louisa:
Si tu permets, je ne vais pas rentrer dans une discussion concernant ma tête (qui sans aucun doute n'intéresse personne), pour essayer d'en rester aux arguments.
Durtal:
IL S AGIT bien d'un problème relatif aux arguments grosse maligne. Quand tu es dans une discussion et tu dis à un interlocuteur "P est le cas" et qu'au lieu de te réfuter pour te montrer que, non, décidément "P n'est pas le cas" il rétorque constamment "Q n'est pas le cas", je pense que l'on peut dire, oui, que cet interlocuteur à la tête un peu dure en effet et que toute discussion avec lui est stérile tant qu'il en sera ainsi. Cela fait partie des conditions pragmatiques de la discussion rationnelle.
je viens de le dire dans ma réponse précédente: il est évident qu'il faut qu'on soit d'abord d'accord qu'on parle de P au lieu de Q avant de pouvoir argumenter si P est le cas où non.
Or tu sembles espérer que lorsque tu écris sur P, tout le monde sait déjà ce qui se passes dans ta tête, tout le monde pense exactement ce que tu pensais toi quand tu l'écrivais. Spinoza n'est pas le premier à rappeler que les mots ne sont que des signes (comme les émoticons, d'ailleurs ...), c'est-à-dire ils sont par définition équivoques. Par conséquent, au lieu d'espérer avoir un jour une communication entièrement transparante entre les gens et de supposer qu'il n'y a que des défauts personnels chez l'autre qui empêchent ce paradis de se réaliser immédiatement, ne serait-il pas un peu plus "pragmatique" de supposer que bien comprendre de quoi on parle fait DEJA entièrement partie des conditions de possibilités d'une discussion rationnelle ... ?
Durtal a écrit :
Si tu veux réfuter alors réfute donc cette thèse: Rien en dehors de la puissance (essence) de Dieu ne saurait ni être ni se concevoir. Traduction: l'être fini ne peut ni être ni être conçu en dehors de l'être infini.
on pourrait commencer ainsi: tu me dis OÚ selon toi je dis quelque chose qui te fait penser que je ne serais PAS d'accord avec cette thèse.
Durtal:
Il est impossible de te démontrer quoique ce soit tant que tu continues ainsi, à prêter à la thèse un sens qu'elle n'a pas.
Louisa:
Drôle d'idée. Si je te comprends bien, un interlocuteur qui n'est pas "toujours déjà" convaincu de la vérité de la thèse de son "adversaire", ne pourra jamais y avoir accès ... ? Et la raison alors, cette faculté qui constitue pour Spinoza la nature même de l'homme, et qui est censée DEMONTRER RATIONNELLEMENT, c'est-à-dire par des arguments, la vérité de telle ou telle thèse ... ??
Durtal:
C'est juste n'importe quoi...les litanies habituelles... D'autant que tu as parfaitement compris ce que je voulais dire ici comme le montre ce qui suit:
Louisa a écrit:
Sinon il est clair qu'il faut d'abord qu'on comprenne bien QUELLE thèse chacun d'entre nous est en train de défendre. Je ne demande pas mieux qu'une explicitation de ton idée, si tu penses que pour l'instant je la comprends mal (ce qui est tout à fait possible, évidemment).
ok, tu n'as visiblement pas compris ce que je voulais dire par la première partie de ma réponse. Moi je ne comprends pas pourquoi tu commences alors à t'agacer au lieu de me demander de m'expliquer davantage ... .
Ce que je voulais dire, c'est qu'à mon sens, si tu dis que cela ne vaut pas la peine d'essayer de démontrer quoi que ce soit une fois que tu constates que ton interlocuteur réfute Q tandis que tu veux parler de P, tu sautes une étape cruciale dans toute discussion rationnelle concernant un texte philosophique: celle où il s'agit avant tout de démontrer qu'on est bien d'accord pour appeler ceci P et ceci Q. Car justement, tu expliques ton interprétation déjà à partir de cette interprétation, ce qui signifie nécessairement que certaines phrases que tu écris auront un autre sens pour toi que pour ton interlocuteur, puisque lui, comme il interprète le texte de Spinoza différemment, il ne pourra pas saisir directement tout ce que tu penses autour de ce que tu écris (c'est-à-dire que tu n'écris pas) et qui fait néanmoins partie du sens que la phrase a pour toi, tandis qu'il injectera nécessairement certaines idées propres à son interprétation à lui dans tes phrases en le lisant.
