Le sentiment même de soi II

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 15 nov. 2008, 03:22

Hokousai a écrit :
louisa a écrit :Citation:
La seule chose qu'on ne peut pas dire, il me semble, c'est que une forme se change elle-même en une autre.


Vous faites de l’individu le jouet des conditions extérieures , c’est manifeste et contresigné , et c’est outré (voire outrageant ).


Cher Hokousai,

je crois que c'est plutôt l'inverse: c'est parce que toute forme est une union de corps qui exprime dans la durée et dans l'étendue telle ou telle essence singulière, qu'elle ne peut pas elle-même changer en une autre. Une forme, en tant qu'expression d'une essence (et tenant compte du fait que ce qui exprime jamais n'est le même que ce qui est exprimé), est purement "affirmative". Elle affirme sa propre puissance, en tant que mode, et aucune autre puissance (sachant que bien sûr, tout degré de puissance est divin; cela n'empêche qu'il est modal, donc n'appartient pas à l'essence divine elle-même).

Or l'Individu se définit par cette forme, par cette union de corps qui se maintient quelques instants dans le temps. Cela signifie que l'Individu (la majuscule indique qu'il s'agit d'un concept proprement spinoziste, et non pas de ce qu'on entend couramment par là) se définit par son effort de persévérer dans son être. Comme déjà dit à Durtal, à mon avis il ne faut nullement référer aux autres modes pour pouvoir définir tel ou tel mode dans son essence singulière à lui (supposons un instant qu'une définition d'une essence singulière peut être donnée, ce dont je ne suis pas certaine). C'est pourquoi dire qu'une forme ne peut qu'ou bien se conserver ou bien être détruite, mais ne peut pas elle-même changer en une autre forme, est une manière d'affirmer l'existence réelle de la singularité.

Hokousai a écrit :J’ai dis à Serge qu’il niait l’individu, je maintiens .

Je ne vois pas le début de la sagesse à me penser comme néant d’ être environné d’une totalité qui elle l’ aurait .
On se demande par quel mystère je n’ aurais pas d être et tout le reste oui .
Car il faut bien que les corps environnant censés m’ affecter et me faire changer voire mourir aient de l’être , eux .J'ai bien du mal à me penser comme girouette .
En spinosisme c’est le jeu de la patate chaude, on se refile l’être , personne ne le veux pour soi même .


si, comme le propose Bardamu (si je l'ai bien compris) il faut comprendre par "spinozisme" tout effet que la lecture (soutenue pendant quelque temps et en toute "bonne volonté") du texte de Spinoza produit, on peut dire que certains lecteurs de Spinoza ne veulent pas de l'être pour soi-même, ne voient pas en quoi cela pourrait avoir du sens de dire qu'un mode s'efforce à persévérer dans son être, et non pas dans l'être du voisin ou dans l'être de l'essence même de la substance. Or à mon avis, il s'agit d'une erreur (mais dire cela ne serait que produire un autre "effet de lecture", si je ne pensais pas qu'en ce qui concerne la vérité, il y a moyen de s'accorder, par un lent et patient travail "rationnel" collectif, travail qui présuppose que chacun accepte d'emblée que personne ne sait à quoi va aboutir ce travail avant de l'avoir fait ensemble).
Je disais donc qu'à mon avis c'est une erreur de supposer que dans le spinozisme, ce en quoi un mode s'efforce de persévérer, ce ne serait pas son être modal et singulier à lui, mais l'être d'un autre mode voire l'être de l'essence même de la substance. Car l'être de la substance ne constitue pas la forme de l'homme (E2P10), il ne constitue que la forme de l'Individu qu'est la Nature entière. La forme de l'Individu qu'est tel ou tel homme ne peut que persévérer dans son propre être. C'est pourquoi toujours un mode a une puissance à lui. Le "lien" (indéniable) avec les autres modes se fait notamment par la relation de "composition": tout mode fait également partie d'autres modes, d'autres Individus, et cela à l'infini. Mais cela n'enlève rien à la singularité de chaque mode, au contraire même.

Bref, sur ce point (et si je vous ai bien compris), j'aurais donc tendance à être d'accord avec vous.

Quant à votre premier message d'aujourd'hui (celui concernant les insectes): si vous permettez, j'y reponds lorsque je réponds à celui de Sinusix, puisque les deux questions me semblent être très proches l'une de l'autre.
L.

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Messagepar hokousai » 15 nov. 2008, 10:28

chère Louisa

je suis bien d’accord avec ce que vous dîtes sur l’Individu .

Je dirais que ce n’est pas la question .
Ma réaction a été induite par ce qui a pu se dire sur le déterminisme (se penser comme un triangle etc ...ou selon Spinoza comme une pierre qui aurait la conscience )

Je ne peux absolument pas me penser comme une pierre qui aurait la conscience .
Peut être que lisant Spinoza j’ai un jour été tenté de le faire , je ne m’en souviens pas, je n’ai plus l’intention d’en tenter l'expérience mentale .
Car je ne cherche pas à désespérer inutilement , bien des choses par ailleurs m’en donne assez l’occasion .

Donc bien au contraire tant que je me perçois comme encore empire dans un empire et l’empire étant menacé, je me vois obligé non à la passivité mais à la réactivité .
Il faut faire face et non se dérober .
Cela s’appelle l’exercice de la volonté, tout ce que vous voudrez de ce genre .

