peine de mort, suite du message de ShBJ

Actualités et informations diverses sur Spinoza, la philosophie en général ou regards spinozistes sur l'actualité.
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peine de mort, suite du message de ShBJ

Messagepar tecti » 13 janv. 2008, 13:32

(voir spinoza et les animaux, rubrique actualité)
Voici un peu une suite de ce qu'à pu dire ShBJ dans son dernier paragraphe de SPINOZA et les animaux, mais qui me pose problème:

(sans texte à l'appui)
Spinoza n'est-il pas contradictoire dans ses propos de la 4e partie, justement à propos de la peine de mort? Qu'est-ce que la peine de mort: son exemple est la condamnation à mort d'un homme qui est devenu un danger à la Cité, qui ne respecte pas le contrat social de la cité. Ce contrat social est nécessaire pour la bonne entente des hommes de passion, c'est le minimum de sécurité exigé pour que des hommes puissent vivre sous la conduite de la raison, en gros que personne ne soit tué à chaque coin de rue. Dans l'état naturel, ce contrat social ne serait pas nécessaire, chacun recherchant son utile propre, tous chercheraient la présence d'autrui et non pas de leur nuire. Mais vu que les hommes sont soumis aux passions, le contrat social serait "moins pire" que sans rien. Effectivement, le contrat social est une tristesse, il prend aux hommes leur droit de juger les autres et de punir pour les gouverner par la crainte. Ainsi, une personne qui a une autre en haine, à cause d'une troisième par exemple, n'ira pas tuer cette deuxième personne par crainte de la Cité qui peut lui faire subir une passion triste plus grande et de sens contraire que la joie qu'il éprouverait en éliminant celui qui lui cause de la tristesse. Donc dans cette optique là, la peine de mort est tout à faire justifiée, c'est une tristesse pour pouvoir avoir un rapport plus propice au raisonnement avec un plus grand nombre. Mais qui décide de la peine de mort? C'est une pesonne gouvernée soit par la raison, soit par la passion. Si c'est par une passion qu'on tue quelqu'un, ça ne peut qu'être par tristesse. On ne peut tuer ou porter dommage à autrui par joie: soit la chose est de nature complètement différente de la notre, dans ce cas elle nous est neutre et on n'a donc aucun affect envers cette chose. Soit la chose est de même nature que nous, et dans ce cas notre joie sera plus grande pour une joie plus grande de cette chose, et cela d'autant plus que la chose a une nature plus proche de la notre (au sujet des animaux: on ne tue pas les animaux par plaisir, on ne les torture pas non plus par plaisir mais par une certaine nécessité, e.g. on tue une animal pour se nourrir. Nous pouvons disposer des animaux comme le démontre vlcp mais pour notre utilité propre. Ceux qui prennent plaisir aux dommages sur les animaux ont une certaine passion qui consiste à prendre plaisir au malheur d'autrui.) . Donc on ne peut tuer quelqu'un par joie. Une autre manière de le démontrer: la joie est le passage à une puissance supérieure. Or, ce qui est le plus utile à l'homme (après un sage), est l'homme. Donc en détruisant ce qui t'es le plus utile, tu ne peux avoir une puissance plus grande. On peut cependant détruire par tristesse, puisqu'on écarte alors ce qu'on a en haine. Mais c'est dans ce cas une tristesse, un passage à une puissance moindre. Or la cité en détruisant un de ses composants se détruit elle-même en partie, et si en plus elle condamne avec tristesse, elle passe à une puissance vraiment moindre. La personne à tuer doit donc avoir fait une sacrée grosse boulette. "la multitude qui fonde le souverain est plus puissante que l'individu qui lui est nuisible" justifierait la condamnation par tristesse, tuer la personne affaibli la puissance du souverain mais ne peut la détruire. Cependant, dans ce cas, ne pas la détruire reviendrai un peu au même, vu qu'elle ne peut pas la détruire, sa puissance étant inférieure. Le problème doit alors se juger au cas par cas, qu'est-ce qui revient à perdre le moins de puissance, le tuer ou le maintenir en vie.
Mais Spinoza dit que ce souverain qui juge la condamnation est gouverné par la raison. Or, il dit également que qui est gouverné par la raison s'efforcera d'aimer son prochain, et qu'avec de l'amour envers tous les autres il pourra changer les affects des personnes de tristesse vers ce même amour qu'il détient pour eux. Tuer quelqu'un ne peut être ni un affect de joie, ni un acte raisonnable.
Alors quoi, cette peine de mort?

