Prudence

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Prudence

Messagepar Faun » 16 févr. 2008, 10:40

J'aimerais ouvrir un débat sur un sujet d'actualité qui me semble grave, par le mensonge et le déni de réalité qu'il implique. Voici ce qu'affirme le plus proche et influent conseiller de Nicolas Sarkozy, l'actuel président de la république française :

"Qui peut nier l'évidence que la transcendance est une étape capitale de l'histoire humaine et l'immanence la mère de tous les totalitarismes ?"

Henri Guaino cité par Henri Tincq dans l'article : "Sarkozy et Dieu", Le Monde, 14.02.08

La transcendance, opinion philosophique qui est présente dans le christianisme non moins que dans l'hindouisme, le judaïsme et l'islam, serait donc le rempart contre le totalitarisme. Tandis que l'immanence, qui est l'opinion des philosophes païens de l'antiquité grecque et romaine, de Spinoza, du taoïsme, et de tous les chamanismes des tribus nomades, serait la voie royale vers le totalitarisme. Mais le propos de Guaino semble impliquer que cette option philosophique était celle du fascisme, du nazisme et du stalinisme, alors que ces courants politiques n'étaient que des matérialismes. Confondre ainsi immanence et matérialisme, et oublier le sort réservé aux infidèles, aux apostats, aux sorcières, aux hérétiques et aux intouchables dans les religions transcendantales cités ci-dessus, n'est-ce pas un pur mensonge et un déni de réalité non moins que de vérité ?

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Messagepar Schmuke » 16 févr. 2008, 11:05

Sur le fond, bien sûr, vous avez raison. Guaino oublie un peu vite l'Inquisition par exemple, dérive terrible dans la relation entre savoir (l'Eglise) et pouvoir (les Etats, et la monarchie catholique espagnole particulièrement).
Là où est contestée la Vérité, là est l'ennemi : cela fonctionne pour le stalinisme et pour le nazisme, cela fonctionne aussi pour les religions révélées, pour l'"immanence" comme pour la "transcendance".
Qui plus est la bipartition immanence/transcendance que Guaino opère et que vous reprenez semble-t-il sans trop la critiquer me semble fragile. Le Volk est-il seulement une réalité immanente, ou davantage, dans le discours national-socialiste, une valeur transcendantale, polarisant les efforts de chacun ? N'a-t-on pas dit (à bon droit à mon avis) que le prolétariat était à sa façon un nouveau Christ ?

Mais il me semble qu'il y a là moins un "déni de vérité" qu'un exemple de la simplification et de la réduction à outrance qu'opère souvent (toujours) le discours politique.

Le discours scientifique, historique ou philosophique pointe des problèmes, des complexités, bref il chercher à rendre compte et à comprendre ; le discours politique, plus généralement, n'a pas ce souci : il doit convaincre, il a un rapport utilitariste et intéressé au savoir.
Et cela s'aggrave, à ce qu'il me semble, avec la mort des orateurs (un discours, sous la IIIème ou la IVème République, c'était tout de même autre chose, voyez par exemple Jaurès) et les progrès conquérants de la "communication", ce procédé de fragmentation/simplification du langage.
Bien sûr tout cela n'engage que moi. Et en espérant n'avoir pas trop écrit d'évidences, je m'arrête là.

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Messagepar DGsu » 16 févr. 2008, 11:35

"Qui peut nier l'évidence que la transcendance est une étape capitale de l'histoire humaine et l'immanence la mère de tous les totalitarismes ?"

Ce qui pose problème ici n'est pas de discuter du concept de transcendance, de considérer ce qu'il apporte à la réflexion, philosophique, personnelle, politique. Pourquoi pas ?

Le premier problème est l'opposition directe avec immanence, cette seconde en tant que productrice de totalitarisme. Les exemples de Schmuke sont clairs et n'oublions pas le grand soutien apporté aux nazis par la hiérarchie ecclésiastique allemande.

Ensuite, nous sentons qu'il s'agit ici de LA transcendance, celle qui est définie par le pouvoir religieux d'abord, relayé par un certain pouvoir politique ensuite, qui vise au contrôle social.

