Bardamu, excuse-moi, mais ta folie (ou ta sagesse, comme tu voudras) est hors de ma portée.
Sescho, ce que tu dis est intéressant, mais ne va guère dans le sens de Spinoza. En fait, tu t'éloignes complètement de lui (à moins que je ne comprenne rien à ce philosophe, hypothèse qui ne saurait être définitivement écartée, ou que je n'aie rien compris rien à ton texte, ce qui est bien possible). Voyons cela.
Tu sembles considérer qu’une définition implique une cause (?), alors que précisément ce dont nous parlons n’en a pas. C’est bien parce que l’Étendue n’a pas de cause qu’on dit à son sujet « cause de soi », quoique ce terme soit discutable
La substance, "cause de soi", c'est ce qui existe
sans raison extérieure. Je dis qu'il y a deux manières de comprendre ce truc : ou bien la cause de l'existence de la substance est contenue dans sa définition, ou bien cette cause n'existe pas.
Je n'accepte que la deuxième possibilité, et apparemment c'est aussi celle que tu choisis, contrairement à d'autres sur ce forum (et, selon toute logique, à Spinoza lui-même)... Mais dans ce cas, on ne peut plus rien prouver du tout (ni l'infinité d'attributs, ni, partant, l'existence de l'attribut Pensée, ni le fait que la nature pense en dehors de l'homme, ni rien du tout) puisque la définition n'implique plus l'existence.
Non, on ne peut pas définir n’importe quoi n’importe comment en disant que c’est égal, à moins d’aimer parler dans le vide (voir mon exemple du « véhicule spatial »). Une définition ne fait qu’établir un lien de représentation entre un vocable et un sens pré-existant. Ce sens doit être clair pour une discussion claire. Une définition ne crée pas de sens. Une définition cohérente exprime une essence ou un élément d’essence clairement conçus, et elle peut alors être utile. Donc si ta définition exprime une essence, eh bien… elle exprime une essence…

Presque aussi obscur que Bardamu !

Je disais que l'on peut définir ce que l'on veut, mais bien sûr une définition peut être contradictoire. Mais même si elle ne l'est pas, ça ne prouve rien. Passons sur ce détail.
Pour E1D1, il s’agit de quelque chose d’un peu différent, qui tient à l’affirmation qu’il n’y a pas de contradiction a priori à poser que l’existence puisse faire partie de l’essence.
Il n'y a pas de contradiction si l'on veut dire que les substances
qui existent existent nécessairement. Si l'on prétend que les substances existent seulement parce qu'elles ont été définies comme substances, alors je ne sais pas si c'est contradictoire mais je conteste les preuves de leur existence.
L’essence représente ce qu’est une chose indépendamment de son existence, si celle-ci peut n’être pas. Donc la seconde partie de l’objection… Toutefois, si ce qu’est la chose implique son existence (par exemple – si l’on admet que ce n’est pas une notion générale : dans le cas de (l’essence de) l’existence elle-même) l’existence est contenue dans l’essence, par définition. On ne dit pas qu’une telle chose existe à ce point mais seulement qu’on admet qu’il peut être dans la nature même d’une chose d’exister.
Je ne sais pas si c'est ta clarté ou mon intelligence qui est en cause (peut-être un peu des deux), mais je n'y vois goutte ! Mais je pense entrevoir ce que tu veux dire, et si c'est bien ça, je suis d'accord avec toi.
La question peut être alors : pourquoi ne pas définir directement la substance comme étant l’Être, à qui on ne saurait enlever l’existence.
Oui, je suis à peu près d'accord, mais c'est une définition
a posteriori. On ne prouve pas que la substance existe : on constate qu'il y a de l'Etre, on admet que cet Etre est nécessaire (de toute façon, à ce niveau, les mots "nécessaire" et "contingent" deviennent synonymes) et on appelle "substance" cet être. On n'a donc pas
prouvé son existence : on l'a seulement constatée.
Exit la preuve ontologique. Par où tu me sembles à milles lieu de Spinoza, et encore plus loin de Descartes.
Parce que cette notion n’est pas aussi spontanée que la perception des modes et que donc elle n’est pas immédiatement évidente. Mais si l’on peut se contenter d’être direct, pourquoi pas : j’entends par « Étendue » le mode d’existence par lequel les corps existent (il en existe manifestement) ? J’entends par « Pensée » le mode d’existence par lequel les mouvements psychiques existent (il en existe manifestement) ? Et il est difficile de dire qu’en parlant de mode d’existence de choses existantes je ne le conçoit pas automatiquement comme existant…
Certes, mais si je le conçois comme existant, c'est
a posteriori. Et, soit dit en passant, rien ne prouve plus que l'Etendue soit infinie (bien qu'elle soit nécessaire : sa nécessité n'étant pas due à sa définition mais au fait qu'elle n'a pas de cause, elle peut être "nécessairement" finie), ni que la "Pensée" existe indépendamment de l'Etendue, ni qu'elle soit un attribut.
