéquates que d'idées inadéquates, et que ce ne sont que les idées inadéquates qui sont déterminées par des causes extérieures plus que par notre nature, je crains que l'on ne puisse pas dire (pour Spinoza, en tout cas) que notre identité se limite à ce qu'on est bébé: car nos idées adéquates (qui forment notre essence) sont des idées d'idées, idées d'idées inadéquates, très souvent. Et ces idées inadéquates, elles enveloppent LA NATURE des choses extérieures (E2P16). Puis c'est bien en tant que nous avons des idées adéquates ET inadéquates que nous persévérons dans l'être. Dans ce cas, ne faudrait-il pas distinguer notre identité de notre essence, et dire que notre identité, c'est plutôt notre biographie (idées inadéquates et adéquates)? En même temps, pour avoir toutes les idées adéquates qui déterminent notre essence, il faut être passé par les idées inadéquates qui en sont les objets. Or il est évident que les idées adéquates que nous avons à la fin de notre vie sont beaucoup plus élevées que les idées adéquates que nous avions bébé (déjà par le simple fait que nous avons acquis durant notre vie un tas d'idées inadéquates, et que celles-ci étaient nécessaires pour avoir des idées adéquates). Dès lors, comment dire que notre essence, au sens spinoziste, serait déjà là dans le bébé? Qu'elle existe de toute éternité, ça oui, cela l'E2P8 démontre. Mais le bébé n'a-t-il pas une autre essence que l'adulte, chez Spinoza?

Vagabond a écrit :L'acquis, c'est le chaos inherent a la vie: les rencontres, les conditions de vie, les rendez-vous manques, les accidents, les maladies. Tout est causal et chaotique, et je crois que c'est bien ce que Spinoza a discerne et a voulu expliquer.


Le cerveau humain d'un nouveau-né est l'exemple même d'un monde qui a l'air d'être tout à fait chaotique et hasardeux: à une vitesse maximale les neurones forment des axones et dendrites DANS TOUS LES SENS, de façon totalement imprévisible et très probablement trop complexe pour pe pouvoir être déterminée par l'un ou l'autre gène. En fonction de ce qu'un bébé perçoit, certains de ces réseaux neuronaux seront stabilisés, d'autres (non stimulés par une perception) non. Un réseau neuronal non stabilisé n'est pas nourri par le cerveau (littéralement: il ne reçoit pas les substances chimiques qu'il faut pour l'entretenir), et donc il s'évanouit. La fonction que vont prendre ces réseaux n'est pas programmée par quoi que ce soit, au sens où une lésion dans un certain réseaux peut dans certains cas être compensée la construction d'un nouveau réseau ailleurs, reprenant la même fonctionnalité. Ce processus de création et de mort de réseaux neuronaux, capital pour pouvoir apprendre c'est-à-dire s'adapter à un environnement humain changeant, ne se limite pas au bébé, mais continue pendant toute la vie d'un être humain.

Il y a donc un tas de 'chaos' inné, si vous voulez, c'est-à-dire un tas de processus apparemment chaotiques (ou, si l'on raisonne en termes déterministes, processus où les changements sont (encore) trop complexes et trop vites pour pouvoir être compris) qui ne viennent pas du tout du dehors, mais qui nous constituent, qui font partie de notre ESSENCE, en tant qu'humains. C'est pourquoi l'on ne peut pas dire que ce qui est changeant vient du dehors, et que le fixe serait intérieur. A l'intérieur de nous-même, des choses qui déterminent de façon décisive nos comportements (comme nos réseaux neuronaux) changent constamment, et apparemment même de façon chaotique.

Puis chez Spinoza 'hasard' ne veut rien dire d'autre qu'impossibilité de prévoir. Dans ce sens, tout chaos doit être déterminé, ou être causal, comme vous le dites. Mais c'est aussi Spinoza qui a écrit la célèbre formule que nous ne savons pas ce que peut le corps. A partir de ce moment-là, l'impossibilité de prévoir ne se limite pas au monde extérieur, mais concerne aussi notre monde interieur, notre propre cerveau, notre propre corps. Et alors rien n'oblige de concevoir l'inné comme quelque chose de prévisible, et l'acquis comme de l'hasardeux.
Car d'une part, il y a un tas de choses dans notre corps même, et qui commandent nos comportements, qui sont si complexes qu'on a l'impression qu'ils sont tout à fait 'chaotiques', c'est-à-dire qu'ils changent constamment, sans loi apparente. D'autre part, dans l'acquis, donc dans ce qui vient de l'extérieur, dans le monde extérieur, un tas de choses sont entièrement prévisibles.

Donc encore une fois, je crois qu'il faut distinguer possibilité de prévision par un être humain et détermination. L'acquis, dans un système entièrement déterminé (tel que l'est le système spinoziste), est tout aussi déterminé et tout aussi peu chaotique ou hasardeux que l'inné. Puis rien n'oblige de supposer que seul l'inné serait non changeant, tandis que l'acquis serait changeant. Ce sont nos essences qui sont éternelles, chez Spinoza, et ces essences sont composées de rien d'autres que (en ce qui concerne l'Esprit) des idées adéquates. Ces idées adéquates, on ne peut pas les avoir sans avoir fait le parcours de toute notre vie. Ce n'est rien d'autre que tout ce qu'on a réellement compris de la vie. Mais pour cela, il faut la vivre entièrement, cette vie. Avoir une essence éternelle ne signifie pas que tout ce qui est dans le bébé est 'essence' et que tout ce qu'il va devenir et 'non essentiel'. Avoir une essence éternelle veut dire que si l'on regarde qui nous sommes HORS TEMPS, alors nous sommes un degré de puissance, degré tout à fait proportionnel avec ce que nous avons compris. Il faut donc prendre l'essence telle qu'elle est à la mort d'une personne pour savoir son degré de puissance éternel qui correspond à son identité d'adulte, et pas au début de sa vie. Car Spinoza dit bien que l'on peut se demander à raison si le bébé et l'adulte forment réellement la même essence, la seule et même chose.
Cordialement,
louisa