A l'aide de LA transcendance, prémisse indiscutable, une série de normes pourra être établie qui permettra de renforcer le contrôle.
"Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes." Rosa Luxemburg

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Messagepar Faun » 16 févr. 2008, 11:41

Schmuke a écrit : Le Volk est-il seulement une réalité immanente, ou davantage, dans le discours national-socialiste, une valeur transcendantale, polarisant les efforts de chacun ? N'a-t-on pas dit (à bon droit à mon avis) que le prolétariat était à sa façon un nouveau Christ ?


Cela me parait effectivement très juste, le "Reich" et le "Communisme International" jouent en effet le rôle de point transcendant toute politique, imitant le concept de "Jérusalem" dans le judaïsme et le christianisme, ou "l'Umma" des islamistes.

Le mensonge consiste à faire croire que les matérialismes totalitaires du XXe siècle, qui excluent toute idée de Dieu, sont le contraire des religions, et que les opinions philosophiques de l'immanence, qui posent l'identité entre Dieu et la Nature, sont des athéismes.

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Messagepar Henrique » 16 févr. 2008, 17:47

Je pense que l'idée de Guaino est qu'en l'absence de point de référence extérieur à celle que peut incarner un pouvoir politique, il y aurait une tendance de celui-ci à ériger l'idéologie qui le conduit en absolu indiscutable, en dehors de quoi toute divergence serait parfaitement irrationnelle et qui pourrait donc être niée comme iréelle, quitte à détruire ce qui pense différemment, histoire d'aider l'absolu à être assez absolu. Dans ce cadre, seul une référence reconnue comme transcendant le pouvoir politique pourrait permettre de remettre en cause ce dernier. Un pouvoir politique reconnaissant cette transcendance accepterait ainsi a priori le principe de sa propre remise en cause.

Or il est clair que rien n'empêche une autorité quelconque de se prétendre la seule incarnation possible de la vérité transcendante, comme on l'a bien vu avec l'Inquisition. Et de fait, lorsque l'étant absolu est considéré comme transcendant, il est plus facile d'en faire un objet indiscutable, au nom duquel la réalité immédiate, transcendée par cet absolu, peut être nié absolument, ce qui conduit non seulement à chercher à détruire son existence mais aussi tout ce qui pourrait justifier son existence. Ainsi, si les grands totalitarismes du XXème siècle ont pu se croire en droit de détruire non seulement ce dont l'existence remettait en cause leur idéologie mais aussi la mémoire même de cette existence et de tout ce qui pouvait tenter de la justifier, c'est au nom de la transcendance de fait de l'Idéal qu'elles se proposaient d'incarner : "Grand Reich" ou "Communisme International" comme cela a été bien vu.

Il faut ici s'interroger sur l'essence des totalitarismes. J'ai pu montrer par ailleurs que loin d'être des politiques de la totalité, des autorités fondées sur une pensée de la totalité de ce qui existe, ce sont des idéologies érigeant une partie de la totalité en totalité, une représentation particulière en vérité universelle. Croire que l'on a atteint l'alpha et l'oméga de toute réalité et de toute pensée avec le Grand Reich, le Communisme International, ou encore le Paradis, le retour des E.T. sur Terre, le Libre Marché, voilà qui conduit au déni de réalité propre à tous les totalitarismes.

Au contraire, seule une approche authentiquement immanentiste peut éviter la tentation totalitaire de toute pensée humaine, qui ignorant les raisons d'être et de penser de ce et de ceux qui la conteste, s'imagine que ces raisons d'être n'existent pas et qu'on peut alors détruire comme on efface les débordements indésirables du pinceau sur une peinture. Car si l'étant absolu est immanent à toutes choses existantes, il n'y a pas d'imperfections qu'on pourrait tenter d'effacer comme je viens de l'indiquer. Chaque fait et chaque pensée est une réalité avec laquelle il faut compter, qu'il faut essayer de comprendre et qu'on ne peut éventuellement détruire que pour des raisons spécifiquement humaines, sans jamais pouvoir s'autoriser d'une quelconque justification absolue.

Ce n'est ainsi pas un hasard si c'est Spinoza, un philosophe immanentiste, et non "transcendantiste", comme la quasi-totalité des philosophes avant et après lui, qui sera le premier à théoriser systématiquement, dans le Traité théologico-politique la nécessité politique d'accepter toutes les opinions, théories ou philosophies possibles, notamment en matière religieuse ou politique, dans un Etat libre et dont l'autorité est de ce fait même la plus solide qui se puisse concevoir.