Voir plus haut mon avis sur la « négation » en question. Spinoza n’a pas défini la substance en en posant l’existence... Que tu ne voies pas comment le faire par toi-même est un autre problème. Mais enfin, « l’Être n’existe pas nécessairement », personnellement, j’ai du mal (mais on peut me dire que c’est une notion générale)…
L'Etre existe nécessairement, mais cet Etre n'a pas nécessairement une infinité d'attributs. Or Spinoza
définit Dieu comme une substance composée d'une infinité d'attributs. Puisque tu admets que cette infinité n'est pas démontrée, tu admets
ipso facto que Spinoza n'a pas démontré l'existence de Dieu, donc que ses démontrations contiennent un problème.
Je suis d'accord, pour ma part, comme je l'ai déjà dit, que l'infinité d'attributs n'est pas prouvée. Je répète que pour moi c'est un détail (sans aucune conséquence dans la suite) et qu'on ne peut pas non plus prouver le contraire.
Un détail qui te force indiscutablement à trouver une faille dans les démonstrations de Spinoza (puisqu'il dit avoir démontré cette infinité d'attributs) ! Où est la faille ?
Tout simplement dans le double-sens des mots "substance", "cause de soi"... En conviens-tu ?
Je me suis en outre déjà exprimé sur la Pensée comme mode de l'existence, qui me semble évident, bien au-delà de la prétendue explication par l'Étendue.
Fausse évidence (ce pourrait être une hypostase de la Pensée). Pour ma part la dualité des attributs me semble encore plus difficile à penser et beaucoup moins économique. Nous savons bien peu de choses sur la matière, et encore moins sur ce dont elle est capable quand elle est bien organisée. Mais un tronc d'arbre, ça ne pense pas, et je n'ai aucune raison d'aller imaginer que son idée pourrait exister indépendamment de mon cerveau ! Et c'est encore pire si tu crois que la nature pense (!), indépendamment de l'homme bien sûr.
Je fais une petite digression pour illustrer le fait que le spinozisme est finalement très proche du matérialisme. Voici deux extraits de l'encyclopédie Hachette :
Spinoza, qui défend Démocrite, Épicure et Lucrèce contre Platon et Aristote, est au plus près des matérialistes. [...] La théorie, appliquée à l'homme, fera sentir toute sa charge subversive: «L'âme et le corps sont une seule et même chose», et «Les décrets de l'âme ne sont rien d'autre que les appétits eux-mêmes et varient en conséquence selon la disposition variable du corps.»[...] mais l'ontologie de Spinoza peut être aussi bien lue comme un matérialisme intégral dans la mesure où, contre la conception cartésienne de l'étendue, elle définit l'ordre naturel, hors de toute référence à un principe extérieur, par un automouvement produisant ses propres lois. Ce monde animé par une force affirmative immanente sera illustré, au siècle suivant, dans le Rêve de d'Alembert de Diderot (1769).Il reste donc quand-même au moins, pour l’instant, deux Attributs
Cela n'a été démontré nulle part. Si tu rejettes l'absolue infinité de Dieu, tu n'as plus aucun moyen de prouver que la Pensée est un attribut. Tu ne peux que l'admettre, et c'est ce que je ne fais pas (quoique j'en perçoive toute la beauté). Peut-être serons-nous d'accord sur nos désaccords ?
mais j’admets aussi que Spinoza pose, dans ce cadre, sans le démontrer, le « parallélisme des Attributs », qui me semble difficilement défendable…
Alors comment expliques-tu l'interaction apparente entre l'Etendue et la Pensée ?
Mais là il y a de toute façon un problème insoluble : nous percevons la Matière par la Pensée et sommes incapables de relier les deux en vérité (donc d’expliquer la Pensée par la Matière, par exemple), ni même de connaître l’un comme l’autre absolument.
On ne peut pas connaître absolument la nature, c'est évident. Mais je ne vois pas en quoi le fait de percevoir la matière par la pensée serait une aporie pour expliquer (au moins partiellement) la pensée par la matière.
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Avant toute chose, je voudrais savoir une chose de façon objective : pour Spinoza, est-ce que Dieu pensait il y a 5 milliard d'années (quand l'homme n'existait pas) ? Autrement dit : la pensée de Dieu est-elle à l'image de la pensée humaine (quoique parfaite) ou bien n'est-elle qu'une façon de dire que la nature contient des idées qui ne pensent pas (comme l'idée de rocher ?). C'est très important. Je voudrais savoir ce que pensait Spinoza à ce sujet, et ce que tu en penses, toi.
Si c'est la deuxième réponse qui est la vraie (comme je l'ai supposé dans cette réponse), alors nous allons peut-être pouvoir nous comprendre, à défaut de nous mettre d'accord. Sinon je crains que tu aies du mal à justifier que la nature, même sans l'homme, puisse penser !!... Comment une somme, même infinie, d'objets non pensants et mal organisés (à la différence des neurones) pourrait-elle penser (je ne parle même pas de le prouver) ?