hokousai a écrit :Partir de Dieu ou partir des choses singulières ? Spinoza nous dit que tout est donné d'un coup dans une connaissance intuitive .
Ce n'est pas une illumination mystique .C'est un regard intellectuel porté sur les choses singulières .
Car sur quoi d'autres voulez -vous porter le regard ?
conscient de soi ET de Dieu ET des choses avec une certaine nécessité éternelle
Je n'ai pas de problème avec la dernière phrase, si ce n'est son ordre. La nécessité éternelle ne vient en fait QUE de la connaissance de Dieu, lequel est
cause de tout (tout est en lui) - et donc de moi et des choses - et éternel.
Cette connaissance est nécessairement - dans le vrai -antérieure aux deux autres. Sinon, de quel "soi" s'agit-il pour ce qui n'a pas d'en-soi ? C'est en les voyant clairement et distinctement causés par Dieu que je suis véritablement conscient de moi et des choses (et peu importe leur détails, et presque leur forme même.) Je suis conscient de moi quand je suis pleinement conscient de Dieu comme cause de tout. Et alors seulement je suis "éternel en acte." Sinon, c'est confondre le plan humain avec le plan divin, et plaquer la perfection divine sur de l'égocentrisme, qui est la négation même de la connaissance de Dieu et donc de Spinoza (évidemment Spinoza est loin de concilier l'Orgueil avec la Béatitude : il n'y a rien de plus opposé, ceci étant dit de façon on ne peut plus explicite) ; autrement dit, pour parler crûment, plaquer de la fausse dorure sur de la bouse (parfaite comme tout en Dieu), en termes de conscience vraie... et en réalité - et non selon l'intellectualisme stérile ou en prétention - n'avoir rien compris à Spinoza...
L'essence (toute essence) c'est la nature même de Dieu (Nature naturante ET naturée), tout simplement. Comme tout est contenu dans la nature de Dieu et que Dieu est éternel, l'essence de quoi que ce soit est éternelle. C'est simple comme bonjour. Il n'y a pas d'arrière-monde, il y a Dieu, point. Dieu étant éternel et donc non soumis au temps, il faut donc que TOUT être (en dehors duquel il n'y a aucun être de quelque nature que ce soit, donc) soit conçu "en un seul bloc", sans aucune référence au temps.
Dieu n'a aucun devenir. L'éternité n'est que de la (véritable) conscience de Dieu. Toute considération de devenir n'a donc aucun rapport à l'éternité.
La compréhension du Monde implique de s'extraire de la simple sensation de base. Spinoza dit que la connaissance de Dieu est comprise dans la sensation de base par ce qui est commun au percevant et au perçu (et qui n'est l'essence d'aucune chose singulière), pas que la sensation de base est l'alpha et l'oméga de la connaissance même, en l'état. Il dit très explicitement le contraire (E2P19-29 de mémoire.) Et il est dans le vrai...
Si, une nouvelle fois, je reprends la sensation du nouveau-né (que nous supposerons non contaminé par la mémoire), je trouve :
1 - (Je) suis (pensant.)
2 - Il y a des corps à l'extérieur de Je.
3 - Je et ces corps appartenons à un même monde (c'est contenu dans la perception même, qui implique une communauté de nature, puisqu'il y a relation.)
Voilà ce qui seul est immédiat (et qui correspond parfaitement à votre phrase ci-dessus.)
Le 3, c'est l'idée de Dieu, et elle rassemble les deux autres.
Serge
P.S. Je crois que si je devais lister les symptômes de base de grosse vanité exprimée dans le cadre philosophique, je mettrais la critique ultra-négative et péremptoire (et donc consolidée par aucune lecture de fond, voire aucune lecture tout court) de Platon. Un sport associé, on dirait... "Totalement opposé à Platon", "rien à voir avec Platon", comme marque de minimale hauteur de vue... La version locale du "meurtre du père" ? Grotesque ! Et encore plus en considérant que Platon reste très généralement ouvert à l'interrogation, à la contradiction... Outre que ses Idées ou Formes ou Essences sont en fait très proches des essences et êtres de Raison de Spinoza, Platon c'est aussi le gars qui a dit, entre une infinité d'autres choses manifestement sensées :
Platon a écrit : Cratyle : ... on ne peut même pas dire, Cratyle, qu’il y ait connaissance, si tout change et si rien ne demeure fixe ; car, si cette chose même que nous appelons connaissance ne cesse pas d’être connaissance, alors la connaissance peut subsister toujours et il y a connaissance. Mais si la forme même de la connaissance vient à changer, elle se change en une autre forme que la connaissance et, du coup, il n’y a plus de connaissance ; et, si elle change toujours, il n’y aura jamais connaissance, et pour la même raison il n’y aura ni sujet qui connaisse ni objet à connaître. Si au contraire le sujet connaissant subsiste toujours, si l’objet connu subsiste, si le beau, si le bien, si chacun des êtres subsiste, je ne vois pas que les choses dont nous parlons en ce moment aient aucune ressemblance avec le flux et le mouvement. ...
République : [Les] divisions [appliquées aux] quatre opérations de l'âme [sont] : l'intelligence à la plus haute, la connaissance discursive à la seconde, à la troisième la foi, à la dernière l'imagination, ... en ordre ... selon que leurs objets participent plus ou moins de la vérité. …
... cette puissance d'apprendre est présente dans l'âme de chacun, avec aussi l'organe grâce auquel chacun peut apprendre : comme si on avait affaire à un œil qui ne serait pas capable de se détourner de l'obscur pour aller vers ce qui est lumineux autrement qu'avec l'ensemble du corps, ainsi c'est avec l'ensemble de l'âme qu'il faut retourner cet organe pour l'écarter de ce qui est soumis au devenir, jusqu'à ce qu'elle devienne capable de soutenir la contemplation de ce qui est, et de la région la plus lumineuse de ce qui est. Or cela, c'est ce que nous affirmons être le bien.
Sophiste : Je dis que ce qui possède naturellement une puissance quelconque, soit d'agir sur n'importe quelle autre chose, soit de subir l'action, si petite qu'elle soit, de l'agent le plus insignifiant, et ne fût-ce qu'une seule fois, tout ce qui la possède est un être réel; car je pose comme une définition qui définit les êtres, qu'ils ne sont autre chose que puissance.
Lois : ... Mes amis, le dieu qui, selon l'antique parole, a dans ses mains le commencement, la fin et le milieu de toutes choses, va droit à son but tout en accomplissant les révolutions conformes à la nature ...
Connais-toi toi-même.