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Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Cette partie du forum traite d''ontologie c'est-à-dire des questions fondamentales sur la nature de l'être ou tout ce qui existe. Si votre question ou remarque porte sur un autre sujet merci de poster dans le bon forum. Merci aussi de traiter une question à la fois et d'éviter les digressions.
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Messagepar Vanleers » 02 janv. 2013, 13:58

A Hokousai
Il me paraît nécessaire, avant tout, de préciser le sens des termes que nous employons et qu’utilise Spinoza dans la proposition II 8 et son corollaire. Cette proposition commence par :
« Les idées des choses singulières, autrement dit des manières, qui n’EXISTENT pas, SONT nécessairement incluses dans l’idée infinie de Dieu […] »
Je comprends « existent » comme « existent en acte dans la durée » et « sont » comme « sont éternellement », ce que confirme le corollaire de la proposition, que je comprends comme suit :
« Aussi longtemps que les choses singulières n’existent pas en acte dans la durée mais que, seulement, elles sont éternellement incluses dans les attributs de Dieu, leurs idées sont éternellement incluses dans l’idée infinie de Dieu ; mais lorsque ces choses singulières, non seulement, sont éternellement incluses dans les attributs de Dieu mais existent en acte dans la durée, alors leurs idées existent également en acte dans la durée »
Un chat est mort mais son corps, qui n’existe plus dans la durée, est éternellement inclus dans l’attribut Étendue et l’idée de ce corps est éternellement incluse dans l’idée (c’est-à-dire l’entendement) infinie de Dieu.
Nous pouvons dire la même chose d’un certain chat qui naîtra dans dix ans, par exemple : son corps est éternellement inclus dans l’attribut Étendue. Bien entendu, nous ne devons pas dire : est « aujourd’hui déjà » ou « depuis toujours », inclus dans cet attribut, ce qui serait oublier que l’éternité n’est pas dans le temps.
Dans le monde tel que le conçoit Spinoza, tout est nécessaire et il est éternellement vrai que le chat en question naîtra bien dans dix ans.
Laplace illustre ce lien entre nécessité et éternité :
« Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée, la position respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers, et ceux du plus léger atome. Rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé seraient présents à ses yeux. »
Mais nous pouvons être plus précis et plus complet en introduisant les notions d’essence formelle et d’essence objective. Je cite Pascal Séverac :
« Une « essence objective » désigne une idée en tant qu’elle est rapportée à un certain objet ; une « essence formelle » désigne n’importe quel être en sa réalité interne, qu’elle soit idéelle, corporelle ou autre ». (op. cit. p. 91)
Je dirai donc :
« De toutes les choses singulières qui ont existé, existent ou existeront en acte dans la durée, leurs essences formelles sont éternellement incluses dans les attributs de Dieu et leurs essences objectives, autrement dit leurs idées, sont éternellement incluses dans l’idée infinie de Dieu »
Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 02 janv. 2013, 14:35

A Hokousai
Je prolonge un peu mon précédent post.
1) Vous écrivez :
« Dieu a toutes les idées de tous les singuliers qui ont existé qui existeront et qui existent (du moins j 'espère ) donc Dieu pense antérieurement à son actualité »
Je suis d’accord sur la première partie de la phrase : ces idées sont éternellement incluses dans l’idée (c’est-à-dire l’entendement) infinie de Dieu (cf. mon précédent post).
Par contre, je ne suis pas d’accord sur la suite car le mot « antérieurement » marque une confusion entre l’éternel et le temporel.
2) Vous écrivez :
« Tout se joue autour de ce petit mot "actuelle". »
En effet, et Spinoza en fait état, par exemple dans le scolie d’E V 29 : « Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières … ».
J’ai voulu préciser ce point dans mon précédent post en distinguant « exister en acte dans la durée » et « être éternellement ».
3) Je pense, comme vous, que Spinoza parle uniquement des essences formelles et objectives des choses singulières qui ont existé, existent ou existeront en acte dans la durée. Ces essences sont éternellement incluses, respectivement dans les attributs de Dieu et dans son entendement infini.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 02 janv. 2013, 15:42

à à Vanleers

Un chat est mort mais son corps, qui n’existe plus dans la durée, est éternellement inclus dans l’attribut Étendue et l’idée de ce corps est éternellement incluse dans l’idée (c’est-à-dire l’entendement) infinie de Dieu.

