Le scolie d’E V 36 énonce aussi que le salut consiste « dans un Amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit dans l’Amour de Dieu envers les hommes ».
Si le salut consiste dans l’« Amour de Dieu envers les hommes », c’est que tous les hommes, quels qu’ils soient, sont sauvés de toute éternité.
Mais seul le sage en est vraiment conscient et s’en réjouit pleinement.
L’ignorant, quant à lui, peut également s’approcher de la béatitude s’il pratique la religion universelle, comme Spinoza le soutient dans le TTP.
Celle-ci est définie par sept dogmes. Rappelons le cinquième :
« Le culte de Dieu et l’obéissance à Dieu consistent uniquement dans la justice et la charité, c’est-à-dire dans l’amour envers le prochain. » (TTP XIV 10)
Nous n’avons peut-être pas assez insisté, dans les posts précédents, sur le fait que, dans ce dogme, la pratique de la justice et de la charité est un culte rendu à Dieu.
Les six autres dogmes concernent directement Dieu : Dieu existe, il est unique, présent partout, omnipotent, il récompense les bons et punit les méchants, il pardonne.
Spinoza précise que « tous ces points sont absolument nécessaires à connaître en premier, pour que tous les hommes, sans exception, puissent obéir à Dieu suivant la prescription de la loi que nous avons expliquée plus haut, […] » TTP XIV 11)
On posera alors deux questions :
1) L’athée vertueux qui pratique la justice et la charité sans en faire un culte rendu à Dieu peut-il connaître la béatitude ?
On peut en douter, comme le remarque Georges Van Riet dans l’article « Religion et liberté de pensée » publié dans la Revue philosophique de Louvain et qu’on peut lire en :
http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-384 ... _0055_0000
Il écrit :
« Si donc, pour Spinoza, la vérité des dogmes se juge par la pratique, on aurait tort d’interpréter cette affirmation en un sens kantien ou en un sens pragmatiste, comme si les dogmes n’étaient que des postulats de la raison pratique, injustifiables par la raison théorique, ou comme si tout leur sens et toute leur valeur dépendaient de la seule pratique. Il nous paraît indiscutable que, pour Spinoza, l’affirmation de Dieu est non seulement la toute première affirmation philosophique, mais qu’elle est aussi la toute première affirmation religieuse ; pour lui, la charité fraternelle, non seulement ne se « comprend » pas sans la connaissance et l’amour de Dieu (E IV 37 et 68 sc.), mais est effectivement impossible sans une « saisie » religieuse de Dieu. » (p. 73)
2) Toutes les religions sont-elles également aptes à procurer l’acquiescentia à leurs fidèles ?
On rappellera ici que Spinoza introduit les sept dogmes de la religion universelle en écrivant :
« Je ne craindrai plus maintenant d’énumérer les dogmes de la foi universelle, c’est-à-dire les points fondamentaux qui sont la visée de l’Ecriture universelle. Comme il suit très évidemment des acquis des deux derniers chapitres, ils doivent tous tendre à ceci : il y a un être suprême qui aime la justice et la charité, à qui tous sont tenus d’obéir pour être sauvés, et que tous sont tenus d’adorer par le culte de la justice et de la charité envers le prochain ; à partir de là ils se déterminent tous facilement, et il n’y en a pas d’autres que ceux-ci :
[…] » (TTP XIV 10)
Demandons-nous si toutes les religions parlent de la même façon d’un « être suprême qui aime la justice et la charité ».
C’est un point important car, comme l’écrit G. Van Riet :
« Pour Spinoza il ne fait aucun doute que le commandement de la charité fraternelle implique, selon l’Ecriture, l’existence d’un Être suprême, modèle de vie vraie, que nous devons précisément adorer en l’imitant.
[…]
Spinoza exige donc une certaine connaissance de Dieu : le fidèle doit connaître Dieu en tant qu’imitable, ou savoir que Dieu est charité. » (p. 72)
L’acquiescentia naît de l’imitation par le fidèle du modèle de vie vraie que constitue l’Être suprême. Les diverses religions : chrétienne, musulmane, juive,… ne caractérisant pas l’Être suprême de la même façon, leurs aptitudes à procurer l’acquiescentia à leurs fidèles seront différentes.
De ce point de vue, les diverses religions ne se valent pas mais il ne nous paraît pas possible d’établir objectivement une hiérarchie de principe entre elles.
Spinoza et la religion musulmane
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Spinoza et la religion musulmane
Spinoza a recherché en quoi consistait la divinité de la Bible.
