Bonjour et merci encore pour vos réponses,
A Vanleers à propos de P.F Moreau,
Lorsque dans cette vidéo P. F. Moreau analyse la première proposition, il commence par résumer l’interprétation de Gueroult. Ensuite, il dit que les quatre premières propositions sont très simples et fait remarquer que les deux premières propositions concernent les substances seulement et ne font donc références qu'aux définitions et que les deux suivantes concernent les choses et font donc références aux axiomes. Je ne comprends pas la logique.
Ensuite, je cite
P.F Moreau a écrit :"Proposition 1: une substance est antérieure (natura) à ses affections, cela est évident par la définition 3 et 5." Donc, la substance est ce qui est en soi et est conçu par soi et le mode ou les affections c'est ce qui est en autre chose et conçu par autre chose donc il va de soi que pour que quelque chose puisse être conçu par autre chose il faut que l'autre chose soit antérieure... à la seconde. Ce sur quoi il faut s'arrêter ici sur la proposition 1 c'est sur ce terme "natura"...
Outre le fait que le raisonnement "pour que quelque chose puisse être conçu par autre chose il faut que l'autre chose soit antérieure... à la seconde" soit peu convainquant, pour lui le terme important est celui de "en nature" car "il joue un rôle important dans la mécanique du raisonnement" alors que pour moi ce terme est décoratif par rapport à toutes les difficultés qu'amènent la relation non définie d'antériorité. Il digresse et fait des corrélations sur les différents sens que pourrait avoir ce terme "natura" pour en conclure finalement que ... la substance est antérieure à ses attributs. (j'espère qu'il voulait dire affections)
Cette façon de démontrer une proposition me paraît bien loin de la logique. P. F. Moreau évite la démonstration en laissant ses auditeurs supposer que cela est incompréhensible mais évident.
Je comprends l'utilité de commenter les philosophes ou de les faire parler, cependant dans le cas de Spinoza il est à mon avis impératif de valider ou non les propositions qu'il avance. On ne peut pas s'enfermer dans des interprétations quand un philosophe fait l’effort d'être le plus clair possible avec des démonstrations. Personnellement, la structure de l'éthique me pousse à utiliser la déduction. C'est-à-dire que pour démontrer ou comprendre une proposition, je m'efforce de faire attention à n'avoir seulement besoin des définitions, des axiomes et des propositions précédentes. Si donc pour comprendre ou démontrer une proposition je suis amené à faire une corrélation qui m’entraîne en dehors de ce cadre, c'est que je suis sur la mauvaise voie. La solution est soit d'intégrer cet élément au cadre s'il est nécessaire, soit de s'en passer.
A hokousai,
hokousai a écrit :Ce n'est pas ce que Spinoza fait .( du moins me semble -t- il ... sinon je n'aurais rien à redire )
C'est certes moi qui ai fait la démonstration, mais c'est avec les concepts de Spinoza. Pour ne pas être d'accord avec ma conclusion, il vous faut soit déceler une erreur dans la démonstration (ce qui est fort possible), soit de ne pas être d'accord avec une définition ou un axiome. Or, vous ne critiquez pas ma démonstration mais vous semblez plutôt être en désaccord avec l'axiome de Spinoza
Spinoza a écrit :L'effet diffère de sa cause de ce qu'il en reçoit
C'est pour cela que vous dites
hokousai a écrit :Pour Spinoza la substance n'a pas de cause hors d 'être une causa sui /cause de soi . Si elle a un effet, la cause de soi a comme effet... soi même. Soi même n'est pas en autre chose.
Je suis d'accord que cet axiome pose problème car pour ce qui est cause de soi, l'effet ne diffère pas de sa cause. Je pense avoir résolu le problème dans la nouvelle démonstration plus bas.
Mais dans ce que vous dites, vous semblez intervertir l'effet de la substance ("Si elle a un effet,") et l'effet qu'est la substance ("a comme effet... soi même") à un moment où il n'est pas possible de le faire. Car, la substance est une chose qui a une essence et qui existe par une cause. Il s'avère que la cause de son existence appartient à son essence, mais elle n'en reste pas moins un effet, l'effet de la cause de son existence. Dire que la substance est cause de soi est un abus de langage qui porte à confusion, car c'est du concept de cause de soi que se déduit celui de substance, et on ne devrait pas pouvoir parler de substance avant d'avoir conçu la cause de soi.
