volonté et entendement: un problème logique

Questions et débats touchant à la doctrine spinoziste de la nature humaine, de ses limites et de sa puissance.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 12 août 2008, 21:56

Joseph a écrit :Plutôt que d'ergoter et d'objecter, je te propose le "challenge" suivant: explique-nous la méthode de démonstration par l'absurde en adoptant une forme d'explication SPINOZISTE de cette méthode de démonstration. Merci de ne pas t'écarter de l'esprit du spinozisme, du début à la fin.

***

Comme tu acceptes sportivement le défi je te donne tout de suite la difficulté qui n'est pas là où tu crois mais ici: puisque le spinozisme, selon toi, est fondé sur les idées singulières et non les abstractions, tu vas avoir beaucoup de mal à expliquer à la fois comment tu parviens à définir une méthode générale, d'une part, et d'autre part à valider une telle méthode. A mon avis c'est totalement impossible. L'issue est du côté de la concession que fait Spinoza, selon Durtal et moi, et que tu ne lis pas comme nous. Bref, je suis méchant avec toi parce que je viens de te donner un motif d'insomnie...


Cher Joseph,

voici la tentative promise hier.

Tu as bien fait de déjà préciser où se trouve selon toi la difficulté, car je n'aurais pas pensé à intégrer cet aspect dans ce que je voulais dire si tu ne l'avais pas mentionné. Commençons donc par là.

Tu dis que selon moi le spinozisme serait fondé sur des "idées singulières et non les abstractions". C'est un peu bizarre, car le message auquel je suppose que tu réfères dit d'une part que toute l'Ethique est une grande abstraction, et d'autre part que la philosophie de Spinoza (son ontologie etc) se base non pas sur des idées singulières (toute idée est singulière chez Spinoza, puisqu'elle est un mode de l'attribut, chaque mode étant singulier) mais sur des ESSENCES singulières. C'est quand on n'admet plus que des essences singulières que la généralité perd son fondement ontologique.

Par conséquent, expliquer le fonctionnement de la méthode de démonstration par l'absurde en respectant le spinozisme n'est à proprement parler possible qu'à condition de montrer sur base d'un exemple concret comme elle procède, et non pas en donnant une explication de cette méthode en général. Après, on pourra éventuellement "abstraire" une règle générale de ce que je fais dans l'exemple en question. Mais je crois que ce sera plus clair si l'on passe d'abord par une reductio ad absurdum d'une thèse ou idée singulière.

Comme je le disais hier, je suis a priori assez convaincue de cette possibilité, mais depuis lors je n'ai pas encore eu le temps de la tester concrètement, donc je le fais ici "in real time", on verra bien si j'aboutis au résultat prévu ou non. Si ce n'est pas le cas, voici que tu auras déjà une preuve éventuelle de sa non possibilité.

Prenons comme exemple concret la démonstration de l'E1P11:

Spinoza a écrit :Dieu, autrement dit une substance consistant en une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie, existe nécessairement.

DEMONSTRATION.
Si tu le nies, conçois, si c'est possible, que Dieu n'existe pas. Donc (par l'Axiome 7) son essence n'enveloppe pas l'existence. Or cela (par la Prop. 7) est absurde: Donc Dieu existe nécessairement. CQFD.


Spinoza nous propose ici l'idée, censée être claire et distincte, donc adéquate, vraie, de l'existence nécessaire de Dieu.

Pour prouver l'adéquation, il démontre l'absurdité de l'idée contraire, donc de la non existence de Dieu. Comment le fait-il?

Il s'adresse à celui qui nie que Dieu existe. Dans la théorie de la connaissance spinoziste, cela signifie que cette personne a l'idée de Dieu (en soi affirmative, comme toute idée, appelons-la idée A), mais dispose également d'une deuxième idée B, qui exclut l'existence de Dieu. Son Esprit formera alors une troisième idée C, qui a les deux idées A et B comme objets, qui les compare, et qui en conclut qu'en vérité, Dieu n'existe pas (tout comme un enfant ne croira plus qu'un cheval ailé existe dès qu'il dispose d'une deuxième idée qui en exclut l'existence réelle, en dehors de son Esprit).

Spinoza s'adresse donc à celui qui est dans cet état d'Esprit. Comme le demande toute réduction à l'absurde, il va ensuite développer les conséquences logiques de cette idée C, en tenant compte ce que cette personne est déjà censée avoir accepter comme vraie dans les propositions précédentes. Bref, il attire l'attention de cette personne sur d'autres idées encore, il les rend présent à l'Esprit. Ces idées sont les suivantes:
- à la nature d'une substance appartient d'exister (E1P7)
- Dieu est une substance (E1Déf.6)

On peut bien sûr objecter que la deuxième idée n'est qu'une définition, et donc pas encore une idée vraie, mais je crois qu'à l'époque cette idée étant généralement acceptée comme étant vraie (à vérifier). Si on refuse cette hypothèse, on peut se contenter de l'idée que seulement la première idée est vraie, cela suffit pour ce que je veux montrer.

Maintenant la personne ayant l'idée C (= nie l'existence de Dieu) contemplera en même temps une idée D qui exclut l'idée C. Par conséquent, elle est obligée de nier la vérité de C. CQFD.

