Ethique II Scolie 2 de la proposition 10

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Miam
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Ethique II Scolie 2 de la proposition 10

Messagepar Miam » 13 janv. 2006, 15:34

Bonjour à tous (je me fais plus rare ces derniers temps)

A la fin de II 10s, Spinoza semble reprendre la définition de ce qui « appartient à l’essence d’une chose » en II D2, mais en remplaçant « appartenir à » par « constituer ». Il y assimile « appartenir à l’essence d’une chose » et « constituer l’essence d’une chose ».

II 10s2: « Appartient à l’essence d’une chose ce sans quoi elle ne peut ni être ni être conçue : c’est parce que les choses singulières ne peuvent être ni être conçues sans Dieu, et cependant Dieu n’appartient pas à leur essence : j’ai dit que cela constitue nécessairement l’essence d’une chose, qu’il suffit qui soit donné, pour que la chose fût posée, et qu’il suffit qui soit ôté, pour que la chose fut ôtée ; ou encore ce sans quoi la chose ne peut ni être, ni être conçue, et qui vice versa sans la chose ne peut être ni être conçue.. »

Pourtant, à la lecture des propositions, démonstrations et scolies qui suivent II 11s, on remarque que Dieu constitue la nature du Mental, le Mental lui même et « l’essence du Mental » (II 22d et 23d). Or, comme Spinoza nous le rappelle ici en II 10s2, Dieu n’appartient pas à l’essence du Mental. Comment pourrait-il alors la constituer ? Il est vrai qu’ici Spinoza n’a pas encore parlé de la constitution du Mental par ce Dieu qu’il explique, mais n’aurait-il pas dû anticiper ce qui a ici toutes les apparences d’une contradiction avec le raisonnement du scolie qui suit ?

J'en profite pour communiquer à Henrique mon adoption de sa définition de l'"exprimer" : "(auto)affection d'une chose en une autre", suite à l'examen des occurences de ce verbe dans l'Ethique et à sa distinction avec ses "corrélatifs" (comme dit Deleuze) "envelopper" et "expliquer".

A bientôt
Miam

Pourquoipas
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Re: Ethique II Scolie 2 de la proposition 10

Messagepar Pourquoipas » 13 janv. 2006, 16:44

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Re: Ethique II Scolie 2 de la proposition 10

Messagepar bardamu » 13 janv. 2006, 22:34

Miam a écrit :(...)
Pourtant, à la lecture des propositions, démonstrations et scolies qui suivent II 11s, on remarque que Dieu constitue la nature du Mental, le Mental lui même et « l’essence du Mental » (II 22d et 23d). Or, comme Spinoza nous le rappelle ici en II 10s2, Dieu n’appartient pas à l’essence du Mental. Comment pourrait-il alors la constituer ? Il est vrai qu’ici Spinoza n’a pas encore parlé de la constitution du Mental par ce Dieu qu’il explique, mais n’aurait-il pas dû anticiper ce qui a ici toutes les apparences d’une contradiction avec le raisonnement du scolie qui suit ?
(...)

Salut,
y'a-t-il vraiment contradiction ?
Dans la définition de l'essence, il parle dans l'absolu alors que dans II 22d et 23d, il s'agit de Dieu "en tant que...".
Une substance est essentiellement différente d'un mode donc Dieu dans l'absolu, l'essence de Dieu, ne constitue par l'essence de ses modes, mais Dieu les constitue en tant qu'ils sont ses modes, en tant qu'ils sont modes de la substance.
Je ne sais pas si c'est très clair...

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Messagepar hokousai » 13 janv. 2006, 22:53

à Miam

""""ce qui a ici toutes les apparences d’une contradiction avec le raisonnement du scolie qui suit ?"""""""""".""""""" C’est une bonne question , assez difficile je l’avoue .
.....................................................
D’abord vous dîtes

""""""" Or, comme Spinoza nous le rappelle ici en II 10s2, Dieu n’appartient pas à l’essence du Mental. """""""""""""""

Non Spinoza ne dit pas cela dans part 2 pro 10 scolie 2.
Spinoza dit Dieu n’appartient pas à leur essence ( ie l’essence des choses singulières .)
.....................................................

