Réforme de l'enseignement de la philosophie en France

Questions philosophiques diverses sans rapport direct avec Spinoza. (Note pour les élèves de terminale : on ne fait pas ici vos dissertations).

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Korto
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Réforme de l'enseignement de la philosophie en France

Messagepar Korto » 09 nov. 2007, 04:23

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Henrique
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Re: Réforme de l'enseignement de la philosophie en France

Messagepar Henrique » 09 nov. 2007, 16:08

KORTO a écrit :Bonjour,
je profite de la présence de nombreux lycéens, étudiants et professeurs de philosophie sur ce site pour ouvrir une discussion sur l'enseignement de la philosophie en France, dans ce forum consacré à des questions scolaires de philosophie pas forcément liées à Spinoza.
Cependant la place et les modalités de l'enseignement du spinozisme au lycée et en université sont aussi intéressantes.


Bonjour Korto,
Que proposez vous exactement à titre de "réforme" de l'enseignement de la philosophie ?
- Une suppression pure et simple ?
- Le fait de rendre cette discipline optionnelle ? - ce qui reviendrait quasiment à la supprimer étant donnée la difficulté de cette discipline (soit parce que les élèves seraient alors conduits à la déserter par crainte des mauvaises notes, soit parce que les profs seraient conduits, pour rendre attractive leur matière, à faire de la sous-philosophie, une matière où on ne ferait surtout plus violence aux élèves en leur expliquant que leur opinion n'est pas forcément égale à n'importe quelle autre en termes de vérité).
- Et pourquoi pas renforcer cette discipline, en termes de coefficient et en étendue dans le temps (commencer par exemple dès la seconde) ?

J'ouvre le débat par quelques constats :

- le manque d'intérêt et de désir des lycéens à l'égard des cours de philosophie et du discours des spécialistes.


S'il est une chose où Sarkozy a su se montrer particulièrement habile, cela a été de rappeler dans sa lettre aux éducateurs que ce n'est pas fondamentalement aux enseignants de se mettre au niveau des élèves, auquel cas ils ne leur apprennent rien, mais aux élèves, par définition, de tenter un peu plus chaque année de s'élever au niveau de connaissance des enseignants même si ceux-ci, en second lieu doivent tenir compte du niveau de connaissances du public auquel ils ont affaire - Sarkozy remettant ainsi, au moins en paroles mais c'est déjà ça, l'instruction au centre du système éducatif et non l'élève, jusqu'alors conçu comme un client qu'il faut satisfaire et non un être humain à éduquer, c'est-à-dire à "conduire hors de" (ex-ducere) sa nature primitive, souvent malgré lui. En ce sens, le désintérêt factuel des élèves pour une discipline quelle qu'elle soit, et ce d'autant plus qu'elle est difficile, n'est jamais un argument pour son éventuelle suppression ou réduction à peau de chagrin.

En effet, il est beaucoup plus intéressant pour un enfant de 6 ans de faire du dessin que d'apprendre à lire, plus intéressant pour beaucoup de jouer au ballon que d'apprendre à dessiner, plus intéressant au final de rester à la maison à regarder la télé que de venir à l'école ne serait-ce que pour apprendre les règles de la vie en groupe.

Si l'école est obligatoire, c'est qu'on privilégie le citoyen qu'on entend former à partir de l'enfant sur l'enfant lui-même. Faire de l'enfant un absolu autour duquel tout le reste tourne, un centre par nature immobile, c'est clairement renoncer à l'éduquer au nom d'une certaine idéologie de l'enfant divinisé, sa Majesté des couches, qui sait déjà plus et mieux que les adultes comment il doit être formé, à quoi il doit se former. Divinisé parce que les "adultes" se soumettent ainsi à lui en tenant ses désirs particuliers pour un absolu indépassable alors que seule l'élévation à l'ordre universel des raisons forge un adulte.

