Comment devient-on spinoziste ?

Questions touchant à la mise en pratique de la doctrine éthique de Spinoza : comment résoudre tel problème concret ? comment "parvenir" à la connaissance de notre félicité ? Témoignages de ce qui a été apporté par cette philosophie et difficultés rencontrées.
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Vanleers
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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 15 févr. 2016, 10:17

A hokousai

1) Vous vous référez aux notions d’individu et de sujet.
J’ai rappelé ce que Spinoza entend par « individu » : un individu est un corps, qui se distingue de tous les autres par une union des corps dont il est composé.
Quant au « sujet » (subjectum), le mot n’est utilisé que deux fois dans l’Ethique, dans le sens d’un simple support : support de choses contraires en E III 5 et support de deux actions contraires dans l’axiome 1 de la partie V. C’est bien peu pour justifier un appel à la subjectivité.

2) Vous mettez en avant la conscience claire et distincte. Ceci est de peu d’importance dans le système de Spinoza pour qui l’essentiel est la connaissance claire et distincte.
Dire qu’un homme connaît une chose X, c’est dire que son esprit a une idée d’une chose X.
Dire qu’il est conscient de X, c’est dire que son esprit a l’idée de l’idée de X mais c’est automatique dès qu’on a l’idée de X, comme Spinoza le rappelle en E II 21 sc.
L’important est d’avoir une connaissance claire et distincte de X : la conscience de X suivra automatiquement et n’apportera rien de plus à la connaissance de X.

3) Qu’un individu particulier puisse, à un moment donné, changer le cours des choses, bien entendu, mais cela ne résulte pas d’une libre décision de sa part : il ne pouvait pas faire autrement que de changer le cours des choses comme il l’a fait.

4) Spinoza explique dans le scolie d’E II 48 que si l’on entend par volonté, non pas le désir mais la faculté d’affirmer et de nier, cette faculté est une notion universelle qui ne se distingue pas des singuliers à partir desquels nous la formons. Autrement dit, il n’y a pas de volonté au sens de la faculté susmentionnée mais seulement des volitions.

5) Ce qui différentie le paranoïaque de l’homme sain d’esprit, ce sont leurs corps et, en conséquence (E II 13 sc.), leurs esprits. On pourrait dire aussi leurs ingenia mais cela revient au même car les ingenia sont marqués dans les corps qui gardent les traces des rencontres qui ont déterminé l’ingenium.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 15 févr. 2016, 13:27

Vanleers a écrit :2) Vous mettez en avant la conscience claire et distincte. Ceci est de peu d’importance dans le système de Spinoza pour qui l’essentiel est la connaissance claire et distincte.

Donc c'est extrémement important cqfd

Je ne distingue conscience de connaissance que dans une problématique plus moderne ( peut- être introduite par FIchte).
Que la problématique soit moderne n' implique pas que Spinoza aurait pu confondre indistinctement la connaissance claire et distincte dont il avait conscience avec ce qui pourrait être pensée mais dont il n' avait pas conscience.
Le clair et distinct me semble renvoyer à un apparaitre clairement et distinctement.


TRE a écrit :35. D'où il suit évidemment que la certitude n'est autre chose que l'essence objective de l'objet, je veux dire que la manière dont nous sentons l'essence formelle de l'objet est la certitude elle-même ; d'où il suit encore évidemment qu'il suffit pour reconnaître la certitude de la vérité, d'avoir l'idée vraie de l'objet, et qu'il n'est besoin d'aucun autre signe ; car, ainsi que nous l'avons montré, il n'est pas nécessaire, pour savoir, que je sache que je sais. D'où il suit encore évidemment que celui-là seul sait ce qu'est la suprême certitude qui possède l'idée adéquate ou l'essence objective de quelque chose, la certitude et l'essence objective ne faisant qu'un.


réalité objective veut dire :ce que nous voyons dans la pensée
essence formelle est la réalité "en soi" ,dite de nos jour objective.

