Discussion:Attribut

De Spinoza et Nous.
Version du 20 décembre 2006 à 03:42 par Henrique (discuter | contributions)
(diff) ← Version précédente | Voir la version courante (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à : Navigation, rechercher

Sommaire

Remarques de Miam

L'attribut en général

Puisqu’avec ces problèmes techniques on s’emmerde un peu, je vais commenter ta définition de l’attribut.

« Traditionnellement, c’est ce qu’on attribue ou rapporte à un sujet ».

Dire qu’un attribut, c’est ce qu’on attribue, c’est dire deux fois la même chose. Ce n’est pas faux, parce que le terme latin vient du grec kategorein. L’attribut selon Aristote, c’est ce qui est affirmé de l’ousia (substance, essence, étance : gros problème de traduction) selon les catégories. Mais en français « attribuer un attribut » c’est dire deux fois la même chose. Alors soit on supprime ce verbe, soit on parle d’Aristote : ce qui me semble trop long.

Quant à « ou rapporte à un sujet », le terme « rapporter à » me paraît trop large, et possède chez Spinoza une signification toute autre.

En conséquence j’écrirais plutôt, en fonction d’un usage général, aussi bien aristotélicien, que scolastique ou classique :

Traditionnellement, un attribut est ce qui est affirmé d’un sujet et détermine l’essence de ce sujet.

Je change la deuxième de tes phrases pour la même raison que la précédente. Et j’écris donc :

Par exemple la couleur blanche est un attribut du lait.

Il est fort bien d’écrire « la couleur blanche » et non « le blanc » ou « la blancheur », si l’on ne veut pas suggérer les querelles scolastiques sur la distinction ou non de la quiddité et de la forme.

Miam

Merci pour cette contribution fouillée, Miam. Je te réponds enfin dans l'ordre :
  1. Le fait de dire que «l'attribut c'est ce qu'on attribue» est sans doute une façon pour moi de commencer à faire entrer le lecteur dans la signification du terme, en le tenant comme par la main, d'une façon que j'estime conforme à sa signification chez Spinoza. On n'utilise peu le nom commun d'attribut dans la vie courante, on utilise en revanche régulièrement le verbe attribuer ou être attribué. Mais il y a peut-être une façon plus habile d'introduire à l'usage de ce terme.
  2. Il faudrait convenir d'une méthodologie pour les articles sur les concepts, mais en gros, il s'agirait dans un paragraphe introductif de partir d'une première définition relativement accessible, accompagnée aussi souvent que possible d'exemples et de contre-définitions pour faire apparaître la spécificité spinozienne, ainsi que d'un résumé de son usage principal dans la philosophie de Spinoza, d'approfondir ensuite le sens de cette définition d'un point de vue historique, puis de développer ses relations avec les autres concepts spinoziens et éventuellement terminer par son usage chez d'autres auteurs. Je me demande s'il ne faudrait pas y rassembler aussi en annexe quelques textes clé, éventuellement commentés, plutôt que de le faire dans une autre page qui serait beaucoup moins lue... Tout cela pour dire qu'un recadrage historique de la notion d'attribut, notamment chez Aristote, aurait tout à fait sa place dans un développement idéal.
  3. Il me semble qu'affirmer est encore plus général que rapporter et il s'agit ici du sens philosophique "traditionnel", voire celui du langage commun vis-à-vis duquel Spinoza apporte évidemment des nuances comme la définition le précise ensuite. Il faut donc donner au départ le sens ordinaire pour que le lecteur voie bien avec quoi il ne faut pas confondre ce que dit Spinoza, pour une compréhension aussi claire et distincte que possible. Mais affirmer ne me déplaît pas à vrai dire, même s'il me semble moins intuitif pour commencer...
--Henrique 19 décembre 2006 à 02:50 (CET)

