Être croyant après Spinoza

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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hokousai
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Messagepar hokousai » 25 nov. 2010, 02:02

cher Alex6
Mais ultime résonne comme ultimatum .
Plutôt qu'à un sens ultime nous pouvons raisonnablement aspirer à un sens intime de notre existence .Ce qui présente déjà l'avantage de ne pas vouloir trop empiéter sur le désir d'autrui lequel peut librement se désoler de ne plus pouvoir aspirer au sens ultime de l'existence .
.........................................................................................................
Qui qualifies-tu de mauvais? – Celui qui veut toujours faire honte.
Qu'y a-t-il pour toi de plus humain? – Épargner la honte à quelqu'un.
Quel est le sceau de l'acquisition de la liberté? – Ne plus avoir honte de soi-même.
(Nietzsche le gai savoir )
.......................................................................................................

Je cite Nietzsche et volontairement parce que voila un philosophe souvent taxé d' immoralisme . Après tout Schopenhauer à bien taxé Spinoza d' immoralisme .Que de mécompréhension !
Alors quoi ?
Comprendre . Comprendre les mobiles de nos actes . En quoi les cognitivistes nous aident-ils à comprendre ?

Nous avons une grande tradition de moralistes en occident , les cognitivistes lui tournent le dos pour nous aligner sur des circuits informatiques quand ce n'est pas sur les babouins ( nonobstant ma considération pour la condition animale )
Modifié en dernier par hokousai le 25 nov. 2010, 12:17, modifié 1 fois.

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Alexandre_VI
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Messagepar Alexandre_VI » 25 nov. 2010, 02:20

Cher Paul Herr Jean-Luc,

Oui, mais quand même, on ne peut pas opposer une fin de non-recevoir aux sciences cognitives si celles-ci remettent en question certaines idées traditionnelles.

Dois-je vous rappeler que Damasio est justement l'un de ces cognitivistes en vue, qui se réclame de Spinoza?

Mais certes, il faut se méfier des mauvaises vulgarisations, dont la seule intention est parfois de gonfler les ventes dans les librairies.

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Messagepar hokousai » 25 nov. 2010, 12:58

cher alex6

Oui mais, comme pour toute science le domaine d 'exploration est illimité . Je me vois confronté à un dédale de considérations savantes sur des circuits neuronaux voire des circuits linguistiques , d'infinis dédales sémiotiques ( ça dépend de la science cognitive en question, neurophysiologiste ou linguistico -logiciste , quand on ne mélange pas les deux )
Que voulez- vous tirer d' éthique de cette abondances de données factuelles ?
Les propositions éthiques n 'ont peut être pas de sens mais ce n'est pas en détournant le regard qu'on le prouve .

Ce qu'en dit Wittgenstein "Je vois maintenant que si ces expressions n'avaient pas de sens, ce n'est pas parce que les expressions que j'avais trouvées n'étaient pas correctes, mais parce que leur essence même était de n'avoir pas de sens. [...] Tout ce à quoi je tendais -et, je crois, ce à quoi tendent tous les hommes qui ont une fois essayé d'écrire ou de parler sur l'éthique ou la religion- c'était d'affronter les bornes du langage. C'est parfaitement, absolument sans espoir de donner ainsi du front contre les murs de notre cage. Dans la mesure où l'éthique naît du désir de dire quelque chose de la signification ultime de la vie, du bien absolu, de ce qui a une valeur absolue, l'éthique ne peut pas être science. Ce qu'elle dit n'ajoute rien à notre savoir, en aucun sens. Mais elle nous documente sur une tendance qui existe dans l'esprit de l'homme, tendance que je ne puis que respecter profondément quant à moi, et que je ne saurais sur ma vie tourner en dérision."

A rapprocher de ce que dit Spinoza sur la béatitude et la vertu (et les affects ) à la toute fin de l'Éthique
Spinoza à la 5eme partie de l'Éthique renverse complétement l'ordre de la mobilisation éthique en la faisant dépendre de l'amour de Dieu (de Dieu et envers Dieu ) et non plus de la démonstration ( toute légitime qu' elle soit )

Dites moi où je peut trouver ce genre d' expérience religieuse chez les cognitivistes .
Et j'endosse la responsabilité du le qualificatif religieux en ce qui concerne Spinoza .

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Messagepar recherche » 26 nov. 2010, 01:17

Comment envisagez-vous cette "expérience religieuse", amour de et/ou envers Dieu ?

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Messagepar hokousai » 26 nov. 2010, 11:19

Si vous demandez à un anglais ( parait-il ) comment il envisage le pudding il vous répondra que c'est en le mangeant .

Je vois que sur un autre fil on pointe pour la enième fois mon attachement à la cinquième partie de l'Ehique .
Spinoza y parle du sage ( dernier scolie )
Les causes extérieures agitent l'ignorant et je dirais, au risque de choquer que par exemple les problèmes de politiques people sont des causes extérieures qui agitent l'ignorant .
Dès que l'ignorant cesse de pâtir en tant qu' il est privé de ses motifs d'agitation aussitôt il cesse d être . C'est redoutable , ainsi l'ignorant se maintient-il au sein des passions et de l'agitation .

Mais le sage .. cf le dernier scolie de l' Ethique .
..................................................
Moi voyez- vous je vous explique comment moi je comprends Spinoza .