On lira avec profit ce qu’écrit Georges Van Riet dans l’article signalé dans le post précédent. On se contentera, ici, de citer le passage suivant :
« D’un mot, partout l’Ecriture enseigne que l’homme peut se sauver en observant la « loi divine » (TTP IV) qui est d’aimer Dieu et, pour obéir à Dieu, d’aimer son prochain, de pratiquer la charité et la justice. Cet enseignement fondamental se trouve sans ambiguïté dans tous les Livres Saints ; d’ailleurs, « une Ecriture qui n’enseignerait pas cela ne serait plus la même, elle serait un livre entièrement différent, puisque c’est là le fondement de toute religion et que, si on le supprime, tout l’édifice s’effondre d’un coup » (TTP XII). » (p. 61)
Citons plus longuement ce dernier extrait du TTP :
« Par là nous avons montré que l’Ecriture n’est appelée proprement parole de Dieu qu’eu égard à la religion, c’est-à-dire à la loi divine universelle. Il reste encore à montrer que, prise en ce sens propre, elle n’est pas fautive, déformée ni tronquée. J’appelle ici fautif, déformé et tronqué un texte si mal écrit et si mal construit que le sens de la phrase ne puisse être cherché à partir de l’usage de la langue ni tiré de la seule Ecriture. Car je ne veux pas affirmer que l’Ecriture, en tant qu’elle contient la loi divine, ait toujours conservé les mêmes accents, les mêmes lettres et les mêmes mots – je laisse le soin de le démontrer aux massorètes et aux adorateurs superstitieux de la lettre –, mais seulement que le sens, qui seul fait qu’une phrase peut être appelée divine, nous en est parvenu sans corruption, même si les mots par lesquels il fut tout d’abord signifié sont supposés avoir connu bien des changements. Cela, nous l’avons dit, n’enlève rien à la divinité de l’Ecriture ; car l’Ecriture serait également divine si elle était écrite avec d’autres mots ou dans une autre langue. C’est pourquoi, à cet égard, la loi divine nous est parvenue sans corruption ; nul n’en peut douter. Car, par l’Ecriture même, nous voyons sans aucune difficulté et sans aucune ambiguïté qu’elle se résume en ceci : aimer Dieu plus que tout et son prochain comme soi-même ; or cela ne peut avoir été falsifié ni écrit d’une plume hâtive et erronée ; car si l’Ecriture avait jamais enseigné autre chose, elle aurait nécessairement dû aussi enseigner tout le reste autrement, puisque c’est là le fondement de la religion tout entière et que, si on l’ôte, tout l’édifice s’écroule ; une telle Ecriture ne serait pas celle dont nous parlons, mais un tout autre livre. Il demeure donc incontestable que l’Ecriture a toujours enseigné cela ; par conséquent, il ne peut y avoir ici aucune erreur susceptible d’en corrompre le sens sans que chacun la remarque aussitôt, et nul ne pourrait la déformer sans que sa malignité apparaisse immédiatement. » (TTP XII 10)
La divinité du Coran, si divinité il y a, ne peut consister qu’en ceci : il contient la loi divine universelle.
Spinoza a rappelé que la Bible formule cette loi ainsi : « Aimer Dieu plus que tout et son prochain comme soi-même ».
Comment le Coran formule-t-il la loi divine universelle ?
On lira avec profit ce qu’écrit Georges Van Riet dans l’article signalé dans le post précédent. On se contentera, ici, de citer le passage suivant :
« D’un mot, partout l’Ecriture enseigne que l’homme peut se sauver en observant la « loi divine » (TTP IV) qui est d’aimer Dieu et, pour obéir à Dieu, d’aimer son prochain, de pratiquer la charité et la justice. Cet enseignement fondamental se trouve sans ambiguïté dans tous les Livres Saints ; d’ailleurs, « une Ecriture qui n’enseignerait pas cela ne serait plus la même, elle serait un livre entièrement différent, puisque c’est là le fondement de toute religion et que, si on le supprime, tout l’édifice s’effondre d’un coup » (TTP XII). » (p. 61)
Citons plus longuement ce dernier extrait du TTP :
« Par là nous avons montré que l’Ecriture n’est appelée proprement parole de Dieu qu’eu égard à la religion, c’est-à-dire à la loi divine universelle. Il reste encore à montrer que, prise en ce sens propre, elle n’est pas fautive, déformée ni tronquée. J’appelle ici fautif, déformé et tronqué un texte si mal écrit et si mal construit que le sens de la phrase ne puisse être cherché à partir de l’usage de la langue ni tiré de la seule Ecriture. Car je ne veux pas affirmer que l’Ecriture, en tant qu’elle contient la loi divine, ait toujours conservé les mêmes accents, les mêmes lettres et les mêmes mots – je laisse le soin de le démontrer aux massorètes et aux adorateurs superstitieux de la lettre –, mais seulement que le sens, qui seul fait qu’une phrase peut être appelée divine, nous en est parvenu sans corruption, même si les mots par lesquels il fut tout d’abord signifié sont supposés avoir connu bien des changements. Cela, nous l’avons dit, n’enlève rien à la divinité de l’Ecriture ; car l’Ecriture serait également divine si elle était écrite avec d’autres mots ou dans une autre langue. C’est pourquoi, à cet égard, la loi divine nous est parvenue sans corruption ; nul n’en peut douter. Car, par l’Ecriture même, nous voyons sans aucune difficulté et sans aucune ambiguïté qu’elle se résume en ceci : aimer Dieu plus que tout et son prochain comme soi-même ; or cela ne peut avoir été falsifié ni écrit d’une plume hâtive et erronée ; car si l’Ecriture avait jamais enseigné autre chose, elle aurait nécessairement dû aussi enseigner tout le reste autrement, puisque c’est là le fondement de la religion tout entière et que, si on l’ôte, tout l’édifice s’écroule ; une telle Ecriture ne serait pas celle dont nous parlons, mais un tout autre livre. Il demeure donc incontestable que l’Ecriture a toujours enseigné cela ; par conséquent, il ne peut y avoir ici aucune erreur susceptible d’en corrompre le sens sans que chacun la remarque aussitôt, et nul ne pourrait la déformer sans que sa malignité apparaisse immédiatement. » (TTP XII 10)
La divinité du Coran, si divinité il y a, ne peut consister qu’en ceci : il contient la loi divine universelle.