Pour autant, et cela concerne au plus près la philosophie, mettre l'instruction au centre du système éducatif, c'est en faire une valeur en soi, considérer qu'elle peut être intéressante pour elle-même, indépendamment de ses éventuelles applications utilitaires. Un enseignement réussi, ce ne sont pas des élèves bourrés de connaissances dont ils ne savent que faire, pas plus que des travailleurs clés en main, formés pour les besoins privés de l'entreprise, c'est avant tout des êtres humains capables de se poser des questions par eux-mêmes, de faire preuve de curiosité dans différents domaines, et ainsi de continuer pour le reste de leur vie à faire la démarche de s'instruire par eux-mêmes au lieu d'avoir besoin que la vie le leur impose, parfois trop tard. Car toute connaissance est une réponse à une question préalable. Mais il n'y a de questionnement que parce qu'on possède déjà certaines connaissances et qu'on a assez de recul sur icelles pour envisager qu'elles peuvent être insuffisantes, plus satisfaisantes en étant complétées, d'où la nécessité dans toute société civilisée de rendre l'instruction obligatoire au départ.

Et comme la philosophie est questionnement par excellence sur les fondements du savoir humain, quels que soient ses objets (savoir de ce qui est, savoir faire, savoir être), elle est par nature au coeur de toute instruction accomplie. De même par exemple qu'il n'y a pas de démocratie accomplie sans égalité en droit de tous les citoyens qui la composent. Or ce n'est pas parce qu'une majorité de pays conserveraient beaucoup de privilèges juridiquement établis tout en se disant démocraties, que la minorité de ceux qui auraient aboli beaucoup plus de privilèges devraient douter du bien fondé de leur choix, malgré sa difficulté. De même, ce n'est pas parce que la France est le pays qui consacre le plus d'efforts à l'enseignement de la philosophie - encore faudrait-il le prouver - qu'elle devrait par là même réduire cet effort pour se mettre au niveau des autres.

L'intérêt des élèves pour le savoir en général et la philosophie en particulier (qui est recherche/savoir de l'étendue et des limites du savoir humain) ne peut donc être présupposé, comme s'il était la condition pour qu'il vaille d'être enseigné, mais il doit autant que possible être suscité, entretenu, accru. Avec les moyens du bord, comme dans toute éducation. La question n'est pas alors de savoir s'il faut de la philosophie ou pas, mais de savoir comment la rendre intéressante et pourquoi on échoue si on échoue. A ce sujet j'ai aussi un certain nombre d'idées précises mais pour l'heure j'ai déjà été trop long sur la question de l'intérêt de cet enseignement.


- les faiblesses des capacités d'analyse, de distanciation et d'argumentation des jeunes de notre époque sur tout sujet (morale, métaphysique, économie, politique, histoire, esthétique...)


Est-ce parce que ces jeunes savent de moins en moins bien lire et écrire, sous l'influence du mode de pensée SMS et du tribalisme communautariste qui dispense de toute mise en forme exigeante de la pensée, qu'il faut renoncer à enseigner l'orthographe et à lire des textes de plus de 5 lignes ? Est-ce parce que ces mêmes jeunes éprouvent de plus en plus de difficultés à apprendre quelque chose qui ne leur apporte pas de satisfaction immédiatement sensible qu'il faut renoncer tout simplement à l'école ? - sachant bien entendu que j'entends par école un lieu d'apprentissage de savoirs qui étendent, ouvrent l'esprit et non de confortation dans le déjà connu, le facile. Je sais bien que forte est la tentation de faire de l'école une simple garderie, où on apprendrait bon an mal uniquement à supporter de vivre avec des semblables, en attendant le chômage ou le travail exploité, mais ce n'est plus l'école.

- une bien-pensance philosophique, peu philosophique, issue des "années Vincennes" de Foucaut, Deleuze etc... et des vulgates actuelles gentiment freudo-marxo-écolo-hédonisto-athées (Onfray etc...).

Pour n'être pour ma part, ni freudien, ni marxiste, ni écologiste (au sens de faire de l'environnement une fin en soi et non un simple moyen), ni hédoniste, ni athée, il m'est clair comme le jour que la "bien-pensance" c'est-à-dire le conformisme intellectuel n'est pas du côté de ceux qui critiquent "l'ordre juste" d'une société dominée par la superstition théologico-politique du Marché (presque) tout puissant, alpha et oméga d'une pensée qui aimerait tellement se faire passer pour la seule possible ou encore de l'Homme providentiel... Qui fait preuve de courage intellectuel ? Celui qui comme BHL dit tout haut ce que disent déjà tout haut la masse des parleurs publics du Figaro, du Monde, de France Inter, de TF1 - que le non au TCE fût un "échec" pour le pays, que l'avenir de la gauche est à droite, que M. Sarkozy est vraiment le chef qu'il nous faut - ou bien celui, comme Onfray, qui argumente tout le contraire, au mépris du mépris dont témoignent régulièrement les médias de masse vis-à-vis de ses ouvrages, pourtant beaucoup plus lus que ceux de BHL ?

