D'un côté on a envie d'être superieur aux autres, et d'un autre, on a envie que les autres reussisent aussi bien que nous,
Deux mécaniques bien réelles.
Louisa a écrit :« Bien sûr, chaque mode est toujours déjà parfait. Mais, y ajoute Spinoza, chaque mode désire également devenir plus parfait qu'il ne l'est, Dieu ayant la plus grande perfection ou, ce qui revient au même, la plus grande réalité »
Louisa a écrit :« Autrement dit: quelqu'un sans instruction, qui forcément a peu d'idées adéquates »
Affirmation très générale et très complexe. Mais vous reliez à quoi ? aux idées adéquates ou à l’instruction ?Louisa a écrit :« …dispose d'un degré de puissance et donc d'une réalité fort petite. Il "existe peu"
Louisa a écrit : Il est fort soumis aux rencontres fortuites avec la nature
Louisa a écrit :Il connaît peu de joies durables, peu de moments de béatitude. »
Louisa a écrit :« S'il faut donc parler en termes de "modèle" (exemplar", je crois que la préface de la 4e partie de lEthique est très clair là-dessus: le modèle que Spinoza nous décrit, c'est celui d'une "meilleure nature", bref celui du sage. C'est par rapport à lui que l'on peut déterminer (même si à mon sens cette détermination est vouée à rester "floue") le degré de puissance de quelqu'un. C'est elle aussi qui permet de nous dire dans quelle mesure la puissance d'une personne x est inférieure ou supérieure à celle d'une personne y. Aussi longtemps qu'on ne "naturalise" pas ces infériorités/supériorités, mais qu'on les comprends comme étant relatives (relatives à la puissance absolue, mais relatives aussi au sens où elle peuvent changer, dans la vie d'une personne), je ne vois pas vraiment de problème à utiliser ces notions. »
Enegoid a écrit :Je ne crois pas que l’on puisse considérer Dieu comme un « modèle. Un « Modèle » est un être de raison qui regroupe une multitude de choses singulières ayant quelque chose en commun. Ce n’est pas le cas de Dieu, qui est unique, et qui n’est pas un être de raison mais une chose réelle, cause de toutes les choses.
Enegoid a écrit :Vous considérez l’échelle de la puissance comme continue, depuis les modes jusqu’à la substance, en faisant abstraction de la rupture ontologique entre l’être des modes et l’être de la substance.
Enegoid a écrit :Si, malgré tout, on imagine une échelle continue des puissances entre les modes, on se heurte à la difficulté de devoir comparer tous les modes entre eux : il faut comparer la puissance des moules avec celle des scarabées, des hommes et des virus. Difficile.
Enegoid a écrit :Il faut s’accorder sur la notion de puissance. Il me semble que pour Spinoza il s’agit d’abord (et peut-être toujours) d’une puissance de connaître.
Enegoid a écrit :Mais l’esprit est facilement entraîné à l’élargir à d’autres formes de puissance (puissance d’agir notamment) et il est prudent de définir les formes dont on parle, effectivement. C’est ce que vous faites en disant que pour vous la puissance, c’est la puissance d’être affecté et d’affecter.
Enegoid a écrit :Il y a donc déjà deux puissances. Elles ne sont pas équivalentes selon moi : ce n’est pas la même chose d’être affecté et d’affecter. La puissance d’affecter renvoie à la puissance d’agir, la puissance d’être affecté renvoie à la puissance de pâtir (et de percevoir). Délicat…
Enegoid a écrit :Je termine aujourd’hui (sinon on en a pour des mois) sur votre phrase : « A partir de ce moment-là, on peut comprendre que le sage a une puissance beaucoup plus élevée que quelqu'un qui a grandi dans un milieu social où règne la violence et où toute incitation à l'apprentissage est absente ».
Je ne peux pas vous suivre. Mais il faudrait sans doute des lignes et des lignes de discussion pour clarifier le désaccord.
Enegoid a écrit :
Il faudrait d’abord :
1. Etre en accord sur la notion de puissance
2. Etre en accord sur le fait que le sage est le modèle de la puissance maximale
3. Etre en accord sur la relation entre le milieu social et le fait de détenir une puissance
4. Etre en accord sur la relation entre la violence et la puissance
5. Etre en accord sur la possibilité d’apprentissage de la puissance
6. Etc.
C’est un peu lourd, non ?
Louisa a écrit:
« Bien sûr, chaque mode est toujours déjà parfait. Mais, y ajoute Spinoza, chaque mode désire également devenir plus parfait qu'il ne l'est, Dieu ayant la plus grande perfection ou, ce qui revient au même, la plus grande réalité »
Enegoid:
Je ne sais pas où Spinoza dit que chaque mode désire devenir plus parfait qu’il n’est. Il dit surtout que chaque mode cherche à persévérer dans son être, me semble-t-il.