Le problème est qu'on ne peut pas concevoir ce qui est cause de soi seulement par sa cause, c'est-à-dire qu'on ne pas peut concevoir une cause première au sens strict. Car une essence étant conçu, elle est nécessairement conçu comme existante, c'est à dire qu'une essence ne peut être conçue sans une cause par laquelle elle existe, que cette cause soit en soi ou en autre chose. C'est-à-dire que concevoir une essence, c'est en fait concevoir un effet, l'effet de la cause de son existence. D'où
Spinoza a écrit :Axiome 4: la connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause et l'enveloppe.
Ainsi, on ne peut que concevoir une cause première par son effet, c'est-à-dire par son essence, la cause de soi. C'est pour cela que la définition de la cause de soi est une essence mais n'est pas au sens strict une cause première, c'est-à-dire une chose qui ne soit pas encore une essence. Car une chose qui n’appartiendrait à aucune essence serait inconcevable, n'aurait rien de commun avec aucune chose et ne serait finalement cause de rien.
La confusion vient finalement de ce que la cause de soi étant une essence, elle est en fait un effet, un effet dont l'essence enveloppe l'existence. Et aussi pour plus de confusion, c'est à partir de ce concept que l'on conçoit les deux types de relation entre la cause et l'effet. En effet, d'une part la cause de soi enveloppe la cause de son existence, c'est-à-dire que la cause et l'effet sont en une seule et même chose, c'est-à-dire que l'effet ne diffère pas de sa cause, c'est-à-dire que la cause de soi est en soi. Et d'autre part, la cause de soi étant une essence, c'est-à-dire un effet, elle est cause d'autre chose, c'est-à-dire qu'elle est cause d'un effet qui diffère d'elle, c'est-à-dire qu'elle est cause de ce qui est en autre chose. Ainsi, la cause de soi est un effet qui ne diffère pas de sa cause, puis, elle est une cause dont l'effet diffère d'elle.
Dans cette démonstration, l'axiome concernant la relation entre la cause et l'effet est sous condition, car leur relation diffère selon que l'effet considéré soit en soi ou en autre chose. Je pense avoir réussi à démêler les concepts de cause et d'effet en les polarisants, c'est-dire en faisant en sorte qu'une cause soit toujours cause d'un effet et qu'un effet soit toujours cause d'autre chose. Une cause n'a pas nécessairement besoin d'une autre cause qui la précède. Ainsi, un effet qui enveloppe sa cause peut être premier. Et, le fait qu'un effet soit toujours cause d'autre chose permet de faire émerger les différences.
Ensuite, je ne pars plus du concept de substance mais du concept de cause de soi.
Ci-dessous je démontre que ce qui est cause de soi est substance puis que ce qui est substance est antérieure à ses affections.
Définition A: par cause, j'entends ce par quoi un effet existe.
Définition B: par effet, j'entends ce qui est cause d'autre chose.
Définition 1: par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe l’existence.
Définition C: par être en soi, j'entends ce dont l'effet ne diffère pas de sa cause.
Définition D: par conçu par soi, j'entends ce dont le concept n’a pas besoin du concept d’une autre chose pour être conçu.
Définition 3: par substance, j'entends ce qui est en soi et est conçu par soi : c'est-à-dire ce dont le concept n'a pas besoin du concept d'une autre chose pour être conçu.
Définition 5: par mode, j'entends les affections d'une substance, autrement dit ce qui est dans une autre chose, par le moyen de laquelle il est aussi conçu.
Axiome 1: tout ce qui est, est ou bien en soi, ou bien en autre chose.
Axiome 2: ce qui ne peut être conçu par le moyen d'une autre chose, doit être conçu par soi.
Axiome 4: la connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause et l'enveloppe.
Axiome A: une cause dont l'effet diffère d'elle, cette cause est antérieure en nature à son effet.
Définition 1: par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe l’existence.