La manière dont nous sentons est la certitude.
De mon point de vue quand nous n' avons pas conscience de sentir, nous ne sentons pas.

TRE a écrit :La méthode doit nécessairement traiter de la faculté de raisonner et de la faculté de concevoir : je veux dire que la méthode n'est pas le raisonnement lui-même par lequel nous concevons les causes des choses, et qu'elle est encore bien moins la conception même de ces causes. Toute la méthode se réduit à comprendre ce qu'est l'idée vraie, à la distinguer de toutes les perceptions qui ne sont pas elle, à interroger sa nature, et à connaître par là la puissance de notre intelligence, et à gouverner tellement notre esprit qu'il comprenne tout ce qu'il lui est donné de comprendre selon la loi que nous lui faisons, en lui dictant, pour l'aider, certaines règles bien déterminées et en lui évitant d'inutiles effort.


TRE a écrit :il s'ensuit que la connaissance réflexive qui a pour objet l'être absolument parfait sera supérieure à la connaissance réflexive qui a pour objet les autres idées ;
Spinoza dit réflexive .
TRE a écrit : la Méthode n’est rien d’autre que la connaissance réflexive (cognitio reflexiva), ou l’idée de l’idée (idea ideae);
....

mais bref sur cette question là .


.................
Vanleers a écrit : Autrement dit, il n’y a pas de volonté au sens de la faculté susmentionnée mais seulement des volitions.
Ce que je dis aussi mais qui n'apporte rien à la question de la nature de telle et telle volition singulière.
QUi affirme et qui nie ?
Votre réponse est: PERSONNE.

Moi qui pense que ce n'est pas PERSONNE, je fais une différence entre les volitions de tel esprit paranoïaque et celle de tel esprit qui ne l'est pas. Je dis donc que ce n'est pas personne qui prend des décisions mais tel esprit singulier .

A mon avis, s'il n' y a personne pour la prendre aucune décision ne sera prise.

Vous dîtes
mais cela ne résulte pas d’une libre décision de sa part : il ne pouvait pas faire autrement que de changer le cours des choses comme il l’a fait.

On ne lui donnerait pas le choix ( en fait il se donne le choix )
bien évidemment il ne pourrait pas faire autre chose que le seul acte présenté à l'intention d'agir.
Ce qui n'est pas le cas.
Il y a le choix.

Mais ce choix vous le présentez comme un non choix .
C' est à dire qu' in fine (pour vous ) il n y a aucune différence entre avoir le choix ou ne pas avoir le choix :?: . ce qui n'est pas le cas ...
Il semble bien y avoir une différence. Comment expliquer cela ?
.............................................
Sur les trois questions
1) avoir conscience ou non
2)l' esprit pathologique et l'esprit normal.
3)le choix et le non choix

Vous ne distinguez pas
(ou alors que très superficiellement...par charité).

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 15 févr. 2016, 16:50

A hokousai

Au point 3 de mon précédent post, je me suis placé dans la situation où un homme a le choix entre plusieurs possibilités. Il prend une décision, c’est-à-dire choisit l’une des possibilités. Ce que je soutiens, c’est que, dans le cadre spinoziste, ce choix ne peut être un libre choix, au sens où il résulterait d'un supposé libre arbitre de cet homme.
E I 28 est en effet imparable et ce choix résulte nécessairement d’un enchaînement infini de causes extérieures à cet homme.
Toutefois, et comme je l’ai souvent écrit, il peut arriver que ce choix puisse s’expliquer, aussi, par cet homme seul et, dans ce cas, on dira que ce dernier est cause adéquate de son choix.
Comment comprendre qu’un choix, qui s’explique TOUJOURS par un enchaînement de causes extérieures, puisse s’expliquer, AUSSI, par cet homme seul ?
Je reprends l’explication de Pascal Sévérac que j’ai souvent citée également : cela se comprend si cet homme fait « cause commune » avec les causes extérieures qui déterminent son choix.
Faire cause commune, cela passe par la compréhension des causes qui déterminent le choix. En comprenant mieux, c’est-à-dire en prenant de la distance par rapport à ce qui le détermine, l’homme se libère d’une pesanteur, il apprend à mieux se connaître, lui et sa place dans le monde. Il augmente sa puissance, ce qui s’accompagne d’un affect de joie. Cela peut aller jusqu’à la compréhension du lien avec la Nature entière et à la béatitude.
Tous les hommes sont-ils également aptes à connaître leurs déterminations ? Le paranoïaque est-il plus mal placé que l’homme sain d’esprit ?