Et que je sache, le libertaire Michel Onfray, n'enseigne plus depuis longtemps dans le cadre institutionnel français.

Enfin, je vois mal ce que cela vient faire dans le problème. Vous reprochez en gros à l'enseignement de la philosophie le fait qu'il serait fait en majorité par des enseignants de gauche, d'où bien évidemment pour vous une incompétence abyssale ? Pour ma part, peu m'importe si ma progéniture se trouve en face d'un professeur d'histoire gaulliste, un prof de philo Smithien ou encore un prof de maths catholiques : ce que je suis en droit d'attendre d'eux, ce n'est pas qu'ils pensent tout comme moi mais qu'ils ouvrent l'esprit de mes enfants en leur apprenant qu'il y a des façons de penser dont ils n'avaient jusqu'à présent même pas envisagé l'existence et qu'elles ont leur intérêt, leur part de vérité.

Continuons-nous à enseigner la philosophie en France ainsi ? sachant que la place de cet enseignement est unique en Europe, en horaires et en moyens dépensés, comme l'indique la liste ci-jointe.

(bulgarie : OUI (obligatoire)
Croatie : OUI (obligatoire)
danemark : OPTION
Espagne : OUI (obligatoire)
Estonie : OUI (obligatoire)
Finlande : OPTION
Belgique : NON (pas de philo)
Allemagne : OPTION
Grande Bretagne : NON (pas de philo)
Grece : 1 heure/semaine en terminale (embryonnaire)
Hongrie : 2 heures/semaine en terminale, non noté (embryonnaire)
Italie : OUI (obligatoire)
Lettonie : OPTION
Lituanie : OPTION
Luxembourg : OUI (obligatoire)
Pays bas : OPTION, selon les établissements
Pologne : OPTION
Portugal : OUI (obligatoire)
république tchèque : 1 ou 2 heures/semaine (embryonnaire)
Roumanie : OUI (obligatoire)
Slovaquie : OUI (obligatoire)
Slovénie : (embryonnaire)
Suède : OPTION
Suisse : OPTION)


J'ai déjà pas mal répondu à l'argument moutonnier du type "oh ben les autres y font pas comme nous". Pourriez vous nous indiquer la source de ce tableau ? On y observe en tout cas, que contrairement à une rumeur qui a la vie dure, même il est vrai chez certains profs de philo, la France est loin d'être le seul pays européen à avoir un enseignement obligatoire de philosophie. Il n'y a que 2 pays sur les 24 de cette liste qui n'ont aucun enseignement de philosophie et encore, il y a des cours obligatoires de "morale" en Belgique qui sont en fait un enseignement de philosophie éthique et politique dispensé beaucoup plus tôt qu'en France - quoique cet enseignement soit il est vrai fort incomplet et peu satisfaisant pour les élèves comme les enseignants, faute d'un contenu assez cadré, à ce que j'ai cru comprendre. Et il y a un peu plus de 40% de ceux qui ont un enseignement philosophique qui l'ont rendu obligatoire, ce qui est loin de faire de la France un pays isolé en la matière.

Notons pour finir que loin de contribuer à unifier l'Europe en supprimant l'enseignement obligatoire de la philo en France, pour faire comme les autres, on la divise au contraire en l'amenant encore un peu plus à se refermer sur les cultures, langues et autres différences régionales. On n'étudie guère l'histoire de Hongrie en Belgique, ni Albert Camus au Portugal ou même Molière en GB. En revanche, le grec Platon peut être lu avec profit par un Slovène ex-communiste reconverti au libéralisme, le romain Sextus Empiricus par un hollandais, le français Descartes par un allemand, l'anglais Locke par un français, le hollandais Spinoza par un Wallon de Belgique, de même le danois Kierkegaard, l'allemand Nietzsche... Ces philosophes nous donnent accès à une culture universelle de l'esprit qui dépasse largement tous les communautarismes, régionalismes et autres nationalismes qui aboutissent à la discorde, voire à la guerre. Et autant deux personnes de nations différentes qui ont également étudié la trigonométrie ou la théorie de la gravitation peuvent se faire la guerre sans problème, parce que n'ayant que des idées de rapports de grandeurs ou d'objets extérieurs en commun, ils n'ont pas l'essentiel de ce qui les anime en tant qu'êtres humains, autant il est plus difficile de s'égorger mutuellement pour deux personnes qui ont étudié Platon, Descartes ou Kant et même Smith ou Marx (étant entendu qu'une lecture idolâtrique de ces auteurs, toujours possible mais non nécessaire, n'est pas philosophique) parce que ces gens là nous parlent de nous et nous pouvons les comprendre, quels que soient nos langues, religions, engagements politiques.