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Justification et abolition de la peine de mort...

Messagepar ShBJ » 14 janv. 2008, 09:58

Les développements relatifs à la peine de mort, à la suite des considérations sur le droit des animaux élaborés par vlcp, semblent devenus indépendants. Il s'agit désormais de déterminer si Spinoza se contredit (perspective terrifiante) dans la quatrième partie de l'Ethique...

Le texte qui pose problème se trouve en E, IV, 63, corollaire, sc. qui affirme que "le juge qui condamne à mort un accusé, non par Haine ou par Colère, etc. mais par le seul Amour du salut public est guidé par la seule raison." La condamnation à mort serait donc raisonnable - sous certaines conditions, comme on peut déjà le voir. Là contre, tecti évoque E, IV, 47 : "Qui vit sous la conduite de la raison s'efforce autant qu'il peut, face à la Haine, à la Colère, à la mésestime, etc. d'autrui envers lui, de les compenser en retour par l'Amour, autrement dit par la générosité." C'est là que résiderait la contradiction.

Or, il est à remarquer que l'accusé qui est condamné à mort ne tient pas le juge en haine, qui à titre privé devrait lui répondre par amour, mais met en péril la chose publique. En d'autres termes, il me semble que pour comprendre ce qu'il dit, il faut entendre l'expression de "corps politique", chez Spinoza, de façon pas du tout métaphorique : le corps politique est un corps au sens strict, défini par un rapport définitionnel de mouvement et de repos entre ses parties, corps pour lequel est bien "ce qui fait que se conserve le rapport de mouvement et de repos" et mal ce qui fait qu'elles ont entre elles un autre rapport de mouvement et de repos (E, IV, 39 et 40, où le passage du corps humain à la cité est explicite). Par suite, l'analogie entre malade et bien portant, d'une part, criminel et juge, d'autre part, se peut comprendre à partir des lettres que Spinoza adresse à Blyenbergh, particulièrement la lettre 23 où il envisage la différence entre le matricide d'Oreste et celui de Néron. Dans les deux cas, il y a quelque chose de positif ou de bien, qui correspond à la puissance du corps (E, IV, 59, sc.) commettant le crime, et quelque chose de mal, savoir la décomposition du rapport de la mère. Cependant, dans le cas d'Oreste, son geste est directement lié à l'image d'Agamemnon avec lequel les rapports pouvaient être composés, et indirectement seulement lié à l'image de la décomposition de Clytemnestre - dans le cas de Néron, le meurtre est directement lié à la destruction d'Agrippine, et donc à la décomposition d'un rapport. De la même manière, l'homme sain mange (destruction du rapport de mouvement et de repos entre les parties du corps consommé) en associant sa manducation directement à son propre rapport de mouvement et de repos (joie), tandis que le malade associe la nourriture à la possibilité de la décomposition de son rapport de mouvement et de repos (tristesse). Enfin, le criminel décompose directement des rapports, ceux-là même qui définissent le corps politique comme tel, quand le juge ne décompose qu'indirectement, c'est-à-dire pour permettre directement la composition des rapports entre les hommes.

Point de contradiction, donc. Maintenant, j'avais expressément écrit qu'il nous fallait dépasser la légitimité de la peine de mort dans les termes même de l'Ethique, autrement dit, ni déplorer en l'identifiant à un préjugé du temps la légitimation qu'en donne notre auteur (il me semble que ça, désormais, c'est assez clair), ni en faire l'apologie en demeurant attachés à la seule lettre du texte (il me semble que ça, c'est assez odieux).