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 15 févr. 2016, 22:43

E I 28 est en effet imparable et ce choix résulte nécessairement d’un enchaînement infini de causes extérieures à cet homme


Spinoza a écrit :Tout objet individuel, toute chose, quelle qu'elle soit, qui est finie et a une existence déterminée, ne peut exister ni être déterminée à agir si elle n'est déterminée à l'existence et à l'action par une cause, laquelle est aussi finie et a une existence déterminée,
jusque là ça peut être admissible
mais
Spinoza a écrit :et cette cause elle-même ne peut exister ni être déterminée à agir que par une cause nouvelle, finie comme les autres et déterminée comme elles à l'existence et a l'action ; et ainsi à l'infini.
Là ce n'est plus admissible.
Cet "à l'infini" renvoie à de l'incompréhensible.Tout le raisonnement est grevé (dramatiquement) par cet incompréhensibilité. Tout tient tant qu''on ne plonge pas les yeux dans l'infini et dans l'infinité des causes.
L'infinité des causes annihile LA CAUSE comme concept (clair et distinct ).

La CAUSE comme concept est à usage restreint au domaine étroit du fini . Il fonctionne logiquement dans ce contexte. Il n'a pas rapporté à l'infini plus de sens que de composer la matière à partir d'atome ou de particules " supposées infiniment petites ".
la détermination par les causes n'a in fine pour moi aucun sens . Le concept de nécessité a du sens pas pas celui de détermination par les causes.

Je peux retenir ce qui suit dans le cadre d'une pensée claire et distincte
si elle n'est déterminée à l'existence et à l'action par une cause, laquelle est aussi finie et a une existence déterminée,
le revoie à l'infini est peu clair.
Je vois UNE cause des mes actes et je retiens cette cause là .

Toute les autres sont de l'ordre de la spéculation métaphysique hardie.
Le déterminisme mécaniste est de l'ordre de la spéculation métaphysique hardie (voir inconsidérée).

Le mécanisme de Spinoza là dans cette partie de son oeuvre est peu convaincant .
...................

Faire cause commune, cela passe par la compréhension des causes qui déterminent le choix. En comprenant mieux, c’est-à-dire en prenant de la distance par rapport à ce qui le détermine, l’homme se libère d’une pesanteur, il apprend à mieux se connaître, lui et sa place dans le monde.

A strictement suivre le raisonnement de Spinoza (au début de l' Ethique ) il serait obligatoire de connaitre l'infinité des causes .
Cette impossibilité évidente est remplacée vaille que vaille par l' idée d'" une prise de distance ",d' une "libération de la pesanteur ", le sentiment de savoir sa place dans la nature...
tout cela est bel et bon et s' accompagne d 'un affect de joie certes ...sans doute. :)

Mais lorsque je dois faire un choix, QUI décide ?( mon voisin ? ou d'obscures causes subies passivement, des forces extérieures ...la nature toute entière ... que sais-je :?:

Si je n'ai pas un minimum de foi en mon pouvoir de décision, je ne décide rien.
ma puissance d'agir est largement compromise.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 16 févr. 2016, 11:45