Dîtes-moi ! son corps au chat mort inclus dans l’attribut Étendue, il est comment? Parce pour moi s'il est mort il est dispersé dans une multitude d'autres corps.
..........................................................................

Dans le monde tel que le conçoit Spinoza, tout est nécessaire et il est éternellement vrai que le chat en question naîtra bien dans dix ans.
Non pas du tout, pas de mon point de vue .
Il est éternellement vrai que le chat a existé quand il a existé et pas avant . Tout est expliqué par la nécessité une fois que c'est arrivé mais pas avant.
Dieu ne peut comprendre comme nécessairement passant à l'existence ce qui n' est pas passé à l'existence ( l'essence n 'enveloppe pas l'existence )
...................................................

« Les idées des choses singulières, autrement dit des manières, qui n’EXISTENT pas, SONT nécessairement incluses dans l’idée infinie de Dieu […] »
les idées des choses singulières sont des modes qui n'existent pas (des définitions par exemple)

Remarquez la distinction que fait Spinoza ( ce que vous voyez dans le 3 de votre second message )

1)leurs essences objectives, autrement dit leurs idées, sont éternellement incluses dans l’idée infinie de Dieu

2)leurs essences formelles sont éternellement incluses dans les attributs de Dieu
il est évident que les essences formelles ( ce que sont les corps existant quand ils existent sont étendus et que les idées parallèlement existantes de ces corps sont expression de la pensée .

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Messagepar Vanleers » 02 janv. 2013, 17:57

A Hokousai
Les difficultés que vous soulevez viennent, à mon sens, de la difficulté que nous avons, nous les êtres humains, à voir les choses sub specie aeternitatis. Nous devons essayer de ne pas imaginer et de voir « avec les yeux de l’esprit », c’est-à-dire les démonstrations (E V 23 sc.).
1) Vous demandez comment est le corps du chat mort puisque ce corps est dispersé dans une multitude d'autres corps.
Bien entendu, ce corps n’existe plus dans la durée. Mais Spinoza démontre que l’essence formelle du corps de ce chat est éternellement incluse dans l’attribut Étendue. Spinoza ne nous demande pas d’imaginer comment est le corps du chat mort mais de comprendre sa démonstration.
2) Vous écrivez :
« Il est évident que les essences formelles ( ce que sont les corps existant quand ils existent sont étendus et que les idées parallèlement existantes de ces corps sont expression de la pensée . »
Je reprends l’exemple du chat mort.
Lorsqu’il a existé en acte dans la durée, son corps a existé en acte dans la durée et, parallèlement (pour utiliser votre expression) son idée aussi. Appelons celle-ci l’idée I, pour être clair. Mais voici que le chat est mort et nous devons dire ceci :
a) l’essence formelle de l’idée I est éternellement incluse dans l’attribut Pensée
b) l’essence objective, autrement dit l’idée, de l’idée I est éternellement incluse dans l’idée (l’entendement) infinie de Dieu.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 03 janv. 2013, 01:00

à Vanleers

Bien entendu, ce corps n’existe plus dans la durée. Mais Spinoza démontre que l’essence formelle du corps de ce chat est éternellement incluse dans l’attribut Étendue.


je le comprends comme je l'ai dit plus haut
hokousai a écrit :"2)leurs essences formelles sont éternellement incluses dans les attributs de Dieu "
Il est évident que les essences formelles ( ce que sont les corps existant quand ils existent sont étendus et que les idées parallèlement existantes de ces corps sont expression de la pensée.
Et ma compréhension en exclut une autre.
...........................................................
a) l’essence formelle de l’idée I est éternellement incluse dans l’attribut Pensée
b) l’essence objective, autrement dit l’idée, de l’idée I est éternellement incluse dans l’idée (l’entendement) infinie de Dieu.