Il y a une âge de la vie que Spinoza n’a pas connu car il était dans l âge où persévérer dans son être n’est pas encore douteux , quand la mort survint .
Le spinozisme est une philosophie de jeune homme .

(j ai fort apprécié le message de Sinusix encore que je ne soit pas si fervent des vérités éternelles des mathématiques)

amicalement
hokousai

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Messagepar Sinusix » 15 nov. 2008, 14:55

Bonjour à tous,

Je m'insère sans citer spécifiquement suivant les voies habituelles, et sans attendre la réponse annoncée de Louisa à un précédent message.
S'il faut se référer en premier lieu à la lecture littérale de l'Ethique (ce qui est le premier temps de la "bonne" et honnête méthode d'échange, laquelle implique de ne pas "inventer", chère Louisa, des formulations infondées, comme par exemple : "la forme est une union de corps d'un genre particulier", ce dernier terme ajouté et présent nulle part), je préconise que nous soyons d'accord avec la répétition, il est exact, de sescho selon laquelle, chez Spinoza : essence = nature = forme (sous réserve de l'utilisation abusive de E2L4, L5 et L6 qui reprennent la même formulation : "absque ullâ formae mutatione", laquelle ne se traduit pas par forme ou essence).
Ceci précisé, sans reprendre inutilement la démonstration pour moi limpide de Durtal (que je suis 100% sur ce point), en conclusion de laquelle il a versé au débat cette contradiction limpide vers Louisa selon laquelle elle a une vision de "l'essence sac", il m'apparaît que nous sommes peut-être en présence de deux types de raisonnement philosophiques, historiquement marqués, dont la césure, me semblait-il, relevait de Descartes/Spinoza.
Relisant les quatrièmes objections d'Arnauld, je retrouve ce commentaire de F. Alquié, reprenant E. Gilson, selon lequel avec Descartes on passait d'une "nécessité statique des essences en une relation dynamique de causalité", raison suffisante d'ailleurs, comme le remarque Martial Guéroult, pour avoir placé en Définition 1 la propriété de "causa sui".
Or donc, j'en conclus, qu'il nous faut quitter la froide logique d'attribution des Aristotéliciens de l'Ecole pour privilégier la logique de relation
Dans ce cadre, par exemple, et en lecture rigoureuse du parallélisme, il est interdit de dissocier l'indissociable, donc par exemple l'union du rapport qu'elle représente, s'agissant d'une nécessité logique immanente, donc indéconnectable sous forme d'antériorité d'un terme sur l'autre, temporelle et efficiente (dans cette logique de process, où pourrait-on trouver que Spinoza ait pu penser que le changement de forme des parties n'implique pas changement de forme du tout dont elles sont partie).
Si donc l'essence n'est pas un sac, quelle est-elle, sinon un "champ de puissance" infiniment ouvert. Autrement dit, l'essence est un "en-soi", c'est-à-dire un ensemble, que nourrit, ou que fait s'exprimer, un pour autrui, ou encore un ensemble partiellement "en puissance" dans la mesure où cette reconnaissance de réalité est assujettie à l'existence d'une conscience qui la connaît. Je m'explique par un exemple trivial.
Prenons un château Eyquem ou l'adagietto de la 5ème symphonie de Mahler. Chacun pourra, selon ses goûts, essayer d'en avoir une connaissance du 2ème genre, laquelle, pour la première représentera quelques dizaines de pages de formules chimiques, de pourcentages de chaque formule, etc. et pour la seconde un décorticage exhaustif de la partition, avec force théorie musicale. Cet exercice ne permettra jamais d'accéder à la connaissance irremplaçable du 3ème genre, laquelle correspond au contact particulier et intime de chacun avec le vin ou le morceau musical. Mais, six milliards d'impressions différentes et incommunicables étant présentes potentiellement, et la connaissance de l'effet dépendant de la connaissance de la cause, il est évident qu'à l'essence du château Eyquem comme à l'essence de l'adagieto appartiennent ces six milliards de lectures impressives (de compréhension - cum prehendere -) de leur essence, donc le sac s'est rempli à hauteur des autres corps qu'ils ont affectés (faussement rempli puisque tout ceci "préexistait" en tant qu'essence de Dieu). L'ensemble des possibles, encore une fois, s'inscrit à l'intérieur de la nécessité.
De la même manière, à supposer que les mouches aient une subjectivité, comment définir l'essence de la bouse de vache sans tenir compte du point de vue de ladite mouche, pour laquelle peut-être l'Aubrac constitue son château Eyquem.
L'essence donc n'est pas un sac mais relève d'un "potentiel/process" qui s'inscrit dans la durée et dans l'Etendue, puisqu'il appartient à chaque chose d'être agréable pour l'un et désagréable pour l'autre, ce que ne cesse de dire Spinoza, sans pour autant qu'un référentiel absolu puisse être plaidé par quiconque. Et si nul ne le peut c'est bien que l'essence de chaque chose singulière est plus "riche" que tout "enfermement" dénombrable auquel on la contraindrait, sans pour autant qu'elle ne connaisse de limite (n'oublions pas que dans la nature, le fini est une sommation infiniment grande d'infiniment petits). Dans ces conditions, l'ensemble essence enveloppe étant admis, tout processus évolutif à l'intérieur de cette enveloppe, dont le nombre d'occurrence est infini, accumulation incessante d'essences instantanées modifiées, reste circonscrit à l'intérieur de l'essence enveloppe de l'Individu.
Prétendre enfermer l'essence de chacun dans un sac préformé, déclarer, comme le fait Louisa, que les affections découlent de notre nature seule, alors que tous les corps singuliers sont continuellement en situation, c'est restreindre la richesse de "la vie" et méconnaître justement que notre essence, manifestation immédiate et non médiate de l'essence de Dieu, est un espace "ouvert" sur la nature qui s'offre et réciproquement.
Pour ce qui concerne la dernière remarque d'Hokousai, selon laquelle : "Je ne peux absolument pas me penser comme une pierre qui aurait la conscience", je verse une lecture récente (article de Elhanan Yakira paru en 1992, et consultable sur www.erudit.org : Spinoza et le problème de l'intentionnalité") qui rejoint l'interprétation que je faisais de l'antériorité de E2P11 sur le scolie de E2P13 dans lequel il écrit "car ce que nous avons montré jusqu'ici ne sont que des communs qui n'appartiennent pas plus aux hommes qu'aux autres Individus, lesquels sont tous animés". Donc E2P11 s'applique à tout et le l'idée du sac poubelle est son âme, mais ce [b) rapport idée/idéat est primordial et ne suppose ni Cogito ni conscience". Autrement dit, la connexion logique immédiate du parallélisme ne conduit pas à une "animisme" infantile.
Amicalement

