Bonjour tout le monde,
J'ai du mal en ce temps-là de concevoir clairement et distinctement ce que Spinoza veut dire lorsqu'il parle de "l'idée de Dieu" en tant que mode infini immédiat de l'attribut Pensée. Je pense surtout aux Propositions 20, 21, 22, 23, et 24 de É1 touchant à celui-ci.
En particulier, il y a deux points j'aimerais mieux concevoir :
1) je ne comprends pas très bien comment "l'idée de Dieu" correspond-t-elle au "mouvement et repos" dans l'attribut Étendue ;
2) je ne vois pas très bien la différence entre "l'intellect de Dieu" et "l'idée de Dieu", s'il y en a une.
Tout ce qui me paraît claire est que "l'idée de Dieu", c'est l'idée que Dieu forme nécessairement et immédiatement de son essence et de son existence. C'est un mode, parce que son être dépend (immédiatement) de Dieu, mais c'est infini, parce que donnée la nature de Dieu, ce mode qui en découle immédiatement ne peut pas être autrement ni enlevée. Autrement dit, c'est la première chose qui devrait structurer la Pensée.
Cependant, comment est-ce que toutes les idées singulières peuvent-elles s'ensuivre de "l'idée (éternelle et infinie) de Dieu" - ce que Spinoza affirme à É2 Prop. 3 et 4 - quand en tant que choses finis, donc divisées entre eux, les idées singulières ne peuvent pas par définition constituées une chose réellement infinie et éternelle, c'est-à-dire "l'idée de Dieu"?
Enfin, peut-être mon problème est juste de comprendre ce que Spinoza veut dire par "mode infini immédiat" - pas une mince affaire, je sais !
Merci en avance.
"l'idée de Dieu"
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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- sescho
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Ma réponse (il peut ne pas y avoir consensus général là-dessus, mais j'ose dire que j'affirme ce que je dis) :
- Pour Spinoza, il y a deux dimensions (parmi une infinité d'autres) de l'Être connues de l'homme : l’Étendue (disons : la Matière-Volume) et la Pensée. Ces dimensions sont cependant les attributs d'un seul Être, d'une seule essence, qui est Dieu-la Nature. D'un certain côté, ces attributs, qui ont tous les propriétés d'une substance, doivent se considérer séparément : l'Univers entier est contenu dans chacun pris séparément. D'un autre côté, ils sont en quelque sorte des "mondes parallèles" qui se correspondent absolument "en miroir." Ainsi à tout mode (manière déterminée d'être) dans l'un correspond en miroir un mode dans l'autre. Mais ces "mondes" n'en sont en fait qu'un en Dieu (Dieu.) C'est ce qui a été appelé par d'autres que Spinoza "parallélisme."
- En outre, dans l'ordre de l'Entendement (il n'y en a qu'un), les dimensions de l'Être se conçoivent par soi (sans cause antérieure) et sont donc en soi et seules ainsi conçues (ce sont les bases premières de l'Entendement) : c'est la Nature naturante, autrement dit Dieu en tant qu'on le considère comme étant en soi, cause de soi, conçu par soi. Le reste, savoir les modes, ne vient nécessairement qu'ensuite dans l'ordre ontologique, DANS leurs dimensions de l'Être respectives qui leurs sont antérieures dans l'ordre de l'Entendement. Ainsi les corps ne peuvent être conçus que DANS l'Etendue, comme manières - modes - (particulières, déterminées) d'être étendu. Idem pour les idées.
- Il n'y a pas de différence entre l'Entendement infini, l'Intellect de Dieu et l'Idée de Dieu.
- Les modes infinis (immédiats, mais je conteste qu'il y en ai d'autres d'infinis chez Spinoza, l'introduction indirecte de supposés "modes infinis médiats" se trouvant dans une proposition utilisée exclusivement négativement ensuite ; de manière plus générale, ce n'est pas consolidé mais plutôt contredit par d'autres passages de Spinoza et c'est en outre sans usage positif visible, mais serait certainement une complication) sont introduits par un "saut ontologique" (il n'y a pas de lien logique avec les attributs.) Spinoza les dit découler absolument des attributs, héritant de cette absoluité infinité et éternité.
- Le mode infini de l’Étendue est le Mouvement-Repos, qui se conçoit - et ne se conçoit que - DANS l'Etendue. Il est lui-même la cause des choses particulières ("modes finis") dans l'Etendue : les corps. Tous les corps sont ainsi une certaine proportion de mouvement et de repos dans l’Étendue.