si vous voulez
Sachant que ce sont des modes qui n'existent pas.
............................................................
Severac a écrit :« […] si le chat est mort, ou s’il n’a jamais existé, son essence néanmoins est comprise dans l’attribut de l’étendue, et l’idée de ce chat qui n’existe pas (ou plus) fait partie de l’entendement divin. Plus précisément, elle en fait partie en tant qu’essence objective ; en tant qu’essence formelle, elle est contenue dans l’attribut de la pensée. L’entendement infini de Dieu est donc l’idée de tout ce qui a une essence, de tout ce qui « est ». On pourrait certes dire : idée « de tout ce qui existe » ; mais il faudrait entendre l’existence ici exclusivement au sens d’éternité. On préférera ainsi le terme « essence » (essentia), qui renvoie en premier lieu au fait d’« être » (esse). »

Je maintiens que ce dit Pascal Sévérac est peu clair.
Surtout là dessus : On préférera ainsi le terme « essence » (essentia), qui renvoie en premier lieu au fait d’« être » (esse). Non le fait d' être c' est l 'existence .
Il faut distinguer entre ce qu’est l’esse (ipsum esse) et ce qui a l’esse (esse habens). D’où la distinction entre l’essence et l’existence (esse habens).

et puis
 " fait partie de l’entendement divin". Cela donne à penser à un entendement composé de parties . Ce qui est tout à fait contraire à l'esprit de Spinoza qui parle d'enchaînement. On a une statique chez Severac et un dynamisme chez Spinoza.
Alors les lecteurs s' imaginent que l'entendement divin contient l' essence du chat vivant ( pas du chat mort écrasé ...évidemment ).
L'essence du chat vivant dans quel état au juste ? Chaton, chat adulte ou vieux chat ? Est- ce que tout cela à un sens ?
Car le lecteur imagine un chat idéal une essence de chat. Si c' est pas platonicien ça !
De tous les états intermédiaires et ils sont infinis l'entendement de Dieu n' en a pas idée, il a l'idée
1)de l'essence idéale de chat
2)de l'essence idéale de tel chat singulier
j 'ironise

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Messagepar Vanleers » 03 janv. 2013, 10:34

A Hokousai
1) Vous écrivez : « Non le fait d' être c' est l’existence »
Permettez-moi, une fois encore, de vous renvoyer au scolie d’E V 29. Nous concevons l’être :
« soit en tant que les choses existent en relation à un temps et à un lieu précis, soit en tant qu’elles sont contenues en Dieu et suivent de la nécessité de la nature divine »
2) Vous critiquez l’expression de Sévérac : « fait partie de l’entendement divin »
Dans le scolie d’E V 40, Spinoza écrit que les entendements constituent l’intellect éternel et infini de Dieu. Dans ce scolie, il ne parle pas d’enchaînement.
3) A propos de l’essence du chat incluse dans l’attribut Étendue (essence formelle) ou incluse dans l’idée infinie de Dieu (essence objective), vous vous posez la question « Chaton, chat adulte ou vieux chat ? »
Nous en avons déjà largement débattu, notamment avec Explorer, à propos du cas du poète espagnol amnésique, et je me permets de vous renvoyer à nos échanges à ce sujet.
4) Nos derniers échanges, notamment à propos de E II 8 et de son corollaire, m’ont permis d’y voir plus clair et m’amènent à abandonner une idée que j’avais précédemment envisagée. J’ai écrit en effet à Explorer :
« J’ai émis l’idée (qui demanderait à être mieux fondée) que le mode infini immédiat et éternel de l’attribut Étendue (que Spinoza caractérise par « mouvement et repos ») était constitué par les essences éternelles des corps »
L’examen du corollaire de E II 8 montre en effet :
a) que les essences formelles des corps sont éternellement incluses dans l’attribut Étendue
b) que leurs essences objectives, autrement dit leurs idées, sont éternellement incluses dans l’idée infinie de Dieu, c’est-à-dire dans le mode infini immédiat de l’attribut Pensée.
Ni les essences formelles des corps, ni, ce qui est plus évident, leurs essences objectives, ne sont donc incluses dans le mode infini immédiat de l’attribut Étendue.
La voie est libre pour de nouvelles investigations.
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 03 janv. 2013, 12:33