CONCLUSION: dans ce cas de figure, on n'a que des opérations entre des idées singulières. A aucun moment on n'a besoin de postuler l'existence réelle d'une "essence adéquate" de la négation. Bien sûr, cela ne t'aura pas échappé que j'ai néanmoins fait usage d'une REGLE générale: celle qui dit que nier la vérité d'une idée, c'est disposer d'une deuxième idée qui exclut l'existence de ce à quoi réfère la première idée.

Mais encore une fois, l'Ethique est plein de règles générales et d'abstractions. Seulement, celles-ci ne réfèrent qu'à des idées (singulières elles aussi) que l'on utilise pour instaurer mentalement tel ou tel rapport entre des idées (ici: un rapport de négation), tandis que ce rapport (comme tout rapport, chez Spinoza), n'a pas d'essence singulière à lui.

C'est pourquoi je t'ai déjà dit dès le tout début de cette discussion qu'à mon sens le spinozisme est véritablement un monisme au sens russellien du terme: les rapports n'existent pas en dehors des termes. C'est parce qu'on n'a pas, comme dans un pluralisme russellien, une extériorité des rapports aux termes qu'ils relient, que ces rapports ne peuvent recevoir une consistance propre, en dehors des termes. C'est pourquoi quand Spinoza identifie, comme Descartes, volonté et affirmation, que du fait même de son monisme il est obligé de ne plus accepter que des affirmations (et donc des volitions) singulières. Dans un tel système, les rapports affectent les termes, ils ne sont plus "neutres" par rapport aux termes (et dans ce cas-ci, Spinoza dit même que l'affirmation singulière n'est rien d'autre que l'essence singulière de l'idée).

J'avoue qu'ayant maintenant explicité ce que j'avais vaguement en tête, je ne vois effectivement pas en quoi cela rendrait une réduction par l'absurde impossible. Il faut juste rappeler que cette réduction dans la réalité se fait toujours au singulier, entre des idées singulières précises, et que le procédé général n'est qu'une abstraction opérée par notre Esprit, sans référer à une entité réelle. Il s'agit donc, comme Spinoza le dit littéralement dans le dernier scolie de l'E2, d'une ens universalis, qui contrairement à ce qui se passe dans un pluralisme n'est PAS une ens realis, comme il le dit quelques lignes plus bas, mais une simple ens abstracta, c'est-à-dire une idée que l'on DIT ou prédique de beaucoup d'autres idées.

Or dire que toutes les idées ont l'affirmation "en commun", ce n'est qu'un dire. Dans la réalité, nous pouvons donc DIRE des idées qu'ils ont l'affirmation en commun, mais nous ne pourrons pas trouver en nous une entité réelle capable de juger chaque idée, abstraction faite de l'affirmation singulière qu'elle exprime, pour ensuite lui ajouter réellement une affirmation. Autrement dit: prédiquer une caractéristique x d'une idée y, ce n'est pas la même chose que de disposer nous-mêmes d'une faculté x, capable d'ajouter systématiquement x aux idées y, z etc. Enfin, je suppose que ce dernier paragraphe ne sera pas tout à fait clair pour tous, mais cela n'est pas grave, au sens où il me semble que ce n'est pas nécessaire de bien comprendre ce que je veux dire par là pour pouvoir constater comment la réduction à l'absurde peut parfaitement fonctionner dans un monisme.

Ce qui n'empêche que toute critique est plus que bienvenue!
Cordialement,
L.

PS à Durtal: je n'ai pas encore pu lire en détail tes derniers messages concernant les notions communes. Ayant depuis hier soir un autre horaire de travail, j'y répondrai certainement, mais probablement un peu moins rapidement que d'habitude - ce qui vaudra d'ailleurs en général et non seulement pour tes messages à toi (du moins pour les deux semaines à venir). En tout cas je t'en remercie déjà, car surtout le premier me semble être potentiellement fort instructif quant aux divergences et convergences éventuelles entre ta façon de concevoir les notions communes et la mienne. Bref, je reviens là-dessus!).

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sescho
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Messagepar sescho » 12 août 2008, 22:51

A Durtal,

Ce que tu en dis me convient bien, très bien même. J'émettrais juste la réserve que même dans les axiomes (notions communes ou pas) et les premières définitions on trouve des notions générales (en fait on en trouve nécessairement partout dans le cadre du deuxième genre) ; il faut donc bien qu'elles soient au moins aussi claires. Mais d'accord, ces notions sont sans doute plus sujettes à l'erreur que leur conséquents lorsqu'elles sont justes.

Durtal a écrit :... ce qui est selon moi le point le plus important pour la controverse ayant lieu ici, que le principale problème qu'à Spinoza avec les notions générales n'est pas qu'elles soient générales, mais qu'on les interprète à tort comme signifiant des êtres particuliers.

C'est ce qui m'apparaît nettement aussi, et même incontournable. Sinon pourquoi ne pas le dire clairement : Spinoza dit que les universaux sont de graves confusions et il passe son temps à les utiliser en visant la connaissance pure ; ils les appelle même "êtres de Raison" ; il est donc en flagrante, massive et rédhibitoire contradiction performative (sans doute un idiot doublé d'un imbécile à ce stade.) On jette les gaules et on plie les asticots...

Ou alors on réfléchit.