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Messagepar Faun » 19 févr. 2008, 20:31

Schmuke a écrit :Mais il me semble qu'il y a là moins un "déni de vérité" qu'un exemple de la simplification et de la réduction à outrance qu'opère souvent (toujours) le discours politique.


Je ne suis pas du tout d'accord, il me semble au contraire qu'il s'agit là d'une attaque délibérée contre la pensée européenne de l'immanence représentée par Spinoza (dont on connaît les attaques puissantes contre l'Eglise, toutes les Eglises, y compris la Musulmane) et surtout par Deleuze.
Or il se trouve que Deleuze est l'un des principaux représentant, en philosophie, de la pensée dite de 68, cette révolution manquée (lire "mai 68 n'a pas eu lieu" dans son recueil d'articles intitulé "deux régimes de fous" aux éditions de minuit), révolution haïe par les néo-conservateurs actuels et tous les "nouveaux philosophes"(voir "A propos des nouveaux philosophes et d'un problèmes plus général", dans le même livre).
D'autre part l'immanence, et le panthéisme qui en est le corollaire, sont depuis longtemps l'objet d'attaques en règle de la part de l'Eglise Catholique, qui a bien compris, ces gens sont loin d'être aussi inoffensifs que vous le pensez, le danger pour leurs intérêts économiques et leur pouvoir sur les âmes, de ces courants philosophiques.
Par suite réunir ainsi les philosophies de l'immanence, c'est à dire les panthéismes, avec les totalitarismes athées du XXe siècle que furent le nazisme, le fascisme et le communisme, relève de la plus infâme tromperie, quand on connait la lutte continuelle de Spinoza et de Deleuze contre toute forme de pouvoir monarchique.
Or c'est bien un pouvoir monarchique, aussi nommé dictature, que veulent installer ces gens, qui n'ont aucun problème à lier des amitiés avec Khadafi, Poutine, Bush, Hu Jintao, Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud ou Musharraf, ces ennemis déclarés de la liberté démocratique, ces gens qui n'hésitent pas à faire appel à la torture (déjà condamnée vigoureusement par Spinoza dans son traité politique), à l'emprisonnement arbitraire de leurs opposants, quels qu'ils soient, et à la peine de mort.

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Messagepar Schmuke » 19 févr. 2008, 21:59

Si je peux me permettre, il me semble que vous envisagez les choses d'un point de vue trop... philosophique.
Je pense que la tradition "immanentiste", et plus encore Spinoza, sont loin des préoccupations de nos politiques (si la plupart, et notre président en premier lieu, en connaissent seulement l'existence...).
Et puis, s'ils voulaient vraiment s'attaquer à l'athéisme (ce qui est tout à fait possible), ils auraient tout de même d'autres chats à fouetter, et des vivants de surcroît, pas des morts depuis plus de 3 siècles.
Donc je ne vous suis pas plus loin sur cette énième variation en complot mineur.

Le reste de votre phrase est assez confus. Parlez-vous seulement de la France ? Puisque vous partez de Guaino il me semble que oui.
Or le créneau de Guaino-Sarkozy c'est la nécessité de la religion pour retrouver du sens, avoir un repère, s'adosser à une morale, etc. Ce n'est rien d'autre finalement que la continuité d'un certain courant christiano-centro-gaullo-bonapartiste qui a toujours considéré la religion comme quelque chose de politiquement utile (parce que conservateur) et socialement bénéfique (car tissant des communautés d'individus que notre régime démocratique est incapable de générer par lui-même).
Le problème n'est pas l'idée (de De Gaulle à Chirac, Mitterrand inclus, tous les présidents de la Vème ont été croyants, à ce qu'il me semble) mais la place qu'elle peut prendre sur la place publique.

Bref, qu'un homme qui soit censé représenter plus de 60 millions d'individus décide pour eux ce qu'il est bon ou mal de penser, proclame un choix très particulier qu'il tient à chacun de faire ou de ne pas faire, et affiche dans l'espace public ce trait particulier, il est là le problème.
C'est davantage notre modèle républicain qui est visé que Spinoza, Deleuze, mai 68 et les courant libertaire et/ou immanentiste.