Spinoza a rappelé que la Bible formule cette loi ainsi : « Aimer Dieu plus que tout et son prochain comme soi-même ».
Comment le Coran formule-t-il la loi divine universelle ?
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Spinoza et la religion musulmane
Alexandre Matheron écrit (Le Christ et le salut des ignorants chez Spinoza – Aubier 1971) :
« Être sauvé, par définition, c’est être au comble de la joie, et de façon irréversible. » (p. 173)
Il distingue un salut au sens fort et un salut au sens faible.
Concernant le salut au sens fort :
« Salut, béatitude, liberté (E V 36 sc.) : ces trois termes, qui deviennent synonymes lorsque nous leur donnons leur sens le plus rigoureux et le plus fort, ne conviennent, pris en ce sens qu’à l’amour intellectuel de Dieu. » (p. 150)
Concernant le salut au sens faible :
« Ne peut-on concevoir, à la limite, la possibilité d’une joie passionnelle associée à la totalité de notre expérience ? Un tel sentiment, cela va sans dire, dépendrait encore des causes extérieures en général ; mais du moins cesserait-il de dépendre de telle ou telle conjoncture singulière, puisque n’importe quoi lui donnerait l’occasion de ressurgir : tout se passerait, pratiquement, comme si la fortune n’avait plus sur lui la moindre prise. Par là-même, aucune souffrance ne l’entamerait : attaché à toutes nos perceptions, il remplirait la plus grande partie de notre esprit. Par là-même, également, il serait d’une parfaite constance : ressuscité par tout ce qui nous arriverait au cours du temps, il resterait en permanence à notre disposition. Que demander de plus en cette vie ?
Cette joie hypothétique, reconnaissons-le, n’aurait rien d’éternel, puisqu’elle demeurerait passive : c’est seulement pendant la durée du corps que l’âme est sujette aux passions. Mais du moins goûterions-nous, tout au long de notre existence hic et nunc, un bonheur qui présenterait deux des quatre caractères de l’amour intellectuel de Dieu [le salut au sens fort] : le caractère n° 2 (joie intense) et le caractère n° 3 (indépendance par rapport à toute situation particulière, absence de contradictions, stabilité) – les caractères n° 1 (intellectualité) et n° 4 (éternité) étant exclus. Cette félicité inaltérable et sans mélange ne serait-elle pas, pour les ignorants, un succédané du salut ?
Lorsque Spinoza déclare que les musulmans honnêtes sont sauvés malgré leurs croyances superstitieuses (Lettre 43), dont ils ne se libéreront pourtant ni ici-bas ni après la mort, peut-être ferait-il allusion à une félicité passionnelle de ce genre ; au point où nous en sommes, en tout cas, nous ne voyons pas encore ce qu’il pourrait vouloir dire d’autre. » (pp. 173-174)
On ne donnera pas ici la longue analyse d’A. Matheron qui suit ce passage.
Retenons simplement l’idée que le salut, selon Spinoza, est une joie intense, qu’au sens fort, le salut est l’amour intellectuel de Dieu et, au sens faible, l’amour passionnel de la Vie, la joie de vivre.
Il appartient au croyant, en particulier au musulman, de vérifier si la pratique de sa religion le rend plus joyeux.
Signalons une analyse partielle des précédentes considérations d’A. Matheron dans « La voie libératoire de l'homme spinoziste : Émancipation, action et béatitude » de Jonathan Mayer qu’on peut lire en :
http://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream ... sequence=2
« Être sauvé, par définition, c’est être au comble de la joie, et de façon irréversible. » (p. 173)
Il distingue un salut au sens fort et un salut au sens faible.
Concernant le salut au sens fort :
« Salut, béatitude, liberté (E V 36 sc.) : ces trois termes, qui deviennent synonymes lorsque nous leur donnons leur sens le plus rigoureux et le plus fort, ne conviennent, pris en ce sens qu’à l’amour intellectuel de Dieu. » (p. 150)
Concernant le salut au sens faible :
« Ne peut-on concevoir, à la limite, la possibilité d’une joie passionnelle associée à la totalité de notre expérience ? Un tel sentiment, cela va sans dire, dépendrait encore des causes extérieures en général ; mais du moins cesserait-il de dépendre de telle ou telle conjoncture singulière, puisque n’importe quoi lui donnerait l’occasion de ressurgir : tout se passerait, pratiquement, comme si la fortune n’avait plus sur lui la moindre prise. Par là-même, aucune souffrance ne l’entamerait : attaché à toutes nos perceptions, il remplirait la plus grande partie de notre esprit. Par là-même, également, il serait d’une parfaite constance : ressuscité par tout ce qui nous arriverait au cours du temps, il resterait en permanence à notre disposition. Que demander de plus en cette vie ?