A hokousai

Avant de répondre à vos objections, je ferai d’abord une remarque concernant directement le sujet de ce fil : « Comment devient-on spinoziste ? ».
Car on peut le devenir plus ou moins, être tenté par un syncrétisme réunissant plusieurs philosophies. Un exemple connu est celui de Robert Misrahi, qui a cherché à concilier Spinoza avec l’existentialisme sartrien. On est spinoziste mais jusqu’à un certain point et, dans ce cas, on risque d’être prompt à repérer ce qui apparaît comme des inconséquences de Spinoza.
La bonne méthode me paraît être, sans abandonner son esprit critique, de faire l’effort de comprendre ce que dit réellement Spinoza et de ne parler d’inconséquence que si cela est certain.
.
J’en viens maintenant à votre post.
La question de la régression à l’infini que pose E I 28 a déjà été abordée sur le forum, notamment en :

viewtopic.php?f=12&t=1509

Pierre Macherey, commentant E I 28, écrit :
« Dans ce système complexe [la nature naturée], toutes choses sont à la fois causes et effets, sans qu’il soit possible de remonter cet enchaînement des causes et des effets jusqu’à une première cause qui, inscrite en un point privilégié de ce réseau, n’y serait que cause seulement et en rien effet. C’est ce qu’exprime la formule « et ainsi de suite à l’infini » (et sic in infinitum), qui clôt provisoirement, mais sans la refermer, en l’ouvrant au contraire au-delà de toute limite assignable, cette présentation du réseau modal saisi dans le rapport respectif de ses éléments constituants. » (Introduction… I p. 180)

L’énoncé de la proposition E I 28 se termine par « et ainsi à l’infini », ce qui signifie que, dans l’ordre des choses singulières, il n’y a pas de cause absolue, de cause qui ne serait pas l’effet d’une autre cause, autrement dit qu’il n’y a pas de cause initiale.
La Nature est Cause de soi, autrement dit, en termes plus contemporains, une Autoproduction absolue, c’est-à-dire sans extérieur. La Nature naturante s’autoproduit dans la Nature naturée et il est donc clair que, dans la Nature naturée, il ne saurait être question d’une cause initiale.
C’est dans cette perspective qu’il faut entendre le « et ainsi à l’infini » de la proposition E I 28 et non dans le sens d’une classique regressio ad infinitum, marque d’une impuissance et, comme telle, critiquable.

Quel est l’intérêt pratique d’E I 28 ?
Il n’est pas nécessaire de connaître l’infinité des causes (ce qui est strictement impossible) pour réprimer et maîtriser les affects mais, plus modestement, la démonstration d’E V 6 (qui se réfère à E I 28 – unique occurrence de cette proposition dans la partie V) énonce :

« L’Esprit comprend que toutes les choses sont nécessaires (par E I 29) et sont déterminées à agir et à opérer par le nœud infini des causes (par E I 28) ; et par suite (par la Prop. précéd.) en cela il fait qu’il pâtit moins des affects qui en naissent et (par E III 48) est moins affecté envers elles. »

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 16 févr. 2016, 14:07

Macherey a écrit :« Dans ce système complexe [la nature naturée], toutes choses sont à la fois causes et effets, sans qu’il soit possible de remonter cet enchaînement des causes et des effets jusqu’à une première cause qui, inscrite en un point privilégié de ce réseau, n’y serait que cause seulement et en rien effet. C’est ce qu’exprime la formule « et ainsi de suite à l’infini » (et sic in infinitum),


J' ai plus tendance à raisonner (si l'on peut dire :? ) transversalement . La question d'un début des causes est hors du sujet. Mais la question de la nature de ces causes demeure.

Soit une chose présente ( hic et nunc)
elle est bien évidemment en relation avec son environnement.
On peut dire que les choses avec lesquelles elle est en relation causent la chose.
Je suis disons hors de l' écoulement ou de la suite des causes . Dans une sorte de présence hors du temps .
Disons que la situation est indifférent au temps ...mais pas à la présence ( hic et nunc).


Quelle est le genre de relations entre les choses ? Qu' est -ce qu'une cause là ?
Moi je vois une co- présence .
Une chose ET un environnement composé (si l'on peut dire) d 'une infinité d' autres choses .


Ce que voudrais comprendre c'est pourquoi on ajoute de l'efficience à la co- présence.(on injecte de l'efficience dans la co -présence). On y ajoute une force .Non? :?:

Voila donc les choses dotées d'une force.
Comment cela peut- il fonctionner?

