Démonstration de Ethique I 21 : des modes infinis

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar Pourquoipas » 23 mars 2007, 00:19

Juste pour te dire un très grand merci, Louisa. Je crois qu'on va finir par y arriver.
Pour le moment, juste deux remarques :
– Pour le propterea, c'est un simple oubli. J'avais déjà assez comme ça à débroussailler le maquis. Désolé. Il y a d'ailleurs juste après une parenthèse que j'ai oubliée aussi.
– Au sujet de l'"enfonceur de clou" dont tu parles, il cite justement le début d'une phrase qui se réfère à I 21 (2e phrase de I 28 Dm) : "Or ce qui est fini et a une existence déterminée n'a pu être produit par la nature absolue d'un quelconque attribut de Dieu ; en effet, quelque conséquence que ce soit de la nature absolue d'un attribut de Dieu est infinie et éternelle (par prop. 21)." Mais il n'en cite que le début, oubliant de préciser que sa citation était prouvée par la prop. 21 dont il est question.

Et c'est ça que je veux comprendre clairement et distinctement : d'où mes interrogations sur la prop. 21.

A très bientôt.

Porte-toi bien.
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Messagepar Faun » 23 mars 2007, 10:39

Ces extraits du traité de l'amendement de l'intellect éclaireront peut être votre lanterne :


100. Mais il faut remarquer que par la série des causes et des êtres réels je n'entends point ici la série des choses particulières et changeantes, mais seulement la série des choses fixes et éternelles. Car pour la série des choses particulières sujettes au changement, il serait impossible à la faiblesse humaine de l'atteindre, tant à cause de leur multitude innombrable qu'à cause des circonstances infinies qui se rencontrent dans une seule et même chose et peuvent être cause qu'elle existe ou n'existe pas ; puisque l'existence de ces choses n'a aucune connexion avec leur essence, ou, comme nous l'avons déjà dit, puisqu'elle n'est pas une vérité éternelle.

101. Mais, après tout, il n'est pas besoin que nous en comprenions la série, l'essence des choses sujettes au changement ne se tirant pas de leur ordre d'existence, lequel ne nous représente que des dénominations extrinsèques, des relations ou tout au plus des circonstances, toutes choses bien éloignées de l'essence intime. Celle-ci ne peut être demandée qu'aux choses fixes et éternelles, et aux lois qui y sont inscrites comme dans leurs véritables codes et selon lesquelles toutes les choses particulières se produisent et s'ordonnent. Bien plus, les choses particulières et changeantes dépendent de ces choses fixes si intimement, et pour ainsi parler, si essentiellement, qu'elles ne peuvent sans elles ni exister ni être conçues. D'où il résulte que ces choses fixes et éternelles, quoique particulières, seront pour nous, à cause de leur présence en tout l'univers et de l'étendue de leur puissance, comme des universaux, c'est-à-dire comme les genres des définitions des choses particulières et changeantes, et comme les causes immédiates de toutes choses.

PS : la proposition sur la démonstration de laquelle vous faites semblant de ne rien comprendre commence précisément par : "tout ce qui suit de la nature absolue de Dieu", c'est à dire de l'Etant absolument infini, vous ne pouvez donc pas prendre un exemple d'une chose finie, car celles-ci sont exclues d'emblée de la proposition. C'est pourquoi Spinoza traite la démonstration par l'absurde et l'humour, en supposant qu'à Dieu, qui est une chose absolument infinie, correspondrait une idée finie et à durée déterminée (aussi nommée IDD).

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Messagepar Pourquoipas » 23 mars 2007, 11:04

Pourquoipas a écrit :Avec vous, le débat est clos.
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Messagepar Faun » 23 mars 2007, 12:08

Pourquoipas a écrit :
Pourquoipas a écrit :Avec vous, le débat est clos.


Certes. Néanmoins je me permet de vous citer à nouveau :

– Hypothèse (concipe) : mon chat (chat ici = corps de mon chat) fini et ayant une existence (ou durée) déterminée est conséquence de la nature absolue de l'Etendue. OK.


Cela ne se peut concevoir, une modification finie et ayant une durée déterminée ne suit pas de la nature absolue d'un attribut de Dieu, cela va de soi, patet, comme dit Spinoza. Les raisonnements c'est bien mais dans le cas d'une chose aussi évidente, à la limite il n'est nul besoin de démonstration.
Relisez le début de la démonstration : "conçois, si c'est possible, (et au cas où tu le nierais)" etc.
Cela est bien la preuve que d'une part concevoir l'idée de Dieu comme une modification limitée et temporaire est impossible, d'autre part que concevoir votre chat comme suivant nécessairement de la nature absolue de Dieu est tout aussi impossible.
Votre chat suivant de la nécessité de la nature divine absolue est inconcevable, de même qu'il est inconcevable que l'idée de Dieu n'en suive pas.
Dés le début de votre raisonnement vous faites un contresens, comme il est clair par ce qui vient d'être cité de votre premier message, et par conséquent de cette hypothèse absurde, vous ne pouvez tomber que dans une absurdité encore plus grande :

alors mon chat ne peut qu'être nécessairement infini, et n'a donc ni bornes, ni durée déterminée.

