Matheron, à mon souvenir, n'évoque pas même Girard
Individu et communauté chez Spinoza (Minuit 1969)
"La violence et le sacré" n' est publié qu'en 1972
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remarquez aussi que Spinoza n' évoque pas même Matheron .
Quant à F. Lordon, c'est vraiment injuste de le réduire au mimétisme hérité de Girard. Il me semble partir au contraire du conatus pour voir comment il peut fournir un principe général de compréhension de la puissance et des limites du capitalisme, sans se limiter à l'imitation des affects qui en découle.
Depuis Karl Marx (1818-1883), de l'eau a coulé sous les ponts. Frédéric Lordon fait référence à l'auteur du Capital pour ce qui concerne la "servitude". Mais c'est surtout dans l'usage qu'il fait de Baruch Spinoza (1632-1677) et du concept, central chez ce philosophe, de désir, que sa pensée est singulière.
Frédéric Lordon montre, en particulier, que ce qu'il appelle "l'épithumè capitaliste" ("épithumè" signifie en grec désir) a évolué. Le projet du capitalisme néolibéral, affirme-t-il, est désormais de façonner notre désir, en optimisant "l'exploitation passionnelle". Sus aux "passions tristes", tel est le mot d'ordre. L'entreprise veut des salariés contents. Du coup, tout le monde est gentiment schizophrène. Là où les choses se gâtent, et l'auteur le montre bien, c'est quand la maltraitance des salariés s'en mêle. Sur ce point, le diagnostic du livre sur la violence sociale cachée est imparable, même s'il n'est pas nouveau.
Plus originales, en revanche, sont les pages où M. Lordon, classé à gauche, trouve des accents tocquevilliens quand il décrit le projet "totalitaire" néolibéral de "possession des âmes". Ou encore le chapitre sur la préférence pour la liquidité, où il montre que la liquidité est sans doute aujourd'hui le "fantasme" absolu de la toute-puissance. Qui va jusqu'à liquider le social.
Le capitalisme est prédateur par nature, affirme M. Lordon. "Une hypothétique sortie du capitalisme, écrit-il, ne (libérera) nullement des enjeux de la capture." Si l'idée d'une rupture avec le capitalisme a encore un sens, elle passe par une reconfiguration de nos désirs (une nécessité écologique, soit dit en passant). Mais, comme le dit l'auteur, en citant encore Spinoza - à moins que ce ne soit le chinois Lao Tseu : "La voie est escarpée."
Spinoza n'extraie pas le conatus des affects, mais des affects passifs dominés par l'imagination, pour montrer comment il peut devenir affect actif, ou vertu, par la domination de la raison sur la vie mentale.
Lordon utilise surtout l'anthropologie spinozienne pour réintroduire le concept de passion dans un système qui n'est pas aussi rationnel que le prétendent « les économistes orthodoxes »
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