Une infinité de forces cela fait une force infinie s' exerçant sur chaque chose singulière.

1)Comment une force finie peut- elle résister à une force infinie et perdurer dans son "exister" :?:

2)Ou bien les forces jouent- elles les unes contre les autres de telle manière que l' effet global soit nul (plus de force du tout) ?

3)Ou bien qu'une partie des forces l' emporte sur d'autres ?
Mais comment faire un partage fini de l'infinité des forces ?

Conclusion ( provisoire ) Le concept de force est obscur, celui d efficience aussi et in fine celui de causalité efficiente .

C'est pourquoi à tout prendre je me pense autorisé à accorder de l'efficience autant à mon libre arbitre qu'aux supposée autres causes. Les autres étant très obscures, je prends celle qui l'est le moins.
Dans l'éternité, elle ne vaut peut- être pas, mais les autres encore moins.

........................................................

Le problème est qu'il faudrait lâcher une certitude en échange d'un savoir problématique. Or le concept de causalité efficiente est plus problématique que mon ressenti (celui du libre arbitre)
Je suis peut-être dans l' illusion en me pensant cause non parce qu'il y aurait de causes cachées mais plutôt parce qu'il n 'y a pas de causes du tout.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar aldo » 16 févr. 2016, 14:25

hokousai a écrit :Ce que voudrais comprendre c'est pourquoi on ajoute de l'efficience à la co- présence.(on injecte de l'efficience dans la co -présence). On y ajoute une force .Non? :?:

Ben déjà en disant que toi, tu es pris dans un jeu de forces...
(à par ça c'est plutôt les pumas qui mangent les gazelles et pas le contraire)

Le problème est qu'il faudrait lâcher une certitude en échange d'un savoir problématique.
(...)
Je suis peut-être dans l' illusion en me pensant cause non parce qu'il y aurait de causes cachées mais plutôt parce qu'il n 'y a pas de causes du tout.

Peut-être, mais si t'es "certitudes", tu en dis toi-même que c'est peut-être des illusions, on voit pas bien l'importance de ce que tu devrait "lâcher", si ce n'est un sytème vis-à-vis duquel tu te sens assez proche (comme tout un chacun), et qu'il faudrait réaménager avec d'autres éléments. Mais bon, c'est rien ça, juste un machin intellectuel (faut bouger les meubles). Même si tant que ça fait pas sens pour toi (que tu n'en as pas une compréhension au moins implicite), ça semble compliqué. J'imagine que tu vis pas non plus dans un monde de "certitudes" tout rond tout lisse...


PS : moi ce qui m'embête dans ce que je comprends de ce que dit Vanleers, c'est qu'on dirait que la connaissance de ce qui est en jeu suffirait à faire faire "le bon choix" (maintenant je peux interpréter de travers). Or quel que soit les décisions qu'on prenne, non seulement elles agissent sur le monde mais encore sans qu'on puisse prevoir comment, dans la mesure où autrui intervient. Donc ça ressemble pour moi encore à un truc en circuit fermé, de type "sagesse", où le monde c'est moi face à moi-même...

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 16 févr. 2016, 16:33

A hokousai

Je ne vous comprends pas.
Vous écrivez que « La question d'un début des causes est hors du sujet. »

Or, dans mon post précédent, je répondais à votre constat :

« Cet "à l'infini" renvoie à de l'incompréhensible. Tout le raisonnement est grevé (dramatiquement) par cet incompréhensibilité. Tout tient tant qu''on ne plonge pas les yeux dans l'infini et dans l'infinité des causes. »

Je crois avoir montré que cet « à l’infini » d’E I 28 ne renvoyait à rien d’incompréhensible. Chantal Jaquet explique encore mieux la question (Sub specie aeternitatis pp. 173-178 – Kimé 1997)
Elle montre que c’est par E I 28 que Spinoza introduit la durée dans son système. Il y a en effet un problème :