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Messagepar sescho » 15 nov. 2008, 18:42

Sur l'individu :

- Pour moi, Spinoza entend simplement marquer que l'impermanence et l'interdépendance ne sont pas le chaos absolus, et qu'on peut donc raisonner sur les essences de mode, ou plutôt - car cela est impossible dans la singularité et l'impermanence -, de raisonner sur les essences de genres de modes : bien qu'il y ait échange de corps avec l'extérieur en permanence (absorption et excrétion), bien qu'il y ait mouvements divers, déformations diverses, etc., etc. un homme ne devient pas pour autant un cheval ou un insecte, ou ne meurt pas (sinon, à plusieurs titres, nous ne parlerions de rien...). C'est simple et c'est tout : malgré des échanges permanents et inévitables - et même vitaux -, dans le Mouvement, avec l'extérieur, une certaine permanence de l'essence peut être constatée. En revanche qu'un petit détail s'anéantisse dans le rapport particulier des parties, et l'individu sort du genre, quoique massivement la forme de son corps soit conservée. C'est relativement trivial, tout cela, en fait.

- Ce qui concerne le genre s'applique à tous les individus du genre, passés, présents, à venir. Nous ne sommes plus dans la particularité, quoique ceci concerne tous les individus particuliers du genre, et ne concerne que les individus particuliers du genre.

- En aucun cas ce qui précède ne peut être extrapolé pour en déduire (en contredisant plein d'autres passages de Spinoza, en outre) la permanence de l'essence d'une chose singulière prise dans sa singularité. Pour y être autorisé, il faudrait prouver avant que Spinoza parle bien de cela et pas de l'essence de genre.

- Le conatus n'explique rien ici (sa principale fonction, de toute évidence, est de définir le désir, ce à partir de l'essence) : il est seulement la résistance que chaque chose singulière oppose à la déformation, donc au changement d'essence, et qui est l'essence même en tant qu'actualisée (d'où la précision "actuelle"), qui lorsqu'elle est affectée (par un mouvement extérieur) résiste, ce qui est le désir passif (lorsqu'on en a conscience.) Ceci n'est qu'une tendance, qui plie régulièrement sous la puissance des choses extérieures, pour se réincarner immédiatement dans l'essence qui en a résulté (c'est donné avec l'existence, en fait, quoi que l'étant soit.)

- La naissance et la mort des individus réels est la preuve incontestable que par principe ils ne peuvent pas incarner durablement la même essence (ce qui n'est donné qu'à Dieu, pas à ses modes finis.) Dans ces conditions, créer une discontinuité absolue en disant : "l'individu garde rigoureusement la même essence, sauf quand il meurt" est pour le moins "bizarre."

- Il est évident, d'une part par le développement de Spinoza, qui fait (à juste titre) découler les modes finis du Mouvement dans l'Etendue (impermanence et interdépendance), d'autre part par l'expérience la plus banale, que l'essence qu'incarne toute chose singulière change tant soit peu en permanence. Mais oui, l'essence du genre homme s'incarne assez longtemps pour être un objet raisonnable de raisonnement (et les essences sont éternelles.)


Serge
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Messagepar sescho » 15 nov. 2008, 22:28

bardamu a écrit :... chacun, en tant que mode particulier, vit dans son temps et dans son lieu, dans sa relation propre aux autres modes particuliers, et c'est chacun qui dans sa vie même est "instrument" de production de ce que la Nature produit en elle-même notamment l'entendement infini.