Ce que j'ajouterais aussi c'est que la connaissance du troisième genre apparaît comme le résultat ultime d'un processus de purification des idées : tirées des sensations et de la mémoire de celles-ci, les notions générales pertinentes (êtres de Raison) permettent, avec les notions communes (pour Spinoza : les axiomes en général), de dégager des lois suivant le deuxième genre (qui est un peu bâtard, quoiqu'adéquat : la chose est certaine selon le raisonnement, mais on ne la vit pas pleinement pour autant), qui finalement sont (éventuellement) vues à l'œuvre, en pure intuition claire ("prise de conscience"), sans verbaliser, dans les choses singulières avec lesquelles on est en contact. De l'être réel vers l'être réel mais dans les limites assez sévères que sa propre nature impose à l'Homme en matière de clarté, qui ne lui accorde en particulier pas la connaissance claire et distincte de la chose singulière dans sa singularité (particulière) mais uniquement de certaines de ses propriétés, au premier rang desquelles - Reine de toutes, en fait - sa nature de manière d'être non en soi mais en Dieu, l'être parfait et éternel.

Et le premier genre de connaissance est bien un genre de connaissance.

Quelques références en passant :

Un livre détecté par hasard sur Google livres, abordant le sujet :

http://books.google.fr/books?id=93lm592JAjAC

Des fils antérieurs qui ont un rapport avec la discussion en cours :

http://www.spinozaetnous.org/ftopicp-6731.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopict-219.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopic-690 ... sc-30.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopic-698-20.html

http://spinozaetnous.org/ftopicp-2462.html

http://www.spinozaetnous.org/ftopic-469-50.html


Serge
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Messagepar Louisa » 12 août 2008, 23:00

Sescho a écrit :Un livre détecté par hasard sur Google livres, abordant le sujet :

http://books.google.fr/books?id=93lm592JAjAC


merci pour le lien!!
L.

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Julien_T
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Messagepar Julien_T » 13 août 2008, 09:37

A Louisa,

Ton dernier post est parfaitement correct, à quelques imprécisions près.

« Bien sûr, cela ne t'aura pas échappé que j'ai néanmoins fait usage d'une REGLE générale: celle qui dit que nier la vérité d'une idée, c'est disposer d'une deuxième idée qui exclut l'existence de ce à quoi réfère la première idée. »

Ce n’est pas en vertu de l’usage d’une règle (ou alors il faudrait préciser cette expression qui reste relativement vague) que Spinoza pense que toute idée ne peut suivre que d’autres idées. Disons que cela est solidaire –mais il faudrait précisément définir cette solidarité, qui est un terme bien vague aussi- d’une vision du monde, d’une théorie globale. C’est pour cela que je disais dès mon premier post que nous sommes en ces questions devant des points nodaux ou primordiaux : Descartes et Spinoza ont tous les deux à démontrer, ou montrer, la vérité de ce qu’ils entendent définir dans leur système. Le deuxième a cet avantage de ne pas multiplier les entités qualitatives. Il s’agit bien en dernière instance de revenir aux « choses mêmes », c’est-à-dire de décrire comment les « choses se font choses », selon le mot de Merleau-Ponty.



« Mais encore une fois, l'Ethique est plein de règles générales et d'abstractions. Seulement, celles-ci ne réfèrent qu'à des idées (singulières elles aussi) que l'on utilise pour instaurer mentalement tel ou tel rapport entre des idées (ici: un rapport de négation), tandis que ce rapport (comme tout rapport, chez Spinoza), n'a pas d'essence singulière à lui.

C'est pourquoi je t'ai déjà dit dès le tout début de cette discussion qu'à mon sens le spinozisme est véritablement un monisme au sens russellien du terme: les rapports n'existent pas en dehors des termes. C'est parce qu'on n'a pas, comme dans un pluralisme russellien, une extériorité des rapports aux termes qu'ils relient, que ces rapports ne peuvent recevoir une consistance propre, en dehors des termes. C'est pourquoi quand Spinoza identifie, comme Descartes, volonté et affirmation, que du fait même de son monisme il est obligé de ne plus accepter que des affirmations (et donc des volitions) singulières. Dans un tel système, les rapports affectent les termes, ils ne sont plus "neutres" par rapport aux termes (et dans ce cas-ci, Spinoza dit même que l'affirmation singulière n'est rien d'autre que l'essence singulière de l'idée). »

Ton utilisation des termes « pluralisme » et « monisme » est sujette à caution. James par exemple défend une pensée à la fois pluraliste et moniste. Pluraliste en ce que tout contenu de conscience, d’expérience, est toujours singulier en chaque individu lui-même singulier. Moniste en ce sens que le flux expérientiel est continu et que, par opposition à Russel, nous faisons l’expérience des rapports entre les termes reliés comme nous faisons l’expérience des termes eux-mêmes. Le flux de conscience ne saute pas de termes en termes pour poser des rapports qualitativement distincts entre les termes : les rapports eux-mêmes sont des objets d’expérience de conscience de même étoffe que les termes reliés. Le flux est continu, tout en étant fait de points d’inflexion, de concentration, de saillance : les idées restent comme chez Spinoza -et tout empiriste non idéaliste- absolument singulières, tout en constituant le flux continu d’une conscience unitaire. Aucune extériorité en effet des rapports par rapport aux termes, ni des termes entre eux. (Je pense que James n’est pas très éloigné de Spinoza). Mais il est vrai qu’en opposition avec l’atomisme de Russel, une idée ou proposition chez Spinoza n’est effective qu’en tant qu’elle fait partie intégrante d’une totalité d’idées/du monde qui la rend possible.


