Qui a réussi ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Messagepar Louisa » 12 oct. 2009, 18:49

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :ceux qui pensent que l'idée d'un potentiel est incompatible avec l'ontologie spinoziste et que donc le bonheur spinoziste ne peut pas s'en servir, optent pour la deuxième idée (passage d'une essence à une autre, ou "composition" toujours changeante de différentes essences)
.


spinoza écrit (préface partie 4)

"""Car il faut avant tout remarquer que , quand je dis que quelqu'un passe d'une moindre perfection à une plus grande ,et le contraire , je n'entends pas qu'il échange son essence ou sa forme contre une autre ."""

c'est clair .


Cher Hokousai,

si vous voulez dire que les deux phrases, la mienne et celle que vous citez, se contredisent: c'est clair.

Seulement, vous seriez bien d'accord de dire que pour comprendre le spinozisme on n'est pas obligé de s'en tenir à une phrase seule. On peut par exemple en prendre deux, et alors cela donne:

Spinoza a écrit :Car il faut avant tout remarquer que, quand je dis que quelqu'un passe d'une moindre perfection à une plus grande, et le contraire, je n'entends pas qu'il échange son essence ou forme contre une autre. Car un cheval, par ex., n'est pas moins détruit s'il se change en homme que s'il se change en insecte: mais c'est sa puissance d'agir, en tant qu'elle se comprend par l'intermédiaire de sa nature, que nous concevons comme augmentée ou bien diminuée.


Qu'est-ce que Spinoza comprend ici par "échanger son essence contre une autre"? Il le dit immédiatement après: changer de "nature" (et en effet, il l'a bien indiqué un peu plus haut, son "modèle" est un modèle de la "nature" humaine). Ou changer d'espèce, si vous voulez. Devenir plus parfait au sens de plus puissant pourrait s'entendre comme si on pouvait passer de la nature propre à une espèce à la nature propre à une autre espèce, plus puissante. Or, dit Spinoza, ce n'est pas dans ce sens-là qu'il faut comprendre l'augmentation d'une puissance. Il s'agit bien d'un changement à l'intérieur même de l'espèce, car changer d'espèce ne signifie pas devenir plus parfait, c'est tout simplement mourir.

Après dans l'E4, il va préciser davantage ce qu'il veut dire par augmenter sa puissance et le rapport entre cela et l'essence. Il le fait notamment dans le fameux scolie consacré au poète espagnol. Et alors il apparaît qu'on ne peut pas seulement mourir en changeant d'espèce, dans le spinozisme, on est aussi dit "mourir" lorsque, à l'intérieur même d'une espèce, on change d'essence (de l'essence d'un poète à celle de quelqu'un qui a un Corps peu "apte" à la poésie, etc.).

Dans ce que je propose ci-dessus, il ne s'agit pas d'échanger son essence singulière pour une autre, il s'agit d'acquérir davantage d'idées adéquates, ce qui bien sûr implique qu'on ne perd pas celles qu'on avait déjà (sinon le "bilan" de l'opération serait nul), donc on ne perd pas l'essence qu'on avait auparavant (on n'est dit mourir que si cette essence précédente n'est plus effectuée dans la durée, comme c'est le cas pour le poète espagnol).
Cordialement,
L.

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Messagepar Louisa » 12 oct. 2009, 19:33

Sinusix a écrit :Si je peux me permettre de vous proposer une piste de réflexion, ou de recherche pour ne pas vous opposer ma propre vision (que vous me semblez d'ailleurs vous-même sentir à un endroit de votre plaidoyer) sur ce problème du potentiel, lequel se téléscope, me semble-t-il, avec votre vision de l'essence singulière de la chose singulière.


Bonjour Sinusix,
je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que vous dites, donc voici peut-être quelques questions.

Sinusix a écrit :Je m'appuie sur le passage suivant de la démonstration de E3P56 (traduction Pautrat) : "Or le Désir, quant à lui, est l'essence même, ou nature, de chacun, en tant qu'on la conçoit comme déterminée, à partir d'un quelconque état d'elle-même, à faire quelque chose ; donc, selon que chacun est affecté par des causes extérieures de telle ou telle espèce de Joie, de Tristesse, d'Amour, de Haine, etc., c'est-à-dire selon que sa nature est dans tel ou tel état, ainsi son Désir doit-il être tel ou tel, et la nature d'un Désir doit différer de la nature d'un autre autant que diffèrent entre eux les affects d'où naît chacun d'eux. Il y a donc autant d'espèces de Désir que d'espèces de Joie, de Tristesse, d'Amour, etc., et par conséquent qu'il y a d'espèces d'objets qui nous affectent.".
La lecture de ce texte, adossée à celles de l'Axiome et des Propositions 3 et 4 de la partie 4 ne laisse aucun doute possible : Aucun d'entre nous ne maîtrise les chemins de son expression individuelle et sa nature, au sens extensif entendu ci-dessus (lequel inclut la qualité de nageur) n'est, de ce fait, l'objet d'aucune prédestination, par essence fixée.


j'avoue qu'il me faudrait voir comment vous faites pour conclure ceci des propositions citées avant de pouvoir comprendre en quoi une telle interprétation ne laisse aucun doute possible.

Si vous voulez dire qu'aucun mode n'est jamais entièrement "actif", qu'il reste toujours une part de passivité, du fait même d'être une partie de la nature: ok, Spinoza le dit littéralement (E4P4).

Mais quel serait le "sens extensif" de l'idée d'une "expression individuelle"?

Et en quoi le fait de ne jamais être entièrement actif excluerait-il l'idée d'une prédestination?

Bref, je ne doute pas du fait que vous ne semblez pas douter de tout cela, mais pour moi cela va un peu trop vite pour pouvoir voir par quelle argumentation déduire votre conclusion de ces propositions.

Sinusix a écrit :Il faut donc bien, pour comprendre quelque chose à Spinoza, échapper à l'ambivalence des termes (essence, nature) en fonction de la localisation de leur utilisation par Spinoza dans l'Ethique (partie 1, partie 2, parties 3 et 4, partie 5), et se laisser guider par les termes dont il fait une utilisation plus spécifique, parmi lesquels le Conatus.


que voulez-vous plus précisément dire par "ambivalence des termes (essence, nature)"?

Sinusix a écrit :Il me semble indispensable en effet, pour comprendre quelque chose (en tout cas c'est le seul mode de compréhension que j'ai trouvé à ce jour, à la lumière des explications très fondées de Sescho et Durtal) de s'attacher à la distinction intensif/extensif, binarité oppositionnelle que me paraissent annoncer les distinctions suivantes de la partie 1, entre autres : nature naturante/nature naturée, essence/existence.


en quoi pourrait-on voir un lien entre le couple conceptuel "intensif/extensif" et celui de "nature naturante/naturée" ou de "essence/existence"?

Sinusix a écrit :A partir du moment où l'expression de Dieu, même médiatisée, ne laisse pas de continuer à exprimer sa puissance d'agir et de penser au niveau des choses singulières (E1P36), il me paraît évident que le Conatus n'est que l'expression, à ce même niveau individuel, mais sur un plan purement intensif, de la capacité à s'auto-produire du Tout dont nous sommes partie, et ce quelles que soient les rencontres que nous ferons.


les modes expriment en effet la Substance. Mais qu'ajoute l'idée d'"intensif" à cela?