Je suis bien d'accord. Mais 1) Les modes particuliers ne sont pas en soi mais en Dieu, ils sont impermanents et interdépendants ; ce sont des phénomènes. 2) L'entendement infini appartient à Dieu. Ce qui appartient "en propre" à l'homme et qui vaut vraiment, ce sont les idées claires et distinctes, les seules - entières et non tronquées - à pouvoir à proprement parler être dites faire partie de l'entendement infini. Une question cruciale, chez Spinoza comme en réalité, c'est de ne se baser que sur les idées claires et distinctes (pas de réaffirmer la psyché commune, faite pour beaucoup d'imagination.) Spinoza nous en donne le cheminement : le raisonnement sur la base des notions communes, sublimé en science intuitive. Et ce raisonnement, qui dégage l'essentiel, ne porte pas sur les choses singulières en tant que singulières. Il ne les gomme pas comme telles, mais c'est après seulement, de l'ordre de la cerise sur le gâteau. Si l'on commence par focaliser sur les cerises, on n'a jamais le gâteau...

Peut-être me trompé-je, mais ce qui me dérange nettement dans ce que tu dis est que tu me sembles faire des choses singulières des formes substantielles, comme si elles avaient un être en soi, alors qu'elles ont un être en autre chose et qu'elles sont changeantes, et tu plaques Dieu là-dessus. Tu sembles dire que le commun est de prendre les choses en général, alors que pour moi le commun c'est de prendre les choses comme réellement particulières, différentes. C'est de voir les choses comme séparées (et aussi comme changeantes d'ailleurs, car c'est une évidence.) C'est en-deçà de la science, pas au-delà.

Parce que moi je n'ai aucun problème avec la richesse de la Nature, bien au contraire, cette grande variété qui montre - et encore forcément partiellement - l'étendue de sa puissance.

Ce qui est très rare de mon point de vue, ce n'est pas de voir du particulier en tout, c'est de voir tout comme simple mode, manière d'expression, incarnation, de la Substance en mouvement éternelle. Aucun ego n'est compatible avec cela. Aucun. Cela c'est rarissime, au delà des déclarations.

bardamu a écrit :L'entendement infini, il se construit aussi aujourd'hui par la compréhension aujourd'hui de ce qu'hier Spinoza ne pouvait connaître.
Là, c'est pour le commun.

Mon avis : L'entendement infini est éternel. Tout ce qui est attribué à la Science n'est pas intuitif. Je ne vois pas que la science moderne ait recalé Spinoza, au contraire. En matière de Psychologie, tout a été dit depuis longtemps quelque part ; c'est la science la plus ancienne. Les développements récents n'y changent rien.

bardamu a écrit :Pour le singulier, on ne peut pas, pour moi, prétendre à la sagesse quand on ne sait pas voir Pierre ou Paul comme une personne et plutôt qu'un cas particulier d'Homme en général, quand on ne voit pas que l'essentiel chez lui est ce qui fait son caractère unique sans référence nécessaire à une certaine idée de l'Homme.

Tu ne me prends pas pour un abruti au moins ? Bien sûr qu'en première instance je ne vois que des cas particuliers, comme n'importe qui sur cette Terre. Mais ce que je vois de mieux en mieux et qui est rare et précieux, c'est ce que j'ai décrit plus haut, et que nous indique Spinoza. Ce qui est évident, c'est la différence et la séparation ; ce qui ne l'est pas c'est la communauté d'être et l'éternité qui va avec. Par ailleurs, la singularité me semble plus tenir dans l'imagination qui a cumulé les circonstances si variables d'une vie que dans la perception des lois éternelles de la Nature.

bardamu a écrit :Si le biologiste ou le médecin peuvent s'intéresser à quelqu'un comme à un homo sapiens parmi d'autre parce que leur pratique est basée sur le commun, la relation éthique exige pour moi une attention particulière au singulier. Au nom de "bons principes", on peut facilement se voir investi de la mission de changer l'autre pour le faire aller vers sa propre idée de l'"Homme accompli"

Les lois sont éternelles, les circonstances particulières. Il faut faire avec les deux ; c'est cela la science. Qu'est-ce qui est éternel et accessible - autant que possible - à l'homme ? Les lois. Et la béatitude est une loi , celle de la puissance, celle de la science intuitive de l'ordre hiérarchisé de la Nature. Il ne s'agit de forcer personne, mais d'atteindre la sagesse. La Tradition multi-millénaire est là pour dire que les lois de la sagesse sont uniques, et in fine, c'est-à-dire, dans l'état de sagesse, les circonstances sont indifférentes, ou presque. Il n'y a aucun prosélytisme là-dedans. Il n'y a pas de sagesse à la carte, c'est tout. Le problème n'est pas de voir qu'autant de tête, autant d'avis ; c'est de la première évidence. Il s'agit de vivre selon la sagesse, qui est précieuse autant que rare.

bardamu a écrit :Connaître différemment, n'est pas pour moi connaître les "mêmes choses".

Nous avons déjà abordé ce point. Dans l'exemple de la proportion, il s'agit de connaitre la même chose : le quatrième chiffre qui soit au troisième comme le second au premier. C'est cela que j'entends et rien de plus. Nous sommes bien d'accord que le connaître change avec la qualité de la connaissance ; c'est une lapalissade.

bardamu a écrit :Le 3e genre annule notamment le processus successif d'exposition, celui qui va des attributs à Dieu ou des attributs aux modes.