« Or dire que toutes les idées ont l'affirmation "en commun", ce n'est qu'un dire. »

Non, dire que les idées ont en commun d’être affirmatrices n’est pas « qu’un dire ». Ce n’est en tout cas pas le même dire que «‘ç!tyehzrifjh ». Il est possible d’affirmer à la fois que toute idée est singulière, et partant, que toute affirmation effective est singulière, et que chaque idée peut être caractérisée par ce que signifie la notion générale d’affirmation. Il faut en fait comprendre que le spinozisme pose l’équation suivante : idée=affirmation=volition=esprit. Mais chacun des termes de cette équivalence garde sa signification propre. L’esprit n’est rien d’autre que le flux de modifications de ses idées. Lorsque nous parlons de contenu de conscience, il faut préciser que dans ce cas le contenant n’est pas réellement dissociable ou distinguable de ce qu’il contient. Il fait un avec son matériau (James affirme que la conscience n’est rien, ou plutôt qu’elle n’est qu’un pli réflexif d’un flux expérientiel continu sur lui même). Donc en effet, comme nous nous tuons à le répéter depuis le début de ce topic, Spinoza refuse d’inférer de la notion générale d’affirmation, ou de volonté, l’existence d’une faculté réellement distincte d’affirmer ou de vouloir présente en chacun. Mais pour autant, si l’idée singulière est affirmation singulière, et que l’idée singulière, ou plutôt l’idée de l’idée n’est rien d’autre que l’esprit, alors l’esprit est affirmation d’affirmations singulières.
Alors, oui, la réduction à l’absurde ne consiste qu’à développer et confronter entre elles rien d’autre que des idées singulières, par conséquent elle est, en tant que réalité, une opération chaque fois singulière qui ne nécessite aucune autre affirmation ou négation que celles qui résultent des combinaisons possibles entre idées singulières dans un esprit singulier. Mais les mots ont un sens, et les propriétés communes des choses sont, dans le cas des notions générales (mais c’est le cas de chacun des mots que nous employons à chaque instant hormis les noms propres qui désignent directement un singulier !) le signifié réel ou objectif à quoi réfère l’expression correspondante. Il y a de toute façon une tension qui ne trouve pas solution : pour les empiristes, toute idée est absolument singulière, c’est-à-dire résulte de l’expérience singulière d’un corps singulier avec un environnement singulier. Comment alors une singularité peut-elle renvoyer à de l’universel, à du général, à un divers abstrait qu’elle n’est pas. Cette question recoupe celle du statut des idéalités mathématiques, du statut de leur existence, de leur mode d’être. Comment une représentation générale est-elle possible ? Les cours d’Husserl sur les théories abstractionnistes de Locke, Hume et Berkeley sont particulièrement éclairants (et passionnants). Il montre la difficulté qu’il y a à vouloir faire dériver l’abstraction, qui est censée re-présenter une propriété commune à plusieurs objets, de l’impression-idée sensible singulière formée dans un corps singulier. Comment, au sein du singulier, qui est la trace singulière qu’un objet singulier fait sur notre corps singulier, nous arrivons à tirer quelque chose qui dépasse cette singularité pour renvoyer à de l’universel ou du général, c’est-à-dire comment nous arrivons à référer, au moyen de la signification, à ce qui n’est pas immédiatement présent mais dont nous visons pourtant la re-présentation. Rendre présent ce qui ne l’est pas, telle est l’énigme de la représentation. Le jeune Husserl tentera de trouver une solution du côté de la signification, en en faisant une sorte d’idéalité platonicienne. Mais la difficulté reste en grande partie irrésolue chez Spinoza, c’est pourquoi il est nécessaire de manipuler d’autres concepts et d’essayer de penser à partir de lui, et non seulement de le paraphraser.

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Messagepar Louisa » 13 août 2008, 11:59

Cher Julien_T,

merci de ta réponse. Il est bien probable que je serai interrompue en écrivant ce message-ci, donc désolée déjà si ma réponse sera éventuellement "tronquée" (si c'est le cas je la complèterai par après).

Julien_T a écrit :Louisa:
« Bien sûr, cela ne t'aura pas échappé que j'ai néanmoins fait usage d'une REGLE générale: celle qui dit que nier la vérité d'une idée, c'est disposer d'une deuxième idée qui exclut l'existence de ce à quoi réfère la première idée. »

Julien_T:
Ce n’est pas en vertu de l’usage d’une règle (ou alors il faudrait préciser cette expression qui reste relativement vague) que Spinoza pense que toute idée ne peut suivre que d’autres idées.


D'abord, je ne vois pas en quoi ce que j'écris aurait quelque chose à voir avec la règle "toute idée ne peut suivre que d'autres idées". Cette règle me semble être correcte, mais ce n'est pas ce qui définit le fait de nier une idée, pour autant que je l'aie compris (ou si tu crois que si, pourrais-tu l'expliquer davantage?).

