Vieordinaire a écrit :Si l'on considere la lettre sur les infinis
Spinoza a écrit:
Ce que j’appelle modes, ce sont les affections de la substance. Or, la définition des modes, en tant qu’on la distingue de celle de la substance, n’enveloppe point l’existence réelle. C’est pourquoi, bien qu’ils existent, nous pouvons les concevoir comme n’existant pas ; d’où il suit qu’en tant que nous considérons leur essence toute seule, et non l’ordre de toute la nature, nous ne pouvons pas inférer, de ce qu’ils existent maintenant, qu’ils continueront ou non d’exister, qu’ils ont ou non existé auparavant. On voit donc clairement que nous concevons l’existence de la substance comme entièrement différente de celle des modes. Et de là vient la distinction de l’éternité et de la durée ; car il n’y a que l’existence des modes qui tombe dans la durée ; celle de la substance est dans l’éternité, je veux dire qu’elle consiste dans une possession infinie de l’être (essendi).
merci d'avoir rappelé cette lettre!! Elle est en effet très importante si nous voulons approfondir la compréhension du rapport entre la durée et l'éternité, tandis que je ne l'avais pas encore relue. Dans la traduction de Misrahi, la dernière phrase devient: "De là découle la différence entre l'éternité et la durée: par la durée nous ne pouvons expliquer que l'existence des modes, mais celle de la substance s'explique par l'éternité, c'est-à-dire par la jouissance infinie d'exister, ou, avec un barbarisme, par l'inifnie jouissance de l'être."
Ici, Spinoza clairement indique qu'il faut distinguer éternité et durée, et non pas entre l'éternité comme durée infinie et durée déterminée. Ce qui contredit la façon dont moi-même et Faun comprenons pour l'instant la seconde partie de la démo de l'E1P21. Mais peut-être vaudrait-il mieux se baser directement sur la version latine originale (dont je ne dispose pas ...). Or voici un passage de la même lettre qui me semble être tout à fait fondamental pour ce qui nous occupe ici:
Spinoza a écrit :(...) si l'on conçoit abstraiement la durée, et si, la confondant avec le temps, on commence à la diviser en parties, il devient impossible comment une heure, par exemple, pourrait passer. (... suit une version du paradoxe de Zénon, louisa). C'est pourquoi nombreux sont ceux qui, n'ayant pas l'habitude de distinguer les êtres de raison des choses réelles, ont osé prétendre que la durée est composée d'instant, tombant ainsi en Scylla pour avoir voulu éviter Charybde. Vouloir composer la durée avec des instants, cela revient en effet a vouloir composer un nombre avec des zéros.
En outre, on voit assez par ce qui vient d'être dit que ni le nombre, ni la mesure, ni le temps, puisqu'ils ne sont que des auxiliaires de l'imagination, ne peuvent être infinis (...).
De même, pour revenir à notre sujet, si l'on voulait déterminer tous les mouvements de la matière qui ont eu lieu jusqu'à l'instant présent, en les ramenant, ainsi que leur durée, à un nombre et à un temps déterminés, cela reviendrait à vouloir priver de ses affections la substance corporelle que nous ne pouvons concevoir autrement que comme existante, et de faire qu'elle n'ait pas la nature qu'elle a.
il me semble que ceci va de nouveau dans le sens de la thèse de Faun et moi-même concernant la démo de l'E1P21. Il faudrait que j'explique pourquoi je pense cela, bien sûr (j'espère pouvoir le faire bientôt), mais tout ceci renforce encore le dilemme: faut-il "ranger" la durée (indivisible) du côté de l'essence de la substance, ou Spinoza conçoit-il la durée finalement tout de même comme ce qui se distingue de l'éternité ...

L.