De nouveau, c'est faisable : l'abolition de la peine de mort est une conséquence de l'augmentation de notre puissance d'agir et de penser, dans la mesure où la peine de mort n'a de sens que pour des hommes qui, parce qu'ils vivent sous la conduite de la passion, ne conviennent pas en nature (E, IV, 34). Il est raisonnable de tuer celui qui met en péril la cité uniquement dans le cadre passionnel et aliéné de la quatrième partie, fondé sur l'amour exclusif de ce qui n'est partageable qu'au prix de perdre de sa valeur (E, IV, 34, sc.) et non sur l'amour de la pensée (E, IV, 35 avec ses deux corollaires). Sans vouloir exagérer la portée politique de la cinquième partie de l'Ethique, la libération personnelle va de paire avec une libération collective telle que la coercition, analogue de la raison, est remplacée par la raison même et que la propriété privée disparaît... L'abolition de la peine de mort n'est autre que l'abolition de l'Etat par et pour les sages. Mais son abolition par et pour les fous serait la pire des choses : "La Pitié, dans l'homme qui vit sous la conduite de la raison, est par soi mauvaise et inutile" (E, IV, 50). Mais il précise dans le scolie : "Et ici je parle expressément de l'homme qui vit sous la conduite de la raison. Car celui que ne meut ni raison ni pitié à être secourable aux autres, c'est à bon droit qu'on l'appelle inhumain".

Point de contradiction, mais une alternative : ou une lecture anarchiste de Spinoza, ou la nécessité de la peine de mort. Le cadre conceptuel de l'Ethique admet ces deux lectures, leur possible succession dans la durée, mais certainement pas leur compatibilité sub species aeternitatis.

Mon salut sur vous.
Modifié en dernier par ShBJ le 18 avr. 2008, 01:31, modifié 4 fois.

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Messagepar hokousai » 14 janv. 2008, 22:57

Sans vouloir exagérer la portée politique de la cinquième partie de l'Ethique, la libération personnelle va de paire avec une libération collective telle que la coercition, analogue de la raison, est remplacée par la raison même et que la propriété privée disparaît.
"""

je ne comprends pas très bien ce qu'est la coercition comme analogue de la raison remplacée par son analogue ( donc la raison )

Quant à la disparition de la proprtiété privée !
Je n'avais pas remarqué la présence de la disparition de la propriété privée dans la cinquième partie de l' éthique .

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Analogue de la raison...

Messagepar ShBJ » 15 janv. 2008, 01:14

Lors de ma dernière intervention, j'ai pris des précautions qui n'étaient certainement pas que rhétoriques pour avancer des propositions dont l'une au moins - ce que j'ai appelé "lecture anarchiste" de l'Ethique liée à la disparition de la propriété privée - pouvait être mal entendue. Mais hokousai avance d'abord une autre remarque : "je ne comprends pas très bien ce qu'est la coercition comme analogue de la raison remplacée par son analogue (donc la raison)".

Je m'efforce donc de donner une explication ou définition de cette première expression, parce que la suite en découle. En E, IV, 47, Spinoza affirme que ''les affects d'espoir et de crainte ne peuvent être bons par eux-mêmes" en s'appuyant sur ceci, que l'espoir et la crainte sont des affects de tristesse (E, III, déf. 12 et 13, explication). Autrement dit, pour reprendre la distinction que j'avançais à l'appui de ma précédente démonstration, ils ne sauraient être bons directement, mais ils peuvent l'être indirectement, conformément à E, IV, 43 dans la mesure où ils s'opposent à une joie partielle (titillatio) excessive. C'est précisément ce que Spinoza écrit en E, IV, 54, scolie : "Les hommes vivant rarement sous la conduite de la raison, ces deux affects, à savoir l'Humilité et le Repentir, ainsi que l'Espoir et la Crainte, apportent plus d'utilité que de dommage ; et par suite, puisqu'il faut pécher, autant pécher dans ce sens-là. Car si les hommes dont l'âme est impuissante étaient tous d'un égal orgueil, également dépourvus de honte et de crainte, comment pourrait-on les réunir par des liens et les enchaîner ? [...]. Et, en vérité, on peut beaucoup plus facilement conduire ceux qui sont sujets à ces affects que les autres, à vivre enfin sous la conduite de la raison, c'est-à-dire à être libres et à vivre de la vie des bienheureux." Le texte est explicite : des affects, non seulement passifs, mais encore tristes, permettent de conduire les hommes à vivre libres au sens de la liberté du sage de la cinquième partie. L'espoir et la crainte fondent, jusqu'à preuve du contraire, l'aspect coercitif de l'Etat, qui récompense les bons citoyens et punit les mauvais, ou à tout le moins promet de se comporter de la sorte, ce qui revient au même - même si lui le fait de façon raisonnable. Par suite, j'appelle analogue de la raison les affects passionnels qui, davantage que les autres, déterminent des conditions collectives telles que la raison peut davantage se développer.