Enegoid a écrit :Pour Spi la perfection humaine, c’est le modèle qu’il annonce au début de Et 4 « Nous dirons en outre les hommes plus ou moins parfaits suivant qu’ils se rapprocheront plus ou moins de ce même modèle ». Mais c’est par une sorte de convention qu’il parle alors de perfection : « Bien qu’il en soit ainsi, cependant il nous faut conserver ces vocables ». Et cette convention il la justifie par son désir à lui Spinoza de « former une idée de l’homme qui soit comme un modèle ». Cela ne contredit pas le fait (pour lui) que « la perfection et l’imperfection ne sont que des modes de penser ».
Louisa a écrit:
« Autrement dit: quelqu'un sans instruction, qui forcément a peu d'idées adéquates »
Enegoid:
Je ne vois pas où vous pouvez trouver chez Spi une ligne qui associe les idées adéquates à l’instruction !
Louisa a écrit:
« …dispose d'un degré de puissance et donc d'une réalité fort petite. Il "existe peu"
Enegoid:
Affirmation très générale et très complexe. Mais vous reliez à quoi ? aux idées adéquates ou à l’instruction ?
Louisa a écrit:
Il est fort soumis aux rencontres fortuites avec la nature
Enegoid:
Croyez-vous que les rencontres fortuites avec la nature (le monde) dépendent principalement de nous ? (Je ne nie pas que l’on puisse, plus ou moins, les choisir. C’est une question de proportion entre le plus et le moins).
Louisa a écrit:
Il connaît peu de joies durables, peu de moments de béatitude. »
Enegoid:
Ah ? Qu’en savez-vous ?
Enegoid a écrit :
Et si on ne passe pas par des modèles abstraits, on aboutit à ce genre de question : un homme (ou une femme) qui appartient à la catégorie « jeune de banlieue » est-il plus ou moins « puissant » qu’un homme ou une femme qui cherche à s’approcher du modèle du sage spinoziste ?
Vous répondez oui, par principe, me semble-t-il. Pas moi.
Nepart a écrit :D'un côté on a envie d'être superieur aux autres, et d'un autre, on a envie que les autres reussisent aussi bien que nous,
S. de Beauvoir a écrit :Suis-je orgueilleuse? oui en ce sens que je m'aime passionnément, que je m'intéresse à moi, et que je suis sûre de valoir quelque chose, c'est-à-dire d'être une forme de vie unique et intéressante; ce qui manque à presque tous, c'est d'en avoir conscience, soit explicitement par un retour sur soi-même (Barrès, Gide...), soit implicitement par des actes dans lesquels on exprime son originalité (Péguy). Je pense que pour être quelqu'un, cette conscience, avouée ou non, est indispensable. Maintenant, est-ce bien là l'orgueil? la constatation d'une chose évidente n'est pas de l'orgueil. Je suis heureuse d'être ce que je suis. Est-ce bien de l'orgueil? évidemment je me préfère parce que pour moi-même rien n'est aussi important que moi, que je me dois à moi, cela je le crois, d'accord avec Barrès; mais cette position, toute morale, ne me semble pas différente de celle du chrétien qui doit préférer le salut de son âme au salut d'autrui. L'orgueil, pour moi, est de se juger préférable, et cela je ne le fais pas; il y a bien des formes de vie qui me semblent préférables à la mienne, bien des êtres que j'admire, que je place au-dessus de moi; je dois avouer qu'il y en a beaucoup que je place au-dessous, en quoi j'ai tort; j'ai bien le droit de les aimer moins, non de les juger moindres, de même que je préfère une rose à une fourmi, sans pouvoir dire qu'une rose est supérieure à une fourmi, ce qui est au contraire faux à beaucoup de points de vue. Bref: c'est bien peu de chose que moi, mais c'est moi.
Louisa a écrit :Nepart a écrit :D'un côté on a envie d'être superieur aux autres, et d'un autre, on a envie que les autres reussisent aussi bien que nous,
comme le disait déjà Enegoid, il s'agit peut-être tout de même de deux choses différentes, même si elles ne sont pas sans lien l'une avec l'autre.
Vouloir que d'autres réussissent aussi bien que nous, cela s'approche de ce que Spinoza appelle "la charité", il me semble, c'est-à-dire le désir de faire un maximum de bien aux gens, de vouloir les rendre le plus heureux possible.
A côté de cela, on a envie soi-même d'être le plus heureux possible, et on est content quand on constate qu'on est tout de même déjà un peu plus heureux/puissant qu'un tel ou un tel.
Or l'un n'exclut pas forcément l'autre, d'un point de vue spinoziste, au contraire même: plus on est soi-même heureux, plus on désire que les autres soient toujours plus heureux eux aussi. Plus on est puissant, plus on aime rendre les autres plus puissants.
Nepart a écrit :
Ce qui m'interroge c'est le conflit entre 2 sources de plaisirs qui s'opposent l'une à l'autre:
On ne peut pas répondre en même temps au désirs de vouloir que les gens soit aussi puissant que nous et vouloir être parmi les plus puissants.
De la même façon que d'un côté on veut l'égalité des hommes, mais on ne veut pas renoncer à notre confort.
Il y a donc conflit entre 2 sources de plaisirs, et je ne vois pas de moyen de répondre à ces 2 desirs.
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