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Messagepar Korto » 09 nov. 2007, 17:08

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Messagepar Henrique » 09 nov. 2007, 19:26

KORTO a écrit :Pas de procès d'intention je vous en prie, je n'ai pas d'idée préconçue sur une éventuelle réforme de l'enseignement de la philo en France. Je pense qu'il serait dommage de la supprimer mais je crois aussi qu'il faut faire un peu bouger les choses. Comment ? C'est le cheminement que nous pourrions mener à plusieurs.

Non pas de procès d'intention, c'est pour cela que je vous demandais ce à quoi vous pensiez comme réforme.

Pour ce qui est d'améliorer les choses pour la philosophie, et l'école en général, une des premières choses que je proposerais serait la remise en cause des filières dites scientifiques, littéraires, économiques, techniques. Avec ce système, l'institution scolaire dit aux uns "toi tu es un scientifique" aux autres, "toi un littéraire". Cela ne fait ni de bons scientifiques, ni de bons littéraires : le savoir humain est un ou n'est pas, pas de raisonnement scientifique sans maîtrise suffisante de la langue, pas d'organisation réfléchie des idées sans rigueur et sans logique. D'autre part, comme la filière scientifique passe pour la plus prestigieuse, les parents font fortement pression sur leurs enfants pour qu'ils choisissent cette voie, de sorte qu'on y trouve nombre de bons ou assez bons élèves qui auraient été beaucoup encore meilleurs ailleurs, qui ralentissent dans les savoirs quantitatifs la progression de la classe et qui perdent du temps par rapport aux choix qui seront les leurs par la suite. Et on arrive d'autre part avec le jeu des coefficients à produire des bacheliers avec mention bien qui sont incapables d'écrire plus d'une ligne sans faire deux ou trois fautes d'orthographe, de grammaire ou de style. Il faudrait donc que les spécialisations se fassent uniquement par option mais qu'on ne ghettoïse pas les individus comme actuellement dans des classes particulières en leur collant des étiquettes qui n'ont qu'un sens très limité.

Une chose encore plus simple à réaliser allant dans ce sens serait de rééquilibrer les coefficients. On a fait en sorte de créer des coefficients qui rendent de fait les matières dites générales optionnelles, sur le plan du travail en tout cas, histoire de grossir le nombre de bacheliers uniquement. Un élève de STG qui a coeff 14 en Mercatique peut clairement se permettre de ne faire strictement aucun effort en philo ou en histoire qui ont un coeff 2, de même qu'un élève de filière littéraire n'aura même plus à faire de science en Terminale, après avoir présenté une épreuve excessivement simpliste en première, qui de toutes façons a un coeff ridicule.

Mais derrière cette question technique des coeff, il y a plus fondamentalement la valeur accordée au savoir dans une société où le compte en banque est de plus en plus censé suffire pour évaluer l'intelligence d'une personne, et où les satisfactions sensibles et tout ce qui peut se monnayer passe pour le souverain bien.

Le tableau des systèmes européens (www.ac-amiens.fr/pedagogie/philosophie/europe.htm) n'était là que comme document de travail et il ne m'a pas échappé qu'une majorité de pays, même sans grande tradition philosophique, accordaient une place à cet enseignement.
Mes constats, sur lesquels, je crois, chacun peut s'accorder n'étaient là aussi que comme enclencheurs de discussion. Et c'est bien parti ! Mais je ne marxise personne en particulier, croyez-moi.