Voilà pour la France en 2008, qui est quand même un cas assez particulier.
Les Etats-Unis ou les Etats islamiques par exemple c'est une toute autre paire de manche et là, effectivement, Spinoza a du souci à se faire.
Modifié en dernier par Schmuke le 19 févr. 2008, 23:28, modifié 1 fois.

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Messagepar Faun » 19 févr. 2008, 23:24

Schmuke a écrit :Et puis, s'ils voulaient vraiment s'attaquer à l'athéisme (ce qui est tout à fait possible), ils auraient tout de même d'autres chats à fouetter, et des vivants de surcroît, pas des morts depuis plus de 3 siècles.
Donc je ne vous suis pas plus loin sur cette énième variation en complot mineur.


Je ne crois pas être plus paranoïaque que la moyenne, et je ne vous suis pas quand vous parlez d'une "attaque contre l'athéisme". L'immanence, pas plus que la transcendance, ne débouche sur l'athéisme. La transcendance en philosophie débouche sur tous les grands monothéismes (judaïsme, christiannisme, islam) et sur la religion hindoue (dont l'application politique du système du karma, qui fonde le système des castes, s'apparente au fascisme, allez faire un tour en Inde si vous doutez de mes propos). L'immanence, dont l'histoire est fort bien racontée par Deleuze, n'a jamais donné lieu à de grands systèmes hiérarchisés et inégalitaires, contrairement aux religions transcendantes. Elle en est l'antidote. Les mots employés par Guaino, qui semble avoir un peu plus de culture que vous ne le pensez, et qui rédige bon nombre des discours de Nicolas Sarkozy, sont très clairs.


Or le créneau de Guaino-Sarkozy c'est la nécessité de la religion pour retrouver du sens, avoir un repère, s'adosser à une morale, etc. Ce n'est rien d'autre finalement que la continuité d'un certain courant christiano-centro-gaullo-bonapartiste qui a toujours considéré la religion comme quelque chose de politiquement utile (parce que conservateur) et socialement bénéfique (car tissant des communautés d'individus que notre régime démocratique est incapable de générer par lui-même).


Si le problème est celui de la nécessité de la religion dans la vie sociale et politique, il vous faut savoir que même chez Spinoza on trouve les mots de piété et de religion, et lui-même vante l'utilité de la religion afin de garantir l'unité de l'Etat, et au delà celle de tous les hommes de la Terre.
Donc le problème devient celui de savoir quelle religion nous voulons afin d'unir et de faire vivre en paix les milliards d'individus de cette planète.
Les discours de Sarkozy, écrits donc par Guaino, sont très clair : c'est la religion catholique qu'il faut à la France, et le christiannisme pour l'Europe.
D'où l'attaque contre l'immanence, et donc le panthéisme, seule religion philosophiquement élaborée à même de concurrencer les vieux monothéismes. Spinoza s'est toujours défendu vigoureusement contre les accusations de matérialisme et d'athéisme, et précisément Guaino n'emploie pas ces mots, mais celui d'immanence, afin de faire croire aux français que totalitarisme athée et immanence ne font qu'un. Ce qui est faux, car qu'est-ce que l'immanence, sinon la reconnaissance de l'intelligence divine dans tous les hommes et femmes de la Terre, donc leur capacité entière à jouer un rôle politique dans le gouvernement de l'Etat ? Immanence et démocratie absolue ne font qu'un, tout comme transcendance et monarchie absolue ne font qu'un, l'Histoire des ces quelques cinq mille dernière années le prouve abondamment.

C'est davantage notre modèle républicain qui est visé que Spinoza, Deleuze, mai 68 et les courant libertaire et/ou immanentiste.