Sinusix a écrit :Ce à quoi nous sommes invités, dans la douleur et très peu y arriveront, c'est à éclairer cette force obscure qui nous habite, ne nous prédétermine pas puisqu'elle ne connaît pas, a priori, le commerce (E4P18S) que nous serons conduits à avoir avec les choses (ce qui, de mon point de vue, marque les limites du déterminisme absolu dont d'aucuns habillent Spinoza), mais nous guide dans nos choix, pour autant que nous fassions appel à la raison.


je dirais plutôt l'inverse: chez Spinoza, comprendre davantage c'est toujours être davantage Joyeux, plus même, chaque idée adéquate est une Joie, Joie active, qui plus est. Donc je ne vois pas très bien en quoi nous serions invité à quelque chose qui ne se ferait qu'avec "douleur". Certes, Spinoza dit à la fin de l'Ethique qu'atteindre l'état d'un Sage est difficile, mais "difficile" cela ne signifie pas forcément "douleureux", cela signifie avant tout qu'on n'y arrivera pas immédiatement, sans rien faire.

Quant à "éclairer cette force obscure qui nous habite": Spinoza dit que cela se fait par le troisième genre de connaissance. Celui-ci a besoin d'une idée de départ: celle de Dieu. Cela, ce n'est pas trop difficile à obtenir, après quelques propositions Spinoza y arrive déjà (ce qui est normal, puisque nous tous exprimons cette idée, donc il ne faut pas aller chercher trop loin). Puis il faut y ajouter une deuxième idée: celle de l'éternité de notre propre essence. Là aussi, c'est pas très difficile (du moins pas d'un point de vue spinoziste), puisque, comme le dit Spinoza, "nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels".

Ensuite, il dit: "Par là, nous voyons que l'essence infinie de Dieu et son éternité sont connues de tous. Et, comme tout est en Dieu et se conçoit par Dieu, il suit que nous pouvons déduire de cette connaisance un très grand nombre de choses, que nous connaissons de manière adéquate, et par conséquent former ce troisième genre de connaissance dont nous avons parlé dans le Scolie 2 de la Proposition 40 de cette Partie, et dont nous aurons lieu de dire dans la Cinquième Partie l'éminence et l'utilité." (E2P47 scolie).

Si le troisième genre de connaissance était quelque chose de très obscure, qu'on n'obtiendrait qu'avec beaucoup de douleur etc., comment expliquer le fait que Spinoza semble dire ici qu'il est à la portée de tous et qu'on peut avoir "un très grand nombre" d'idées de ce genre? Et en quoi serait-ce pertinent d'écrire un cinquième livre à l'Ethique, si ce que Spinoza y dit serait à la fois fort utile mais tout à fait hors la portée de la très grande majorité des gens?

Bref, à mon avis vous êtes ici plus pessimiste que ne l'est Spinoza.

Enfin, je ne vois pas ce qui vous permet de dire que rien n'est prédéterminé dans le spinozisme. En Dieu, tout ce qui existe est donné en une seule fois, il connaît tout, il a une idée adéquate de tout, et cela sans devoir attendre le moment que les choses se déroulent dans le temps avant de pouvoir savoir ce qui va se passer. L'intellect divin n'est pas "informé" par les choses singulières, c'est en revanche parce qu'il les pense qu'elles existent.

Bardamu a écrit :Ce qui importe donc, comme le dit Bardamu, dans un premier temps (je ne développe pas le second temps qui consistera, avec l'avancement, à sélectionner le plus possible les rencontres qui conviennent avec notre nature en marche), ce n'est pas de vouloir savoir a priori si nous sommes bons nageurs ou pas, mais de connaître notre rapport à l'eau, le jour où nous rencontrons cet élément, et, dans cette occurrence, quel que soit l'affect associé à cette rencontre, Tristesse ou Joie, de faire en sorte qu'à une rencontre ultérieure, la Tristesse passe à Joie (ce qui ne pourra jamais régler le cas du Tsunami, qu'il faudra donc envisager par la raison), et la Joie à Joie plus grande, par l'amélioration de notre rapport de convenance avec l'eau.


en effet, pour pouvoir devenir bon nageur, il faut apprendre à connaître ce qui peut être commun entre notre Corps et l'eau. Mais dire cela, c'est juste dire que pour apprendre à faire quelque chose, il faut un processus d'apprentissage. Je ne vois pas en quoi cela permettrait de dire qu'il y a un potentiel dans le spinozisme ou non.

La discussion du potentiel ne porte pas sur la question de savoir si on peut connaître adéquatement et par avance qui on deviendra par la suite. Si c'était cela la question, elle serait d'ordre épistémologique. Or dire qu'il n'y a pas de potentiel, c'est énoncer quelque chose d'ordre ontologique, c'est-à-dire on se situe ici sur le plan de ce qui est, de ce qui existe. Y a-t-il des choses "en puissance", dans le spinozisme, c'est-à-dire qui n'existent pas encore et donc la "naissance" ou le "passer à l'existence" peut être conçu comme une "actualisation" ou un "développement" de ce qui était dans un certain sens déjà là, mais seulement "en germe"?

Sinusix a écrit :Quoique nous fassions, notre nature change, il n'y a pas de point fixe.


notre nature change ... ? Qu'appelez-vous alors "nature", dans le spinozisme, si vous pensez qu'on y peut changer de nature?

Sinusix a écrit :Le seul point fixe, c'est le principe éternel dont nous portons une partie en nous, dont il nous appartient de faire en sorte qu'il habille de Tristesse ou de Joie les rencontres que nous ferons. Et ce potentiel là, purement ontologique, me paraît imprescriptible.


quel potentiel, plus précisément ... ? Et en quoi serait-ce un "potentiel", et non pas un "possible"?

Tout ce qui est éternel ne change pas. Une idée adéquate est vraie, donc est éternelle, donc elle ne change pas, elle est immuable. Ce qui est éternel en nous, chez Spinoza, c'est l'ensemble de nos idées adéquates. Or l'un jour on peut en avoir plus que l'autre, raison pour laquelle notre partie éternelle varie bel et bien. Mais cela ne signifie pas que ce qui est éternel (ces idées adéquates elles-mêmes) changerait.

Et que voulez-vous dire par "le principe éternel (...) dont il nous appartient de faire en sorte qu'il habille de Tristesse (...) les rencontres que nous ferons"? Ce qui est éternel en nous, ce ne sont que nos idées adéquates. Or celles-ci jamais ne peuvent causer autre chose que d'autres idées adéquates, autrement dit des Joies (Joies actives même), et jamais des Tristesses ou idées inadéquates. Ce qui est encore plus étonnant, c'est que si je vous comprends bien, selon vous il faudrait se servir de notre éternité pour "habiller de Tristesse" les rencontres que nous ferons. A quoi bon "habiller de Tristesse" ces rencontres ... ??

Bref, vous l'aurez senti, je crains que je n'aie pas compris grand-chose à ce que vous voulez dire, donc je ne peux que vous demander de ralentir un peu et de bien vouloir avoir la patience de développer ou d'expliciter davantage ce que vous venez d'écrire ci-dessus.
En vous remerciant par avance,
cordialement.

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Messagepar hokousai » 13 oct. 2009, 00:21

chère Lousa

Le problème est que le poète espagnol ne s'est pas changé en insecte .

Est- ce qu'une horloge cesse d être une horloge quand la pile ( pour être moderne) est usée ?
D'un certain point de vue oui d'un autre non .