- Le mode infini de la Pensée est l'Entendement infini, qui est le parallèle du Mouvement-Repos. Il est en quelque sorte l'idée du Mouvement-Repos (et inversement, en fait, chez Spinoza) dans toute son extension. D'une certaine façon de parler (critiquable), il couvre tous les corps, mouvements de ces corps, interactions de ces corps, modifications de ces corps, ... possibles.
- Lorsqu'un certain corps vient à l'existence (le temps est une "facette" du Mouvement - se mesurant en comparant des mouvements perçus comme réguliers -, qui ne concerne pas l'attribut, ni même le Mouvement, en tant qu'il n'est pas lui-même soumis au temps) alors l'idée de ce corps vient à l'existence. Ceci, donc, ne change rigoureusement rien aux modes infinis, qui sont éternels.
- Pour Spinoza, il y a deux dimensions (parmi une infinité d'autres) de l'Être connues de l'homme : l’Étendue (disons : la Matière-Volume) et la Pensée. Ces dimensions sont cependant les attributs d'un seul Être, d'une seule essence, qui est Dieu-la Nature. D'un certain côté, ces attributs, qui ont tous les propriétés d'une substance, doivent se considérer séparément : l'Univers entier est contenu dans chacun pris séparément. D'un autre côté, ils sont en quelque sorte des "mondes parallèles" qui se correspondent absolument "en miroir." Ainsi à tout mode (manière déterminée d'être) dans l'un correspond en miroir un mode dans l'autre. Mais ces "mondes" n'en sont en fait qu'un en Dieu (Dieu.) C'est ce qui a été appelé par d'autres que Spinoza "parallélisme."
- En outre, dans l'ordre de l'Entendement (il n'y en a qu'un), les dimensions de l'Être se conçoivent par soi (sans cause antérieure) et sont donc en soi et seules ainsi conçues (ce sont les bases premières de l'Entendement) : c'est la Nature naturante, autrement dit Dieu en tant qu'on le considère comme étant en soi, cause de soi, conçu par soi. Le reste, savoir les modes, ne vient nécessairement qu'ensuite dans l'ordre ontologique, DANS leurs dimensions de l'Être respectives qui leurs sont antérieures dans l'ordre de l'Entendement. Ainsi les corps ne peuvent être conçus que DANS l'Etendue, comme manières - modes - (particulières, déterminées) d'être étendu. Idem pour les idées.
- Il n'y a pas de différence entre l'Entendement infini, l'Intellect de Dieu et l'Idée de Dieu.
- Les modes infinis (immédiats, mais je conteste qu'il y en ai d'autres d'infinis chez Spinoza, l'introduction indirecte de supposés "modes infinis médiats" se trouvant dans une proposition utilisée exclusivement négativement ensuite ; de manière plus générale, ce n'est pas consolidé mais plutôt contredit par d'autres passages de Spinoza et c'est en outre sans usage positif visible, mais serait certainement une complication) sont introduits par un "saut ontologique" (il n'y a pas de lien logique avec les attributs.) Spinoza les dit découler absolument des attributs, héritant de cette absoluité infinité et éternité.
- Le mode infini de l’Étendue est le Mouvement-Repos, qui se conçoit - et ne se conçoit que - DANS l'Etendue. Il est lui-même la cause des choses particulières ("modes finis") dans l'Etendue : les corps. Tous les corps sont ainsi une certaine proportion de mouvement et de repos dans l’Étendue.
- Le mode infini de la Pensée est l'Entendement infini, qui est le parallèle du Mouvement-Repos. Il est en quelque sorte l'idée du Mouvement-Repos (et inversement, en fait, chez Spinoza) dans toute son extension. D'une certaine façon de parler (critiquable), il couvre tous les corps, mouvements de ces corps, interactions de ces corps, modifications de ces corps, ... possibles.
- Lorsqu'un certain corps vient à l'existence (le temps est une "facette" du Mouvement - se mesurant en comparant des mouvements perçus comme réguliers -, qui ne concerne pas l'attribut, ni même le Mouvement, en tant qu'il n'est pas lui-même soumis au temps) alors l'idée de ce corps vient à l'existence. Ceci, donc, ne change rigoureusement rien aux modes infinis, qui sont éternels.
Connais-toi toi-même.
A sescho,
Votre explication des grandes notions ontologiques de Spinoza (substance, attributs, modes) est lumineuse. C'est très clair et bien expliqué. Je pense que ça aidera les internautes pour qui le vocabulaire scolastico-spinoziste pose problème.
Néanmoins, j'ai une réserve sur les "modes infinis médiats". Je vous fais confiance jusqu'à preuve du contraire. Je tâcherai cependant quelque jour de vérifier l'inexistence des modes infinis médiats dans l'Ethique et dans les Lettres.