C'est pourquoi dès qu'on discute à un niveau un tant soit plus profond, comme c'est le cas ici, on ne peut, à mon sens, faire l'économie de toute une étape de tentatives de clarification de nos thèses en tant que telles. Autrement dit: il faut d'abord que tu démontres avoir compris ce que j'écris, et que je démontre avoir compris ce que tu écris, avant qu'on puisse comprendre sur quoi se base un désaccord, ou en quoi il consiste.
Durtal a écrit :Alors qu'est ce que tu racontes? J'ajoute que je suis presque aussi agacé que Vieordinaire par ces "leçons" de méthode que tu distribues si généreusement.
désolée, mais à mes yeux je ne fais que rappeler la "charte" de ce forum: des arguments
ad hominem souvent n'apportent pas grand-chose à une discussion, c'est tout. Ce qui signifie que je ne vais pas commencer à m'agacer à mon tour quand quelqu'un sent le besoin d'y recourir, j'ai simplement dit que je n'ai pas envie de confondre agacement et argument et partant je ne répondrai pas systématiquement à des choses qui ne sont pas de l'ordre d'un argument.
Durtal a écrit :Spinoza n'a jamais dit que tous les hommes avaient la même aptitude à se servir de leur raison et qu'ils étaient tous également capable de comprendre correctement les mêmes choses.
pour autant que je sache, il dit même l'inverse: la puissance de penser définit l'essence même d'une chose singulière, et par conséquent est toujorurs différente de celles des autres.
Durtal a écrit :Ce n'est donc pas parce que tu as tout le temps le mot de "démonstration"à la bouche que tu es capable d'en suivre ou d'en produire réellement une.
euh ... non, cela me semble être évident ... . A quoi bon rappeler de telles évidences .. ? Pourquoi s'imaginer que je les aurais "oubliées"/... ???
Louisa a écrit:
je vois moins de quoi il pourrait s'agir lorsqu'on parle de "L'ESPRIT". Quelle esprit .. ? L'esprit de qui? Spinoza était-il un pré-hégelien ... ?
Arf... avec le smiley du petit malin en plus....
ok, vu la confusion que suscitent apparemment les smileys (un visage qui rit ne veut pas forcément dire un visage qui méprise, il peut dire plein d'autres choses, notamment le fait de trouver telle ou telle idée drôle etc ..), je les laisse tomber à partir de maintenant.
Durtal a écrit :L'esprit tout court c'est l'esprit de Dieu, c'est à dire les lois de la nature en tant qu'elle s'explique sous l'attribut de la pensée.
L'esprit de Dieu, dit Spinoza, c'est une idée, donc un mode. C'est une idée composée, composée de toutes les autres idées que Dieu a des choses. Quant au lien avec les lois de la nature: je cherche encore. Mais je ne vois pas comment les lois de la nature pourraient n'être qu'un mode. Tout mode doit SUIVRE de ces lois, si elles sont censées désigner la nature de Dieu, c'est-à-dire son essence. C'est pourquoi je ne vois pas très bien comment un mode, comme l'est tout esprit, pourrait simultanément l'essence même de la substance.