1) Vous écrivez : « Non le fait d' être c' est l’existence »
Permettez-moi, une fois encore, de vous renvoyer au scolie d’E V 29. Nous concevons l’être :
« soit en tant que les choses existent en relation à un temps et à un lieu précis, soit en tant qu’elles sont contenues en Dieu et suivent de la nécessité de la nature divine »

et bien penser les choses singulières sous une espèce d éternité c'est les concevoir comme suivant de la nécessité de la nature divine. L' existence des choses singulières suit de la nécessité de la nature divine.
Les chose singulières n 'ont pas deux formes d'existences. Elles sont conçues de deux manières, ce qui est tout différent.
....................................
la remarque sur le scolie prop 40/5 est pertinente

le scolie de la prop 40/5
Comprendre par idées adéquates c'est une manière de penser éternelle !
Spinoza renvoie à la prop 21/1(de la nature absolue d un attribut )
Mais(prop 28/1) les modifications n' ont pu suivre de ce que Dieu ou d'une attribut de Diue en tant qu'affecté d'une modification qui est éternelle et infinie.
(prop 28/1)

Dans le scolie de prop 40/5 on a néanmoins des manières de pensée éternelles déterminées (l'une par une autre et cela à l'infini , on a bien un enchainement )
Quelle est la nature de ces idées éternelles ? Ces idées éternelles surviennent alors que Spinoza nous a dit que les modes n' ont pu suivre de ce que Dieu ou d'une attribut de Diue en tant qu'affecté d'une modification qui est éternelle et infinie.

Ce sont les idées des choses (= des étant réeels ) conçues en tant qu'elles (ces choses ) sont contenues en Dieu et suivent de la nécessité de la nature divine . Ces idées ont une forme,une forme communes à toutes et à chacune , une forme d'acte . C'est la manière de pensée qui est éternelle. Une manière de pensée éternelle en cause une autre de même forme.

Ces idées sont éternelles ( et non sempiternelles ) tant qu'elles sont en acte ( existantes en acte )
Elles ne sont pas engrangées dans la sempiternalité d' un contenu. Nous n'engrangeons pas le paradis en accumulant des idées adéquates comme les chrétiens accumulaient les indulgences .
L 'entendement infini est en acte. Il est dynamique il n'a rien du récipient .
La partie de l'esprit quand il comprend est ( en acte ) éternelle . En tant qu'il comprend sa manière de pensée est déterminée par une autre ... On est dans l 'acte et la présence et l'éternité y est.

bien à vous
hokousai

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Messagepar Vanleers » 03 janv. 2013, 14:38