Pour plus de clarté encore : je ne parle pas (et Spinoza non plus, je crois) de la raison en tant qu'elle est impuissante, face aux affects passifs, à engendrer des affects plus forts et opposés (E, IV, 7) mais bien d'un ensemble de passions qui assurent une certaine régulation, ainsi que la raison pourra le faire par la suite - régulation purement externe cependant, ou hétéronome. Ni raison puissante, ni raison impuissante, mais bien analogue de la raison.

Dès lors, ce que j'ai appelé "lecture anarchiste" en disant explicitement ne pas exagérer la portée politique de la cinquième partie (je n'ai certes pas prétendu que Spinoza était anarchiste, encore moins partisan de la propagande par le fait) doit être entendu ainsi : la libération individuelle a pour condition une libération collective, c'est-à-dire la société des hommes libres (E, IV, 71 et 72). Mais cette société est elle-même partielle puisque les sages doivent vivre parmi les hommes aliénés - en refusant autant que possible leurs bienfaits (E, IV, 70) mais en étant plus libres de vivre parmi ces hommes et selon le décret commun (E, IV, 73). L'abolition de la propriété privée entre les hommes libres, c'est la considération presque unique, dans la limite de la puissance de tout homme, aussi libre soit-il (E, IV, 2-4), de ce qui est commun, c'est à savoir la raison, la pensée, ou encore le bien communicable du Traité de la réforme de l'entendement. La propriété privée, autrement dit l'amour exclusif qui prétend écarter autrui de la jouissance de la chose, n'a aucun sens dans le cadre de l'amour de Dieu (E, V, 36). La définition de Dieu et, par contraste, qu'à "l'essence de l'homme n'appartient pas l'être de la substance" (E, II, 10) suffisent à le penser concrètement.

Voilà traitées les deux difficultés, qui me paraissent seulement nominales, soulevées par hokousai, j'espère de façon satisfaisante.

Je pourrais pourtant me montrer moins conciliant, et demander une démonstration autre de IV, 73, qui ne me semble avoir de validité que dès lors qu'elle parle de la solitude de l'homme libre... comment rendre cette solitude hypothétique compatible avec les propositions IV, 36-37 ?... et avec l'augmentation de la puissance qu'exige la libération (vide supra) ?... par suite, comment expliquer l'acceptation du décret commun, sinon par une connaissance de l'irréductible impuissance des hommes, non par l'amour du bien public ?...

Je pourrais en conclure que le sage, 1) ne suit le décret commun que parce que l'Etat, qui n'est nécessaire qu'à mesure de la passion des hommes, l'emporte sur lui par la puissance, 2) mais connaît l'imperfection des lois strictement identique à l'imperfection ou impuissance des hommes, et par suite ne les aime pas, 3) s'efforce de libérer les hommes assez puissants des théologiens et des tyrans, 4) communise le seul bien véritable (la pensée) avec ses semblables, s'ils existent. Je pourrais faire remarquer également que Spinoza écrit que la sagesse est difficile, mais non pas inaccessible à la multitude : une société pourrait être autonome. Je pourrais faire valoir enfin que le Traité politique étant inachevé, nous pouvons en cette matière nous amuser à quelques conjectures.

La lecture anarchiste précisément définie pourrait donc se transformer, d'une version faible (celle de ma réponse à hokousai), en une version forte selon laquelle un spinoziste moins modéré se devrait d'avoir un engagement politique au moins égal à celui de Spinoza, et au moins également subversif.

Mon salut sur vous.
Modifié en dernier par ShBJ le 26 févr. 2008, 23:46, modifié 1 fois.

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Messagepar hokousai » 15 janv. 2008, 19:09

à Shbj


Par suite, j'appelle analogue de la raison les affects passionnels qui, davantage que les autres, déterminent des conditions collectives telles que la raison peut davantage se développer.


Je comprends mieux ce que vous vouliez dire .Mais je trouve non pertinent d' appeler analogue de la raison » » les affects passionnels qui, davantage que les autres, déterminent des conditions collectives telles que la raison peut davantage se développer. » »

En fait Spinoza fait l’apologie l’autorité et des passions sur lesquelles elle appuie son pouvoir . Ce qui me parait plus conservateur qu’ anarchiste .On a surtout affaire là à une ruse de la raison (celle des prophètes et autre législateurs )(prop 54/4)

La crainte est le commencement d’une conduite objectivement prudente ( le commencement de la sagesse dit- on ) mais pas subjectivement raisonnable et pas dans les termes de prop 36/4 .
Que Spinoza ait reconnu que l’humilité et le respect rendent plus accessible au discours de la raison, certes mais on ne peut parler d’analogue, tout au plus de causes particulières pragmatiquement efficaces .