« Nous sommes ainsi le jouet d’une antinomie : d’une part la durée suit des choses éternelles et s’avère un effet de la puissance divine ; d’autre part, elle ne peut pas découler directement des choses éternelles, faute de quoi elle serait l’éternité. » (p. 174)

Selon C. Jaquet, Spinoza résout le problème comme suit :

« Pour résoudre l’aporie, il faut considérer que la durée est une propriété de l’existence qui résulte des choses éternelles non pas en vertu de leur causalité infinie, mais en tant qu’elles sont affectées par des modifications finies et déterminées. C’est ce qu’établit la démonstration de la proposition 28 qui s’avère la clef de voûte des rapports entre durée et éternité. » (ibid.)

Elle s’interroge néanmoins :

« D’aucuns pourraient cependant s’interroger sur la légitimité de calquer la genèse de la durée sur le modèle de l’existence des choses singulières. La proposition 28, en effet, ne concerne pas explicitement la durée, mais établit la nécessité d’une série infinie de causes finies pour déterminer les choses singulières à exister et à agir. De quel droit applique-t-on à la durée une détermination valable pour les choses singulières ? En réalité, le procédé est légitime dans la mesure où la durée n’est rien d’autre que l’existence prise dans sa continuité indéfinie. La durée, rappelons-le, est une affection qui ne se distingue pas réellement de l’existence. Commencer d’exister, c’est commencer de durer. C’est pourquoi, le problème de l’apparition de la durée se ramène à celui de la production des choses singulières et ne doit pas être traité séparément. De ce fait, l’énigme du rapport entre éternité et durée ne peut trouver sa solution que dans le cadre plus général de l’examen des relations causales entre le fini et l’infini. » (p. 176)

Toutefois :

« Une question redoutable demeure en suspens : comment une première modification finie a-t-elle pu surgir d’attributs et de modes infinis ? » (p. 178)

Et voici la réponse :

« La proposition 28 dénoue à elle seule cette difficulté en écartant l’idée de passage ou de saut de l’infini au fini et résout le faux problème du commencement en montrant qu’il n’y a pas de première cause finie. Une recherche rivée à cet objectif est vouée à l’échec, car elle métamorphose le présupposé de l’existence d’un commencement en certitude et s’égare en vaines conjectures. Notre tendance à l’anthropomorphisme nous conduit à croire que tout a un début et une fin et à rejeter une hypothèse contraire à ce préjugé. […] Si toute modification finie est produite par une autre qui a son tour est engendrée de la même manière, il devient impossible de s’arrêter dans la chaîne des causes et d’assigner un commencement à la durée. La durée spinoziste se rapproche ainsi de la sempiternité, car elle n’a jamais commencé d’être, mais a été est et sera. » (ibid.)

PS Vous vous placez « dans une sorte de présence hors du temps ».
Alors là, nous sommes carrément hors sujet et même en rupture complète avec nos précédents échanges où il a été question de modifier l’ingenium, de prendre une décision ou de faire un choix, toutes choses qui se passent dans le temps.

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar hokousai » 16 févr. 2016, 20:31

Vanleers a écrit :Je ne vous comprends pas.
Vous écrivez que « La question d'un début des causes est hors du sujet. »
Je vous redis que je me place dans une présence (hic et nunc) et que dans ce contexte il n' y a pas de temporalité. Il n'y a pas de question d' un début( ad infinitum des causes).

Vanleers a écrit :PS Vous vous placez « dans une sorte de présence hors du temps ».
Alors là, nous sommes carrément hors sujet et même en rupture complète avec nos précédents échanges où il a été question de modifier l’ingenium, de prendre une décision ou de faire un choix, toutes choses qui se passent dans le temps.

Pour moi la décision se place non dans le temps mais dans une présence.
Si vous vous replacez dans le temps vous avez alors le régime de causalité efficiente que je critique.
.......