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Messagepar Pourquoipas » 24 mars 2007, 12:11

Au petit diablotin flûtiste de l'après-midi...

Pourquoipas, dans un message à Louisa a écrit :(...)
Au sujet de l'"enfonceur de clou" dont tu parles, il cite justement le début d'une phrase qui se réfère à I 21 (2e phrase de I 28 Dm) : "Or ce qui est fini et a une existence déterminée n'a pu être produit par la nature absolue d'un quelconque attribut de Dieu ; en effet, quelque conséquence que ce soit de la nature absolue d'un attribut de Dieu est infinie et éternelle (par prop. 21)." Mais il n'en cite que le début, oubliant de préciser que sa citation était prouvée par la prop. 21 dont il est question.
(...)


En latin : At id, quod finitum est, et determinatam habet existentiam, ab absolutâ naturâ alicujus Dei attributi produci non potuit ; quicquid enim ex absolutâ naturâ alicujus Dei attributi sequitur, id infinitum, et aeternum est (per Prop. 21).

Cela signifie qu'il fallait prouver que les choses particulières, finies et remporelles, ne sont pas conséquences de la nature absolue d'un attribut de Dieu (donc de Dieu lui-même), et que ce n'était donc pas si évident que ça. Mise en cause du créationnisme (et de la création continuée, particulièrement de l'âme), je suppose.

Alors de deux choses l'une : soit tu utilises sciemment des citations tronquées (alors que dans 28 Dm il se fonde sur 21) et tu es ..., soit tu connais quelques citations par-ci par-là, que tu sais ressortir sans les intégrer dans la démarche où elles prennent sens, et tu es ...


A Louisa : je te réponds d'ici quelques jours, si les deux-trois neurones qu'il me reste ne sont pas tout à fait cramés...
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Messagepar Miam » 24 mars 2007, 14:01

Précision, principalement à Louisa.

Je n'ai pas dit qu'il fallait prendre un mode infini comme exemple, sans quoi il s'agirait d'une pétition de principe. J'ai dit qu'il fallait prendre, comme le signifie le texte, une chose qui semble suivre de la nature "absolue" de l'attribut, c'est à dire qui est partout là et quand l'attribut est. Ce n'est pasla même chose. Car il y a du mental partout là et quand il y a pensée. Pourtant le mental n'est pas un mode infini. La question est de savoir si la démonstration tient si l'on prend un mode qui suit de la nature "absolue" de l'attribut - comme pourrait l'être le mental, mais aussi le corps en général, la ligne, la surface ou le point quant à l'étendue : c'est à dire si au terme de cette démonstration il est nécessaire que le mental (ou le corps en général, la ligne, la surface le point) soit considéré comme infini et éternel. Dans cette mesure Faun et Pourquoi pas ont chacun raison et chacun tort sur des parties différentes de la question. Le premier parce qu'il postule un mode infini et le second parce qu'il postule un mode qui ne suit pas de la nature absolue et ne peut donc qu'être fini. Alors que c'est justement la question. De mon point de vue ce sont là deux pétitions de principe opposés. Voilà mon point de vue.

Miam

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Messagepar Pourquoipas » 24 mars 2007, 14:44

Bonjour Miam

Rapidement :
Miam a écrit :(...) et le second parce qu'il postule un mode qui ne suit pas de la nature absolue et ne peut donc qu'être fini. Alors que c'est justement la question. De mon point de vue ce sont là deux pétitions de principe opposés. Voilà mon point de vue.

Miam


Je n'ai pas postulé un mode ne suivant pas de la nature absolue et ne pouvant donc qu'être fini. J'ai postulé, comme m'y autorisait le début de la dém., un mode fini dans un attribut de Dieu dont il s'agissait de savoir s'il était conséquence ou non de la nature absolue de cet attribut. Aucune pétition de principe.
D'ailleurs, je le répète, c'est dans ce sens que la I 21 est utilisée en I 28 Dm, où il utilise l'équivalence logique : si p implique q, alors non-q implique non-p (ici "toute conséquence de la nature absolue d'un attribut de Dieu est éternelle et infinie" équivaut à "rien de ce qui est temporel et fini n'est conséquence de la nature absolue d'un attribut de Dieu"). Je répète aussi que là il vise fort probablement tout créationnisme ex nihilo et en particulier la création continuée (qui suivrait d'une décision volontaire divine).
D'où les interrogations :
— quel est le sens précis de l'expression "nature absolue d'un attribut" ?
— quel est le sens précis de l'expression "idée de Dieu dans la pensée" ?