[{quote]La propriété privée, autrement dit l'amour exclusif qui prétend écarter autrui de la jouissance de la chose, n'a aucun sens dans le cadre de l'amour de Dieu (E, V, 36)[/quote]

Je veux bien quelle n’ait aucun sens dans le cadre de l’amour de Dieu , dans ce cas pourquoi alors l’évoquer ..et ma critique n’est pas nominale mais logique .( de l’ordre de à César ce qui est à César et la suite )


hokousai
Modifié en dernier par hokousai le 15 janv. 2008, 21:18, modifié 2 fois.

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A hokousai sur la lecture de IV, 54...

Messagepar ShBJ » 15 janv. 2008, 21:14

Je me contenterai de quelques remarques :

1) Je ne comprends guère l'adresse "à Cyril"... ce n'est certes pas mon nom... une dédicace, peut-être ?...

2) Je suis positivement charmé de constater qu'alors que vous (le vousoiment est la convention que vous adoptez) comprenez mieux ce que je voulais dire, aucune entente ne semble se dessiner.

a) Vous trouvez non pertinent d'appeler analogue de la raison ce que j'appelle pour ma part analogue de la raison. Fort bien. "Ces noms ont un autre sens dans le langage courant, je le sais. Mais mon dessein n'est pas d'expliquer le sens des mots, mais la nature des choses, et de les désigner par des vocables dont le sens usuel ne soit pas complètement incompatible avec le sens que je veux leur donner dans mon usage, que ça soit dit une fois pour toutes" (E, III, déf. 19-20, explication). Par la suite, soit votre critique est nominale, et la réponse que j'emprunte à Spinoza suffit, soit elle est réellement logique (à moins que vous entendiez par logique une dichotomie arbitraire).

b) Si, par plaisanterie, vous estimez que mon explication de IV, 54 constitue en fait une apologie de l'autorité et mène à la considération d'un conservatisme de Spinoza, je ne puis que vous renvoyer à ce que j'ai écrit et vous prier de débusquer une erreur logique effective, qui une fois corrigée entrainerait cette conclusion.

c) Si vous estimez que le texte même de IV, 54 constitue en fait une apologie de l'autorité, je ne sais que dire. La charge de la preuve vous revient. Pourquoi alors le TTP ? Pourquoi Ultimi Barbarorum ? Pourquoi le TP ? Pourquoi préférer un régime de liberté constitutionnelle à un régime autre ?

3) Dire que, parce que la propriété privée n'a aucun sens pour les sages en tant que sages, il fallait n'en point parler, c'est justement la séparer des développements qui la précède. Par après, rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui lui appartient, ne pose plus de problème : il n'est que de séparer raison et passion, pire encore hommes vivant sous la conduite de la raison et hommes vivant sous la conduite de la passion, au moyen d'une abstraction.

4) Interpelé par votre première critique, je suis parti à la recherche de quelque auteur soutenant une explication similaire à la mienne. Il ne s'agit certainement pas de me masquer derrière un argument d'autorité, mais de vous renvoyer à qui peut-être saura vous convainvre : Matheron, dans L'Indignation et le conatus de l'Etat spinoziste, in Spinoza : puissance et ontologie. L'article me semble d'autant plus intéressant qu'il prend en grande partie le contre-pied des analyses présentées dans ses bouquins de la fin des années 60 et du début des années 70.

Mon salut sur vous.
Modifié en dernier par ShBJ le 30 janv. 2008, 01:38, modifié 2 fois.

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Messagepar hokousai » 15 janv. 2008, 22:01

je vous ai confondu avec le physicien spinup

excusez -moi

............................

Les prophètes ont fort recommandé le respect .
Le respect de quoi ? si ce n'est de l'autorité .

Le scolie de prop 54 va hélas (pour vous ) affirmer qu'une conduite autoritaire est plus aisée face à des hommes humbles et repentant , craintifs et espérant que face à des hommes orgueilleux , sans honte et sans crainte .