Notre soit-disant modèle républicain est incapable de fournir des réponses cohérentes, philosophiques et scientifiques aux questions fondamentales que se posent légitimement toutes les populations du monde. Il se contente de laisser vivre en paix les religions les unes avec les autres.
Vouloir que l'Etat dise ce qui est vrai ou faux en toute matière, c'est précisément son rôle, tel que Spinoza le définit dans le traité politique. En effet laisser le soin de la morale à une autorité extérieure à l'Etat, comme Sarkozy tente de le faire en faisant appel au Vatican et à ses représentants parmis le peuple français (les "curés" de son discours au Pape), c'est laisser échapper la puissance de décréter ce qui est bon et mauvais, donc laisser échapper la puissance même de l'Etat, qui est d'énoncer les lois.
C'est en cela que l'immanence est un danger pour les religions actuelles : ne plus faire appel à un ensemble de textes sacrés, mais à la seule volonté du peuple, qui s'exprime dans l'assemblée. Mais nous sommes loin d'un tel système, puisqu'un tout petit nombre de personnes, au regard de la population de la France, décide de ce qui est bien et de ce qui est mal, sans jamais perdre de vue ses intérêts particuliers, qui sont loin d'être les mêmes que ceux de l'ensemble du peuple.
Je ne vois donc pas ce que notre modèle républicain a de si précieux et de si nécessaire. Cette tolérance pour des religions manifestement fausses est même un frein à la liberté, c'est à dire à la puissance même de l'Etat. Qui ne voit que les religions actuelles divisent plus qu'elles n'unissent ?
Pourquoi cette crainte de prendre parti pour la seule véritable religion, celle qui ne reconnaît que la Nature immanente, c'est à dire l'intelligence des hommes, comme source et origine de toute loi humaine ?

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Messagepar Schmuke » 21 févr. 2008, 22:06

Faun a écrit :L'immanence, dont l'histoire est fort bien racontée par Deleuze, n'a jamais donné lieu à de grands systèmes hiérarchisés et inégalitaires, contrairement aux religions transcendantes. Elle en est l'antidote. Les mots employés par Guaino, qui semble avoir un peu plus de culture que vous ne le pensez, et qui rédige bon nombre des discours de Nicolas Sarkozy, sont très clairs.


Oui, j'aurais pu parler de panthéisme. Mais c'est quand même une option ou une vision du monde très peu connue dans notre société, où la question de la croyance se résume dans l'alternative athéisme/croyance (et dans l'imagination collective, ce sont les grands monothéismes).
Le panthéisme et l'agnosticisme sont peu connus, ou en tout cas peu pris en compte.
Ensuite effectivement Guaino est quand même d'un certain calibre, et ce n'est pas lui que je visais en premier lieu. L'inculture de Nicolas Sarkozy, dont Michel Onfray s'est fait un dénonciateur, est devenue presque proverbiale à un certain moment. Je ne sais pas ce qu'il en est vraiment, mais si l'on compare avec ses prédécesseurs, c'est particulièrement frappant.
Sinon je ne savais pas que Deleuze s'était fait historien de l'immanence (du pathéisme ?). Si vous pouviez me donner la référence, cela m'intéresse.

Si le problème est celui de la nécessité de la religion dans la vie sociale et politique, il vous faut savoir que même chez Spinoza on trouve les mots de piété et de religion, et lui-même vante l'utilité de la religion afin de garantir l'unité de l'Etat, et au delà celle de tous les hommes de la Terre.
Donc le problème devient celui de savoir quelle religion nous voulons afin d'unir et de faire vivre en paix les milliards d'individus de cette planète.


Je ne peux pas vous suivre ici ; et dans une certaine mesure ce qui fait, depuis le début, que nous ne nous comprenons pas très bien, c'est que vous lisez le monde avec votre grille spinoziste (je ne dis pas que c'est un mal, j'y suis sensible).
Vous demandez quelle religion nous voulons, et vous sous-entendez que le panthéisme est cet antidote qui permettrait de réconcilier les hommes entre eux et avec la nature. En cela, vous vous opposez aux religions transcendantales, vous y opposez votre propre croyance, etc.
Moi, par exemple, je ne veux pas de religion du tout, parce que je ne crois pas en un Dieu, pas plus qu'à la divinité de l'homme dans la Nature. Encore une croyance que la mienne donc, pour notre liste.