(Je farfouille en ce moment dans les passages où cette preuve I 21 est utilisée. C'est très intéressant.)

Sed de his impraesentarium satis.

Porte-toi bien
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Messagepar Miam » 24 mars 2007, 16:36

"un mode fini dans un attribut de Dieu dont il s'agissait de savoir s'il était conséquence ou non de la nature absolue de cet attribut. Aucune pétition de principe."

Ce n'est pas la question (l'intitulé de la proposition). Il s'agit de savoir si un mode qui suit de la nature absolue de l'attribut (ou, comme le traduit Appuhn, qui suit de l'attribut pris absolument) est infini et éternel. Pas de savoir si n'importe quel mode suit de la nature absolue de l'attribut.

Miam

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Messagepar Pourquoipas » 24 mars 2007, 21:54

Miam a écrit :"un mode fini dans un attribut de Dieu dont il s'agissait de savoir s'il était conséquence ou non de la nature absolue de cet attribut. Aucune pétition de principe."

Ce n'est pas la question (l'intitulé de la proposition). Il s'agit de savoir si un mode qui suit de la nature absolue de l'attribut (ou, comme le traduit Appuhn, qui suit de l'attribut pris absolument) est infini et éternel. Pas de savoir si n'importe quel mode suit de la nature absolue de l'attribut.

Miam

Ce n'est pas ta question.
J'ai suivi la démarche de la démonstration. Elle montre qu'un mode fini supposé conséquence de la nature absolue d'un attribut mène à des conséquences contradictoires. Comme l'alternative est simple : ou mode fini, ou mode infini (pas de troisième terme), alors un mode conséquence de la nature absolue de l'attribut est infini. Il n'y a donc pas de pétition de principe et je suis bien dans la question. Puisque c'est ici en I 21, et pas avant, que se fonde, que se crée, le concept de "mode infini" (il n'emploie d'ailleurs cette dernière expression qu'en I 23 Dm).
Remarque 1 : dans cette première partie de la démonstration, il n'est à aucun moment prouvé que l'"idée de Dieu dans la pensée" soit infinie ; il est seulement prouvé que, si elle est conséquence de la nature absolue etc., alors elle est infinie (cela Louisa l'a remarqué sur l'exemple du chat dans l'Etendue).
Remarque 2 : en rapport avec la remarque 1, il est très intéressant de comparer l'"idée de Dieu dans la pensée" ici et l'"idée, nécessairement en Dieu, tant de son essence que de toutes les conséquences nécessaires de son essence" en II 3 (où il n'est pas fait appel à I 21).
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Messagepar hokousai » 25 mars 2007, 01:03

La pensée de l’idée de Dieu on la suppose finie .
Si elle est finie elle est bornée et pas par la pensée en ce qu’elle constitue l’idée de dieu ce qui bornerait (dans l’hypothèse) l’idée de Dieu ce serait la pensée en tant qu ‘elle ne constituerait pas l’idée de Dieu
Ce qui est négatif pour Spinoza car ce n’est pas l’idée du chat qui bornerai l’idée de Dieu ( ce qui serait concevable , une pensée finie bornant une autre pensée finie) .

Non Spinoza opte pour l’indéterminé de ce qui ne constitue pas et est seulement déterminé par cette non constitution de l’idée de Dieu . On aurait en présence deux pensées : l’une constituant l’idée de Dieu , l’autre ce qui ne constitue pas cette idée .
Dans l’hypothèse on a donc une pensée qui ne détermine pas , qui ne constitue pas , qui donc ne peut se déterminer l’idée de Dieu (donc n’ en suit pas nécessairement l’idée de Dieu )
Car de Ce qui ne constitue pas ne peut suivre nécessairement ce qui est constitué à savoir l’idée de Dieu .
Le fini ne peut être constitué par l’infini parce que l’infini est ce qui ne constitue pas .( l ‘hypothèse amène à cela )

Or l’idée de Dieu (par la prop 11) existe nécessairement

Ce qui est contre l hypothèse
C’est à dire que l hypothèse ne tient pas .(il ne suit pas de la nature de la pensée quelque chose de fini ).
Spinoza affirme qu’il en irai de n’importe quelle idée (ou quelque chose dans n’importe quel attribut )

hokousai


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