Bref, j'ai souvent ces derniers temps la même impression: tu sembles admettre qu'il y ait des différences entre un mode et une substance, tu admets que le mode ne puisse être ni se concevoir sans l'essence de la substance, mais dès qu'on parle des conséquences de ces deux idées, on semble très vite penser assez différemment. Tel que je te comprends pour l'instant, il me semble que pas mal de choses que tu dis effacent des distinctions qui selon moins sont néanmoins cruciales. Ici: la distinction enter l'esprit divin, qui n'est qu'un mode, et l'essence ou la nature divine (à ne pas confondre avec la Nature = Dieu = la Substance, c'est-à-dire trois termes qui englobent aussi bien l'essence divine que ses affections ou modes), qui est la cause de ce mode. C'est pourquoi je t'ai déjà demandé de préciser davantage quelles sont pour toi les conséquences qui en découlent, et avec quelles conséquences que j'indique moi-même tu n'es pas d'accord et pour quelles raisons. Pour l'instant, j'ai plutôt l'impression que tu crois que je n'ai pas compris que tu admets une différence entre mode et essence de la substance, et tu réduis tous mes arguments à des arguments contre l'idée même de cette différence, tandis que je t'ai déjà dit que là-dessus, nous sommes tous les deux d'accord, les divergences ne commencent qu'une fois qu'on en tire ce qui nous semblent être les conséquences nécesssaires. Raison pour laquelle j'espère qu'on va pouvoir entrer dans ce débat-là, car ce n'est que là qu'on va à mon avis pouvoir voir qui se trompe éventuellement sur quel point. Mais bon, tu fais ce que tu veux bien sûr, ce n'est qu'une demande, sans plus.
Durtal a écrit :Il n'y a pas d'autre esprit chez Spinoza à moins que tu penses que tn esprit ou celui de quelqu'un d'autre est hors les lois de la nature?
c'est précisément ce dont nous discutons: n'y a-t-il qu'un être chez Spinoza, ou une infinité d'êtres? N'y a-t-il qu'un seul esprit, où chaque chose a-t-elle un esprit à elle, comme l'implique à mon sens la définition de l'Individu qui figure dans les lemmes.
Autrement dit: pour toi tout x qui est en X doit avoir les mêmes propriétés que l'essence même de X, tandis que pour moi le fait d'être en X fait que x ne peut pas avoir la même essence que X, puisque celle-ci se définit par le fait de ne pas être en quelque chose.
Durtal a écrit :Ensuite Hegel qui avait sans doute, au vu de ce que tu écris sur le sujet, un tout petit plus compris quelque chose à Spinoza que toi, est en effet un héritier du Spinozisme, lui qui écrit: "L'alternative est : Spinoza ou pas de philosophie du tout" (donc j'imagine la sienne y compris)
je te conseille l'excellent
Totalité et subjectivité. Spinoza dans l'idéalisme allemand de Jean-Marie Vaysse. Le dernier chapitre porte exclusivement sur les rapports entre le hégélianisme et le spinozisme. Il y écrit par exemple (par rapport au sujet qui nous intéresse ici):
"A l'instar de l'Absolu spinoziste, le Concept hégélien est unité de l'Etre et de l'Essence; mais la conception hégelienne de l'essence est foncièrement différente. Pour Spinoza, l'essence d'une chose est ce sans quoi elle ne peut ni être, ni être conçue et ce qui sans elle ne peut ni être ni être conçu. De cette réciprocabilité de l'essence et de la chose résultent l'unicité de la substance ainsi que la distinction radicale entre la substance et ses modes, de sorte que la substance soit une affirmation absolue. En revanche, pour Hegel l'essence est fondamentalement négativité, dans la mesure où elle est le penser et où la substance est subjectivité. Hegel reproche à Spinoza d'avoir méconnu l'essence de la pensée ou l'essence comme pensée (...)." Durtal a écrit : et qui de plus livre dans les leçons sur la philosophie de l'histoire, ce petit commentaire sur la métaphysique de Spinoza qu'il ne serait pas mauvais je crois que tu médites un peu:
Hegel a écrit:
L'essence du monde, l'essence finie, l'univers, la finitude ne sont pas le substantiel, - c'est bien plutôt Dieu seul qui l'est. C'est tout le contraire de ce qu'affirment ceux qui l'accusent d'athéisme qui est vrai ; chez lui, c'est de Dieu qu'il y a trop. "Si Dieu est l'identité de l'esprit et de la nature, alors la nature, l'individu humain sont Dieu". C'est très juste. Mais ils oublient que dans cette identité, ils sont précisément supprimés : ils ne peuvent oublier qu'ils ne sont rien. Ce n'est donc pas Dieu que veulent conserver ceux qui noircissent ainsi Spinoza, mais le fini, le monde ; ils trouvent mauvais que celui-ci ne puisse avoir la valeur de quelque chose de substantiel, - ils trouvent mauvaise leur propre perte.
merci. Pourrais-tu donner la référence exacte?
L.