n 'y aurait-il pas une faille ?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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crimson
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n 'y aurait-il pas une faille ?

Messagepar crimson » 07 déc. 2003, 21:31

bonjour,
Spinoza entend par Dieu, un être absolument infini constitué d'une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et inifinie.
Si donc Dieu existe, n'enveloppe-t-il pas aussi l'essence d'un attribut niant sa propre existence
c'est à dire, qu'il existe forcément en Dieu l'idée qui nie l'existence de Dieu.
Sinon, Dieu n'est pas infini puisqu'il exclurait alors l'essence d'un attribut niant l'existence divine...
Que dois-je penser ?

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Henrique
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Re: n 'y aurait-il pas une faille ?

Messagepar Henrique » 08 déc. 2003, 02:35

Bonjour Crimson et bienvenue sur le forum !

Si l'idée de Dieu enveloppait celle de sa propre négation, il nierait par là-même sa propre infinité. L'idée de Dieu enveloppe tout ce qui est positif et nie tout ce qui est négatif : l'être est, le non-être n'est pas. Le fini est négation partielle en même temps qu'affirmation de son être tandis que l'infini est affirmation pure de son être (E1P8, s1).

Donc que Dieu n'enveloppe pas ce qui le nie n'entame en rien son absolue infinité qui est affirmation de toute affirmation et donc négation de toute négation. Ce serait comme dire que Dieu n'est pas tout puissant du fait qu'il ne poursuit pas de fins comme l'homme et d'une certaine façon qu'il ne peut en poursuivre : ce n'est que se laisser abuser par les mots, poursuivre des fins n'est que la marque d'une impuissance relative (celle de ne pas les posséder déjà), ne pas pouvoir poursuivre des fins ce n'est donc rien d'autre que ne pas pouvoir être impuissant : négation de la négation = affirmation.

De même, l'infini n'est pas la négation du fini, contrairement à ce que semble indiquer le mot : car la négation partielle d'un être, c'est justement ce qui fait qu'il y a du fini, et la négation totale de cet être, ce serait le néant. L'infini bien compris chez Sp. est affirmation pure de l'être. Vouloir y mettre de la négation pour le "parfaire" en tant qu'infini, ce n'est donc rien d'autre que ne pas le comprendre ou le confondre éventuellement avec l'indéfini. Ou alors il faudrait que la négation ait une positivité, comme le croit Hegel. Mais s'il y a un "travail du négatif" concevable, ce n'est justement qu'en tant qu'on confère une positivité au négatif, ce qui n'est possible qu'en admettant un négatif partiel, autrement dit ce que Spinoza appelle le fini. Le négatif en lui-même reste évidemment ce qui ne peut rien produire d'autre que sa propre négation.

Aussi qu'en est-il de la négation de Dieu par les hommes ? La réponse de Spinoza est que les hommes qui croient nier Dieu ne nient rien d'autre en fait qu'une idée inadéquate qu'ils se sont faite et à laquelle ils ont accolé le nom Dieu. En effet "Toute idée d'un corps ou d'une chose particulière quelconque existant en acte enveloppe nécessairement l'essence éternelle et infinie de Dieu." et par conséquent "L'âme humaine a une connaissance adéquate de l'infinie et éternelle essence de Dieu." (E2P45 à 47).

Henrique

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Messagepar crimson » 10 déc. 2003, 17:42

bonjour et merci pour ta réponse Henrique,
j'ai été interpellé par ta réponse, notament lorsque tu évoques "...la négation totale de cet être, ce serait le néant...".
C'est sur ce terrain que je voulais t'emmener.
Si l'on suppose pour une raison quelconque que Dieu n'existe pas, il ne nous reste que le Néant absolu et faut-il le rajouter, infini...
Donc le néant "existe", et il m'est difficile de croire que le néant existe hors de dieu.
Cela me fait penser au spectateur qui s'émerveille devant une toile de maître et qui oublie que sous la croute il y a une toile vierge.
La croute n'existe pas sans la toile et la toile ne représente rien sans la croute etc. L'une n'allant pas sans l'autre.
Toi qui semble avoir atteint la connaissance du troisieme genre, Henrique, lorsque tu regardes Dieu avec les yeux de l'esprit, ne vois-tu pas non plus ce néant?
Merci de ta réponse, au plaisir de te lire.

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Messagepar Henrique » 12 déc. 2003, 01:21

crimson a écrit :Si l'on suppose pour une raison quelconque que Dieu n'existe pas, il ne nous reste que le Néant absolu et faut-il le rajouter, infini...
Donc le néant "existe", et il m'est difficile de croire que le néant existe hors de dieu.

8O ! J'avoue que je trouve le raisonnement pour le moins rapide :)
Si Dieu n'existe pas, rien n'existe : le néant ou "rien" n'existe pas plus que si Dieu existe. En Dieu comme hors de Dieu, le néant n'est rien et certainement pas existant. Sur le plan de la logique du moins. Ou alors il faut se situer sur le plan de la foi, bouddhiste peut-être, pour croire que la "vacuité" soit quelque chose tandis que l'être n'est pas vraiment et le croire "quia absurdum"...


crimson a écrit :Cela me fait penser au spectateur qui s'émerveille devant une toile de maître et qui oublie que sous la croute il y a une toile vierge.
La croute n'existe pas sans la toile et la toile ne représente rien sans la croute etc. L'une n'allant pas sans l'autre.
Toi qui semble avoir atteint la connaissance du troisieme genre, Henrique, lorsque tu regardes Dieu avec les yeux de l'esprit, ne vois-tu pas non plus ce néant?


Mais la toile vierge n'est pas rien, elle est une toile vierge... Si la toile n'était rien, on ne pourrait pas peindre dessus (or on le peut au même titre d'ailleurs que sur une toile déjà peinte). Si je comprends bien, pour toi, l'être ne peut se construire que sur quelque chose, or comme il n'y a rien avant et en dehors de l'être, c'est bien que ce quelque chose doit être le néant. Mais voilà, l'être est et le non être n'est pas : quelque chose n'est pas rien et rien n'est quelque chose. C'est donc que l'être se pose par lui-même : non par autre chose, car autrement il s'agirait encore de l'être, non par rien, car alors l'être lui-même ne serait rien. Ou alors on quitte le terrain de la signification rationnelle et on imagine que le néant est quelque chose, quoique ce soit, et ce ne sera logiquement plus le néant.

Au risque de te décevoir, la connaissance du troisième genre ne s'atteint pas, elle est déjà là à la portée de tout le monde mais seulement tout le monde n'y fait pas également attention, en raison d'autres sources d'intérêt apparemment plus intéressantes. Or cette intuition, c'est justement celle de la plénitude absolue de tout ce qui est - l'idée de négation relevant de la considération du fini isolé, tronqué, coupé de la totalité par laquelle il existe. Mais par son infinité, la nature naturante est sans forme, sans couleur, sans saveur etc. ce qui pourrait donner à penser qu'elle est néant mais de même qu'on pourrait croire que la lumière n'a aucune couleur alors qu'elle les contient toutes, la substance est sans forme parce qu'elle les contient absolument toutes etc.


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