Merci pour le lien.
Pour ce qui est de vos constats, j'ai surtout discuté en effet les conséquences qu'on pourrait être tenté d'en tirer pour justifier une suppression ou une réduction de l'enseignement de la philosophie. Sur le fond, il faut évidemment se garder des généralisations abusives : j'ai pour ma part chaque année des élèves, y compris dans les filières techniques, qui font une véritable découverte en faisant de la philosophie, qui font un grand bon dans leur maturation intellectuelle. Je pense dans l'ensemble arriver à ne pas dégouter la plupart de mes élèves, encore que ça dépend des classes, et à faire en sorte qu'ils raisonnent de façon un peu plus distanciée qu'auparavant, de sorte qu'au bout du compte ils trouvent un certain intérêt à la discipline, si ce n'est un intérêt certain. Et puis il y a tous ceux que vous croisez un jour par hasard quelques années plus tard, qui vous avaient paru plutôt ailleurs la plupart du temps, et qui vous racontent comment tel argument, tel commentaire sur tel auteur les a marqué pour le reste de leur vie... Tout cela, même si ce n'est pas valable pour la majorité n'est pas négligeable.

Nous pouvons d'ors et déjà nous réjouir de converger sur le refus de la soumission démagogique aux caprices de l'enfant-roi et sur le pédagogisme débilitant de nos Diafoirus des IUFM, dignes produits de quatre décennies de cogestion du Ministère et des programmes par des syndicats enseignants peu inspirés...


La pédagogie conçue comme savoir indépendant des disciplines enseignées conduit certes à des discours creux. Discours qui tendent à masquer leur manque de contenu par un usage immodéré d'un jargon oiseux. Mais ce sont les politiques qui ont fait le pédagogisme, parce qu'un pédagogiste qui enseigne aux éducateurs, est un instrument de contrôle politique d'autant plus pratique qu'il n'y a pas de contenu objectif à son savoir, les statistiques et autres considérations cognitives pouvant être manipulées dans le sens que l'on veut. Ce ne sont donc pas les syndicats, composés d'enseignants d'un savoir authentique, qui ont imposé les IUFM et encore moins la mode pédagogiste voulant que toutes les méthodes des enseignants de l'ancienne école qui les ont pourtant formés ne pouvaient qu'être inefficaces, irrationnelles, ennuyeuses, culpabilisantes, inégalitaires...

D'autre part, l'influence des IUFM est très négligeable : la plupart des enseignants en perçoivent vite les limites, y passent parce qu'il faut y passer, tout en sachant très bien que leur véritable formation pédagogique se fera sur le terrain. S'il y a eu affirmation sous le gouvernement social-libéral de Michel Rocard (avec Jospin à l'éducation) du principe de l'élève au centre du système éducatif, loi d'orientation de 89, avec les meilleurs intentions du monde, cela s'est fait sous la pression sociale : ce ne sont même pas les politiques eux-mêmes qui ont forgé l'idéologie de l'enfant roi. Par contre, par son conatus, le système de la société consumériste a tendu depuis les années 50 jusqu'à la fin des années 90 à faire de l'enfant et de ses désirs de satisfactions sensibles immédiates le véritable chef de famille, l'enfant roi étant finalement l'enfant proie du mercantilisme, et ce sans que personne à gauche comme à droite - ou si peu - ne trouve à y redire. Il faut parfois un certain temps avant que les prises de conscience collectives se fassent, si la volonté générale ne le peut, les peuples peuvent errer.

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Messagepar Enegoid » 09 nov. 2007, 20:08

Pas compétent pour intervenir dans votre débat (intéressant), je tiens à mentionner un désaccord, ou au moins un doute profond sur cette assertion :
henrique a écrit : Et autant deux personnes de nations différentes qui ont également étudié la trigonométrie ou la théorie de la gravitation peuvent se faire la guerre sans problème, parce que n'ayant que des idées de rapports de grandeurs ou d'objets extérieurs en commun, ils n'ont pas l'essentiel de ce qui les anime en tant qu'êtres humains, autant il est plus difficile de s'égorger mutuellement pour deux personnes qui ont étudié Platon, Descartes ou Kant et même Smith ou Marx (étant entendu qu'une lecture idolâtrique de ces auteurs, toujours possible mais non nécessaire, n'est pas philosophique) parce que ces gens là nous parlent de nous et nous pouvons les comprendre, quels que soient nos langues, religions, engagements politiques.



Ces phrases me paraissent typiques de ce que je perçois, moi le non philosophe intéressé par la philosophie, comme l'illusion philosophique par excellence.