Il y a des interprètes enclins à le voir politique comme il y en eut à le voir libertin ou bien encore naturaliste pre darwinien voire précurseur de la neuro science . Selon les préoccupations de l' époque


Spinoza était pour moi contemporain de Pascal .
Les Pensées de Pascal sur la religion, et sur quelques autres sujets et le Tractatus Theologico-politicus de Spinoza ont été publiés la même année 1670
Je n' entrerai pas sur le terrain des convergences et des divergences, il existe là dessus quelques travaux érudits et systématiques...
à mon avis marqués du sceau de l' époque car ne pointant pas sur l 'expérience religieuse (ou pire l'évacuant )

F Alquié antérieurement disait :" à ces concepts ( spinozistes )nous ne sommes pas toujours parvenu à faire correspondre une véritable expérience de pensée "

Tragique aveu qui semble corroboré par le contournement systématique de l'expérience religieuse chez nos commentateurs actuels .

Pour moi c'est clair et d'une carté aveuglante on ne peut comprendre Spinoza que si on y reconnait une expérience de pensée intimement vécue en soi même .

Vous allez me dire qu'on peut faire erreur et croire s'y reconnaitre , certes, tout comme on peut penser que Spinoza a fait erreur en croyant que
l'amour intellectuel de l'esprit envers Dieu est une partie de l'amour infini dont Dieu s 'aime lui même .

bien à vous
hokousai

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Messagepar recherche » 26 nov. 2010, 11:31

Merci pour votre réponse.

Cette expérience est-elle pour vous "mystique" ?

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Messagepar hokousai » 26 nov. 2010, 13:13

à recherche

Chez Pascal c' est indéniable . Pascal on le sait a eu une expérience dite "mystique ".
Spinoza ne parle pas pour lui même d' une telle expérience disons d'une expérience telle qu'elle soit de l'ordre de l'extraordinaire de la pensée commune.
Spinoza décrit dans les débit du traité de l'entendement quel fut son effort .
au paragraphe 4 il dit un seul point était clair pendant le temps du moins que mon esprit était occupé de ces pensées(ie l'amour allant à une chose éternelle et infinie ...)
Il est évident que Spinoza procède par expérience de pensée commune ( accessible de son point de vue à tout un chacun )

Mystique! Est -ce que la focalisation de l'esprit sur l'infinité de Dieu ( ou de la substance ) est mystique ? Après tout peu importe de répondre par le mot juste ce qui importe ce sont les effets produits et Spinoza prétend que les effets sont patents .
Spinoza n'est pas un mystique tel que Jean de la croix du moins n'évoque- t-il pas de rapt de la conscience.
Chez Spinoza s'il n'y a pas de saut dans la transcendance il n'y en pas non plus l'attente ou l'espoir .
......................................

Wittgenstein dit
« Il y a assurément de l'inexprimable. Celui-ci se montre, il est l'élément mystique."
Il y a t-il de l'inexprimable dans la connaissance du troisième genre ( Spinoza ) connaissance intuitive ?( scolie2 prop 40 partie 2)
De mon point de vue l intuition (d 'un seul coup d' œil dit- il) ce qui est vu directement ne s'exprime pas . C'est direct , c'est sans la médiation d 'idées extrinsèques et sans support langagier idoine .

hokousai

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Messagepar recherche » 26 nov. 2010, 13:24

Bonjour,

Merci beaucoup pour votre réponse.

Comprenez-vous que ces considérations ne puissent toutefois s'accorder avec l'idée d'une finalité ?

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Messagepar hokousai » 27 nov. 2010, 00:16

à recherche

difficilement et pour Spinoza pas du tout .

Si dans finalité il y a fin (le terme , ce qui termine )alors dans l'éternité il n'y a ni début ni fin .

Dans finalité il y a aussi ( au sens d' Aristote ) l'idée d' actualisation d'une forme en puissance de l'être , par la cause finale .La cause finale se distingue de la cause efficiente ( seule retenue par Spinoza *)
La cause finale c'est le premier moteur pensé comme "en tant que désiré" .
C' est l'amour que les causes portent au premier moteur qui leur fait accomplir cette génération des choses .
Ce n'est pas le schéma de pensée spinoziste .
Globalement pas et Spinoza est très opposé à l'idée de finalité dans la nature.

Il n'est en revanche pas opposé à l'idée d amour envers Dieu .

Spinoza écrit ( court traité )
:" la fin que je m'efforce d'atteindre est de pouvoir gouter l union avec Dieu et de produire en moi des idées vraies et de faire connaitre cs choses à mes prochains ."
..........................................

*en fait causa essendi au sens scolastique qui est l'extension de la cause efficiente

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Messagepar recherche » 27 nov. 2010, 18:20

Merci beaucoup pour vos réponses, décidément très érudites.

" la fin que je m'efforce d'atteindre est de pouvoir gouter l union avec Dieu et de produire en moi des idées vraies et de faire connaitre cs choses à mes prochains ."


Je ne parviens pas à saisir tout à fait le sens de cette "union avec Dieu", ce Dieu n'ayant ici rien de "personnel" (ou d'assez humain pour envisager avec la moindre union intellectuelle).

Pouvez-vous m'aider à comprendre ce à quoi elle pourrait correspondre ?

Je ne peux m'empêcher de garder par ailleurs à l'idée que Spinoza prôna au final (à en croire R. Misrahi) ce que nous pourrions aujourd'hui appeler "un athéisme poli(cé)".

Merci


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