1. Par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe la cause de son existence, c'est-à-dire ce dont l'essence ne diffère pas de la cause de son existence, c'est-à-dire ce dont l'effet ne diffère pas de sa cause.
Définition C: par être en soi, j'entends ce dont l'effet ne diffère pas de sa cause.
2. Ainsi, ce qui est cause de soi est en soi.
Définition 1: par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe l’existence.
3. Par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe la cause de son existence, c'est-à-dire ce dont l'effet enveloppe sa cause, c'est-à-dire ce dont la conception enveloppe la conception de sa cause.
Axiome 4: la connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause et l'enveloppe.
4. Donc ce dont la conception enveloppe la conception de sa cause n’a pas besoin du concept d’une autre chose pour être conçu.
Définition D: par conçu par soi, j'entends ce dont le concept n’a pas besoin du concept d’une autre chose pour être conçu.
5. Ainsi, ce qui est cause de soi est conçu par soi.
6. Donc, ce qui est cause de soi est en soi (d'après 2) et est conçu par soi (d'après 5).
Définition 3: par substance, j'entends ce qui est en soi et est conçu par soi.
7. Donc, ce qui est cause de soi est substance.
Définition 3: par substance, j'entends ce qui est en soi et est conçu par soi.
Définition C: par être en soi, j'entends ce dont l'effet ne diffère pas de sa cause.
8. La substance est ce dont l'effet ne diffère pas de sa cause, c'est à dire que la substance ne diffère pas de sa cause.
Axiome 1: tout ce qui est, est ou bien en soi, ou bien en autre chose.
9. La cause de la substance est ou bien en la substance ou bien en autre chose, or la cause de la substance ne diffère pas de la substance, c'est-à-dire que la cause de la substance n'est pas en autre chose. Donc la cause de la substance est en la substance.
10. La substance enveloppe la cause de son existence, c'est-à-dire que la substance est ce dont l'essence enveloppe l'existence.
Définition 1: par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe l’existence.
11. Donc, ce qui est substance est cause de soi.
12. Donc, ce qui est cause de soi est substance (d'après 6) et ce qui est substance est cause de soi (d'après 11).
13. Ce qui est substance enveloppe la cause de son existence.
14. Donc, ce qui est substance est un effet.
Définition B: par effet, j'entends ce qui est cause d'autre chose.
15. Ce qui est substance est cause d'autre chose.
16. L'effet qu'est la substance est cause d'autre chose.
Axiome 1: Tout ce qui est, est ou bien en soi, ou bien en autre chose.
17. L'effet de la substance est en autre chose.
18. Ce qui est en autre chose diffère de ce qui est en soi.
19. L’effet de la substance diffère de l'effet qu'est la substance.
20. L’effet de la substance diffère de la substance.
Définition 3: par substance, j'entends ce qui est en soi et est conçu par soi : c'est-à-dire ce dont le concept n'a pas besoin du concept d'une autre chose pour être conçu.
21. J'entends par effet de la substance ce qui diffère de ce qui est en soi et diffère de ce qui est conçu par soi : c'est-à-dire ce dont le concept diffère du concept qui n'a pas besoin du concept d'une autre chose pour être conçu.
Axiome 1: Tout ce qui est, est ou bien en soi, ou bien en autre chose.
22. Ce qui diffère de ce qui est en soi est en autre chose
Axiome 2: Ce qui ne peut être conçu par le moyen d'une autre chose, doit être conçu par soi.
23. Ce qui diffère de ce qui ne peut être conçu par soi, doit se concevoir par le moyen d'une autre chose.
24. J'entends par effet de la substance, ce qui est en autre chose (d'après 22) et est conçu par autre chose (d'après 23): c'est-à-dire ce dont le concept a besoin du concept d'une autre chose pour être conçu.
Définition 5: j'entends par mode les affections d'une substance, autrement dit ce qui est dans une autre chose, par lequel il est aussi conçu.
25. par mode, par les affections d'une substance et par effet d'une substance, j’entends la même chose.
Axiome A: Une cause dont l'effet diffère de cette cause, cette cause est antérieure en nature à son effet
26. La substance est cause de ses affections et ses affection diffèrent de leur substance.
27. La substance est antérieure en nature à ses affections.