Puis la règle à laquelle je référais moi-même, c'est exactement celle que je viens de dire: nier une idée, c'est d'abord avoir l'idée (l'Esprit forme les idées positives avant les idées négatives), puis former/concevoir une AUTRE idée (et qui ne peut nullement être causée par cette première idée seule). La première idée A est affirmative, comme l'est toute idée. La deuxième idée B est nécessairement affirmative aussi, mais ce qu'elle affirme, c'est que l'existence de ce à quoi réfère A, est exclue. Elle nie donc l'existence de la référence de A. Quand l'Esprit fait attention à la fois à A et B, c'est-à-dire forme une troisième idée C, il en conclut qu'il faut nier la référence de A.

Il ne s'agit de rien d'autre d'une règle, puisque ci-dessus je ne viens que d'expliciter un rapport purement formel (utilisant les variables A, B, C etc). Or dès qu'on accepte la "concession", comme le dit Joseph, que toi-même, Sescho, Durtal et Joseph acceptons (et qui pour moi est une véritable distorsion du texte), ce rapport formel référerait quelque part néanmoins une entité réelle, entité AUTRE que l'idée qu'il est lui-même (l'idée de la règle, donc).

Par conséquent, vous introduisez une référence réelle pour l'idée "nier une idée". Dès que vous faites cela, vous faites quelque chose de très semblable que Frege quand il distingue le sens d'une idée de la valeur de vérité d'une idée, vous introduisez une "barre d'assertion". A ce moment-là, on ne voit pas ce qui empêcherait cette idée "nier une idée" d'avoir une existence propre. Mais alors - je maintiens que pour moi le raisonnement qu'a proposé ici dès le début Joseph, en tant que raisonnement, était correcte - vous avez établi tout ce qu'il faut pour avoir une réelle faculté de nier, puisque l'acte de nier a une réalité en tant que tel, dans toute sa généralité.

Qu'ensuite vous dites que cette généralité se trouve "incarnée" dans les choses et n'existe jamais seule, isolée du reste, ne change plus rien. Dire qu'il y a des essences générales, qu'ils existent réellement, mais jamais séparées des choses dont on les prédique, c'est déjà abandonner l'idée que toute essence est singulière, au sens précis que Spinoza donne à ce mot. Autrement dit, vous faites de ce que Spinoza appelle par exemple l'essence de l'homme ce qu'il appelle la "nature" de l'homme. Seule cette dernière est la même pour tout homme (et hélas Spinoza n'explique pas quel statut donner à cette notion de nature; mais il précise tout de même qu'à cette nature appartient la raison), l'essence de l'homme en revanche n'est qu'une abstraction, en pratique chaque essence de l'homme étant singulière, c'est-à-dire n'ayant RIEN en commun avec les autres essences.

Julien_T a écrit :Louisa:
« Mais encore une fois, l'Ethique est plein de règles générales et d'abstractions. Seulement, celles-ci ne réfèrent qu'à des idées (singulières elles aussi) que l'on utilise pour instaurer mentalement tel ou tel rapport entre des idées (ici: un rapport de négation), tandis que ce rapport (comme tout rapport, chez Spinoza), n'a pas d'essence singulière à lui.

C'est pourquoi je t'ai déjà dit dès le tout début de cette discussion qu'à mon sens le spinozisme est véritablement un monisme au sens russellien du terme: les rapports n'existent pas en dehors des termes. C'est parce qu'on n'a pas, comme dans un pluralisme russellien, une extériorité des rapports aux termes qu'ils relient, que ces rapports ne peuvent recevoir une consistance propre, en dehors des termes. C'est pourquoi quand Spinoza identifie, comme Descartes, volonté et affirmation, que du fait même de son monisme il est obligé de ne plus accepter que des affirmations (et donc des volitions) singulières. Dans un tel système, les rapports affectent les termes, ils ne sont plus "neutres" par rapport aux termes (et dans ce cas-ci, Spinoza dit même que l'affirmation singulière n'est rien d'autre que l'essence singulière de l'idée). »

Julien_T:
Ton utilisation des termes « pluralisme » et « monisme » est sujette à caution. James par exemple défend une pensée à la fois pluraliste et moniste. Pluraliste en ce que tout contenu de conscience, d’expérience, est toujours singulier en chaque individu lui-même singulier. Moniste en ce sens que le flux expérientiel est continu et que, par opposition à Russel, nous faisons l’expérience des rapports entre les termes reliés comme nous faisons l’expérience des termes eux-mêmes.


comme je l'ai dit, je n'ai pas donné MA définition du monisme, j'ai précisé que je ne parlais que du monisme au sens que lui donne Russell (voir début de cette discussion, où je donne les références et citations exactes). D'autres auteurs bien sûr ont donné d'autres définitions. Il suffit de bien indiquer de QUELLE définition on parle pour savoir de quoi on parle.

Julien_T a écrit :Le flux de conscience ne saute pas de termes en termes pour poser des rapports qualitativement distincts entre les termes : les rapports eux-mêmes sont des objets d’expérience de conscience de même étoffe que les termes reliés. Le flux est continu, tout en étant fait de points d’inflexion, de concentration, de saillance : les idées restent comme chez Spinoza -et tout empiriste non idéaliste- absolument singulières, tout en constituant le flux continu d’une conscience unitaire. Aucune extériorité en effet des rapports par rapport aux termes, ni des termes entre eux.


chez Spinoza, toutes les passions sont causées par des corps extérieurs à mon Corps. Du point de vue du mode, il y a donc bel et bien une extériorité des choses entre elles.