(Pour un éventuel débat ultérieur)

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Messagepar Korto » 10 nov. 2007, 07:28

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Messagepar elfiremi » 20 janv. 2008, 20:23

je me permet de continuer la réflexion filée par Korto et enrique, me trouvant moi-même face aux éléves... Tout d'abord, il me semble difficile, monsieur "Korto" de caricaturer ainsi le freudo-marxo-écolo-hédonisme... La pensée d'Onfray, même si pour tout vous avouer elle ne me convient pas dans son entièreté loin s'en faut, a quelque mérite. Je ne clame pas un joyeux syncrétisme qui fait feu de tout bois, mais je ne me sens jamais réellement près à tout jeter en bloc, et j'en suis sûre, vous aussi...
L'enseignement de la philosophie souffre de quelques lacunes en france, mais un point de votre débat soulève mon intérêt: est-ce à l'élève d'aller au professeur, ou au professeur de s'adapter à l'éléve?Les deux méthodes ont leurs inconvénients il me semble. Faire de l'éléve le point d'Archimède de l'éducation, c'est en effet courir à la catastrophe sur bien des domaines, que ce soit d'un point de vue pratique ou théorique d'ailleurs. D'un autre côté, demandez à l'éléve de s'élever au niveau du professeur, j'ai pu constater que ceci se traduisait dans la pratique par le "largage" de deux tiers des éléves qui, qu'on le veuille ou non et bien des fois parents et grands frères aidant, ont de toute façon un point de vue très négatif sur la philosophie en arrivant pour la première fois dans la classe. Selon moi, et ce n'est que mon avis; un avis que somme toute je partage avec moi-même, il faut adapter cela au profil des éléves, à la classe que vous avez en face, au lycée où vous enseignez. J'opterai en manière de pédagogie pour Machiavel contre les jolies théories de l'IUFM. Il y a quelque chose de l'ordre du" Kairos", une pratique qui se fait dans le temps et ne garde pas en dehors de l'espace et le temps des messages splendidement universels et habiles...
Si vous en trouvez le temps, vous me direz bien évidemment ce que vous en pensez. De mon côté, et pour ne rien vous cacher, je dirais: Ca marche!!!
Cordialement.

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Messagepar Krishnamurti » 20 janv. 2008, 21:24

Comme dirait K (encore un) "La vraie éducation est ainsi une tâche mutuelle qui exige de la patience, de la considération et de la bienveillance"

Je me souviens qu'en classe de quatrième "de transition" j'avais fait un cours magistral sur "Crimes et Chatiments " devant une prof tout aussi éberluée que ses élèves de réaliser qu'elle n'avait pas compris tout ça à la lecture du livre.

Bon, comme normalement je ne disais rien, ça l'avait aussi un peu choqué.

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Messagepar Korto » 21 janv. 2008, 03:23

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Messagepar Pej » 21 janv. 2008, 09:18

KORTO a écrit :Les heures de philo en lycée sont inutiles et souvent nuisibles : bien-pensance-pensée unique, freudo-marxisme obligatoire aujourd'hui recyclé en Spinozisme à tous les étages, discrédit des valeurs culturelles et morales et du patrimoine occidental et national, culpabilisation, imitation de Vincennes-Paris VIII, parades philosophiques et happenings des profs en mal de séduction, discours abscons et autistes de profs barrés dans leur trip perso dont on voit les traces sur ce forum, désintérêt des syndicalistes, carriéristes, dépressifs...
Autant d'attributs des cours de philo pas forcément exclusifs les uns des autres.


Un des problèmes essentiels de l'enseignement de la philosophie en France, c'est qu'un élève n'aura suivi (sauf redoublement) qu'un seul cours de philosophie, avec un(e) seul(e) professeur. Et il est vrai que si l'enseignant n'est pas à la hauteur, il laissera une trace indélibile et parfois dévastatrice pour la discipline. Assurément, la description que donne Korto de l'enseignement de la philosophie prouve qu'il n'a pas eu de chance pour sa part (heureusement, ce type de préjugés reste encore minoritaire, du moins si j'en crois l'avis des élèves que je côtoie). C'est pourquoi l'introduction de la philosophie en classe de Première, à commencer par la Première Littéraire, enseignement couplé pourquoi pas avec le Français (je me rappelle qu'en cours de français, on réfléchissait déjà sur des sujets de société et que s'effectuait un apprentissage de l'argumentation) devient à mon avis de plus en plus indispensable.


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