Les textes de C Jaquet sont certes très intéressant( ( merci :) )

C Jaquet a écrit :« Nous sommes ainsi le jouet d’une antinomie : d’une part la durée suit des choses éternelles et s’avère un effet de la puissance divine ; d’autre part, elle ne peut pas découler directement des choses éternelles, faute de quoi elle serait l’éternité. » (p. 174)


Il y a un véritable problème pour moi.
Je sui éternaliste. Mais absolument éternaliste .
C 'est à dire que je ne distingue pas (et pour le coup c'est moi qui ne distingue pas) entre des choses plus éternelles et des moins éternelles.
Bref pour moi c'est la totalité ( si une totalité est pensable ) de la Nature qui est éternelle.
Spinoza ne pense pas cela.
Il est confronté à des antinomies.
...........
Il y a une phrsase de C Jaquet que je retiens (une seule)
La durée spinoziste se rapproche ainsi de la sempiternité, car elle n’a jamais commencé d’être, mais a été est et sera.


je dirais que chaque présence (disons ce qui apparait/ la parution du monde) n’a jamais commencé d’être, mais a été est et sera.
Chaque parution est évidemment datée (introduite dans une temporalité par l'esprit humain =ie le temps aussi nous l'imaginons).
Nous ne pouvons être dans une présence ET dans d'autres. Chacune singulière est par cela datée (déterminée par l'esprit humain). L' étendue est elle aussi déterminée du fait de la singularité de la parution ( la nature apparait singulièrement dans telle singularité de l' étendue.

Ma parution a un degré de réalité pour moi là où je suis . (et c'est tout )
C 'est une réalité pour moi (et en soi).
Mais l' infinité des parutions possibles (donc réelles) existe réellement dans l'éternité.
Elles sont tous simplement le lieu où je ne suis pas présent .

La question du libre arbitre devient une question d'affirmation de la présence (de moi à moi même et du monde à moi même).
J 'affirme la présence (une parution).
Je suis à ce que je veux parce que j'en suis conscient.

Et je pense ( sans doute comme Fichte) que le MOI s' auto- pose . Il n'est pas posé par ...une suite infinie de causes ou une infinité de causes co- présentes.
Il est ce qui s' auto- pose et c'est le seul événement de la nature qui soit tel.

(voila pourquoi je ramène ma philosophie à la conscience).

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Re: Comment devient-on spinoziste ?

Messagepar Vanleers » 17 févr. 2016, 11:28

A hokousai

Vous écrivez que vous vous placez dans la présence, que vous ramenez votre philosophie à la conscience et vous écrivez :

« La question du libre arbitre devient une question d'affirmation de la présence (de moi à moi-même et du monde à moi-même). »

Je pense que vous ne retenez de l’Ethique que l’axiome 4 de la partie II et ce que Spinoza en déduit. Cet axiome est le suivant :

« Nous sentons qu’un certain corps est affecté de beaucoup de manières »

Spinoza ne se réfère qu’une seule fois à cet axiome : c’est pour démontrer E II 13 dont le corollaire énonce :

« […] le Corps humain existe ainsi que nous le sentons. »

La présence dont vous parlez n’est, à mon avis, que le sentiment que votre corps existe et cela semble vous suffire.
Spinoza démontre bien autre chose et, sans vouloir vous offenser, si vous vous contentez de cela, c’est comme si vous en restiez à l’âge de la pierre taillée alors que Spinoza en est à celui de la théorie de la relativité générale.
Affirmer la présence « de moi à moi-même et du monde à moi-même », c’est sentir que mon corps existe, mais c’est tout confondre que de dire que la question du libre arbitre devient la question de l’affirmation de la présence.
Selon Spinoza, le libre arbitre est une illusion et il écrit :
« […] en sorte que l’expérience elle-même montre, non moins clairement que la raison, que les hommes se croient libres pour la seule raison qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par quoi elles sont déterminées ». (E III 2 sc.)

Enfin, vous dites que Spinoza est confronté à des antinomies mais la seule question est de savoir s’il résout ou non ces antinomies. Quelles sont celles qui, selon vous, ne sont pas résolues ?


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