C'est ce que j'ai dit moi-même. Il annule le successif, mais pas le processus (d'où le "procède" dans la définition du troisième genre de Spinoza.) Dieu est toujours présent. Toujours.

bardamu a écrit :C'est là que je vois la différence éthique : être concentré sur des propriétés générales et en chercher des cas particuliers, ou être concentré sur la réalité concrète et y voir des propriétés générales mais aussi singulières (4/2 n'est pas 8/4 même si les deux rapports donnent 2).

Reste à montrer qu'on peut avoir une idée claire et distincte des propriétés "singulières"... Sinon, pour l'exemple, 8/4, 4/2 et 2 c'est exactement la même chose en Mathématique.

bardamu a écrit :Au cas où ça n'aurait pas été clair : il ne s'agit pas pour moi de dire qu'il faut partir du singulier pour fonder Dieu, il s'agit pour moi de dire que c'est en un seul concept, d'un seul coup, que l'Un et le Multiple sont Dieu, que la Communauté et la Singularité sont Dieu, unique multiplicité ou communauté de singularités.

Alors d'accord. Sachant que l'important c'est Dieu ; le détail c'est le détail, pas l'essentiel. Encore une fois, la goutte qui fait distinguer une vague de la suivante ne saurait être plus qu'une goutte pour cette raison. Et en outre que Dieu est d'abord infini, ensuite en Mouvement, et ensuite multiple. Sans ôter une étape.

bardamu a écrit :Par exemple, dans le souci du détail, je remarque que dans la sélection (ta sélection ?)

Non. Le tri sélectif c'est fréquent, mais ce n'est pas mon style. Je ne peux pas voir tous les sens (et encore moins ceux qui ne s'y trouvent pas) de toutes les formulations de toutes les oeuvres de Spinoza à l'occasion d'un post...

bardamu a écrit : ... il manque E5p29 et son scolie, ainsi que E5p30.
C'est pourtant important : Notre âme, en tant qu'elle connaît son corps et soi-même sous le caractère de l'éternité, possède nécessairement la connaissance de Dieu, et sait qu'elle est en Dieu et est conçue par Dieu.

J'ai déjà cité le premier vis-à-vis du sujet qui nous occupe, et les deux vont parfaitement dans le sens de mon interprétation. A partir du moment où je rapporte les choses à Dieu, je connais Dieu (comme cause de tout.) La démonstration est claire ; elle reste très générale. Il s'agit de "connaître sous le caractère de l'éternité" ; sinon pourquoi ajouter "sous le caractère de l'éternité", "connaître" suffirait dans ton interprétation. J'ai l'impression que tu l'as gommé, et qu'encore une fois tu places le singulier d'abord, et qu'ensuite tu plaques Dieu dessus...

bardamu a écrit :Les définitions que Spinoza donne des affects, la manière dont il mène son étude anthropologique, traduisent sa propre sensibilité et on peut sans grande conséquence en diverger.

Mais non : Spinoza énonce des lois générales, et ce sont les circonstances qui changent, outre les petites particularités de l'essence propre (non circonstancielle ; ne relevant pas de la remémoration / l'imagination) de chacun.

bardamu a écrit :Crois-tu alors que le mariage n'est raisonnable que si il est "accompagné du désir d'avoir des enfants" (E4 appendice chap. XX) ? Un couple ne peut se former raisonnablement sans ce désir ?

Un couple de sages ; car c'est de cela dont nous parlons, pas du lot commun. Oui, même s'il y a des contextes différents d'époque, je crois que Spinoza est dans le vrai. Une vision large de la vie saine implique de désirer des enfants si l'on choisit de s'unir. Participer à la propagation de la vie ; les éduquer pour en faire des êtres sages et bons. La sexualité uniquement pour la sexualité, au-delà d'être une expérience comme une multitude d'autres, c'est quand-même une perversion de la pulsion de propagation. Paul Diel dit d'ailleurs exactement la même chose. Mais bon, ce n'est pas l'essentiel de l'Ethique, quand-même.

bardamu a écrit :Alors pourquoi Spinoza précise que les notions communes sont insuffisante pour la détermination d'essences singulières ?

Parce que c'est vrai, et qu'il ne se soucie pas du détail.

bardamu a écrit :... je dirais que c'est la partie mineure l'essentiel puisque c'est ce qui détermine l'essence singulière.
Une notion commune pourrait être : l'essence est dans les détails.

Voilà parfaitement résumée toute l'étendue de nos divergences.

bardamu a écrit :... tu connais la morale de l'histoire : "comment se pourrait-il faire, si le salut était si près de nous, s'il pouvait être atteint sans un grand labeur, qu'il fût ainsi négligé de tout le monde ? Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare."

Je la connais, et je la constate en permanence dans les faits. Ce n'est pas en s'asseyant sur l'Ethique, ni en la lisant 101 fois qu'on peut se sortir de l'erreur. Celle-ci a son conatus aussi...

bardamu a écrit :Je ne doute pas que se préoccuper principalement de ce qui est communément vu comme éternel soit apaisant, mais je doute que ce soit le stade ultime de ce que propose Spinoza.

Pour moi, la question n'est pas du tout de savoir si l'on est au stade ultime ou pas : il y a de l'ego qui transpire partout, ce qui montre que la détermination de toute chose n'est même pas assimilée intuitivement. L'enjeu, à part pour quelques rares individus, c'est encore de se sortir tant soit peu du vulgaire...

bardamu a écrit :Pour ma part, je suis sur la 2e option, je ne suis pas très confiant quand on me promet la Lune et je préfère la considérer comme une de ces choses que tout le monde voit mais que personne n'habite, ne vit.