Du cartésiannisme de Spinoza

Il me semble que les définitions des PPD valent pour Descartes selon la lecture spinozienne et ne peuvent être attribuées à Spinoza. C’est Descartes qui assimile qualité, propriété, mode et attribut, non Spinoza, sauf dans ses Dialogues. Si l’on parle de cette définition des PPD donc, il faudra parler de Descartes comme plus haut d’Aristote. Et dans ce cas également, cela serait trop long. Cette précision concernant un usage passager ne me semble donc pas très utile. C’est pourquoi je préfère formuler immédiatement la définition exacte de l’Ethique afin de pouvoir la comparer plus facilement avec la définition traditionnelle :

Dans l’Ethique, Spinoza précise sa propre définition de l’attribut : c’est « ce qu’un entendement perçoit d’une substance comme constituant son essence » (E1D4)

Miam

Dans le même esprit que précédemment, je pense qu'il est bon d'indiquer ce que ses prédécesseurs principaux ont pu dire, ou ce que Spinoza a pu lui-même écrire, quand ce que sa philosophie parvenue à maturité dit autre chose. J'ajoute aussi qu'il fait cet usage du terme d'attribut dans les PM qui sont un texte où Spinoza met beaucoup plus de lui-même. Je pense qu'il ne faut pas trop sacraliser l'usage des mots que fait Spinoza : les idées sont plus importantes, et à bien des égards l'idée adéquate d'attribut se trouve déjà chez Descartes et dans les PM, un usage hasardeux des mots fait que cette idée est confondue avec d'autres. --Henrique 19 décembre 2006 à 02:50 (CET)

Substance et essence

Je tente de reprendre ton exemple de l’attribut du cheval.

« Au début de l'Ethique, nous ne savons pas encore qu'il n'y a qu'une seule Substance. »

OK. Mais surtout : nous ne savons pas encore qu’il n’y a pas de substance finie. Car si le cheval est une substance, c’est une substance finie.

« Admettons alors qu'un cheval soit une substance, son essence n'est pas sa couleur, son âge etc. mais ce qui fait qu'il est un cheval, cette configuration physique qui fait de lui un animal capable de trotter, galoper, hennir etc. »

Là il y a un gros problème. Car si l’attribut du cheval c’est « ce qui fait qu’il est un cheval », alors c’est très exactement le « ce qui est (était) d’être » (ti en einai) d’Aristote que les scolastiques ont nommé « quiddité ». Or l’attribut chez Spinoza n’est précisément pas la quiddité de la substance.

La quiddité d’une substance, c’est ce par quoi elle est conçue, autrement dit sa définition (horirmos). Or la substance, chez Spinoza, est « conçue par soi », pas par ses attributs, qui du reste sont aussi « conçus par soi » (E1D3 et E1P10).

Jamais Spinoza n’écrit que l’ attribut appartient à (ou « pertine à » : pertinet ad..) l’essence de la substance, mais seulement à la substance elle même ou à son être. Par conséquent, selon la définition de ce qui « appartient à l’essence d’une chose » (E2D2), la substance et son attribut ne sont pas conçus l’un par l’autre réciproquement. Mieux encore : jamais Spinoza ne dit que l’attribut enveloppe l’essence de la substance. Il n’écrit donc jamais que l’essence de la substance est conçue par le concept de son attribut. Il dit seulement, et pour une toute autre raison, que l’attribut pensée enveloppe l’essence de Dieu.

L’attribut est « ce qu’un entendement perçoit d’une substance comme constituant (constituens) son essence », non pas comme « appartenant à son essence ». Par conséquent, la quiddité de la substance, ce n’est pas l’attribut. C’est ce qui proprement « appartient à l’essence de la substance ». Et cela, les propositions suivantes vont les déceler car la substance, de « en soi et conçue par soi », va devenir « existante par soi ». Ce qui appartient à l’essence de la substance, ce sont tout d’abord l’existence (I 7), l’infinité (I 8) et, plus tard, l’infinité, la nécessité et l’éternité (I 10s, 19d, 20 et 20d). C’est ce que les Pensées métaphysiques II 11 nomment les « modes d’existence » de la substance. Spinoza part d’une définition canonique de la substance comme ce qui est conçu par soi pour montrer ensuite que l’on ne peut concevoir une substance que comme existante (I 7). Ce qu’il écrivait déjà dans la note 5 du CT I, 2.