Voyez toute l'ambigüité de potentiel d' une nature .
.........................................................................................................
Je vous signale que le concept d'idée adéquates est pour moi assez confus.
Vous remarquerez que je n'utilise jamais ces mots .Je préfère parler d' idées claire , distinctes ou de certitudes . Telles que décrites par Spinoza je n'ai pas d'idées adéquates .
Je n'ai a tout le moins pas la ceritude qu' aucunes de mes idées soient adéquates c'est à dire conviennent avec ce dont elles sont l'idée (extrinsèquement )

.( intrinsèquement sans rapport à l'objet dont elle est l'idée, toutes mes idées sont adéquates à elles mêmes . En revanche certaines sont claires et d'autres plus embrumées )

Mais la brume est la chose du monde la mieux partagée .

hokousai

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Messagepar Louisa » 13 oct. 2009, 00:36

Bardamu a écrit :Ensuite, concernant le rôle d'une image ou d'un être de raison.


Bonjour Bardamu,
quelques réflexions par rapport à la deuxième partie de ton dernier message.

Bardamu a écrit :Ces idées ont un effet comme n'importe quelle chose qui nous touche.


oui, tout à fait d'accord.

Bardamu a écrit :Les êtres de raison sont des auxiliaires de l'imagination et on sait combien Spinoza les utilise.


là par contre je vois moins à quoi tu réfères. S'agit-il de l'imagination au sens spinoziste du terme? Si oui, en quoi un être de raison pourrait-il "aider" l'imagination (= l'idée d'une affection du Corps)?

Bardamu a écrit :Il n'y a pas besoin de leur reconnaître plus de vérité que n'en ont ces outils de pensée.


et quel est selon toi le "degré" de vérité contenu par une image? Je dirais: zéro, puisqu'une image est une affection du Corps, et la vérité ne concerne que les idées, chez Spinoza (les modes de la Pensée, et non pas les modes de l'Etendue), qui plus est, elle ne concerne que les idées du deuxième et troisième genre de connaissance, donc pas celles du première genre, c'est-à-dire, justement, ce que Spinoza appelle les "imaginations".

Identifierais-tu "image" et "être de raison" ou faudrait-il les distinguer?

Je crois qu'il faut les distinguer (chez Spinoza, bien sûr). Comme déjà dit, l'une est une affection du Corps, l'autre une idée. Mais la manière dont ils sont produits me semble être très différent aussi: une image est produite par quelque chose qui affecte mon Corps (ou, dans le cas d'une image dite "commune", par un certain nombre de choses qui affectent mon Corps), un être de raison est produit, comme le dit son nom, par la raison. Un être de raison c'est une idée, qui en l'occurrence peut être vraie (entièrement vraie je dirais, pas vraie en un certain degré).

Puis la question est donc de savoir quelle vérité vous accordez à l'idée de potentiel, d'un point de vue spinoziste. S'agit-il d'une idée purement imaginaire, pour Spinoza, ou plutôt d'un être de raison? A mon sens, le fait même qu'il n'y a rien qui est "en puissance", dans l'ontologie spinoziste, oblige à dire qu'il s'agit d'une idée imaginaire, donc ni vraie ni fausse mais seule source d'idées inadéquates. C'est parce que le remède spinoziste aux Affects passe nécessairement par la vérité et donc par les idées adéquates que je ne vois pas comment accepter une idée (dont par ailleurs on peut démontrer qu'à l'intérieur du spinozisme elle est fausse) en tant qu'outil dans ce type de remède.

Bardamu a écrit :J'ai le sentiment que pour toi on y croit ou pas, que c'est du tout ou rien, et pas la prise en compte de ce qu'il y a de positif dans une idée, d'un usage conscient de celle-ci en tenant compte de sa nature.


je ne vois pas comment il pourrait y avoir quelque chose de positif dans une idée autrement qu'en disant que l'idée en question est confuse et qu'en l'étudiant de plus près, on peut découvrir au moins une idée claire et distincte donc vraie, là-dedans. Lorsqu'une idée est inadéquate, Spinoza dit qu'il se peut qu'on y adhère néanmoins. Mais une fois qu'on sait qu'elle appartient au premier genre de connaissance, on sait aussi qu'elle est ni vraie ni fausse (donc on ne peut plus y adhérer). Et une fois qu'on sait qu'elle est fausse, en effet, je ne vois pas comment encore continuer d'y croire ou de s'en servir dans le cadre d'une recherche du bonheur.

Bardamu a écrit :En l'occurrence, le modèle de sage ou le modèle d'homme de Spinoza m'apparaissent comme des êtres de raison permettant de mieux concevoir toutes ses explications sur la mécanique des affects et l'exploitation de la potentia de l'intellect.


oui. Mais dire qu'il s'agit d'un être de raison, ce n'est pas dire qu'il s'agit de quelque chose d'imaginaire. Les êtres de raison sont vrais, à partir du moment où l'on les considère ainsi et non pas comme des idées qui correspondent à quelque chose hors de l'entendement. Or justement, l'être de raison qu'est l'Ethique montre qu'il est faux de dire qu'il y a dans l'ontologie spinoziste des choses qui sont mais qui ne sont qu'"en puissance". L'être de raison qu'est l'Ethique implique donc (du moins si l'on en reconnaît la vérité) qu'on rejette comme fausse l'idée d'un potentiel.

Il y a donc deux niveaux d'analyse différents: un niveau où l'on détermine le statut d'une idée, et un niveau où l'on se demande ce qui suit nécessairement de cette idée. L'Ethique est une idée composée qui a pour statut d'être un être de raison. Cela signifie qu'avoir une idée vraie de l'Ethique, c'est reconnaître que rien ne correspond à elle en dehors de l'entendement. Puis (deuxième niveau) on peut se demander ce qui est vraie, selon l'Ethique, et alors il faut dire que l'idée d'un potentiel est fausse. Par conséquent, on peut ou bien suivre l'Ethique (mais alors on ne peut plus penser le bonheur en termes de potentiel), ou bien suivre des idées qui selon l'Ethique sont fausses (mais alors on ne peut pas dire qu'on est en train de suivre une voie "spinoziste").

Prenons un exemple, celui des mathématiques. On sait que pour Spinoza, les figures géométriques sont des êtres de raison. Le cercle mathématique est un être de raison. Cela n'empêche en rien d'en avoir une idée adéquate, ou une définition vraie, au contraire même. Qui plus est, sur base d'une telle définition on pourra rejeter comme fausse l'idée qui stipule que la circonférence du cercle est égal à dix fois pi fois r.

Idem en ce qui concerne l'idée de potentiel. Que l'Ethique soit un être de raison ne permet en rien de se servir d'idées qui selon cet être de raison sont fausses (en l'occurrence, l'idée d'un potentiel), au contraire même, c'est parce que d'après l'ontologie de ce livre rien n'est en puissance qu'on doit rejeter l'idée de potentiel si l'on veut diriger sa vie en se basant sur l'être de raison qu'est l'Ethique.

Bardamu a écrit :Mais bien entendu, ces modèles doivent avoir un minimum de rapport à l'expérience commune pour agir, une certaine vérité, et pour ce qui est du sage sans doute un rapport à l'expérience particulière de Spinoza auquel on doit accorder crédit pour que son modèle ait un effet.


en tout respect, pour moi cette idée est totalement inacceptable (par "en tout respect" je veux dire: en appréciant ta manière de penser, ton intelligence etc., bref en rappelant le fait que mon rejet de l'idée n'a rien à voir avec un rejet d'ordre personnel).