Moi je crois que pour la voir vraiment il faut l'habiter, et que tout simplement les locataires sont rares... Le problème ce n'est pas de passer à l'enseignement ultime du Vajrayana, non. Juste de pénétrer réellement la trame de l'Ethique ; vraiment...


Serge
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Messagepar Durtal » 15 nov. 2008, 23:35

sescho a écrit :Alors ! Ça sert à quoi que sescho y se décarcasse ?


:lol: :lol: :lol:

C'est vrai Serge. Tu as raison je suis un misérable flemmard.


:D

Il faudrait que j'arrive à formuler quelque chose au sujet du problème des essences singulières (parce que je pense que nous divergeons là dessus). Mais c'est un problème si complexe que je ne sais pas par quel bout le prendre, ne voulant, ni n'ayant le temps de faire de trop long développements. Le problème en effet est que cette question doit d'abord passer par une évaluation du statut du Temps chez Spinoza.)

D.
Modifié en dernier par Durtal le 16 nov. 2008, 00:56, modifié 1 fois.

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Messagepar Durtal » 16 nov. 2008, 00:35

Sinuxis a écrit :De la même manière, à supposer que les mouches aient une subjectivité, comment définir l'essence de la bouse de vache sans tenir compte du point de vue de ladite mouche, pour laquelle peut-être l'Aubrac constitue son château Eyquem.



:D .

A quoi j'ajoute néanmoins que ce qui explique l'essence subjective de la bouse de vache par la mouche est objectif, c'est à dire s'explique (en droit du moins) par les lois de la nature.

PS (à destination de Sinuxis) il ne s'agit pas d'une objection, mais au contraire: je cherche à prévenir les polémiques futiles qu'on pourrait monter à propos de ceci).

D.

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Messagepar Louisa » 16 nov. 2008, 04:01

Bonjour Sinusix,

en attendant ma réponse détaillée à votre message précédent, juste deux remarques par rapport à ce que vous venez d'écrire:

Sinusix a écrit :S'il faut se référer en premier lieu à la lecture littérale de l'Ethique (ce qui est le premier temps de la "bonne" et honnête méthode d'échange, laquelle implique de ne pas "inventer", chère Louisa, des formulations infondées, comme par exemple : "la forme est une union de corps d'un genre particulier", ce dernier terme ajouté et présent nulle part)


tout commentaire ou interprétation est une invention, sinon on ne fait que citer. Je ne vois pas ce qu'il y aurait de "malhonnête" dans le fait même qu'un commentateur reformule autrement.

Seulement, je crois qu'il est tout aussi important de lire un commentateur littéralement que de lire Spinoza littéralement. La phrase que vous citez ici vient d'un contexte, qui essaie d'expliquer (toujours imparfaitement, j'en conviens) ce que je voulais dire par là. Le terme d'Individu désigne-t-il chez Spinoza n'importe quelle union de corps? Un simple assemblage de corps est-il aussi un Individu au sens spinoziste du terme? Non, Spinoza donne une définition beaucoup plus précise de ce qu'il décide d'appeler "Individu". Cela implique que de tout ce qu'on peut appeler "union", il faut ne maintenir qu'un type d'union très précis pour pouvoir saisir en quoi consiste l'Individu spinoziste: il s'agit de cette union des corps dont les affections ne changent pas le rapport de mouvement et de repos exprimé par les parties unies (il s'agit donc d'une union où les parties ont des relations très particulières entre elles).

C'est exactement cette restriction du sens de "union de corps" à un genre d'union très particulier qui fait que Spinoza ensuite peut dire qu'un Corps peut mourir sans que le Corps change en cadavre. Le poète espagnol avait toujours les mêmes bras, les mêmes jambes, les mêmes cheveux et ainsi de suite, après son amnésie qu'avant. Si c'était ce simple "assemblage" de membres corporels qui définissait l'Individu dans sa forme, ou l'union caractéristique pour tel ou tel Individu, alors le poète espagnol aurait continué à être le même Individu avant et après son amnésie. Pourtant ce n'est pas le cas (tenant compte des précautions mentionnées dans ma dernière réponse à Enegoid). A mon sens, cela montre bien que l'union de corps qui caractérise un Individu ou une forme chez Spinoza, ce n'est pas n'importe quelle union. Il s'agit de l'union telle que le définit la définition de l'Individu qui figure dans les lemmes de l'E2. Autrement dit, il s'agit d'une espèce d'union tout à fait précise, pas de toute union concevable. Je ne vois pas en quoi ce serait problématique de dire cela?

Or à mon avis c'est aussi pour cette raison (mais j'y reviens bientôt) qu'il vaut mieux être très prudent lorsqu'on dit que telle ou telle thèse défendue par quelqu'un est "non fondée" (mais sans doute moi-même parfois je ne suis pas très "prudente" non plus, donc il s'agit de tout sauf un "reproche", et même pas d'un conseil, plutôt de ce qui pour moi est important en tant qu'"idée régulatrice"). Il vaut mieux d'abord demander sur quoi l'autre se fonde pour la défendre, avant de pouvoir juger du bien-fondé des arguments. Que de prime abord une phrase écrite par quelqu'un ne semble pas avoir de sens pour quelqu'un d'autre (qui part toujours déjà en partie d'une autre interprétation du spinozisme), à mon avis ne dit pas grand-chose. Ce ne sont que les arguments et contre-arguments qui permettent de juger.