Cette joie hypothétique, reconnaissons-le, n’aurait rien d’éternel, puisqu’elle demeurerait passive : c’est seulement pendant la durée du corps que l’âme est sujette aux passions. Mais du moins goûterions-nous, tout au long de notre existence hic et nunc, un bonheur qui présenterait deux des quatre caractères de l’amour intellectuel de Dieu [le salut au sens fort] : le caractère n° 2 (joie intense) et le caractère n° 3 (indépendance par rapport à toute situation particulière, absence de contradictions, stabilité) – les caractères n° 1 (intellectualité) et n° 4 (éternité) étant exclus. Cette félicité inaltérable et sans mélange ne serait-elle pas, pour les ignorants, un succédané du salut ?
Lorsque Spinoza déclare que les musulmans honnêtes sont sauvés malgré leurs croyances superstitieuses (Lettre 43), dont ils ne se libéreront pourtant ni ici-bas ni après la mort, peut-être ferait-il allusion à une félicité passionnelle de ce genre ; au point où nous en sommes, en tout cas, nous ne voyons pas encore ce qu’il pourrait vouloir dire d’autre. » (pp. 173-174)
On ne donnera pas ici la longue analyse d’A. Matheron qui suit ce passage.
Retenons simplement l’idée que le salut, selon Spinoza, est une joie intense, qu’au sens fort, le salut est l’amour intellectuel de Dieu et, au sens faible, l’amour passionnel de la Vie, la joie de vivre.
Il appartient au croyant, en particulier au musulman, de vérifier si la pratique de sa religion le rend plus joyeux.
Signalons une analyse partielle des précédentes considérations d’A. Matheron dans « La voie libératoire de l'homme spinoziste : Émancipation, action et béatitude » de Jonathan Mayer qu’on peut lire en :
http://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream ... sequence=2
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Spinoza et la religion musulmane
Nous avons supposé que la religion universelle que Spinoza distingue dans la Bible était également présente dans le Coran.
Spinoza expose dans le TTP que les hommes qui respectent les sept dogmes de cette religion sont sauvés.
Le mot « salut » est fréquent dans le TTP mais Spinoza ne l’y définit qu’une seule fois. Il s’adresse à des lecteurs, chrétiens pour la plupart, qui, spontanément conçoivent le salut comme survenant post mortem. S’ils sont inattentifs, en particulier s’ils ratent la définition du salut que donne Spinoza au chapitre VII, ils risquent de ne pas comprendre ce qu’ils lisent.
Citons ce passage du TTP :
« Les enseignements de vraie piété sont en effet exprimés dans les termes les plus courants, car ils sont tout à fait communs et tout aussi simples et faciles à comprendre. Et puisque le salut et la béatitude véritables consistent dans la vraie paix de l’âme [mis en gras par nous], et que nous ne nous reposons véritablement qu’en ce que nous comprenons très clairement, il s’ensuit avec beaucoup d’évidence que nous pouvons comprendre avec certitude la pensée de l’Ecriture touchant les choses nécessaires au salut et à la béatitude. Aussi n’est-il pas besoin de se préoccuper au même degré du reste ; car le reste relève plus de la curiosité que de l’utilité puisque, pour la plus grande part, nous ne pouvons le saisir par l’entendement et la raison. » (TTP VII 17 G. 111-112)
Le salut consiste dans la vraie « paix de l’âme » (animi acquiescentia).
Ce syntagme n’apparaît que deux fois dans le TTP, la seconde fois au chapitre XV :
« Et l’Esprit saint lui-même n’est rien d’autre, en réalité, que la paix de l’âme que les actions bonnes font naître dans l’esprit. » (TTP XV 8 G. 188)
Le musulman, comme le chrétien ou le juif, est invité à ne retenir des textes fondateurs de sa religion que ce qui lui procure la paix de l’âme.
Il lui suffit de comprendre, ce qui est facile, que les actions bonnes font naître la paix de l’âme dans l’esprit.
Il n’a pas besoin de se préoccuper du reste que, le plus souvent d’ailleurs, il ne comprend pas vraiment car il ne le saisit pas par l’entendement et la raison mais par l’imagination (connaissance du premier genre).
Or, de cette imagination naissent toutes les passions tristes (E III 3) qui ne peuvent que lui nuire et nuire aux autres.
Spinoza expose dans le TTP que les hommes qui respectent les sept dogmes de cette religion sont sauvés.
Le mot « salut » est fréquent dans le TTP mais Spinoza ne l’y définit qu’une seule fois. Il s’adresse à des lecteurs, chrétiens pour la plupart, qui, spontanément conçoivent le salut comme survenant post mortem. S’ils sont inattentifs, en particulier s’ils ratent la définition du salut que donne Spinoza au chapitre VII, ils risquent de ne pas comprendre ce qu’ils lisent.