Le spinozisme serait un rationalisme absolu, mais qui néanmoins ne pourrait fonctionner que si l'on est prêt à s'imaginer Spinoza comme étant l'un ou l'autre saint ou prophète (au sens spinoziste des termes) ... ? On aurait besoin de se baser sur la personne même de Baruch de Espinosa avant que son livre ne puisse avoir un quelconque effet ... ? Pour moi, c'est absurde. Un livre qui démontre les choses more geometrico SE DEFINIT par le fait qu'il est autonome, et qu'il a la capacité de convaincre uniquement en se basant sur la raison et quelques expériences communes, sans devoir se référer à la personne ou à la vie même de son auteur.

D'abord, je peux t'assurer que ma lecture du spinozisme a déjà eu un effet positif sur ma vie concrète et cela sans que j'aie fait attention à la biographie de Spinoza, et encore moins en me basant quelque part sur l'idée que "si Spinoza l'a dit, ça doit être vraie", ou il y a une chance que ce soit vrai.

Mais puis surtout il y va ici de la distinction tout à fait fondamentale entre la philosophie et la religion. La religion se base sur une conversion, un premier acte de foi, une croyance. La philosophie, en revanche, se situe dans un tout autre registre. Elle n'a absolument pas besoin d'une croyance, au contraire même, elle rejette toute croyance, elle a été inventée précisément pour pouvoir offrir quelque chose de meilleur, où l'on n'a plus du tout besoin de croyance mais où l'on peut se baser que sur ce qui est démontré rationnellement. Elle appelle "opinion" tout ce qui relève de la croyance c'est-à-dire tout ce qui est indémontrable (sauf pour ce qui concerne quelques axiomes, dont le nombre est fort limité).

En tout cas, en ce qui me concerne je ne suis certainement pas prête à entrer dans le système spinoziste (ou dans n'importe quel autre système philosophique) en me disant que la personne même de l'auteur doit avoir eu un quelconque mérite (autre que d'avoir écrit un grand livre de philosophie). Pour moi c'est vraiment le monde à l'envers. Faut-il connaître les mérites personnels d'Euclide pour pouvoir appliquer ses théorèmes et en éprouver l'efficacité? Absolument pas. Exactement la même chose vaut en philosophie, plus même, sans cela on ne philosophe pas, on développe une pensée religieuse.

Bardamu a écrit :Comme je le disais il y a bien longtemps, dans une discussion avec Serge, nous ne sommes pas a priori touchés par un modèle, il n'y a pas d'évidence à ce qu'on se sente concerné par le sage "à la Spinoza" pas plus que par un Platon, un Descartes ou autre. Le modèle de Spinoza est même un repoussoir pour certains.


en effet. Je dirais donc: on ne peut être touché positivement par une philosophie (n'importe quelle philosophie) que si l'on a appris une méthode proprement philosophique d'aborder l'oeuvre que tel ou tel philosophe a écrit. Je dis bien "positivement", car il est clair qu'on peut détester une philosophie sans l'avoir étudiée ou lue en détail, alors que la Haine est tout autant un Affect que la Joie (on peut même la détester au nom d'un certain Amour de la vie, donc au nom d'une joie, comme c'était le cas chez Korto). Tout comme on peut être touché par un Affect d'Amour passive sans l'avoir lu de manière philosophique (et alors on s'en tient aux effets agréables de "reconnaître" certaines de ses propres idées dans le spinozisme, ou dans ce qu'en dit tel ou tel commentateur ou membre d'un forum, sans vraiment aborder tout ce qui est nouveau ou révolutionnaire par rapport à ce qu'on pense déjà soi-même).

Bardamu a écrit :Néanmoins, cette description d'un être ayant conscience de lui-même, des choses et de Dieu, vivant dans l'acquiescentia, appelant son état du terme "béatitude", est de toute évidence efficace pour un grand nombre de personne et favorise un mouvement vers la raison. Sans doute Spinoza touche-t-il là à quelque chose de profondément humain.


Efficace pour un grand nombre de personnes ... ? Tu connais vraiment "beaucoup" de gens qui ont lu Spinoza, qui prétendent l'avoir compris, et qui disent que cette lecture était très efficace en ce qui concerne leur propre bonheur? Je n'exclus pas du tout la possibilité, je me demande juste sur quoi tu te bases pour dire cela, au sens où moi-même pour l'instant j'ai l'impression qu'il s'agit d'un nombre très limité de gens, et que sans doute beaucoup parmi eux n'avaient qu'une compréhension assez "tronquée" du spinozisme.

Quant à "un mouvement vers la raison": si tu veux dire par là vers une conduite plus rationnelle ... disons que pour moi ce forum a montré qu'on peut à la fois fort aimer Spinoza et ne pas se comporter de manière très rationnelle ... . On pourrait objecter que ce n'est qu'un mouvement vers, sans plus. Dans ce cas: ok, c'est bien possible, mais je ne me sens pas à même de "mesurer" le mouvement que telle ou telle personne a fait dans sa vie personnelle vers la raison en ne lisant que des messages sur ce forum, et je connais trop peu de gens qui ont étudié et appliqué le spinozisme dans leur propre vie pour pouvoir en juger.

Bardamu a écrit :Il ne s'agit donc pas de viser à se conformer au modèle proposé mais de reconnaître que quelque chose nous touche dans ce qu'il nous communique, qu'on se reconnaît en partie dans sa description de la dynamique de la connaissance et qu'on est ainsi poussé mécaniquement vers cette voie qui donnera plus de raison, plus de sagesse sans qu'on sache quelle forme spécifique elle aura pour nous.


Je ne peux que te dire que pour moi ceci est beaucoup trop peu ambitieux. La philosophie a dès le début eu une ambition beaucoup plus grande: améliorer la vie des gens en bouleversant leur manière habituelle de penser, et surtout pas en disant en des mots plus érudits ce qu'ils pensent déjà, ce qu'ils peuvent reconnaître. Le pari de la philosophie consiste à dire que c'est précisement en changeant radicalement de manière de penser, en abandonnant ne fût-ce que temporairement les idées qu'on a déjà, qu'on obtient une vie meilleure, qu'on devient plus heureux. C'est le contraire d'aller chercher chez tel ou tel philosophe ce qu'on peut "reconnaître". C'est accepter de se laisser interroger par une philosophie dans ce qu'on pense être le plus évident et le plus fondamental. Ou comme le dit Monique Dixsaut en citant Platon: la philosophie consiste à faire bouger la pensée. Penser, au sens philosophique du terme, ce n'est pas s'en tenir à ce qui nous touche et ce qu'on reconnaît, c'est apprendre une méthode pour laisser derrière soi tout ça, pour pouvoir devenir sensible à des idées qui de prime abord ne nous disent rien ou nous choquent.

Bardamu a écrit :Donc :
- je ne parle pas de possible, je parle d'une puissance en acte, moteur d'un développement


d'accord, mais dès le début de cette discussion, nous sommes d'accord pour dire qu'une puissance, comprise au sens de ce qui sait agir et produire des effets, doit être elle-même en acte. Dire qu'il n'y a rien qui est "en puissance" chez Spinoza, c'est dire tout autre chose, c'est dire qu'il n'y a rien qui est à actualiser, même pas l'effet qu'une puissance en acte va produire dans 5 minutes et qui pour l'instant n'existe pas encore dans le temps. C'est donner un tout autre statut à ce qui n'est pas encore que le statut d'une chose "potentielle" ou d'une chose qui est l'effet d'un simple "développement" de ce qui est déjà en acte.

