Bonjour Kiline,
Voici quelques autres informations biographiques :
Jarig a du naître en 1619 ou 1620 à Stavoren ou Amsterdam. Ces parents appartenaient à la communauté Mennonite d’Amsterdam où Jarig fut baptisé le 24 février 1641. Le père de Jarig (Jelles Tjebbes) était marin puis devint courtier en fruits et légumes à partir de 1629, il le resta pendant au moins 25 années et fit rapidement partie de la haute bourgeoisie d’Amsterdam. Jarig continua l’entreprise de son père et c’est probablement à cette période qu’il rencontra à la Bourse d’Amsterdam Spinoza qui lui aussi travailla pendant un temps dans l’entreprise de son père.
Concernant Jarig Jelles on connait aussi les renseignements biographiques suivants, probablement de la main de l’éditeur Jan Rieuwertsz, en appendice de l’ouvrage de Jelles :
Confession de foi universelle et chrétienne :
“Dans sa jeunesse Jarig Jelles avait tenu une épicerie à Amsterdam ; mais voyant que l’activité qui consistait à rassembler de l’argent et des biens n’était pas en mesure de combler les besoins de son âme, il remit, justement en ces années-là, son commerce, qui était de bon rapport, à un homme de confiance, et se retira, sans jamais se marier, dans le calme, loin de l’agitation du siècle, pour s’adonner à la connaissance de la vérité, qui est conforme à la sainteté, et à l’acquisition de la sagesse. Cette quête de la vérité l’occupa pendant environ trente ans au cours desquels il n’épargna ni son argent ni sa peine pour l’acquérir ; il suivait en ceci le conseil du Christ et de Salomon, à savoir qu’il faut œuvrer pour entrer dans le Royaume des Cieux et que la sagesse vaut plus que l’or fin, plus que des rubis, bien mieux, que tout ce qu’on peut désirer n’est rien en comparaison d’elle. Ne connaissant que sa langue maternelle, il se portait néanmoins acquéreur de tout ouvrage dont on lui montrait l’utilité pour le but qu’il s’était proposé, puis le faisant traduire en néerlandais”.
Précisons aussi qu’en 1663 Jelles assuma les frais d’édition du livre de Spinoza sur Descartes. En 1670 c’est lui aussi qui rendit possible la publication du TTP et il est fort probable qu’il contribua largement à l’édition des
Opera Posthuma. Madeleine Francès précise :
A Jelles donc nous serions redevables de la transmission, sous un contrôle exceptionnellement direct, de l’héritage spinoziste intégral.
Afin de faciliter votre travail je voudrais vous présenter la traduction de quelques paragraphes de cette introduction tirés de l’ouvrage de J.-G. Prat,
Lettres de B. De Spinoza, Paris, C. Reinwald, Libraire-éditeur, 1885.
Dans sa
Notice sur SpinozaJ.-G. Prat annonce :
Nous avons extrait çà et là, et traduit cette courte notice, de la Préface en latin du livre intitulé les Posthuma, édité après la mort de Spinoza, par le docteur Louis Meyer et Jarig Jelles.
Voici donc la traduction de Prat :
“Nourri dans les lettres dès le jeune âge, il étudia pendant plusieurs années la théologie. Parvenu à la maturité de son esprit, il se livra tout entier à la philosophie. Les maîtres et les écrivains en cette science ne lui donnant pas toute la satisfaction qu’il désirait, entraîné par son ardeur de savoir, il résolut de tenter ce qu’il pouvait faire par lui-même, dans cet ordre d’idées. Les écrits de l’illustre Descartes lui furent d’un grand secours dans son entreprise.
“Après s’être délivré de toutes les occupations et du soin des affaires qui apportent tant d’obstacles à la recherche de la vérité, et pour n’être point troublé dans ses méditations par ses amis, il quitta Amsterdam, où il est né et où il a été élevé, et il s’en alla habiter, d’abord Rheinburg, puis Voorburg, et finalement La Haye.
“Il ne s’absorba pas tout entier dans la recherche de la vérité ; mais il s’exerça aussi particulièrement dans la science de l’optique, tournant et polissant des verres destinés aux télescopes et aux microscopes. Il montra ce qu’il était capable de faire dans cet art ; et, si une mort intempestive ne l’eût ravi, l’on était en droit d’attendre de lui les plus importantes découvertes.
“Encore qu’il se soit entièrement séquestré du monde, et retiré dans la solitude, il fut néanmoins en relations avec un certain nombre de personnages éminents par leurs écrits et par leur haute position, qu’attiraient vers lui sa solide érudition et la pénétration de son esprit ; comme on le peut voir par les lettres qui lui ont été écrites, et par les réponses qu’il y a faites.
“La plus grande partie de son temps se passait à scruter la nature des choses, à mettre en ordre ses idées, à les communiquer à ses amis ; et il en employait fort peu à se récréer. L’ardeur au travail dont il était dévoré, atteignit un tel degré que, au témoignage des gens chez qui il habitait, il resta trois mois consécutifs sans sortir en public. Bien plus, pour n’être point dérangé dans ses études, et les pouvoir poursuivre au gré de ses désirs, il refusa modestement le poste de professeur à l’université d’Heidelberg, que lui avait fait offrir le Sérénissime Électeur palatin.
“Le fruit de ces travaux fut la publication, en 1663, de la première et de la deuxième partie des Principes de la philosophie de Descartes, augmentés des Méditations métaphysiques; puis en 1670, la publication du Traité théologico-politique.
“C’est encore à lui que l’on doit le livre intitulé Œuvres posthumes, contenant l’Ethique (ou traité de morale), divisé en cinq parties : le Traité politique commencé peu de temps avant la mort de l’auteur, et qu’il n’eut pas le temps de terminer ; le Traité de la réforme de l’endendement, l’un des premiers ouvrages de notre philosophe, et demeuré inachevé ; l’Abrégé de la grammaire hébraïque, également non terminé ; et enfin sa Correspondance, aussi complète qu’il a été possible de se la procurer.
“Il est présumable qu’il existe encore, chez tel ou tel, quelque opuscule de notre philosophe, que l’on ne trouvera point dans les Œuvres posthumes. Nous estimons, toutefois, que l’on n’y rencontrerait rien qui n’ait été dit fort souvent dans les autres écrits. A moins que l’on ne veuille parler du petit Traité de l’Iris, que l’auteur, à la connaissance de certaines personnes, avait composé plusieurs années auparavant, et qui gît quelque part, si l’auteur ne l’a jeté au feu, comme il est probable.
“Notre auteur s’était proposé aussi d’écrire l’algèbre par une méthode plus rapide et plus intelligible, et de composer d’autres ouvrages, comme le lui ont entendu dire, à plusieurs reprises, différents de ses amis. Sans nul doute encore il eût démontré la véritable nature du mouvement, et comme l’on peut déduire, à priori, tant de variétés dans la matière, etc. Sujet dont il est fait mention dans les lettres LXIII et LXIV. Mais la mort venue montrer que, rarement, les hommes peuvent mener à terme leurs desseins.”
L’introduction des
Opera Posthuma est donc écrite par un ami fidèle et - contrairement aux premières biographies de Colerus et Lucas qui furent écrites de nombreuses années après la mort du philosophe – ce texte présente des élements biographiques difficiles à mettre en doute. Ce texte contient aussi des informations concernant les pensées religieuses et philosophiques partagées par le cercle d’amis de Spinoza. Il est donc regretable que ce texte fut ignoré si longtemps.
Fabrice