La quiddité de la substance – sa définition – c’est ce qu’enveloppe l’attribut mais qu’il n’a pas, pour un entendement, sinon comme constituant l’essence d’une substance : ce sont les modes d’exister de la substance qui appartiennent, quant à elles, à son essence : ce sans quoi la substance ne saurait être conçue et qui réciproquement, ne pourraient être conçus sans la substance » conçue par soi.

C’est pourquoi, comme je l’ai dit plus haut, jamais les attributs n’enveloppent directement l’essence de la substance. Il faut la médiation des modes d’existence. Les attributs enveloppent et expriment les modes d’existence qu’enveloppe également l’essence de la substance, de par la définition de la substance. Mais les attributs « constituent » également cette essence à laquelle pourtant ils n’appartiennent pas. Ils sont chacun une expression de la quiddité de la substance, mais ils ne sont pas cette quiddité qu’ils constituent en s’y exprimant.

Sans quoi il y a des incohérences logiques. On peut en reparler.

Par conséquent, je veux bien garder l’exemple du cheval si l’on supprime que l’attribut fait que la substance est ce qu’elle est.

Par conséquent j’écris :

Au début de l’Éthique, nous ne savons pas encore qu’il n’y a pas de substances finies. Admettons alors qu'un cheval soit une substance. Ce que l’on perçoit comme constituant son essence, ce n'est pas sa couleur, son âge etc. mais ce qui exprime pour nous le fait d’être un cheval : par exemple cette configuration physique qui fait de lui un animal capable de trotter, galoper, hennir etc.

Il en est de même pour la suite :

« L'attribut du cheval serait alors l'idée de cette essence, de cette configuration physique. »

Ce qui est plutôt cartésien. Il vaudrait mieux dire :

L’attribut du cheval, c’est alors l’expression de l’essence du cheval éventuellement constituées d’autres expressions.

Si on recolle le tout on a alors :

Traditionnellement, un attribut est ce qui est affirmé d’un sujet et détermine l’essence de ce sujet. Par exemple la couleur blanche est un attribut du lait. Dans l’Éthique, Spinoza précise sa propre définition de l’attribut : c’est « ce qu’un entendement perçoit d’une substance comme constituant son essence » (E1D4).

Au début de l’Éthique, nous ne savons pas encore qu’il n’y a pas de substances finies. Admettons alors qu'un cheval soit une substance. Ce que l’on perçoit comme constituant son essence, ce n'est pas sa couleur, son âge etc. mais ce qui exprime pour nous le fait d’être un cheval : par exemple cette configuration physique qui fait de lui un animal capable de trotter, galoper, hennir etc. ». L’attribut du cheval, c’est alors une expression de l’essence du cheval éventuellement constituées d’autres expressions.

« Ce n'est pas quelque chose d'extérieur à cette substance, qui serait rapporté par l'entendement, mais bien ce que l'entendement perçoit de son essence. Ce n'est pas l'essence de la substance, ce n'est pas non plus un simple point de vue particulier et partiel, il y a attribut si et seulement si il y a perception par l’entendement de l’essence de la substance. »

Ça on peut garder, ainsi que le dernier paragraphe, sinon que ce n’est pas comme tu l’écris « en tant qu’attributs de Dieu » que les attributs expriment l’existence et l’infinité mais bien avant : dès E1P7 et E1P8.