Bardamu a écrit :- les modèles sont des stimulations, des outils de communication qui toucheront leur cible pour autant qu'ils ne seront pas trop faux, qu'on s'y reconnaitra


comment définir ce "pas trop faux" ... ? Par le fait que certains s'y reconnaissent .. ? Reconnaître une idée n'est en rien une garantie de sa vérité. Lorsqu'on pense que le soleil tourne autour de la terre, on peut facilement reconnaître cette idée dans les écrits de certains siècles, cela ne dit strictement rien de la vérité de cette idée.

Un être de raison ou exemplar n'est donc à mon sens pas un outil de communication, c'est une idée, qui ensuite est communiquée par le seul moyen de communication dont disposent les philosophes: la parole, les mots, les livres, les sons, bref les signes. Puis c'est une idée vraie, et c'est parce qu'elle est vraie qu'elle peut avoir un effet bénéfique sur celui qui l'a compris. Or pour pouvoir en comprendre la vérité il faut pas mal d'efforts, ce n'est pas une simple question de "reconnaissance" (précisément parce qu'il y a trop de choses nouvelles pour pouvoir réellement s'y "reconnaître").

Bardamu a écrit :- le modèle n'est pas une forme à atteindre, il ne s'agit pas de faire de l'idolâtrie, de se dire "ah, je vais devenir un Sage" comme on dirait "ah, voici une pierre".


pour moi dire qu'on a besoin de s'imaginer que Spinoza a eu une vie d'un Sage avant de pouvoir être touché par l'Ethique ou d'essayer de la mettre à l'épreuve dans sa vie quotidienne, c'est déjà virer dans l'idolâtrie.

Bardamu a écrit :On ne vise pas une image, une Idée Idéale, une Forme Parfaite, on comprend que ce modèle exprime quelque chose d'humain, qu'il est un effort pour communiquer le résultat d'un mouvement de la raison, en l'occurrence celui de Spinoza. C'est le doigt qu'il faut regarder, le mouvement vers... et pas l'image de Lune. Ou plutôt, la Lune pour chacun c'est le mouvement lui-même.


je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que tu veux dire par là. Pourrais-tu reformuler autrement?

Bardamu a écrit :Un dernier point, tu dis : "Bref, ce que vous (= tous ceux qui ci-dessus disent que potentiel et aptitude spinoziste, cela doit être la même chose) à mon sens me dites c'est que le spinozisme offrirait un type de bonheur où l'imagination devient plus important que la vérité."

Je suppose que tu as envisagé l'idée que tu ne comprenais pas bien ce qu'on disait, je suppose que tu ne penses pas sérieusement que quelqu'un ici entend dire que l'imagination est plus importante que la vérité.


tu sais, lorsque j'écris sur ce forum je ne me demande pas vraiment ce que sont les croyances personnelles des autres. Je me demande plutôt quelles pourraient être les présupposés et les conséquences des idées qu'ils proposent. Et là, bien sûr que je puisse me tromper, cela arrive même très régulièrement, et toute l'utilité du forum pour moi se trouve là.

Ainsi, dire qu'une idée X à mon sens mène nécessairement à l'idée Y, dont je sais que mes interlocuteurs ne peuvent pas la considérer comme vraie, c'est simplement montrer qu'à mes yeux, les conséquences implicites de X, conséquences auxquelles il se peut qu'on n'a pas encore pensées (simplement parce qu'on ne peut pas penser à tout, et qu'il se fait que moi je suis en train de réfléchir à cela pour l'instant), sont reconnues comme étant fausses par nous tous, et cela même devrait à mes yeux nous obliger à mettre en question les prémisses (X). Il s'agit simplement d'une démontration par l'absurde. X conduit nécessairement à Y, or vous trouvez que Y est fausse, donc comment alors accepter X, pourquoi (c'est-à-dire par le biais de quels arguments) ne pas accepter ce que je pense moi-même (non X)? Si la question a un sens, c'est parce qu'il se peut, bien sûr, qu'on aille trouver des arguments auxquels je n'ai pas encore pensés et qui rendent caduque ma démonstration par l'absurde. Donc qui pourraient m'obliger de reconsidérer la vérité de X (ou de non X).

Sinon j'envisage toujours la possibilité que je n'ai pas bien compris ce qu'on essaie de me dire, je crois même que sans cela, aucun véritable échange n'est possible (raison pour laquelle d'ailleurs je n'ai strictement rien à répondre au dernier message de Sescho dans le fil qu'il a créé récemment sous mon nom). Enfin "je" ... Socrate l'a déjà dit en son temps, Habermas le reformule aujourd'hui ... je ne crois pas être très innovateur en disant cela ... .

Bardamu a écrit :Je crois que personne ne rêve mais qu'on pense à nos forces propres et à leur développement. Ne fais-tu pas de même ?


pas quand j'essaie de penser de manière spinoziste, non, puisque je ne vois pas comment insérer cette idée d'un "développement" dans l'ontologie spinoziste.

Il va de soi que si je pense "normalement", c'est-à-dire sans tenir compte de tous les aspects du spinozisme, je ne peux que me percevoir comme quelqu'un qui a des forces à développer, et que je me demande comment je vais faire pour les développer. Mais je crois que le spinozisme nous invite à penser une évolution vers un "meilleur" autrement qu'en se basant sur cette idée. D'ailleurs, je viens de tomber sur un passage chez Kant qui me semble correspondre quasiment parfaitement à la manière dont aujourd'hui on a tous tendance à penser cette évolution vers un "meilleur", passage qui à mon sens confirme l'idée qu'une pensée d'un potentiel ou d'un simple développement de ce qui est déjà là est beaucoup plus kantienne (comme pas mal d'autres idées qui appartiennent au sens commun actuel) que spinoziste:

Kant a écrit :C'est un noble idéal que le projet d'une théorie de l'éducation et quand bien même nous ne serions pas en état de le réaliser, il ne saurait être nuisible. On ne doit pas tenir l'Idée pour chimérique et la rejeter comme un beau rêve, même si des obstacles s'opposent à sa réalisation.
Une Idée n'est rien d'autre que le concept d'une perfection, qui ne s'est pas encore rencontrée dans l'expérience. Par exemple l'Idée d'une république parfaite, gouvernée d'après les règles de la justice! Est-elle pour cela impossible? Il suffit d'abord que notre Idée soit correcte pour qu'ensuite elle ne soit pas du tout impossible, en dépit de tous les obstacles qui s'opposent encore à sa réalisation. Si par exemple tout le monde mentait, la franchise serait pour cela une simple chimère? Et l'Idée d'une éducation, qui développe toutes les dispositions naturelles en l'homme, est certes véridique.


Qui ne serait pas a priori d'accord avec cela, aujourd'hui? Pourtant je crois que d'un point de vue spinoziste on ne peut pas dire que l'Idéal à réaliser consiste en un développement de "dispositions naturelles". Kant poursuit:

Kant a écrit :Dans l'éducation actuelle l'homme n'atteint pas entièrement le but de son existence. (...) Mais nous pouvons travailler au plan d'une éducation conforme au but de l'homme et léguer à la postérité des instructions qu'elle pourra réaliser peu à peu. (...) La nature a donc bien mis en celles-ci des germes et pour les y développer, il ne faut que semer et planter convenablement ces fleurs. Il en est de même pour l'homme!
Il y a beaucoup de germes dans l'humanité et c'est notre tâche que de développer d'une manière proportionnée les dispositions naturelles, que de déployer l'humanité à partir de ses germes, et de faire en sorte que l'homme atteigne sa destination. Les animaux remplissent d'eux-mêmes leur destination et sans la connaître. Seul l'homme doit chercher à l'atteindre et cela ne peut se faire, s'il ne possède pas un concept de sa destination. Chez l'individu l'accomplissement de la destination de l'homme est même entièrement impossible. Si l'on admet un premier couple réellement cultivé, il faut encore savoir comment il a éduqué ses enfants. Les premiers parents donnent déjà à leurs enfants un exemple; les enfants l'imitent et ainsi se développent quelques dispositions naturelles. Mais toutes ne peuvent être cultivées de la sorte, car le plus souvent ce sont de simples circonstances en lesquelles les enfants voient des exemples.