A Explorer
Je reviens à ce que vous avez écrit à propos du mode infini immédiat de l’attribut Étendue. Je vous cite à nouveau :
Vous écrivez à la page 42 de votre livre :
« Par exemple, dans l’attribut dit de l’étendue, les lois qui régissent le fonctionnement des corps matériels (des plus simples au plus complexes), les lois de la physique, Spinoza les subsume à une loi générale (modale) qui sera le mode infini immédiat de l’attribut étendue. Cette loi c’est la loi du mouvement et du repos »
Je donnerai d’abord des arguments en faveur de votre thèse, avant de la discuter.
1) Spinoza écrit dans le scolie d’E I 28 :
« […] certaines choses ont nécessairement été produites immédiatement par Dieu, à savoir, celles qui suivent nécessairement de sa nature absolue, et d’autres moyennant ces premières, mais qui ne peuvent pourtant ni être ni se concevoir sans Dieu […] » (Pautrat)
Dans la suite du scolie, Spinoza précise que les choses qui appartiennent à cette deuxième catégorie sont les choses singulières.
Par ailleurs, nous comprenons que les modes infinis immédiats sont, par définition, des choses de la première catégorie.
Considérons les choses singulières qui relèvent de l’attribut Étendue.
Ce sont les corps, et il est logique de penser que Dieu les produit « moyennant » (Guérinot traduit le latin mediantibus « par l’intermédiaire » et Misrahi « par la médiation ») le mode infini immédiat de l’Étendue.
Vous écrivez que le fonctionnement des corps matériels est régi par le mode infini immédiat de l’Étendue, ce que l’on peut rapprocher de ce qui vient d’être dit.
2) Spinoza écrit, dans la proposition I 33 :
« Les choses n’ont pu être produites par Dieu d’aucune autre manière, ni dans aucun autre ordre, qu’elles ne sont produites »
Il est légitime, à mon avis, de traduire cela en disant que les choses sont produites par Dieu selon des lois, ce qui justifie l’emploi de cette notion dans votre thèse.
3) Dans la lette 64, Spinoza répond à Schuller :
« Pour les exemples que vous demandez, ceux du premier genre sont pour la pensée l’entendement absolument infini, pour l’étendue le mouvement et le repos […] »
Parler, comme vous le faites, de « loi du mouvement et du repos » paraît donc fondé sur ce qu’a écrit Spinoza.

Discussion
1) Il n’est pas absolument évident que les corps ne soient produits que par le seul mode infini immédiat de l’Étendue.
Dans les choses de la première catégorie visée par le scolie d’E I 28, Pascal Sévérac range aussi les modes infinis médiats et avance des arguments sérieux pour le justifier (op. cit. pp. 69-72).
Pourquoi, par exemple, éliminer la « figure de l’univers entier » comme « intermédiaire » dans la production des corps par Dieu ?
2) Dans l’Éthique, Spinoza ne précise pas ce qu’il entend par mode infini immédiat de l’Étendue et ce n’est qu’incidemment et de façon laconique qu’il le fait dans une lettre. Comme je l’ai déjà écrit, il utilise des termes qui relèvent de la physique géométrique de l’époque, aujourd’hui périmée. Ceci devrait nous rendre prudents dans l’usage de ces notions.
3) Par contre la notion de loi me semble tout à fait adéquate à propos de ce que vous appelez le fonctionnement des corps matériels. Mais il s’agit de la loi universelle, qui ne concerne pas que les corps, traduction de la proposition E I 33.
A mon point de vue, il n’est ni nécessaire, ni même utile, de recourir aux sciences pour comprendre l’Éthique. Il n’est que d’en comprendre les démonstrations.
Car ce n’est pas un livre de philosophie, serait-elle naturelle, mais un livre de mathématique comme le dit Bernard Pautrat :
« Lire l’Éthique comme un livre de mathématique contenant des vérités démontrées, que donc le lecteur sera contraint d’admettre, plutôt que comme un livre de philosophie simplement déguisé en livre de mathématique, c’est donc aussi le prendre au sérieux comme éthique […] » (Éthique bilingue latin - français - Avertissement)
L’ouvrage intitulé Éthique démontrée selon l’ordre géométrique porte implicitement en exergue un avertissement :
« Que nul n’ouvre ce livre s’il n’est géomètre ou s’il n’a envie de le devenir »
Bien à vous

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Messagepar Vanleers » 04 janv. 2013, 11:08