Sinusix a écrit :Louisa selon laquelle elle a une vision de "l'essence sac"


idem. Une lecture littérale permet de comprendre que je n'ai pas dit que l'on peut comparer l'essence à un sac (si ici vous référez à mon message à Hokousai à la pg. 12), mais l'Individu. Bien sûr, si l'on efface les distinctions entre essence et forme/Individu (ce que Sescho fait principalement sur base du fait, il me semble, que parfois Spinoza parle des deux à la fois lorsqu'il parle d'une chose singulière; mais ce n'est pas parce qu'une chose singulière qui existe dans le temps est les deux à la fois que les deux désignent un seul et même concept), vous pouvez lire "le sac, c'est l'Individu" puis vous imaginer que je crois qu'une essence peut être comparée à un sac. Mais là c'est vous qui le pensez, pas moi, vous voyez?

Sinon en effet, lorsqu'une chose singulière est dite "durer", son essence actuelle prise en ce sens précis et sa forme sont tout à fait indéconnectables, comme vous le dites. Or une chose existe actuellement dans un deuxième sens encore: en Dieu (E2P8, E2P45, 25P29; Sescho a déjà répondu qu'il préfère laisser tomber ces passages, mais pour moi d'un point de vue méthodologique cela n'est pas un procédé légitime, tandis qu'en effet, il faut bien faire comme s'ils n'existent pas si l'on veut identifier essence et forme). Chaque chose existe éternellement dans l'attribut de Dieu. C'est exactement cela qui fait qu'une partie de notre Esprit subsiste après la mort de notre Corps, c'est-à-dire après que l'union des corps ou la forme qui exprimait l'essence du Corps dans le temps, a été défaite, n'existe plus dans le temps. Donc oui, on peut dissocier les deux, mais non pas sub specie durationis, uniquement sub specie aeternitatis. Or tout le 3e genre de connaissance se base sur cette perspective de l'éternité, de notre éternité. Si vous voulez identifier la forme et l'essence, l'éternité de l'Esprit devient absurde, et donc aussi la béatitude.

Bien sûr, penser l'idée que notre essence existe éternellement tandis que notre Corps va inévitablement mourir, c'est étrange. Aujourd'hui, d'habitude on ne pense pas les choses ainsi. Mais même à l'époque de Spinoza, on ne voyait pas les choses ainsi, comme le montre bien le scolie de l'E5P34. Réponse de Spinoza: penser que notre essence singulière existe éternellement tandis que notre Corps est mortel n'est absurde que si l'on s'imagine que l'éternité de l'essence de mon Esprit (en tant qu'idée de l'essence de mon Corps) serait équivalente à une quelconque "immortalité", alors qu'il faut absolument distinguer les deux. C'est en effet parce que notre Corps est mortelle mais son essence éternelle qu'il faut distinguer la forme (union temporelle de corps) et l'essence. Ne pas le faire relève de ce que Spinoza appelle "l'opinion commune" (même scolie). En effet, toute la théologie chrétienne identifie l'âme ou l'essence à la forme, forme qui "informe" la matière pour "actualiser" l'essence dans tel ou tel Corps (raison pour laquelle la résurrection après la mort n'y est pas seulement une résurrection de l'âme, mais aussi du Corps dans sa matérialité temporelle, puisque l'un est toujours indéconnectable de l'autre). Spinoza se distancie de cette conception de la forme en en proposant une définition purement "mécanique", et non plus métaphysique. Du même coup, il rejette l'immortalité, ou la permanence temporelle infinie de la forme ou union des corps qui caractériste telle ou telle chose singulière. Mais il n'abandonne pas l'idée d'une éternité de l'essence. On peut être d'accord avec cette position ou non, bien sûr, mais à mon sens la question pour l'instant est plutôt d'essayer de trouver des arguments pro ou contre l'idée d'une identification de forme et de l'essence chez Spinoza. Ce que je viens d'essayer de faire (arguments contra).

A bientôt pour une réponse sur le fond de la question.
L.

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Messagepar Enegoid » 16 nov. 2008, 11:35

Remarque :

Il n’est pas plus difficile d’admettre la variété des hommes dans l’essence de genre « homme » que la variété des états successifs de Paul au sein de la même essence « Paul ». (Personne n’ayant relevé l’argument, je le répète).


Paul enfant partage avec Pierre vieillard la même essence « homme ». Parce qu’ils ont « quelque chose » en commun. Je note également que les corps des hommes (mâles) et les femmes ont des structures ou des « formes » assez différentes, et font cependant partie du même genre « homme ».
Pourquoi Paul enfant n’aurait-il pas quelque chose en commun avec Paul vieillard ? Quelque chose que n’aurait pas Pierre. Rien en principe ne l’exclut. Et la science permet de dire aujourd’hui que Paul enfant et Paul vieillard ont au moins en commun le même code génétique, et que le poète espagnol a conservé son code génétique. Alors ?

Je conclue que rien ne permet d’affirmer que l’on se trompe en disant qu’une chose singulière (Paul) conserve son essence tant que cette chose existe.