(extrait de Réflexions sur l'éducation de Kant)

On retrouve tout ce qu'on a pu m'objecter dans cette discussion: l'idée d'un accomplissement, d'un développement, la nécessité d'un "exemple" personnel, l'idée de dispositions naturelles (appelées ci-dessus "potentiel"), l'idée de l'influence des circonstances extérieures sur la possibilité de développer ce potentiel ou non.

Bien sûr, ce n'est pas parce que Kant a pensé tout cela que ce serait contraire au spinozisme. Seulement, ce n'est pas non plus parce qu'aujourd'hui on est spontanément d'accord avec la manière de penser kantienne que Spinoza doit nécessairement avoir pensé la même chose. A mon sens, Sévérac nous montre qu'en fait, Spinoza à ce sujet propose une idée fort différente, et cela non seulement parce qu'on ne trouve point de passages équivalents à ceux-ci dans son oeuvre, mais surtout parce qu'il abolit les causes finales et donc aussi tout ce qui est "en puissance".

Bardamu a écrit :Comment appelles-tu cet effort pour comprendre Spinoza ? Est-ce que ça avance ? Est-ce que tel ou tel commentateur (ou tel membre du forum...) est pour toi un exemple de compréhension supérieure de Spinoza ? Est-ce que tu sens ta raison en exercice te porter plus loin ?


si la question est de savoir comment moi j'appelle cet effort, je peux te confirmer que je ne l'appellerais pas différemment que ce que tu fais toi. Mais je ne vois pas en quoi ma petite pensée personnelle aurait un quelconque intérêt. Ce dont il s'agit ici pour moi, c'est de savoir comment Spinoza propose de penser ces choses. Et alors je ne vois pas en quoi on pourrait dire que ce serait spinoziste de prendre un autre penseur comme "exemple" d'une compréhension supérieure. Quand est-ce que Spinoza dit que pour devenir plus heureux il faut aller chercher des gens et se baser sur l'exemple que nous donne leur vie personnelle? Il en parle, en effet, mais uniquement dans le TTP, et pour dire que le premier genre de connaissance (car penser par exemplum c'est exactement ce qui caractérise la pensée religieuse) parfois peut avoir quelques effets positifs, non pas en ce qui concerne la connaissance vraie de Dieu ou du monde, mais simplement en ce qui concerne la morale et la paix sociale.

Sinon si j'apprécie les écrits d'un commentateur (pas le commentateur lui-même bien sûr, puisque je ne le connaîtrai probablement jamais personnellement) ou d'un membre de ce forum (idem), c'est à cause de la profondeur de leur analyse, surtout pas en vertu d'un sentiment de penser comme eux. C'est parce que leur interprétation est telle qu'essayer de voir en quoi je pense qu'il s'agit d'une interprétation vraie ou fausse m'oblige à repenser pas mal de choses, à pousser ma connaissance du spinozisme plus loin.

Enfin voilà ...

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Messagepar Sinusix » 13 oct. 2009, 20:42

Bonsoir Louisa,

Je vais la faire en très bref et sur un seul des points que vous requestionnez en guise d'objection.

Louisa a écrit :je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce que vous dites, donc voici peut-être quelques questions.

Sinusix a écrit :Je m'appuie sur le passage suivant de la démonstration de E3P56 (traduction Pautrat) : "Or le Désir, quant à lui, est l'essence même, ou nature, de chacun, en tant qu'on la conçoit comme déterminée, à partir d'un quelconque état d'elle-même, à faire quelque chose ; donc, selon que chacun est affecté par des causes extérieures de telle ou telle espèce de Joie, de Tristesse, d'Amour, de Haine, etc., c'est-à-dire selon que sa nature est dans tel ou tel état, ainsi son Désir doit-il être tel ou tel, et la nature d'un Désir doit différer de la nature d'un autre autant que diffèrent entre eux les affects d'où naît chacun d'eux. Il y a donc autant d'espèces de Désir que d'espèces de Joie, de Tristesse, d'Amour, etc., et par conséquent qu'il y a d'espèces d'objets qui nous affectent.".
La lecture de ce texte, adossée à celles de l'Axiome et des Propositions 3 et 4 de la partie 4 ne laisse aucun doute possible : Aucun d'entre nous ne maîtrise les chemins de son expression individuelle et sa nature, au sens extensif entendu ci-dessus (lequel inclut la qualité de nageur) n'est, de ce fait, l'objet d'aucune prédestination, par essence fixée.


j'avoue qu'il me faudrait voir comment vous faites pour conclure ceci des propositions citées avant de pouvoir comprendre en quoi une telle interprétation ne laisse aucun doute possible.


Pour le voir, il faut, me semble-t-il, faire une simple analyse de texte, telle qu'on pourrait la proposer à une épreuve de Français (et non de Philosophie) du baccalauréat.
Bref, vous en faîtes, comme d'habitude (votre nature) trop, ou trop peu.
Je prendrai donc le problème (partiel) posé par un autre biais pour me fixer sur notre divergence, laquelle, si vous avez raison, m'éloignera définitivement du Spinozisme à votre sauce.
Question posée, et remachée, portant sur un des multiples aspects du déterminisme :
- A rencontre B (commerce des choses)
- Si A rencontre B, dans telles conditions, il y aura tel effet C strictement déterminé.

Ma lecture de ce texte, et de la partie du déterminisme Spinoziste portant sur les rencontres entre les choses singulières est la suivante :
Il n'est pas écrit que A va rencontrer B (contingence du phénomène), mais si A rencontre B, il va se produire C.

Votre lecture, si je ne m'abuse (de l'ordre du catéchisme primaire) : il est "écrit" que A va rencontrer B et que, par conséquent, il va se produire C.

Cette vision du déterminisme du "micro-monde" des rencontres entre les hommes et les sociétés humaines rend totalement incompréhensible, donc impossible, l'espace de liberté qui est laissé à l'homme et la société dans leur action éclairée par la Raison, guide suprême de l'organisation des rencontres qui vont dans le sens Ethique et d'élimination, y compris par la punition, de celles qui n'y vont pas.
Même sur le plan purement physique des rencontres cosmiques (que Spinoza ne pouvait pas appréhender, son monde étant clos), je ne suis pas certain qu'il n'y ait pas matière à verser plutôt dans des versions stochastiques de ladite nécessité.

Si donc les références pour moi foncièrement crédibles du site, je ne les nomme pas pour ne vexer personne, sans vouloir vous faire injure, mais autant appeler un chat un chat, vous donnent raison sur ce point, je laisse tomber votre Spinoza, et continuerai à me confier à celui auquel je crois, avec d'autres commentateurs, et dont je comprends autrement la portée religieuse et politique révolutionnaire.
Car finalement, si d'un échange entre Louisa et Sinusix (qui n'est pas le seul, ai-je cru lire) sort la sempiternelle ritournelle de la Joie et de la Tristesse, du cours pour étudiant de 1ère année (application de la loi constante de la rencontre entre A et B), je vous ferai mentir sur le deuxième point en vous montrant que, après réflexion, puisque A peut décider, devant la parfaite inutilité de l'échange (inutilité logique dans la mesure où, déterminisme aidant, les natures ne conviennent pas entre elles) de ne plus échanger avec B, l'ordre des rencontres ne relève pas de l'ordre du nécessaire.