Julien_T a écrit :Louisa:
« Or dire que toutes les idées ont l'affirmation "en commun", ce n'est qu'un dire. »

Julien_T:
Non, dire que les idées ont en commun d’être affirmatrices n’est pas « qu’un dire ». Ce n’est en tout cas pas le même dire que «‘ç!tyehzrifjh ». Il est possible d’affirmer à la fois que toute idée est singulière, et partant, que toute affirmation effective est singulière, et que chaque idée peut être caractérisée par ce que signifie la notion générale d’affirmation.


il est certainement possible d'affirmer cela. Mais alors tu fais comme si l'affirmation réfère à une propriété commune des idées. Comme déjà dit, chez Spinoza, les propriétés que les choses ont en commun avec d'autres choses, ne constituent pas l'essence de ces choses (E2P37). Or l'affirmation, dit-il, n'est RIEN d'autre que l'essence même de l'idée affirmée (E2P49). Par conséquent, on ne peut PAS se permettre la "concession" qui consiste à dire que la notion générale d'affirmation se trouve dans toute idée.

C'est cela la "distorsion" qui à mes yeux est à la base même de vos interprétations de l'affirmation et des notions communes et universelles en tant que telles. Pour le reste, vous (= toi-même, Sescho, Durtal, Joseph) dites à ce sujet bien sûr des choses fort intéressantes, et pas mal de choses avec lesquelles je suis tout à fait d'accord, mais la "théorie de la généralité" que vous êtes en train de construire pour moi est non spinoziste au sens où il faut vraiment carrément oublier cette contradiction pour la faire tenir.

Julien_T a écrit : Il faut en fait comprendre que le spinozisme pose l’équation suivante : idée=affirmation=volition=esprit. Mais chacun des termes de cette équivalence garde sa signification propre. L’esprit n’est rien d’autre que le flux de modifications de ses idées.


chez Spinoza, l'Esprit a également une essence éternelle. Le flux de modifications des idées n'existe que dans le temps, pas au point de vue de l'éternité.

Julien_T a écrit : Lorsque nous parlons de contenu de conscience, il faut préciser que dans ce cas le contenant n’est pas réellement dissociable ou distinguable de ce qu’il contient. Il fait un avec son matériau (James affirme que la conscience n’est rien, ou plutôt qu’elle n’est qu’un pli réflexif d’un flux expérientiel continu sur lui même). Donc en effet, comme nous nous tuons à le répéter depuis le début de ce topic, Spinoza refuse d’inférer de la notion générale d’affirmation, ou de volonté, l’existence d’une faculté réellement distincte d’affirmer ou de vouloir présente en chacun. Mais pour autant, si l’idée singulière est affirmation singulière, et que l’idée singulière, ou plutôt l’idée de l’idée n’est rien d’autre que l’esprit, alors l’esprit est affirmation d’affirmations singulières.


ok, mais en disant cela, encore une fois, vous acceptez l'existence réelle d'essences générales. Vous dites ensuite que celles-ci sont toujours "incarcées" dans les choses, mais vous leur donnez néanmoins une existence en soi. Pour moi, vous (= tous ceux qui sont ici d'accord à ce sujet) confondez ainsi l'inséparabilité avec l'identité. Toute propriété commune est inséparable de la chose à laquelle elle appartient. Mais elle n'est pas IDENTIQUE à cette chose, puisqu'elle n'appartient pas à l'essence de la chose.

Julien_T a écrit :Alors, oui, la réduction à l’absurde ne consiste qu’à développer et confronter entre elles rien d’autre que des idées singulières, par conséquent elle est, en tant que réalité, une opération chaque fois singulière qui ne nécessite aucune autre affirmation ou négation que celles qui résultent des combinaisons possibles entre idées singulières dans un esprit singulier. Mais les mots ont un sens, et les propriétés communes des choses sont, dans le cas des notions générales (mais c’est le cas de chacun des mots que nous employons à chaque instant hormis les noms propres qui désignent directement un singulier !) le signifié réel ou objectif à quoi réfère l’expression correspondante. Il y a de toute façon une tension qui ne trouve pas solution : pour les empiristes, toute idée est absolument singulière, c’est-à-dire résulte de l’expérience singulière d’un corps singulier avec un environnement singulier. Comment alors une singularité peut-elle renvoyer à de l’universel, à du général, à un divers abstrait qu’elle n’est pas. Cette question recoupe celle du statut des idéalités mathématiques, du statut de leur existence, de leur mode d’être. Comment une représentation générale est-elle possible ? Les cours d’Husserl sur les théories abstractionnistes de Locke, Hume et Berkeley sont particulièrement éclairants (et passionnants). Il montre la difficulté qu’il y a à vouloir faire dériver l’abstraction, qui est censée re-présenter une propriété commune à plusieurs objets, de l’impression-idée sensible singulière formée dans un corps singulier. Comment, au sein du singulier, qui est la trace singulière qu’un objet singulier fait sur notre corps singulier, nous arrivons à tirer quelque chose qui dépasse cette singularité pour renvoyer à de l’universel ou du général, c’est-à-dire comment nous arrivons à référer, au moyen de la signification, à ce qui n’est pas immédiatement présent mais dont nous visons pourtant la re-présentation. Rendre présent ce qui ne l’est pas, telle est l’énigme de la représentation. Le jeune Husserl tentera de trouver une solution du côté de la signification, en en faisant une sorte d’idéalité platonicienne. Mais la difficulté reste en grande partie irrésolue chez Spinoza, c’est pourquoi il est nécessaire de manipuler d’autres concepts et d’essayer de penser à partir de lui, et non seulement de le paraphraser.


je reviens là-dessus (et sur les autres messages auxquels je dois encore répondre, notamment celui de Durtal de lundi soir).
A très bientôt!
L.