A Hokousai
1) Vous écrivez :
« Les chose singulières n'ont pas deux formes d'existences. Elles sont conçues de deux manières, ce qui est tout différent. »
Le scolie d’E V 29 commence en effet par : « Nous concevons les choses comme actuelles de deux manières […] »
Je pense aussi que l’ontologie de Spinoza implique qu’il y ait univocité de l’actualité, c’est-à-dire de l’être. J’aimerais mieux le comprendre.
Les deux manières de concevoir l’actualité des choses se retrouvent en E II 8 et son corollaire où Spinoza parle d’EXISTER en acte dans la durée pour une chose singulière et d’ÊTRE éternellement contenue dans les attributs de Dieu pour son essence formelle.
Je rappelle que je comprends que la proposition, certes, vise explicitement les choses singulières qui n’existent pas en acte dans la durée, mais qu’implicitement elle considère que ces choses singulières ont existé ou existeront en acte dans la durée. Ceci devrait être mieux fondé.
Dans cette perspective, je parlerai d’un « existentialisme » de Spinoza au sens où l’existence en acte dans la durée d’une chose singulière précède logiquement l’éternelle inclusion de son essence formelle dans les attributs de Dieu.
2)Pascal Sévérac apporte de l’eau au moulin de votre commentaire du scolie d’E V 40. Je le cite :
« Le geste par lequel l’entendement humain est compris comme éternel est un geste d’union : union en premier lieu avec cette chose éternelle qu’est Dieu, sa cause immanente ; mais union aussi avec d’autres modes éternels, c’est-à-dire avec les autres entendements, qui le déterminent à penser adéquatement - sans, bien évidemment, le borner en aucune manière (E V 40 sc.).
Il ne s’agit plus alors de comparer ou de rapporter de façon extrinsèque l’entendement humain à d’autres entendements, mais de comprendre le rapport intrinsèque qui les lie tous ensemble. L’entendement humain devient alors une partie unie à d’autres parties éternelles qui, bien loin de le limiter, lui conviennent pour composer un tout plus grand, plus puissant : aucun entendement, c’est-à-dire aucun esprit en tant qu’il fait acte de comprendre, ne saurait en limiter ou en nier un autre. Mais étant déterminé par lui à comprendre, n’importe quel entendement forme avec lui un tout plus puissant, qui peut toujours s’accroître à l’infini. » (op. cit. p. 74)
Bien à vous

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Messagepar hokousai » 04 janv. 2013, 14:36

à Vanleers

Je pense aussi que l’ontologie de Spinoza implique qu’il y ait univocité de l’actualité, c’est-à-dire de l’être.
je le pense aussi.

Actuel signifie plus en acte que "présent".
Je pense qu'il y a un enchainement et pas deux .
Spinoza dit que le temps donc le présent nous l'imaginons. Il ne le dit pas de la durée.
Effectivement le présent comme division ( partie divisée de la durée ) peut être minimal autant qu ' expansé .
Nous posons certes ( par force ) des limites au présent mais le présent de Dieu a- t -il des limites ? S' il n'en a pas est-ce encore un présent s'il n' y a plus de durée ?
Qu' est ce qui reste de concret dans ce " présent " incernable" ?
Il reste la détermination précise. Un enchaînement nécéssaire. Je dirais bien que ça c' est objectif .
...............................................

Sur ce que vous dîtes là
Dans cette perspective, je parlerai d’un « existentialisme » de Spinoza au sens où l’existence en acte dans la durée d’une chose singulière précède logiquement l’éternelle inclusion de son essence formelle dans les attributs de Dieu.
sauf que l'essence formelle c'est le corps existant lui même, il est de nature un mode de l' étendue.
1) il ne peut se précéder.
2) sa nature de corps étendu n' a pas à le précéder. Logiquement dans l'éternité il n ya pas de précédence.
................................

le texte de Severac là m'intéresse. Je n ai pas de livre de Séverac dans ma bibliothèque. Merci, pour les citation.
Des commentateurs actuels le livre de Maxime Rovère m' a intéressé .( Exister méthodes de Spinoza ). Je ne lis pas les commentateurs avec l' assiduité nécessaire à un jugement serein. Mon appréciation de Severac comme celle de Deleuze ou d'autres est donc sujette à caution. Je suis plus ferme ou plus assuré ou plus décidé à défendre mes commentaires de Spinoza puisque lui je le lis avec l' assiduité nécéssaire .


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