Avec tout mon respect

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Messagepar Louisa » 14 oct. 2009, 17:36

Sinusix a écrit :Je prendrai donc le problème (partiel) posé par un autre biais pour me fixer sur notre divergence, laquelle, si vous avez raison, m'éloignera définitivement du Spinozisme à votre sauce.
Question posée, et remachée, portant sur un des multiples aspects du déterminisme :
- A rencontre B (commerce des choses)
- Si A rencontre B, dans telles conditions, il y aura tel effet C strictement déterminé.

Ma lecture de ce texte, et de la partie du déterminisme Spinoziste portant sur les rencontres entre les choses singulières est la suivante :
Il n'est pas écrit que A va rencontrer B (contingence du phénomène), mais si A rencontre B, il va se produire C.

Votre lecture, si je ne m'abuse (de l'ordre du catéchisme primaire) : il est "écrit" que A va rencontrer B et que, par conséquent, il va se produire C.

Cette vision du déterminisme du "micro-monde" des rencontres entre les hommes et les sociétés humaines rend totalement incompréhensible, donc impossible, l'espace de liberté qui est laissé à l'homme et la société dans leur action éclairée par la Raison, guide suprême de l'organisation des rencontres qui vont dans le sens Ethique et d'élimination, y compris par la punition, de celles qui n'y vont pas.


Bonjour Sinusix,

comme vous l'avez bien constaté vous-même, la façon dont vous formulez ici les choses est fondamentalement "théologique": vous comparez la connaissance humaine à la lecture d'un livre, comme pas mal de grandes traditions théologiques le font (et comme on a entre-temps tous l'habitude de le faire, il faut bien le dire; nul besoin d'être croyant pour concevoir aujourd'hui spontanément les choses ainsi). Dieu est alors censé avoir écrit un livre qui contient toute la vérité concernant lui-même et la nature créée, et connaître la nature signifie savoir lire ce livre.

Ensuite, vous y ajoutez l'idée (tout à fait courante aujourd'hui aussi, ce qui ne l'empêche d'avoir été elle aussi fortement promue par le catholicisme et autres courants théologiques) que la seule liberté concevable, c'est une liberté qui se définit par l'indétermination. Si je suis entièrement déterminé, je n'ai plus aucune liberté.

Pour "démontrer" la vérité de cette idée de liberté, vous vous basez sur le fait qu'on ressent régulièrement qu'on ne sait pas quoi faire, qu'on doit réfléchir, puis trancher, sachant que si l'on avait pris l'autre alternative la suite de notre vie parfois serait très différente, ou en tout cas ne serait pas la même. Le fait qu'on sent que jusqu'au moment où l'on a décidé (et parfois même encore après) on pourrait décider autrement fonde, pour ceux qui y croient, l'idée d'une indétermination ontologique.

Spinoza en revanche (comme tout philosophe), tient compte du fait qu'avoir une idée et y adhérer, ou la ressentir comme évidente, en réalité ne garantit en rien qu'elle est vraie. Exemple classique: longtemps c'était évident pour tous que le soleil tourne autour de la terre, aujourd'hui on sait que c'est faux.

De même, en réalité rien ne nous oblige à supposer qu'il y a de l'indétermination. Et rien non plus ne nous oblige à définir la liberté humaine comme un espace "d'indétermination" dans un monde qui pour le reste serait entièrement déterminé. Si donc Spinoza met la liberté en position de "but ultime" de l'Ethique, et si chez lui tout est néanmoins déterminé, il faut redéfinir aussi bien la notion de liberté que celle de détermination pour pouvoir obtenir une pensée cohérente et intéressante. Ce qui est exactement ce que Spinoza fait. Raison pour laquelle je vous demandais sur quel texte de Spinoza vous vous basiez pour dire que chez lui il y aurait de l'indétermination, et surtout quels étaient vos arguments qui permettaient d'aller de ce texte (de Spinoza) à votre interprétation de Spinoza.

En attendant, signalons juste en quoi la connaissance de la nature chez Spinoza n'est pas comparable à la lecture d'un livre, ce qui permettra de donner une petite idée de ce que pourrait être un monde entièrement déterminé où les hommes peuvent néanmoins dans un certain sens être libres.

D'abord, pour autant que je sache, jamais Spinoza ne compare texto la nature à un livre. C'est plutôt l'inverse: il propose d'essayer de déterminer le sens d'un livre (comme la Bible) en se servant d'une méthode d'interprétation la plus scientifique possible. Par conséquent, la connaissance de la nature ou de Dieu n'est pas non plus comparable à la connaissance de ce qui est écrit dans un texte.

C'est que tout texte est discursif, et par là je veux dire: se déroule dans le temps. Celui qui l'a écrit a besoin de temps pour l'écrire, doit noter phrase après phrase, mot après mot, idée après idée, et celui qui veut essayer de comprendre ces idées doit entamer un mouvement similaire. Or Dieu, c'est-à-dire tout ce qui existe (l'essence divine et les modes) est éternel, c'est-à-dire a une existence hors temps. Avoir une idée vraie, chez Spinoza, c'est avoir une idée éternelle. Cette idée ne se définit pas par la sempiternité (par le fait de durer indéfiniment dans le temps), elle se définit par le fait qu'elle n'a pas du tout besoin du temps pour exister. Cela signifie que pour l'homme connaître quelque chose (Dieu, telle chose singulière, telle propriété commune), ce n'est pas aller "lire" ou déchiffrer ce que Dieu "a déjà écrit", comme si l'homme est toujours quelques minutes "en retard" par rapport à lui, et que sa connaissance ne serait que de l'ordre d'un "ah dommage j'arrive trop tard, c'est déjà fait!". La vie humaine n'est pas une vie purement "artificielle", où l'on serait des acteurs qui interprètent la pièce magistrale écrite par Dieu en tant qu'auteur de théâtre, quitte à laisser un peu de place pour l'improvisation. Ce n'est pas ainsi que chez Spinoza se conçoit le rapport des modes à l'essence de la Substance, et partant ce n'est pas ainsi que se conçoit la connaissance humaine.

Autrement dit, la connaissance spinoziste ne se déroule pas de manière "horizontale", en parcourant une ligne temporelle pour aller voir l'avant et l'après, elle se déroule de manière verticale: il s'agit de quitter le plan des enchaînements temporels (qui eux seulent ne durent pas) pour se situer sur le plan des idées vraies donc des choses éternelles.

Par conséquent, la question telle que vous la formulez ci-dessus est mal posée, lorsqu'il s'agit de Spinoza (et on court sans cesse ce risque lorsque le "texte" sur lequel on se base est écrit par soi-même, et non pas celui du philosophe qu'on essaie de comprendre; car en analysant le texte du philosophe en question, on est souvent bien obligé de constater que les questions elles-mêmes ont changées, du moins lorsqu'on est prêt à dépasser le simple exercice d'analyse du français).

