Nepart a écrit :Si notre but est de vraiment améliorer la vie des autres, on ne ferait, pour la plupart, pas ce que l'on ferait.
Si c'était notre but, on le ferait avec plus de résultats, on ne partirai pas en vacances au ski et on pourrais nourrir 50 personnes pendant 1 ans avec cette argent.
un jour je me suis retrouvée en Afrique, à l'intérieur du pays, en donnant la main à un couple africain qui vivait seul sur une colline, dans une cabane de paille et de boue. Mes chaussures, faites pour faire de longues promenades, avaient coûtés 100 euros. Je les avais achetées spécialement pour ce voyage. Eux? Ils n'avaient rien. Un champ de maïs qui à cause de la sécheresse cette année-là n'avait rien donné, et une seule poule, qui leur fournissait des oeufs, seule chose dont ils vivaient depuis des mois. Ils voulaient absolument abattre la poule, comme l'exigent leurs règles d'hospitalité. Tout ce qu'ils possèdent ne coûtait, pris ensemble, certainement pas 100 euros. J'avais à l'époque à peine 22 ans, eux 45 (mais on dirait qu'ils avaient 70 ans, tellement leur visage était marqué).
Il est évident que ce genre de choses te touche profondément. Mais que faire??? Rester là? Je ne pourrais certainement pas faire pousser le maïs plus vite. Leur donner de l'argent? Le premier magasin se trouvait à 300 km, ils ne pourraient rien faire avec. Finalement, la seule chose que j'ai pu faire, c'est leur donner la fierté d'accueillir selon ce qu'exige leur tradition un hôte, tout en n'abattant pas la poule. Inutile de te dire que je ne me sentais pas très bien en retournant, en jeep, au monde dit "civilisé" ... .
Tout ceci pour te dire que "aider les gens", ce n'est pas si facile que ça. Certes, on peut partir au tiers-monde et exercer là l'un ou l'autre métier. Mais cela n'abolira pas la misère du monde. On pourrait également, comme l'a fait un Nobel d'économie récemment, créer un système de banques qui offre des microcrédits à des pauvres. Cela a peut-être déjà plus d'impact, au niveau "mondial". Mais cela n'empêché que de temps en temps, ce prix Nobel profite d'un congé bien mérité (ski ou autre).
Tout commence donc par comprendre et accepter le fait qu'on pourra certes faire quelque chose, mais jamais remédier à la misère humaine une fois pour toute. Il faudra donc bien choisir son activité, puis tout faire pour avoir un maximum de forces et d'énergie à y investir. C'est pourquoi c'est important de penser aussi à notre bonheur, car plus nous sommes malheureux, moins nous aurons de l'energie pour nous donner à fond à l'activité que nous avons choisie.
Bien sûr que ce n'est pas ce que fait la majorité des gens. Et alors? Faudrait-il attendre le moment qu'ils le fassent avant de s'y mettre soi-même ... ? Remédier à la misère du monde, n'est-ce pas avant tout remédier aux ignorances, donc aux idées inadéquates, donc aussi au fait que pas mal de gens croient qu'il vaut mieux ne rien faire et chercher un bonheur purement individuel?
Nepart a écrit :Il ne faut pas être naif, on a une part en nous qui fait que l'on pense à l'autre, mais elle n'est pas développé à l'infini.
Pour schématiser, c'est comme si on ressentait 0,0000001% des sensations des autre.
Ainsi, je suis prêt à échanger 1% de mon plaisir si cela peut en créer 0,00001% chez un autres. Or très souvent ce pourcentage est tellement faible qu'il est dans notre intérêt de ne pas penser aux autres.
Serions nous prêt à mourir pour quelqu'un que l'on sait qui servirait plus "l'humanité"?
à mon avis, l'originalité du spinozisme, à ce sujet, consiste dans le fait de prouver que ce qui est le plus utile à nous-mêmes est aussi le plus utile pour les autres. Les deux ne s'opposent plus (comme c'était souvent le cas dans certains christianismes, où "sacrifier" sa vie aux autres n'était "récompensé" qu'après la mort). Ce n'est plus une question "d'échange" de bonheur. C'est en me souvenant de ce que j'ai vu en Afrique que je pourrai, une fois de retour dans le monde occidental, réfléchir à comment agir d'une telle façon que moi-même, ayant l'essence singulière donc le degré (limité!!) de puissance que j'ai, je pourrais contribuer ne fût-ce qu'un tout petit peu à améliorer tout cela. Je ne vois pas en quoi il faudrait en faire une question de vie ou de mort. Il est extrêment rare qu'il suffit de mourir pour que déjà une seule personne d'autre puisse sérieusement "servir l'humanité". L'humanité n'existe pas, il n'y a que des hommes. Si chaque être humain essaie, de temps en temps, de réfléchir un peu sérieusement à ce qu'il devrait faire pour augmenter le bonheur de ces gens qu'il fréquente dans sa vie quotidienne, tu ne crois pas que cela changerait déjà quelque chose, que ce serait déjà formidable?