Citons ce passage du TTP :
« Les enseignements de vraie piété sont en effet exprimés dans les termes les plus courants, car ils sont tout à fait communs et tout aussi simples et faciles à comprendre. Et puisque le salut et la béatitude véritables consistent dans la vraie paix de l’âme [mis en gras par nous], et que nous ne nous reposons véritablement qu’en ce que nous comprenons très clairement, il s’ensuit avec beaucoup d’évidence que nous pouvons comprendre avec certitude la pensée de l’Ecriture touchant les choses nécessaires au salut et à la béatitude. Aussi n’est-il pas besoin de se préoccuper au même degré du reste ; car le reste relève plus de la curiosité que de l’utilité puisque, pour la plus grande part, nous ne pouvons le saisir par l’entendement et la raison. » (TTP VII 17 G. 111-112)
Le salut consiste dans la vraie « paix de l’âme » (animi acquiescentia).
Ce syntagme n’apparaît que deux fois dans le TTP, la seconde fois au chapitre XV :
« Et l’Esprit saint lui-même n’est rien d’autre, en réalité, que la paix de l’âme que les actions bonnes font naître dans l’esprit. » (TTP XV 8 G. 188)
Le musulman, comme le chrétien ou le juif, est invité à ne retenir des textes fondateurs de sa religion que ce qui lui procure la paix de l’âme.
Il lui suffit de comprendre, ce qui est facile, que les actions bonnes font naître la paix de l’âme dans l’esprit.
Il n’a pas besoin de se préoccuper du reste que, le plus souvent d’ailleurs, il ne comprend pas vraiment car il ne le saisit pas par l’entendement et la raison mais par l’imagination (connaissance du premier genre).
Or, de cette imagination naissent toutes les passions tristes (E III 3) qui ne peuvent que lui nuire et nuire aux autres.
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Spinoza et la religion musulmane
Dans le scolie de la proposition 36 de la partie V de l’Ethique, Spinoza procède à une série d’identifications entre salut, béatitude, liberté, …, satisfaction de l’âme et il écrit que cette dernière ne se distingue pas en vérité de la gloire :
« Nous comprenons par-là clairement en quoi consiste notre salut, autrement dit béatitude, autrement dit Liberté, à savoir, dans un Amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit dans l’Amour de Dieu envers les hommes. Et c’est cet Amour, autrement dit béatitude, qu’on appelle Gloire dans les livres Sacrés, et non sans raison. Car que cet Amour se rapporte à Dieu ou à l’Esprit, c’est à bon droit qu’on peut l’appeler Satisfaction de l’âme, laquelle en vérité ne se distingue pas de la Gloire (par E III déf. aff. 25 et 30). Car, en tant qu’il se rapporte à Dieu, c’est (par E V 35) une Joie, s’il est encore permis d’user de ce vocable, qu’accompagne l’idée de lui-même, et de même aussi en tant qu’il se rapporte à l’Esprit (par E V 27). »
Comment comprendre que la satisfaction de l’âme (animi acquiescentia) ne se distingue pas de la gloire ?
Spinoza se réfère aux définitions des affects 25 et 30 :
« La satisfaction de soi (acquiescentia in se ipso) est une joie née de ce qu’un homme se contemple lui-même ainsi que sa puissance d’agir. »
« La gloire est une joie qu’accompagne l’idée d’une de nos actions dont nous imaginons que d’autres la louent. »
En fait, comme le souligne Ariel Suhamy, « A chaque fois que Spinoza parle du contentement de soi, il passe aussitôt à la gloire qui la renforce. » (« Essence, propriété et espèces de l’amour dans l’Ethique » in Spinoza, philosophe de l’amour – Publications de l’Université de Saint-Etienne 2005).
A. Suhamy précise en note :
« On le voit déjà à la fin d’E III 30 sc. : « […] ». Cf. aussi E III 53 : « quand l’âme se considère elle-même, elle est joyeuse » et corollaire : « cette joie est de plus en plus alimentée à mesure que l’homme imagine être loué par d’autres ». Et E IV 52 sc. : « la satisfaction de soi qui naît de la raison est la plus grande possible ; et comme elle est de plus en plus alimentée et fortifiée par les louanges, […] nous sommes surtout conduits par la gloire ». Voir aussi TP VII 6. » (note 23 p.86)
L’identification de la satisfaction de l’âme à la gloire dans le scolie d’E V 36 a donc des précédents dans les parties III et IV de l’Ethique.
S’agissant de la satisfaction de soi qui naît de la raison (E IV 52), cette identification est annoncée clairement, comme l’écrit A. Suhamy :
« C’est par définition que la gloire peut naître de la raison (E IV 58) : toute action produite par raison entraîne en moi l’idée de l’approbation de tous les hommes rationnels. » (p. 87)
La satisfaction de soi qui naît de la raison est renforcée par la joie qui accompagne l’idée que mes actions produites par raison sont louées par les hommes rationnels, c’est-à-dire est renforcée par un sentiment de gloire.
Remarquons que la gloire ouvre l’homme aux autres hommes et corrige l’aspect fermé sur soi de la satisfaction de soi.
Ceci est encore plus vrai pour la satisfaction de l’âme qui naît, non pas de la raison (connaissance du deuxième genre) mais de la science intuitive (connaissance du troisième genre) dans la partie V de l’Ethique, ce qui conduit A. Suhamy à écrire :
« Il y a peut-être un écho de cela, sur le plan de l’amour intellectuel, dans l’idée que ce que je reçois en retour de mon amour pour Dieu, c’est l’amour de Dieu pour les hommes, la puissance de tous les entendements [cf. E V 40 sc.] ; en même temps, à ce stade il n’y a plus de renforcement, il y a pure et simple identité entre la louange des autres et mon propre contentement. Le contentement et la gloire, au niveau du troisième genre, sont parfaitement identiques ; et par conséquent la frontière entre extériorité et intériorité s’efface purement et simplement, d’où la puissance que donne la jouissance de la béatitude, qui permet de contenir les passions (E V 42).