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Messagepar Durtal » 13 août 2008, 13:48

Louisa,

Louisa a écrit :Or dire que toutes les idées ont l'affirmation "en commun", ce n'est qu'un dire.


C'est ce qu'on appelle botter en touche.... Car la vraie question est celle de savoir si de le "dire" est vrai ou faux.

A te lire, de toute façon, je te trouve de plus en plus confuse. Je n'arrive plus à identifier ce avec quoi tu n'es pas d'accord.

En effet, lorsque l'on dit "toutes les affirmations singulières ont en commun d'affirmer quelque chose", il n'est nullement besoin, pour assurer que cette phrase est vraie, si elle l'est, de prétendre qu'elle suppose une chose unique "x" qui est distribuée sur toutes les affirmations singulières. Tu crois que c'est ce qu'elle dit, mais tu te trompes.

Je donnerai de ceci une illustration alernative, on met une olive dans chacun de ces trois cocktails : dans le "Inès", dans le "Dirty Martini" et enfin dans le célèbre "Petit Grégory" ( :)). L'olive est donc un ingrédient qui est "présent" dans ces trois préparations.

Mais une propriété commune ne fonctionne justement pas sur un modèle de ce genre. L'olive en tant que telle est un "ingrédient" ou une "partie" de ces trois cocktails, mais n'est pas une "propriété commune" aux trois boissons, ni "quelque chose de commun" aux trois préparations; car on entend pas en effet que les trois boissons doivent être préparées avec la même olive!

Si l'on veut exprimer les choses en terme de "propriété commune" on devra dire quelque chose comme: " être servis avec une olive" ou "contenir une olive", expressions qui elles, en revanche, désignent "une propriété" laquelle, en l'espèce, est "commune" aux trois boissons.

Mais, rechercher, ce qui, dans chacun des trois cocktails, correspond à "l'objet", "être servis avec une olive", ou « contenir une olive » c'est partir, si tu veux mon avis, à la chasse au Snark et faire de la mauvaise grammaire.

Or j'ai bien l'impression que c'est ce que tu fais mutatis mutandis, avec l'affirmation comme propriété commune de toutes les affirmations singulières. Tu demandes: mais où est cette "affirmation" dans chacune des affirmations? Un peu comme tu demanderais: Où est donc votre "objet" "être préparé avec une olive" dans les cocktails, car moi je n'y vois que telle ou telle olive ?

Le problème est que cette dernière question n'a aucun sens (une propriété n'est pas un objet), et que nier que l'on puisse parler de propriété commune à plusieurs chose, parce qu'il n'y a pas d'objet singulier "correspondant" à cette propriété commune est ni plus ni moins absurde que de prétendre qu'on peut le faire parce qu'il y aurait un tel objet. ( c'est, il faut que tu t'en rendes compte, exactement la même absurdité)

Et je mettrai d'ailleurs ma main à couper que de toute façon tu vas « me faire le coup » pour les propriétés des notions dites "communes" car je ne vois pas d'autre raison pourquoi, autrement, tu les distinguerais des notions universelles comme tu le fais. Je veux dire tu vas tenter de me transformer les propriétés communes "en choses singulières" (ce qui, bien entendu, sera contre l'hypothèse) mais "présentes en toutes choses"comme l'olive dans le martini.

Enfin pour recentrer le débat, parce que nous nous sommes tous un peu perdu je crois dans le jeu croisé des accords/désaccords, sur tel point et non sur tel autre ect...Je pense que ce que Joseph n'admet pas ( qu'il me corrige si je me trompe) c’est que Spinoza concède que toutes les affirmations singulières ont au moins ceci en commun d’affirmer quelque chose, et qu’au fond Descartes n’en demande pas beaucoup plus. Quant à moi je ne suis pas persuadé que Descartes n’en demande pas beaucoup plus. Mais je reviendrai tantôt là dessus, car à ce stade, je suis moi même un peu dans la confusion et il faut que je reprenne au calme ce que les uns et les autres ont écrits.

D.
Modifié en dernier par Durtal le 13 août 2008, 14:57, modifié 1 fois.

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Messagepar Louisa » 13 août 2008, 14:35

Durtal a écrit :Louisa a écrit:
Or dire que toutes les idées ont l'affirmation "en commun", ce n'est qu'un dire.

Durtal:
C'est ce qu'on appelle botter en touche.... Car la vraie question est celle de savoir si de le "dire" est vrai ou faux.


Bonjour Durtal,

je ne vois pas en quoi cette question pourrait être spinoziste. Un dire n'est qu'un dire, c'est-à-dire des mots, et les mots sont des images, donc des affections du corps. On ne dit pas des corps qu'ils sont vrais ou faux, dans le spinozisme, on ne le dit que des idées.