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Louisa
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Messagepar Louisa » 03 juil. 2007, 13:36

Flumigel a écrit :Faun a écrit:
Tout ceci me semble contredire complètement toute thèse niant à certains hommes la capacité de devenir savants et rationnels. Et cela, pour Spinoza est bien le fruit d'un effort, d'un labeur, auquels j'oppose évidemment la paresse, sans, il me semble, trahir en quoi que ce soit sa pensée.


Fruit d'un effort, sans doute, mais cet effort produit est-il le même pour tout le monde ? Parfaire l'intellect demande-t-il le même effort à tous ?


je ne vois pas comment cet effort pourrait être le même chez tout le monde, vu que ce qui nous singularise, c'est un degré de puissance. Un bébé soulève moins facilement 20kg de pommes de terre qu'un adulte. Or l'Esprit aussi est défini par un degré de puissance, puissance de penser. Avoir une grande puissance de penser signifie chez Spinoza pouvoir penser beaucoup d'idées simultanément (voir l'E4P45 scolie). Qui donc dispose d'une petite puissance de penser, ne pourra jamais penser ce qu'un sage réussit à faire, parce que l'effort dépasse entièrement ses moyens. C'est bien la puissance de l'intellect qui diffère d'une personne à l'autre, chez Spinoza. Et rappelons que la volonté n'est rien d'autre que l'affirmation enveloppée dans une idée. Impossible donc de demander à celui qui a une petite puissance de penser d'avoir une volonté suffisamment puissante pour comprendre (donc affirmer) ce que comprend le sage: c'est demander au bébé de soulever un sac de pommes de terre... . Il faut d'abord que cette personne peu puissante passe par beaucoup de moments de Joie, c'est-à-dire d'augmentation de sa puissance, avant qu'elle puisse devenir capable de faire les mêmes choses qu'un sage.

Flumigel a écrit :Si oui, alors il existe probablement des paresseux qui négligent de cultiver leur esprit.

Si non, c'est reconnaître que tous les êtres n'ont pas la même facilité à parfaire leur intellect, certains sentant plus de résistances ou de limites naturelles que d'autres. Certains auront donc davantage besoin d'efforts, donc de courage, de volonté que d'autres. Leur liberté d'accès à la perfection de l'intellect n'est donc pas la même pour tous.


c'est ce qui se déduit à mon sens de l'Ethique.

Flumigel a écrit :Si tous les degrés de volonté existent pour atteindre un résultat similaire, alors la liberté de vouloir sera plus difficilement accessible à certains qu'à d'autres. Ceux pour lesquels le "travail", l'effort, est facilité par des dispositions naturelles favorables ont dès lors beau jeu de critiquer leurs "semblables".


En effet. Et n'oublions pas que 'dispositions naturelles', cela veut dire degré de puissance, chez Spinoza. Or être Joyeux, c'est voir augmenter son degré de puissance. Du coup, celui qui a pu éprouver beaucoup de Joie dans sa vie, a toutes chances d'avoir les 'dispositions naturelles' pour accéder à des choses difficilement accessibles à d'autres, moins chanceux.

Flumigel a écrit :Aux extrêmités de l'échelle, on trouverait alors, d'un côté, ceux qui avancent rapidement dans l'expérience de leur liberté, ne rencontrant que très peu d'obstacles au devant d'eux, et d'un autre côté des personnes quasiment privées (de fait) de liberté, car devant déployer des efforts quasi surhumains pour arriver au même point de perfection.


oui, tout à fait d'accord.

Flumigel a écrit :Or, une quasi privation de liberté ne résonne-t-elle pas comme une quasi condamnation ? On n'est peut-être jamais complètement prédestiné, si l'on considère que l'intellect est un attribut de l'être, mais certains semblent l'être plus que d'autres, puisqu'ils doivent accomplir davantage pour faire autant.


Je crois qu'effectivement (pour enfin revenir à la question posée initialement dans ce fil de discussion), en ce sens précis on peut parler de 'condamnation', chez Spinoza. Condamnation au sens de 'nécessaire', donc inévitable. Si pe on naît dans un milieu fort attristant, ou si l'on naît avec une maladie grave et chronique, on deviendra un adulte avec un tout petit degré de puissance (d'agir et de penser). Si on veut étudier la vie affective 'more geometrico', on ne peut éviter de tirer de telles conclusions des définitions et axiomes de Spinoza, il me semble.

La pré-destination signifie une détermination déjà décidé avant la naissance. Si cela me semble être absurde chez Spinoza, c'est parce que le temps, nous l'imaginons, tandis que les essences sont éternelles et non pas imaginées mais réelles. Qui nous sommes n'est donc pas décidé à un moment AVANT notre naissance. Mais cela n'empêche que tout ce qui se fait, se fait nécessairement. Non pas pré-destination, mais détermination éternelle, donc nécessité. La prédestination suggère que tout est joué avant la naissance, et donc que ce que nous sommes est 'inné'. Elle introduit par là du temps dans ce qui est atemporelle: notre essence (voir mon message précédent à Vagabond).
louisa


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