Salutations – Miam


  1. Sur le fait de dire s'il y a une seule substance ou si elle est infinie, tu as raison : c'est parce qu'elle est infinie que la substance est unique.
  2. Ta remarque pour opposer quiddité de la substance et attribut serait juste à mon sens si j'en venais à dire l'attribut spinozien était une combinaison de concepts plus généraux que la substance même, comme "animal raisonnable" pour l'homme : animal et raisonnable peuvent être attribués à d'autres sujets (le chat, l'ange). Mais en tant que point de vue objectif de l'intellect sur l'essence de la substance, l'attribut exprime l'être même de la substance, c'est une idée adéquate de la substance même. En conséquence, dire que la substance est conçue par ses attributs n'est qu'une façon de dire qu'elle est conçue par elle-même.
  3. Note que tant que Spinoza ne définit pas un terme, je considère qu'on est en droit d'accepter la définition donnée dans ses précédents ouvrages ou à défaut celle qui correspond à l'usage philosophique commun. Ainsi, avant de redéfinir contingence en E4, c'est le sens courant non de "ce dont l'essence n'enveloppe pas l'existence" qui est à prendre mais "ce qui aurait pu ne pas exister, ce qui n'a pas de nécessité quelconque" quand le terme est employé en E1P29. Donc comme Spinoza ne redéfinit pas l'essence avant E2D2, on peut en accepter l'usage philosophique commun de "Ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est, ce sans quoi elle ne serait pas." Ce qui fait que l'essence du triangle est ainsi d'avoir trois côtés et trois angles. Autrement dit sa quiddité si je ne m'abuse, ce qui répond à la question "qu'est-ce que ?". Mais dire que l'on définit la substance par son attribut, autrement dit qu'on pense son essence ou encore sa quiddité, ce n'est pas faire intervenir de notions antérieures à la substance, mais équivalentes à la substance même.
  4. Dans mon exemple, je dis que si le cheval était une substance, son attribut serait ce qui le fait être ce qu'il est, à la fois en tant que membre de son espèce et comme individu (mammifère ongulé capable de galoper etc.). Je ne dis pas que, mettons le galop est l'attribut qui appartient au cheval, mais que l'ensemble des puissances propres à cet individu constitue son essence, autrement dit ce que serait son attribut s'il était une substance. Ainsi l'étendue par ex. est une façon pour l'intellect de percevoir ce qui fait la substance être ce qu'elle est : comme l'attribut est une idée de l'essence de la substance (et que E2P7), il n'y a pas de paradoxe ici, mais attention à ne pas faire de l'attribut ce qui serait conçu "par la substance" ! Par ailleurs, je ne vois pas où je parle, explicitement ou implicitement, de l'attribut comme "appartenant" à l'essence de la substance...
  5. L'existence, l'infinité, l'éternité sont des propres de la substance tandis que les modes infinis ou finis sont ses propriétés. Si je me réfère à l'essence comme quiddité, l'existence, l'infinité etc. entrent dans les propres, non dans la quiddité : qu'est-ce concrètement que la substance ? C'est pour notre intellect l'étendue ou la pensée. Quelles sont les modalités de la substance ? L'existence, l'infinité... Ce ne sont pas ces modalités qui font être la substance ce qu'elle est mais l'étendue et la pensée en en exprimant concrètement la positivité.
  6. Quant à ce que tu dis sur les modes comme médiation entre les attributs et la substance, cela me paraît obscur. J'ai le sentiment que tu fais dériver les attributs de la connaissance des modes, or en tant qu'ils expriment l'essence de la substance, ils sont antérieurs à ses affections.
  7. Cependant je vais de mon côté essayer de voir comment intégrer des propositions de modification en essayant de conserver la démarche pédagogique avant d'être universitaire de mon approche. Ta proposition de remplacer "ce qui fait qu'il est un cheval" par "ce qui exprime pour nous qu'il est un cheval" me semble, en plus des réserves exprimées ci-dessus, bizarrement tournée, trop ésotérique pour un lecteur débutant. Consulte l'historique de l'article pour voir les changements que j'ai effectué pour l'instant, sinon n'hésite pas à me corriger et à compléter si tu n'as pas de doute.
--Henrique 20 décembre 2006 à 02:42 (CET)
Outils personnels
Espaces de noms
Variantes
Actions
Découvrir
Œuvres
Échanger
Ressources
Boîte à outils