On ne peut se connaître en vérité sans aimer Dieu et c’est pourquoi le contentement rationnel ne se distingue pas de la gloire. Se connaître soi-même en vérité, c’est nécessairement connaître et aimer la cause extérieure qu’est Dieu, tout en ressentant l’amour que Dieu nous porte en tant qu’il s’explique par nous : c’est bien de la gloire. Ce n’est pas que nous aimons « les louanges de Dieu » pour notre action (cela, c’est de la superstition), mais que nous nous aimons nous-même en aimant Dieu. » (pp 87-88)
« Nous comprenons par-là clairement en quoi consiste notre salut, autrement dit béatitude, autrement dit Liberté, à savoir, dans un Amour constant et éternel envers Dieu, autrement dit dans l’Amour de Dieu envers les hommes. Et c’est cet Amour, autrement dit béatitude, qu’on appelle Gloire dans les livres Sacrés, et non sans raison. Car que cet Amour se rapporte à Dieu ou à l’Esprit, c’est à bon droit qu’on peut l’appeler Satisfaction de l’âme, laquelle en vérité ne se distingue pas de la Gloire (par E III déf. aff. 25 et 30). Car, en tant qu’il se rapporte à Dieu, c’est (par E V 35) une Joie, s’il est encore permis d’user de ce vocable, qu’accompagne l’idée de lui-même, et de même aussi en tant qu’il se rapporte à l’Esprit (par E V 27). »
Comment comprendre que la satisfaction de l’âme (animi acquiescentia) ne se distingue pas de la gloire ?
Spinoza se réfère aux définitions des affects 25 et 30 :
« La satisfaction de soi (acquiescentia in se ipso) est une joie née de ce qu’un homme se contemple lui-même ainsi que sa puissance d’agir. »
« La gloire est une joie qu’accompagne l’idée d’une de nos actions dont nous imaginons que d’autres la louent. »
En fait, comme le souligne Ariel Suhamy, « A chaque fois que Spinoza parle du contentement de soi, il passe aussitôt à la gloire qui la renforce. » (« Essence, propriété et espèces de l’amour dans l’Ethique » in Spinoza, philosophe de l’amour – Publications de l’Université de Saint-Etienne 2005).
A. Suhamy précise en note :
« On le voit déjà à la fin d’E III 30 sc. : « […] ». Cf. aussi E III 53 : « quand l’âme se considère elle-même, elle est joyeuse » et corollaire : « cette joie est de plus en plus alimentée à mesure que l’homme imagine être loué par d’autres ». Et E IV 52 sc. : « la satisfaction de soi qui naît de la raison est la plus grande possible ; et comme elle est de plus en plus alimentée et fortifiée par les louanges, […] nous sommes surtout conduits par la gloire ». Voir aussi TP VII 6. » (note 23 p.86)
L’identification de la satisfaction de l’âme à la gloire dans le scolie d’E V 36 a donc des précédents dans les parties III et IV de l’Ethique.
S’agissant de la satisfaction de soi qui naît de la raison (E IV 52), cette identification est annoncée clairement, comme l’écrit A. Suhamy :
« C’est par définition que la gloire peut naître de la raison (E IV 58) : toute action produite par raison entraîne en moi l’idée de l’approbation de tous les hommes rationnels. » (p. 87)
La satisfaction de soi qui naît de la raison est renforcée par la joie qui accompagne l’idée que mes actions produites par raison sont louées par les hommes rationnels, c’est-à-dire est renforcée par un sentiment de gloire.
Remarquons que la gloire ouvre l’homme aux autres hommes et corrige l’aspect fermé sur soi de la satisfaction de soi.
Ceci est encore plus vrai pour la satisfaction de l’âme qui naît, non pas de la raison (connaissance du deuxième genre) mais de la science intuitive (connaissance du troisième genre) dans la partie V de l’Ethique, ce qui conduit A. Suhamy à écrire :
« Il y a peut-être un écho de cela, sur le plan de l’amour intellectuel, dans l’idée que ce que je reçois en retour de mon amour pour Dieu, c’est l’amour de Dieu pour les hommes, la puissance de tous les entendements [cf. E V 40 sc.] ; en même temps, à ce stade il n’y a plus de renforcement, il y a pure et simple identité entre la louange des autres et mon propre contentement. Le contentement et la gloire, au niveau du troisième genre, sont parfaitement identiques ; et par conséquent la frontière entre extériorité et intériorité s’efface purement et simplement, d’où la puissance que donne la jouissance de la béatitude, qui permet de contenir les passions (E V 42).