Le but n'est- il pas de les unir et contenir (ou enchainer /constringo)
Ce qui parait de bon sens mais est plutôt conservateur .

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réponse à hokusai

Messagepar tecti » 15 janv. 2008, 23:26

Je suis d'accord avec ShBJ. Peut-être une autre manière serait-elle plus compréhensible?
L'Ethique est, à mon sens, une espèce de guide vers la Raison. Il suffit de regarder le sommaire pour avoir le fondement de cette opinion: il traite de Dieu, puis de l'Esprit (qui découle de Dieu), puis de l'origine ou de la nature des Affects (qui sont une partie de l'Esprit), puis de leur puissance ou de la servitude humaine et enfin de la liberté humaine ou de la force de l'intellect. On voit là une sorte de crescendo vers la liberté humaine où il traite essentiellement du sage et le compare à l'homme passionnel décrit dans la partie d'avant.
Il décrit une chose raisonnable comme une chose adéquate. Et que nous agissons en tant que nous avons des idées adéquates, et à l'inverse que nous pâtissons en tant que nous avons des idées inadéquates. Par suite, le sage agit et l'homme de passions pâtit. Le sage n'est donc pas soumis aux passions et il tend vers la béatitude, soit la connaissance de Dieu. A l'inverse, l'homme de passion ne connait pas adéquatement son cas (sinon il serait sur la voie de la sagesse) et il est constamment balloté d'une passion à une autre. Chaque homme a en lui une part de raison et de passion, mais dans l'Ethique une certaine abstraction est faite pour mieux distinguer les situations.
S'il n'éxistait que des sages : alors les hommes vivraient dans leur état naturel, chaque homme chercherait son utile propre. Ils chercheraient la présence des autres hommes car ce qui est le plus utile à l'homme est le sage, et de cette manière ils partageraient ce qui est le plus partageable, c'est-à-dire Dieu. Il n'y aurait aucune propriété privée car ceci n'est qu'une imagination ne se fondant pas sur la chose en elle même mais plus sur un sentiment de joie à contempler ce que soi seul possède. Une joie plus grande est créée face à l'absence de la chose que l'on possède chez un autre, une joie tout à fait passionnelle car elle ne peut être partagée et un sage désir partager avec autrui ce qui lui cause de la joie. Ainsi la propriété n'est nullement sage ou raisonnable.
S'il n'éxistait que des hommes soumis uniquement aux passions : ça serait le bordel, chacun allant de son petit bonheur et détruisant qui lui cause de la tristesse, la loi du plus fort serait maîtresse. La possession serait une marque de puissance, tout le monde tenterait de nuire aux autres, etc.
Mais les deux cohabitent. Les sages, désireux de ne pas se faire tuer et comprenant les passions de leurs copains ont instauré le contrat social. Celui-ci se matérialise par une conduite autoritaire de la cité. Pour plus de détails, voir mon premier message. Pour ce qui est des hommes humbles, craintifs et repentants, ils sont plus faciles à gouverner, certes, mais pas dans le seul but de gouverner. Gouverner veut dire avoir les conditions minimales pour pouvoir penser et chercher la sagesse et apporter ceux que je souhaitent vers la sagesse. Si les gouvernés sont orgueilleux, etc. alors ils causeraient certainement du désordre et les conditions nécessaires pour maintenir et guider les hommes de passions ne seraient plus instaurées.
Percevoir l'autorité comme un statut de pouvoir serait la considérer d'un point de vue passionnel. L'autorité est nécessaire pour des bases communes entre les sages et les autres, ces derniers étant maintenus en place par ce qu'ils connaissent : les passions; et les sages qui comprennent les passions (qui ne les affectent donc pas) voient l'importance de la propriété, des lois, du gouvernement, pas pour eux mais pour maintenir ces passions. C'est mieux que l'état d'insécurité et de danger qui ne serait pas du tout propice aux réflexions.
Ensuite, vaut-il mieux pour ces sages de se réunir entre eux et de tenter d'organiser des conditions telles que l'état naturel se voit reproduit, risquant cependant de se faire exclure de la société, ou doivent-ils plutôt rester dans la société et vivre avec ceux qui sont quand même de nature très proche de la leur? mais cela ne rentre pas vraiment dans le sujet qui est, je le rappelle, la peine de mort.


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