Prajnanpad est ancien professeur de Physique, a combiné la Psychanalyse à l'advaïta vedanta, etc. Un pont indien de très haut niveau entre Inde et Occident, qu'a saisi Arnaud Desjardins, entre autres moins connus. Un autre exemple de renom d'un tel pont est Shri Aurobindo, qui a développé une philosophie de l'esprit remarquable.
Note : Prajnanpad n'utilise jamais le mot "Dieu" (mais il a dit, alors qu'il mangeait un dessert avec une cuiller : "swamiji mange swamiji à l'aide de swamiji : qui est swamiji ?"). Desjardins si, parfois, mais c'est simplement parce qu'il convertit exactement la même chose en son équivalent en langage religieux - qui personnalise ce qui est impersonnel, objective ce qui est subjectif, temporalise ce qui est intemporel, etc. - , mais évidemment sans la dérive superstitieuse qui en est le grand risque.)
Le premier pilier de la voie selon Desjardins/Prajnanpad (
Le Vedanta et l'Inconscient (A la recherche du Soi III)) est
vedanta vijnana : la science du vedanta (les 3 autres étant : la destruction du Mental - au sens restreint de pensée inadéquate et affective -, la purification de l'inconscient et l'érosion du désir.) Comme la philosophie bouddhique mahayana, qui en est proche, l'advaïta vedanta est très loin de négliger l'usage de la logique, aussi, et plus généralement de l'intelligence (buddhi.)
jnana yoga = yoga de la connaissance = union avec le divin par la connaissance. Et les coïncidences avec Spinoza sont nombreuses.
Quasiment tous les occidentaux célèbres pour avoir été puiser à la source de l'Inde à haut niveau se réfèrent peu ou prou à l'advaïta vedanta (le Vishishtâdvaita de Ramanuja mérite sans doute d'y être confronté, mais est beaucoup moins répandu.) C'est très assimilable par les occidentaux, étant une Ontologie doublée d'une Psychologie : philosophie de l'esprit.
Jean Klein, une autre très haute référence occidentale (avec son "élève" Eric Baret) située dans la filiation de l'advaïta vedanta aussi, utilise très souvent des concepts philosophiques pour soutenir son enseignement. Il considère même indispensable d' "informer l'intellect."
Quant à Stephen Jourdain, athée, pur produit occidental, et avant tout pur produit "tout seul"

, il conteste frontalement quelques grands traits de ce qu'il a vu revenir d'Inde en général (ceci ne concernant pas les références de premier plan sus-citées, et pas forcément la philosophie indienne elle-même, lorsque bien comprise) ; tout spécialement : la négation totale du "moi", celle de la réalité du monde phénoménal, ainsi que le rejet de l'intelligence logique : rejets qui sont des perversions selon lui. Ses références principales sont Roger Gödel et Louis Lavelle. Comme déjà dit, il utilise souvent un langage philosophique très précis, voire ardu, mais dans le seul but de faire une description la plus juste possible de ce qu'il voit ; en revanche, s'il sent qu'on veut l'emmener dans une discussion théorique, manifestement identifiée par lui comme stérilité perverse, il coupe court.
L'Inde, mais aussi Jourdain qui n'en est pas du tout, semble donc n'avoir aucune disposition pour la discussion théorique déconnectée du ressenti, mais tout en même temps s'appuyer fermement sur la science de l'esprit, analytique et descriptive. Ce qui, me semble-t-il, a été rapporté comme mot de Deleuze, que la Philosophie consistait à inventer des questions pour lancer un développement théorique quelconque, est de ce point de vue une sorte d'antithèse parfaite. Tous partent du ressenti, et c'est seulement une démarche analytique sur cette base qui conduit au discours philosophique. C'est pourquoi on y découvre une combinaison d'Ontologie et de Psychologie, jusqu'à la Spiritualité la plus haute.
La haute philosophie indienne semble avoir évité à la fois la théologie et Aristote, dont la combinaison / neutralisation a donné la Scolastique en Occident, qui restructurée autour du sujet par (le surtout scientifique) Descartes, a finalement débouché sur un gros rétablissement en forme de "voie du milieu" avec Spinoza. C'est sans doute osé, mais bon...
Note : il n'y a en revanche pas à ma connaissance (limitée...) de "body-mind problem" dans la philosophie indienne - ni d'ailleurs chez les stoïciens, héritiers de Socrate, qui eux-aussi apparaissent avoir échappé au grand écart - : la pensée est le corps causal, l'émotion le corps subtil, le corps le corps "grossier". Ce qui en revanche échappe à l'espace, au temps et à la causalité (transitive) est le Soi (atman, = brahman, Conscience pure, présence pure, vide plein, etc.)
Connais-toi toi-même.