On ne peut se connaître en vérité sans aimer Dieu et c’est pourquoi le contentement rationnel ne se distingue pas de la gloire. Se connaître soi-même en vérité, c’est nécessairement connaître et aimer la cause extérieure qu’est Dieu, tout en ressentant l’amour que Dieu nous porte en tant qu’il s’explique par nous : c’est bien de la gloire. Ce n’est pas que nous aimons « les louanges de Dieu » pour notre action (cela, c’est de la superstition), mais que nous nous aimons nous-même en aimant Dieu. » (pp 87-88)
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Spinoza et la religion musulmane
Citons une dernière fois ce passage de la lettre 43 de Spinoza à Osten, les Turcs désignant au XVII° siècle les musulmans :
« Quant aux Turcs eux-mêmes et aux autres Païens, s’ils adorent Dieu par le culte de la justice et par la charité envers le prochain, ils ont l’esprit du Christ et ils sont sauvés, quelle que puisse être leur conviction sur Mahomet et les oracles du fait de leur ignorance. »
Nous avons vu, avec Spinoza (TTP), qu’il y a lieu de distinguer culte extérieur et culte intérieur.
Le culte extérieur est régi par les lois de la République, indépendantes de toute religion, et le musulman, comme tout croyant doit s’y soumettre nécessairement.
Quant au culte intérieur, il appartient à chaque musulman de discerner dans les textes fondateurs de sa religion, ce qui l’aidera à vivre dans la joie, c’est-à-dire à être sauvé, et à écarter le reste.
En ces temps de controverses sur l’islam, il serait souhaitable que les musulmans et leurs contempteurs ou thuriféraires fassent preuve de philosophie, au sens qu’en donne Clément Rosset, c’est-à-dire cessent de se raconter des histoires (cf. En ce temps-là, Minuit 1992 p. 23).
« Quant aux Turcs eux-mêmes et aux autres Païens, s’ils adorent Dieu par le culte de la justice et par la charité envers le prochain, ils ont l’esprit du Christ et ils sont sauvés, quelle que puisse être leur conviction sur Mahomet et les oracles du fait de leur ignorance. »
Nous avons vu, avec Spinoza (TTP), qu’il y a lieu de distinguer culte extérieur et culte intérieur.
Le culte extérieur est régi par les lois de la République, indépendantes de toute religion, et le musulman, comme tout croyant doit s’y soumettre nécessairement.
Quant au culte intérieur, il appartient à chaque musulman de discerner dans les textes fondateurs de sa religion, ce qui l’aidera à vivre dans la joie, c’est-à-dire à être sauvé, et à écarter le reste.
En ces temps de controverses sur l’islam, il serait souhaitable que les musulmans et leurs contempteurs ou thuriféraires fassent preuve de philosophie, au sens qu’en donne Clément Rosset, c’est-à-dire cessent de se raconter des histoires (cf. En ce temps-là, Minuit 1992 p. 23).
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Spinoza et la religion musulmane
Le musulman n’a pas choisi librement d’être musulman. On peut en dire autant du chrétien, de l’athée et, de façon plus générale, de l’ignorant et du sage : dans la philosophie de Spinoza, le libre arbitre est exclu.
C’est aussi ce qu’écrit Georges Van Riet :
« Pour Spinoza, la foi et la philosophie n’ont rien de commun ; elles s’excluent l’une l’autre ; mais on n’a pas à choisir entre elles : la foi est réservée à la masse, la philosophie aux sages. Certes, dans l’abstrait, cela signifie que la foi est un succédané imparfait de la philosophie ; mais, dans le rationalisme concret de Spinoza, réserver la foi à la masse, ce n’est pas la déprécier, et ceci pour un motif fondamental : c’est qu’il ne dépend pas de nous, mais de Dieu seul, que nous puissions être comptés parmi les philosophes ou que nous devions être rangés parmi la masse. Ne devient pas philosophe qui veut ; n’entre dans la pensée de Dieu que celui à qui cela a été donné. Le philosophe n’a pas à s’enorgueillir de son privilège ; le croyant n’a pas à envier le philosophe. Tous deux, d’ailleurs, sont promis à la même béatitude, mais par des voies diverses : aussi le philosophe doit-il respecter la foi, comme le fidèle doit respecter la raison. » (op. cit. pp. 68-69)
Le croyant et le philosophe « sont promis à la même béatitude, mais par des voies diverses ». Toutefois, ils rencontrent le même obstacle : les passions, comme le précise le texte suivant qu’on peut lire en :
http://spinozaetnous.org/wiki/B%C3%A9atitude
« La béatitude – beatitudo – : l'état suprême de joie recherché par le philosophe. Tandis que la joie est passage à une perfection supérieure, la béatitude est "possession de la perfection elle-même" (E V 33 sc.). Cette perfection est en même temps liberté, éternité et salut (E V 36 sc.). Mais on aurait tort de considérer une telle perfection comme une sorte d'idéal inaccessible : notre perfection est dans notre réalité même (E II déf. 6). La béatitude est ainsi au fond la connaissance et l'amour de notre réalité même.
Seulement, ordinairement, les passions font obstacle à la connaissance adéquate de cette perfection. L'objet de la philosophie est donc de surmonter cet obstacle par la joie de mieux se connaître rationnellement et intuitivement comme infini et fini, Dieu, monde et homme, auto-affecté et affecté ; autrement dit par l'amour intellectuel de Dieu (cf. E V 36). Le propos de Spinoza est de montrer que nous pouvons éprouver une telle joie lorsque nous savons être attentifs à la puissance de vie que nous sommes fondamentalement. Cette béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même (E V 42). »
Il appartient au croyant, notamment au musulman, de rechercher comment surmonter cet obstacle des passions dans le cadre de sa religion.