Je note que Spinoza, dans les deux exemples emblématiques de la discussion, à savoir le poète espagnol et l’enfant, exprime seulement un doute sans trancher dans un sens ou dans l’autre.

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Messagepar Sinusix » 16 nov. 2008, 17:12

Louisa a écrit :Bonjour Sinusix,

en attendant ma réponse détaillée à votre message précédent, juste deux remarques par rapport à ce que vous venez d'écrire:



Bonjour Louisa,

En attendant cette réponse, deux remarques sur ce message.

1/ sur le premier point, sans revenir sur l'ajout du terme "particulier", cause de la mauvaise interprétation, j'observe une première ambiguïté de langage (comme quoi tout message est émission et réception). Une chose en effet est d'écrire que "la forme est une union de corps d'un genre particulier" une autre est d'écrire que "la forme est une union de corps, d'un genre particulier".
J'ai mis en cause le particulier en l'ayant attaché grammaticalement à corps, puisque c'est ainsi que vous l'aviez écrit, ce que le texte de Spinoza n'autorise absolument pas.
J'aurais été moins tatillon si j'avais adopté la 2ème lecture, quoique je ne vois nulle part que Spinoza considère l'union autrement que "particulière", c'est-à-dire comme attachée à un ensemble de rapports spécifiques qui la conduisent à caractériser un Individu.
2/ Sur le second point, je constate encore une fois la pesanteur ontologique du langage et la pertinence de la démarche Husserlienne qui exigence une réduction ontologique de ce dernier préalable à l'examen des essences.
En bref, puisque nous versons dans l'éidétique, ne remettant pas en cause tout votre laïus sur l'éternité, hors sujet parce que je ne l'ai ni abordé, ni contesté, je maintiens, faute de trouver aucune mention contraire, l'équivalence spinoziste essence = nature = forme = définition(selon le contexte). Le fait de distinguer, comme vous le faîtes et comme nul ne l'a oublié, la double "faculté" de l'essence d'être exprimée dans l'existence, ou de ne pas l'être tout en étant en Dieu éternellement, ne change rien au fait que dans son expression "existentielle", totalement isomorphe à celle qui est en Dieu éternellement, l'essence, c'est la forme ou la nature.
Et puisque vous concoctez votre réponse à un message précédent, j'ajoute aux remarques antérieures les quelques aspects suivants de notre intuition éidétique divergente.
Au terme du Scolie du Lemme VII de la 2ème partie, Spinoza écrit : "Et, si nous continuons encore ainsi à l'infini, nous concevrons facilement que la nature tout entière est un seul Individu, dont les parties, c'est-à-dire tous les corps, varient d'une infinité de manières sans que change l'Individu tout entier". Nous l'avons déjà dit, le total de "réalité" du facies totius universi est un invariant, nonobstant les sempiternelles variations qui l'agitent. Il y a donc bien un conatus "universel", une quantité de mouvement originelle, expression de la puissance de Dieu, à savoir de son essence, une essence fixe bien qu'à chaque instant autre.
Au regard des choses singulières (dont il est effectivement illusoire que nous prétendions avoir une idée claire et distincte de chacune, comme dit Sescho), le "jeu" du conatus universel apparaît à deux niveaux : un premier niveau qui est, par exemple, celui de la reproduction sexuée chez la majorité des vivants (et particulièrement chez les humains d'où l'intérêt de la question "sourire" concernant le mariage), qu'accompagne le relais du conatus individuel, pendant la durée d'existence, lequel permet de boucler la chaîne "animée".
De fait, si l'essence de l'homme n'enveloppe pas son existence, c'est bien parce que son expression (la naissance d'un homme) a pour cause prochaine extérieure la conjugaison de deux génomes distincts.
En revanche, pour compliquer le contenu du sac, il m'apparaît que par construction, puisque (merci Socrate) nous savons que l'homme est mortel (comme toute chose "biologique"), cette propriété de genre est caractéristique de son essence. Autrement dit, l'essence "en exercice corporel" enveloppe la fin de son expression singulière.
Le sac, dans ces conditions, devrait donc contenir tout un spectre d'essences instantanées, correspondant à l'ensemble des instantanés du processus de vieillissement (lequel est un processus interne à l'Individu et non externe), limité par un instantané de vieillard cacochyme, différent pour chaque individu (et partiellement dépendant des progrès scientifiques, inconnus à la naissance), et présent en Dieu de toute éternité, la mort étant atteinte à l'instant où le corps ne trouve plus dans son sac d'essence à exprimer (tout ceci dans le cas du fonctionnement autonome). Car restent à ajouter tous les accidents possibles et imaginables, lesquels induisent autant d'essences en stocks que d'hypothèses de reconditionnement chirurgical qui préservent l'union. Bref, tout cela est aberrant et je ne pense pas que Spinoza ait conçu un instant ce mécanicisme.
Il serait donc plus judicieux de rester sur le terrain synthétique que me semble défendre Sescho, en notant une inconnue spinoziste quant au jeu infini des relations correspondant aux expressions singulières. Autrement dit, l'essence ne se soucierait que de process et de lois de genre.
Il faudrait peut-être alors se rapprocher (horresco referens pour certains) de la vision bouddhique, sur laquelle je veux bien être informé, selon laquelle "la vacuité est forme et la forme vacuité".
Amicalement


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