Votre explication des grandes notions ontologiques de Spinoza (substance, attributs, modes) est lumineuse. C'est très clair et bien expliqué. Je pense que ça aidera les internautes pour qui le vocabulaire scolastico-spinoziste pose problème.
Néanmoins, j'ai une réserve sur les "modes infinis médiats". Je vous fais confiance jusqu'à preuve du contraire. Je tâcherai cependant quelque jour de vérifier l'inexistence des modes infinis médiats dans l'Ethique et dans les Lettres.
- hokousai
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cher Serge
L'idée de Dieu a un statut particulier ..c' est une idée , elle est unique . Elle est l'idée d 'où suivent une infinité de choses.
dans le corollaire de la prop 7/1 Spinoza dit bien que " tout cela suit objectivement de <b> l'idée de Dieu</b>"
Il n'y a pas de différence entre l'Entendement infini, l'Intellect de Dieu et l'Idée de Dieu.
L'idée de Dieu a un statut particulier ..c' est une idée , elle est unique . Elle est l'idée d 'où suivent une infinité de choses.
dans le corollaire de la prop 7/1 Spinoza dit bien que " tout cela suit objectivement de <b> l'idée de Dieu</b>"
- sescho
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hokousai a écrit :UN seul mode infini médiat (facies totius universi )
Spinoza ne dit pas clairement si c'est un mode de la pensée , de l'étendue ou des deux .
Une chose est sûre : je ne vais pas reprendre le sujet ici... Je rappellerais simplement que ce dont vous parlez - qui a été bien entendu examiné, étant l'un des très rares points avancés par les tenants des "modes infinis médiats" - n'a aucune connexion établie par Spinoza avec la proposition en question plus haut, et n'est donc qu'une extrapolation de commentateur. Il reste aussi à traiter des passages de Spinoza (pour le coup) qui ne placent (heureusement, car sinon la hiérarchie ontologique devient inextricable, ce qui est en fait l'essentiel à considérer) rien entre les modes infinis (immédiats) et les choses particulières, de l'absence d'exemple dans la proposition en question, de son usage exclusivement négatif, de la question de la prolongation de la série de démonstrations analogues : quid des modes qui découlent absolument des modes qui découlent absolument des modes qui découlent absolument des attributs ? Et quid des modes qui découlent absolument de ceux-ci, etc. ...
Je rappelle des fils où le sujet a été abordé :
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-804 ... c-220.html
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-832 ... c-220.html
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-827 ... rasc-.html
http://www.spinozaetnous.org/ftopicp-10110.html
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- sescho
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hokousai a écrit :cher SergeIl n'y a pas de différence entre l'Entendement infini, l'Intellect de Dieu et l'Idée de Dieu.
L'idée de Dieu a un statut particulier ..c' est une idée , elle est unique . Elle est l'idée d 'où suivent une infinité de choses.
dans le corollaire de la prop 7/1 Spinoza dit bien que " tout cela suit objectivement de <b> l'idée de Dieu</b>"
Je n'ai pas d'objection à cela, et j'affirme qu'Entendement infini, Intellect infini et Idée de Dieu sont la même chose chez Spinoza.
http://www.spinozaetnous.org/ftopic-255 ... asc-0.html
Extraits :
http://www.spinozaetnous.org/document-d57.html
Maintenant, si vous pensez pouvoir contredire cette affirmation par la preuve basée sur le texte même de Spinoza (et éventuellement ensuite traduire cela en d'autres termes de nature à mieux faire comprendre les différences entre ces concepts et leurs liens et hiérarchie ontologique), j'en serais heureux (le but n'est pas du tout d' "avoir raison", mais d'être juste.) Je recommande alors de poursuivre sur le fil cité.
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- passe occasionnellement
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Re:
De mon point de vue l’idée de Dieu c’est ce dont Alain parle dans son Spinoza : c’est l’idée du vrai donnée. Alain dit qu’en déduction on démontre des choses les unes à la suite des autres en partant d’axiomes dont on a l’intuition, la certitude qu’ils sont justes. Pour que chaque élément de la chaîne soit vrai il faut que les axiomes soient vrais. Mais quand on démontre une suite de propositions on a souvent des flashs où l’on voit la véracité de l’ensemble, et pas uniquement des axiomes. C’est cette idée de véracité qui est l’idée de Dieu : l’idée du vrai. C’est le sens qui est pointé par le mot « VRAI ».
Dans l’étendue Dieu est la substance, dans la pensée, Dieu est l’idée de la substance, c’est à dire l’idée du vrai (l’idée de l’être) de laquelle toutes les essences suivent.
Dans l’étendue Dieu est la substance, dans la pensée, Dieu est l’idée de la substance, c’est à dire l’idée du vrai (l’idée de l’être) de laquelle toutes les essences suivent.
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