C'est parce que c'est Spinoza lui-même qui dit que les notions universelles ne sont "que" des mots, des "termes" (comme il le dit aussi littéralement), que son nominalisme est bel et bien un "terminisme", comme on le disait au Moyen Âge: les universaux ne sont que des mots, ils ne réfèrent à rien de réel (sauf à l'idée dont ils sont le signe, bien sûr, idée qui quant à elle existe bel et bien dans l'Esprit de celui qui la pense).

Sinon j'ai beaucoup envie de répondre en détail à ce que tu dis dans la suite de ton message, car tu y abordes les choses d'un point de vue intéressant, qui va peut-être nous permettre d'avancer un peu. Mais je vais hélas devoir m'arrêter ici pour le moment .. . :cry:

En général, il me semble que pour l'instant, chacun d'entre nous est plutôt en train d'explorer/développer sa prope conception (avec clairement un point de convergence important entre ce que vous tous dites et que je ne peux pas accepter comme étant vrai moi-même), ce qui est très bien, et sans aucun doute absolument nécessaire pour pouvoir mieux saisir une question aussi difficile que celle que nous abordons ici. Pour la même raison, j'espère vraiment pouvoir trouver encore le temps bientôt pour répondre en détail aussi à tes messages précédents.

Mais sinon je crois que ce serait de toute façon effectivement une excellente idée d'essayer de résumer un peu l'essentiel de ce qui a été dit ces derniers jours, afin de préciser maximalement 1) qui est d'accord sur quoi, et 2) dans quelle mesure nous avons pour l'instant trouvé une réponse satisfaisante au problème soulevé par Joseph. Si personne n'a envie de se lancer dans ce genre d'exercice, je veux bien faire une première tentative moi-même, mais alors cela va encore plus retarder mes réponses aux messages précédents, donc je ne sais pas très bien quoi faire. Enfin, à vous peut-être de voir ce que vous trouvez le plus urgent.

A très bientôt!!
L.

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Messagepar Durtal » 13 août 2008, 14:59

Louisa a écrit :
Durtal a écrit :Louisa a écrit:
Or dire que toutes les idées ont l'affirmation "en commun", ce n'est qu'un dire.

Durtal:
C'est ce qu'on appelle botter en touche.... Car la vraie question est celle de savoir si de le "dire" est vrai ou faux.


Bonjour Durtal,

je ne vois pas en quoi cette question pourrait être spinoziste. Un dire n'est qu'un dire, c'est-à-dire des mots, et les mots sont des images, donc des affections du corps. On ne dit pas des corps qu'ils sont vrais ou faux, dans le spinozisme, on ne le dit que des idées.



C'est une blague je présume....

D.

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Messagepar Faun » 13 août 2008, 15:15

Louisa a écrit :chez Spinoza, l'Esprit a également une essence éternelle. Le flux de modifications des idées n'existe que dans le temps, pas au point de vue de l'éternité.


Mais bien sûr que si. J'ai l'impression que vous faites la confusion entre le mouvement et le repos d'une part, et la durée et l'éternité d'autre part. L'éternité n'est pas un monde de choses en repos, ni la durée un monde de choses en mouvement. C'est une étrange confusion entre les concepts qui naissent de l'examen des substances et des modes (la durée et l'éternité), et entre les concepts qui naissent de l'étendue seule (le mouvement et le repos). Les choses n'ont pas besoin d'être conçues sous l'attribut de l'étendue pour être dites durer.

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Messagepar Louisa » 13 août 2008, 16:40

Louisa a écrit:
Or dire que toutes les idées ont l'affirmation "en commun", ce n'est qu'un dire.

Durtal:
C'est ce qu'on appelle botter en touche.... Car la vraie question est celle de savoir si de le "dire" est vrai ou faux.

Louisa:
je ne vois pas en quoi cette question pourrait être spinoziste. Un dire n'est qu'un dire, c'est-à-dire des mots, et les mots sont des images, donc des affections du corps. On ne dit pas des corps qu'ils sont vrais ou faux, dans le spinozisme, on ne le dit que des idées.

Durtal:
C'est une blague je présume....


tu m'as mal compris (ou je me suis mal exprimée, peu importe). Je ne suis pas en train de dire qu'on peut laisser de côté précisément LA question dont on est en train de discuter depuis des jours, si c'est ainsi que tu as compris ma réponse (comment pourrais je penser cela, quand dans le même message un peu plus loin je dis exactement l'inverse ????).

J'étais bien plutôt en train de simplement répéter mon point de vue sur cette question même: quand je dis que pour Spinoza "dire que les idées ont toutes l'affirmation "en commun" n'est qu'un dire", je référais au fait que pour lui, les universaux ne sont rien d'autre que des mots (comme je l'ai dit d'ailleurs, dans mon message ci-dessus).

Sinon on peut bien évidemment se demander si les idées signifiées par les universaux en tant que signes sont fausses ou vraies (encore une fois, c'est précisément ce qu'on est en train de faire). Mais alors selon moi il faut clairement dire qu'elles sont fausses, puisque justement, les universaux ne sont que des mots (tandis que vous tous défendez la position inverse: les universaux sont des idées vraies, ils réfèrent à quelque chose que les choses ont réellement en commun).

A moins que ce fût pour une autre raison encore que tu as supposé que ce que j'écrivais n'était pas sérieux, au sens où tu n'étais peut-être pas d'accord avec le contenu de la citation en tant que telle ... ? Si c'était cela: en quoi n'étais-tu pas d'accord plus précisément?
L.


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