Notre soit-disant modèle républicain est incapable de fournir des réponses cohérentes, philosophiques et scientifiques aux questions fondamentales que se posent légitimement toutes les populations du monde. Il se contente de laisser vivre en paix les religions les unes avec les autres.
Vouloir que l'Etat dise ce qui est vrai ou faux en toute matière, c'est précisément son rôle, tel que Spinoza le définit dans le traité politique. (...)
Je ne vois donc pas ce que notre modèle républicain a de si précieux et de si nécessaire. Cette tolérance pour des religions manifestement fausses est même un frein à la liberté, c'est à dire à la puissance même de l'Etat. Qui ne voit que les religions actuelles divisent plus qu'elles n'unissent ?
Pourquoi cette crainte de prendre parti pour la seule véritable religion, celle qui ne reconnaît que la Nature immanente, c'est à dire l'intelligence des hommes, comme source et origine de toute loi humaine ?


Là encore, vous me parlez en spinoziste, en religieux, en prosélyte.
C'est le propre du religieux d'ailleurs de parler de "vraie" et de "fausses" religions.
C'est le ferment même de la division que vous dénoncez parmi les hommes.
Vous allez me répondre que, justement, les monothéismes sont des religions, quand le panthéisme spinoziste est philosophique, que les premiers sont dogmatiques quand le second est spéculatif, etc...
Il n'empêche, chacune des deux options est une croyance.
Et si moi je décretais que le spinozisme est manifestement faux, et qu'il est évident que la seule religion est l'hégélianisme, par quoi l'homme se réconcilie aussi avec le monde et atteint la sagesse ? On n'en sort plus.
Notre modèle républicain est encore le meilleur moyen, face à cette somme de croyances qui ne s'accorderont jamais, de préserver tout un chacun dans sa croyance, si bon lui semble, tout en faisant de l'espace public un espace de vivre-ensemble, à condition de respecter les règles du jeu.

Donc, précisément, que le président de la République, qui est le délégué d'un ensemble de citoyens aux croyances diverses, ne respecte pas ces règles, cela m'inquiète.
Comme vous en somme, mais visiblement pas pour les mêmes raisons. :wink:

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Messagepar Faun » 21 févr. 2008, 22:44

Schmuke a écrit :Sinon je ne savais pas que Deleuze s'était fait historien de l'immanence (du panthéisme ?). Si vous pouviez me donner la référence, cela m'intéresse.


Il existe un livre de Deleuze sur Spinoza qui est une sorte de commentaire de l'Ethique, dans lequel il retrace l'histoire des philosophies de l'immanence, et qui s'appelle "Spinoza et le problème de l'expression" aux éditions de minuit. Notamment dans le livre 2 : "Le parallélisme et l'immanence".
Vous trouverez également quelques allusions au panthéisme dans les cours de Deleuze, ici :

http://www.webdeleuze.com/php/sommaire.html


Je ne peux pas vous suivre ici ; et dans une certaine mesure ce qui fait, depuis le début, que nous ne nous comprenons pas très bien, c'est que vous lisez le monde avec votre grille spinoziste (je ne dis pas que c'est un mal, j'y suis sensible).
Vous demandez quelle religion nous voulons, et vous sous-entendez que le panthéisme est cet antidote qui permettrait de réconcilier les hommes entre eux et avec la nature. En cela, vous vous opposez aux religions transcendantales, vous y opposez votre propre croyance, etc.
Moi, par exemple, je ne veux pas de religion du tout, parce que je ne crois pas en un Dieu, pas plus qu'à la divinité de l'homme dans la Nature. Encore une croyance que la mienne donc, pour notre liste.


Mais moi non plus je ne crois pas dans un Dieu, ici il n'est pas question de croyances ou d'avoir une quelconque foi, mais de savoir, et de savoir avec certitude, si l'être dont parle Spinoza dans la définition 6 de la partie 1 de l'Ethique existe ou n'existe pas. Si pour vous les démonstrations de la proposition 11 partie 1 ne sont pas probantes, elles le sont pour moi.

Permettez moi de vous citer un extrait d'une lettre de Spinoza, à Albert Burgh :

"Je ne prétend pas avoir rencontré la meilleure des philosophies, mais je sais que je comprend la vraie philosophie. Si vous me demandez comment je puis savoir cela, je dirai que c'est de la même manière que vous savez que les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits : et personne ne dira que cela ne suffit pas, s'il a le cerveau sain, et s'il ne rêve pas d'esprits impurs nous inspirant des idées fausses semblables à des idées vraies : le vrai, en effet, est la marque et du vrai et du faux."

Lettre 76.


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