C’est aussi ce qu’écrit Georges Van Riet :
« Pour Spinoza, la foi et la philosophie n’ont rien de commun ; elles s’excluent l’une l’autre ; mais on n’a pas à choisir entre elles : la foi est réservée à la masse, la philosophie aux sages. Certes, dans l’abstrait, cela signifie que la foi est un succédané imparfait de la philosophie ; mais, dans le rationalisme concret de Spinoza, réserver la foi à la masse, ce n’est pas la déprécier, et ceci pour un motif fondamental : c’est qu’il ne dépend pas de nous, mais de Dieu seul, que nous puissions être comptés parmi les philosophes ou que nous devions être rangés parmi la masse. Ne devient pas philosophe qui veut ; n’entre dans la pensée de Dieu que celui à qui cela a été donné. Le philosophe n’a pas à s’enorgueillir de son privilège ; le croyant n’a pas à envier le philosophe. Tous deux, d’ailleurs, sont promis à la même béatitude, mais par des voies diverses : aussi le philosophe doit-il respecter la foi, comme le fidèle doit respecter la raison. » (op. cit. pp. 68-69)
Le croyant et le philosophe « sont promis à la même béatitude, mais par des voies diverses ». Toutefois, ils rencontrent le même obstacle : les passions, comme le précise le texte suivant qu’on peut lire en :
http://spinozaetnous.org/wiki/B%C3%A9atitude
« La béatitude – beatitudo – : l'état suprême de joie recherché par le philosophe. Tandis que la joie est passage à une perfection supérieure, la béatitude est "possession de la perfection elle-même" (E V 33 sc.). Cette perfection est en même temps liberté, éternité et salut (E V 36 sc.). Mais on aurait tort de considérer une telle perfection comme une sorte d'idéal inaccessible : notre perfection est dans notre réalité même (E II déf. 6). La béatitude est ainsi au fond la connaissance et l'amour de notre réalité même.
Seulement, ordinairement, les passions font obstacle à la connaissance adéquate de cette perfection. L'objet de la philosophie est donc de surmonter cet obstacle par la joie de mieux se connaître rationnellement et intuitivement comme infini et fini, Dieu, monde et homme, auto-affecté et affecté ; autrement dit par l'amour intellectuel de Dieu (cf. E V 36). Le propos de Spinoza est de montrer que nous pouvons éprouver une telle joie lorsque nous savons être attentifs à la puissance de vie que nous sommes fondamentalement. Cette béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même (E V 42). »
Il appartient au croyant, notamment au musulman, de rechercher comment surmonter cet obstacle des passions dans le cadre de sa religion.
- Vanleers
- participe avec force d'âme et générosité
- Messages : 1485
- Enregistré le : 22 nov. 2012, 00:00
Re: Spinoza et la religion musulmane
Si les passions font obstacle à la béatitude, ce n’est pas par « l’irruption d’une volonté libératrice » que, selon Spinoza, cet obstacle sera levé. Charles Ramond écrit (Le vocabulaire de Spinoza – Ellipses 1999) :
« Dans l’Ethique en effet, on chercherait en vain le moment d’une rupture décisive, œuvre de la volonté : précisément parce que, comme va s’attacher à le montrer Spinoza en V préface (lieu d’une critique violente et explicite des thèses de Descartes), il est impossible et absurde de concevoir le progrès éthique comme irruption d’une volonté libératrice dans le monde des passions. […] » (article « liberté », p. 38)
C’est en étant simplement « attentifs à la puissance de vie que nous sommes fondamentalement » que nous sommes sauvés, c’est-à-dire que nous prenons conscience que nous sommes déjà dans la béatitude.
« Dans l’Ethique en effet, on chercherait en vain le moment d’une rupture décisive, œuvre de la volonté : précisément parce que, comme va s’attacher à le montrer Spinoza en V préface (lieu d’une critique violente et explicite des thèses de Descartes), il est impossible et absurde de concevoir le progrès éthique comme irruption d’une volonté libératrice dans le monde des passions. […] » (article « liberté », p. 38)
C’est en étant simplement « attentifs à la puissance de vie que nous sommes fondamentalement » que nous sommes sauvés, c’est-à-dire que nous prenons conscience que nous sommes déjà dans la béatitude.
- georges_09
- passe par là...
- Messages : 1
- Enregistré le : 17 mars 2018, 17:47
Re: Spinoza et la religion musulmane
Vanleers a écrit :Le musulman n’a pas choisi librement d’être musulman.
Ibn Arabi est le philosophe musulman qui se rapproche le plus de Spinoza, il est à l'index dans les pays comme l'Iran, le Soudan et même l’Égypte.
Certains pays musulmans ont exclu la philosophie occidentale et mettent à l'honneur une "philosophie" islamique qui est plutot une théologie. Même le Maroc est concerné.
Rien n'est plus dangereux que la véritable ignorance et la stupidité consciencieuse
Retourner vers « Anthropologie »
Qui est en ligne
Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 4 invités