Dieu ne sait pas les choses "avant" nous, comme l'auteur d'un livre connaît les idées véhiculées par le livre avant que le lecteur ne puisse les connaître. Il ne nous "dicte" pas nos rôles à jouer dans la vie. Et Dieu n'a pas de "pré-connaissance" des choses au sens précis où il n'y a pas quelque part un intellect divin qui ne serait pas éternel mais temporel, donc qui vivrait ici à côté de nous, car alors cet intellect aurait des idées liées au temps, c'est-à-dire des idées imaginaires ou imaginations, autrement dit des idées inadéquates, et on sait que l'intellect divin chez Spinoza n'a que des idées adéquates. Mais cela n'empêche en rien que tout est déterminé de toute éternité, puisque lorsqu'on se situe sur le plan de l'éternité, tout est donné d'une seule fois. En ce sens, Dieu connaît bien tout, que cela se soit déjà passé dans le temps ou non.

Or dans ce cas, il va de soi qu'il faut non seulement repenser la notion de détermination (être déterminé ne signifie plus du tout interpréter un texte écrit par un autre, cela signifie désormais que rien n'est sans cause et qu'une seule cause dans les mêmes circonstances ne peut pas avoir deux effets différents), mais aussi la notion de liberté. Pour Spinoza, la liberté est ce qui procure le plus grand bonheur possible, ou plutôt, la liberté coïncide avec un tel état. Or, il va de soi que si je dois choisir entre faire ceci ou cela et je ne sais pas que faire (sentiment d'indétermination), je ne suis pas en train d'éprouver un bonheur particulièrement impressionnant. L'ignorance ne peut jamais constituer la "preuve" de notre liberté, pour Spinoza. Il propose donc une autre idée de liberté: est libre celui dont l'acte x se comprend uniquement par son essence à lui (c'est-à-dire dont il est la seule cause, sans avoir besoin du concours d'autres modes).

Cela arrive par exemple lorsqu'on arrête de se fier à des "références" extérieures, et même à ses propres idées spontanées et l'absence de doute qui souvent les accompagne (l'un allant d'ailleurs de pair avec l'autre, au sens où l'on a tendance à élèver quelqu'un au statut de "référence" lorsqu'il pense comme nous mais sait mieux l'expliciter), pour ne plus se fier qu'à sa propre raison: c'est qu'on éprouve la liberté dont est capable l'homme. Raison pour laquelle la philosophie a toujours eu un but thérapeutique, car si elle invite à ne plus penser qu'en se référant à sa propre raison et à sa raison seule, pour commencer à interroger aussi bien ce que disent d'autres que ce qu'on pense être vrai soi-même, c'est parce que rien ne peut nous faire autant de bien que cela.
Cordialement,
L.
Modifié en dernier par Louisa le 14 oct. 2009, 18:29, modifié 1 fois.

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Messagepar Sinusix » 14 oct. 2009, 18:24

Bonsoir Louisa,

Quelle Tristesse de constater que rien n'y fait.
Votre réponse est pour moi totalement absconse et ne me fait pas avancer d'un iota, ici et maintenant.
Mais en même temps, ô Joie des associations imaginatives, vous m'avez rappelé une de ces rencontres entre Georges Marchais et Elkabach :
- Ce n'est pas ma question, Monsieur Marchais
- Peut-être, mais c'est ma réponse, Elkabach

Je vais donc surmonter l'instant d'émotion.

Amicalement

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Messagepar Louisa » 14 oct. 2009, 18:55

Sinusix a écrit :Votre réponse est pour moi totalement absconse et ne me fait pas avancer d'un iota, ici et maintenant.


Bonsoir Sinusix,

disons que je pense que c'est normal. J'essaie de vous dire quelque chose d'assez différent de ce que vous semblez penser d'habitude (en me servant de mots, c'est-à-dire de choses qui par définition sont sources de malentendus). Vous ne pouvez pas le comprendre "instantanément". Il faudra au moins un peu de réflexion (donc du temps). A mon sens le mieux, dans ces cas, c'est d'essayer de préciser en quoi vous ne comprenez pas, de dire comment vous comprenez telle ou telle chose que je dis et ce que vous en pensez.

Sinon, vous semblez au moins déjà avoir compris quelque chose: que mon message ne répond pas à votre question.

J'essaie d'y expliquer pourquoi. Vous me demandez si selon moi Spinoza pense que X est Y ou que X est Z. Je viens de vous répondre qu'il n'y a pas de X chez Spinoza, et que donc la question chez lui ne se pose pas, ou du moins fort différemment.

X, c'est le cadre conceptuel que vous dressez: être déterminé signifie ne pas avoir de choix, car ce qu'on va faire est déjà quelque part "écrit". Etre libre c'est avoir le choix, c'est-à-dire rencontrer dans sa vie ne fût-ce de temps en temps une situation où ce qu'on va faire n'est pas encore écrit quelque part. Selon vous chez Spinoza ce choix existe, et donc il doit y avoir quelque part de l'indéterminé.

Je vous ai répondu que chez Spinoza les termes de "déterminé" et de "liberté" prennent un tout nouveau sens, raison pour laquelle votre question n'est plus pertinente, d'un point de vue spinoziste (et donc ne peut recevoir de réponse satisfaisante). Si Dieu ne sait pas "avant" nous ce qu'on va faire, ce n'est pas parce que quelque part tout ne serait pas écrit, c'est parce qu'il n'y a pas d'avant et d'après en Dieu. En ce sens précis on peut donc dire qu'il n'y a pas de "prédétermination" chez Spinoza, mais cela ne signifie pas qu'il y a une part d'indétermination, cela signifie juste que ce terme (de prédétermination) n'a pas de sens, chez lui. Dire qu'absolument tout est déterminé n'est donc pas la même chose que de dire qu'il y a une pré-détermination (puisque Spinoza a inventé un nouveau concept de détermination, où les deux ne sont plus liés). Mais dire que tout est déterminé enlève bel et bien la possibilité d'un "choix", au niveau ontologique, donc élimine l'"espace de liberté" tel que vous semblez le définir. La bonne nouvelle, c'est que ce faisant Spinoza n'élimine pas du tout la liberté tout court, au contraire même, il propose un tout nouveau concept de liberté, censé être beaucoup plus "puissant" que celui que vous utilisez pour l'instant.

Enfin ... peut-être que ceci ne sera pas plus clair que ce que je viens d'écrire tantôt ... . Je ne peux que vous inviter à poser des questions et à interroger (ou critiquer, si vous préférez) ce que je dis, afin d'au moins savoir comment vous le comprenez et/ou pourquoi cela vous semble être absurde.
Cordialement,
L.

Enegoid
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Messagepar Enegoid » 15 oct. 2009, 00:06

????
Dieu modifié en Allemands a tué Dieu modifié en dix mille Turcs...

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Messagepar hokousai » 15 oct. 2009, 01:21

chère Louisa

je ne pense pas que ce que vous écrivez corresponde à l'idée de Spinoza

Mais cela n'empêche en rien que tout est déterminé de toute éternité, puisque lorsqu'on se situe sur le plan de l'éternité, tout est donné d'une seule fois. En ce sens, Dieu connaît bien tout, que cela se soit déjà passé dans le temps ou non.


Si tout est donné immédiatement on ne comprend plus la nécessité ( évidente ) de l'activité ( médiatrice).
Qu’ est-ce qui peut bien justifier une activation ( des modifications en acte ) .
Si tout est pensé / connu, cela implique la réalité formelle de ce qui est connu ,
On a une réalité formelle des corps ( par exemple ) existant de toute éternité et n’existant pourtant pas puisque c’est l’activité ( enchaînement )qui la fait exister .

Que viennent donc faire les remarques constantes de Spinoza sur l’ existencerelativement à l’essence qui ne l’enveloppe pas .

J’avoue que ne pas vraiment comprendre ( d’un point de vue spinoziste ) ce que vous dites là .

hokousai


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