Messagepar Vanleers » 22 nov. 2013, 10:47
A Phidias
Pascal Sévérac, à qui je me réfère encore, ne parle pas de « deux points de vue différents sur une même substance qui est Dieu » mais de deux points de vue différents sur une même chose singulière.
Je le cite :
« Comprendre l’union éternelle des modes avec Dieu ne signifie donc pas accéder à un monde idéel dont le monde sensible ne serait qu’un reflet dégradé : ce que nous parvenons ainsi à comprendre, ce sont encore les choses singulières elles-mêmes, que nous vivons et qui nous font vivre. Mais nous ne les percevons plus alors de façon spatio-temporelle, en les imaginant à partir de l’effet qu’elles font sur nous ; nous les concevons dans leur réalité éternelle, en les comprenant dans leur enchaînement nécessaire. Concevoir l’essence d’une chose dans son union étroite avec l’essence divine – concevoir cette chose, comme l’expliquera la cinquième partie de l’Ethique, par la science intuitive – c’est la percevoir comme éternelle, fixe, indestructible. » (p. 80)
Il est vrai que le premier point de vue est celui de l’existence spatio-temporelle (et il relève de l’imagination) et que le second est celui de l’essence (et il relève de l’entendement).
Vous axez votre réflexion sur le couple fini-infini mais il est intéressant de lire, avec Sévérac :
« Aussi le caractère périssable et fini des choses singulières ne peut-il être perçu directement à partir de leur union avec Dieu : car est perçue à travers elle leur essence intime, qui jamais ne les supprime, et toujours les affirme (voir E II déf. 2 et E III 4 dém.). Par conséquent, aucune chose considérée en elle-même, ne peut véritablement être dite finie : de l’essence de chaque chose, qu’il s’agisse de « moi » ou de cet affect d’amour en moi, procède une continuation indéfinie de l’existence – une durée en elle-même pleinement positive : car tout comme nous-même, l’amour en nous, s’il n’est pas détruit, persévère dans son être même si son objet depuis longtemps nous a quitté ! » (p. 80)
« Aucune chose considérée en elle-même, ne peut véritablement être dite finie », c’est pourquoi Sévérac parle de modes éternels non infinis ou de « ces modes éternels qu’on dit finis ».
Il relève également que :
« Ce syntagme « mode éternel fini » n’existe d’ailleurs nulle part sous la plume de Spinoza. » (p. 75)
Peut-être pourrait-on parler de modes éternels finis mais non bornés au sens, par exemple, où l’on parle d’espaces géométriques finis et non bornés (Riemann).
Prenant l’exemple des entendements humains qui, tous ensemble, constituent l’intellect éternel et infini de Dieu (mode infini immédiat de l’attribut Pensée – E V 40 sc.), Sévérac écrit :
« L’entendement humain devient alors une partie unie à d’autres parties éternelles qui, bien loin de le limiter, lui conviennent pour composer un tout plus grand, plus puissant : aucun entendement, c’est-à-dire aucun esprit en tant qu’il fait acte de comprendre, ne saurait en limiter ou en nier un autre. Mais étant déterminé par lui à comprendre, n’importe quel entendement forme avec lui un tout plus puissant, qui peut toujours s’accroître, à l’infini. » (pp. 74-75)
Bien à vous