Puis il dit ( scolie 2 pro 11 part 2) donc juste après
""""" Dieu..... .entant qu’il constitue l’essence de l’esprit humain """"""""""
Apparente contradiction !
Il faut alors essayer de voir une différence entre choses singulières et esprit humain, je ne vois pas comment procéder autrement .

Apparemment l’esprit humain n’est pas considéré comme une chose singulière mais comme quelque chose de particulier .

L’esprit humain est une partie de l’intellect infini de Dieu
Et Dieu ( non en tant qu’il est infini) mais en tant qu’il s’explique par la nature de l’esprit humain
EN TANT QU’ IL S ‘EXPLIQUE PAR il constitue l’essence de l’esprit humain .

On pourrait aussi considérer(comme possible ) les chose singulières en tant qu’elles s’expliquent par … si elles s’expliquaient (elles mêmes par ) Or elles ne le font pas . Seulement pour l’esprit humain Dieu s’explique par l’esprit humain .

( bon pour ce soir je dois dire que je bloque un peu , j essaie de comprendre )

bien à vous

hokousai

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Messagepar bardamu » 14 janv. 2006, 01:56

En fait je voulais dire :
l'essence des modes est constituée par la substance mais pas par l'essence de la substance.

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Messagepar Miam » 15 janv. 2006, 14:27

Bonjour,

Pourquoi pas:

"Peut-être faut-il chercher dans la direction suivante : dans le corollaire de la II 11, Spinoza dit : l'âme perçoit ci ou ça = « Dieu, non en tant qu'il est infini, mais en tant qu'il s'explique [est expliqué] par la nature de l'âme humaine, autrement dit en tant qu'il constitue l'essence de l'âme humaine, a telle ou telle idée ». Dans le scolie précédent, il s'agissait de toute évidence de Dieu infini."

Je pense que tu as raison. En tous cas la bonne réponse devrait s’approcher de celle-ci. Mais quelles sont ses conséquences ? Je pense à peu près comme toi qu’ici, la distinction entre appartenir et constituer serait inutile parce qu’il s’agit seulement de critiquer la conception aristotélicienne et ses aménagements néoplatoniciens. Commençant par les objets des sens, celle-ci ne peut sauver la connaissance qu’en introduisant la nature de Dieu dans l’essence des choses créées. Or même à partir de 11c, Spinoza s’oppose toujours à cette sorte d’appartenance, fût-elle assimilée à une constitution, puisqu’un peu plus loin Dieu constitue l’essence du Mental seulement et non de « toutes les choses créées » Il n’y a donc pas de contradiction entre le sens des propos de II 10s et ce qui suit II 11c.

Par contre il y a une contradiction quant à la signification du verbe « constituer ». L’assimilation de l’appartenance et de la constitution n’a pas d’effet, ici en II 10s, leur synonymie n’a pas ici d’effet sur le sens du Scolie. Alors pourquoi Spinoza ne pourrait-il pas assimiler ces mêmes termes au sein même de la définition de ce qui appartient à l’essence (II D2) ? Sans doute, mais pourquoi alors écrit-il qu’il a déjà dit (« dixi ») cette assimilation : « j’ai dit que cela constitue nécessairement l’essence d’une chose… ».

Alors de deux choses l’une :
- soit ce « j’ai dit » se rapporte à II D2. Et alors force est de constater que Spinoza prétend avoir dit ce qu’il n’a pas dit, puisqu’en II D2, il use du terme « appartenir » et non de « constituer ». Le « dire » ne concernerait donc pas les termes utilisés. En effet, par rapport au propos de II 10s seul, peu importe cette assimilation. Le « dire » ne porte pas non plus sur la signification stricte de « constituer » et d’ « appartenir », mais sur le seul sens et contexte de I 10s (à savoir que Dieu n’appartient à l’essence d’aucune chose créée) de sorte que cette répétition de sens permette l’usage de deux significations différentes du verbe « constituer » : l’une s’assimilant à « appartenir » et l’autre non. Ce qui importe, c’est la conséquence d’une telle lecture : « dire » ne veut pas dire « dire avec les mêmes mots » ni même « dire une même signification » mais « dire un même sens », voire « une même intention », bien qu’en II D2 l’usage d’ « appartenir » confère à cette intention une portée beaucoup plus large qu’en II 10s.
- soit le « j’ai dit » ne se rapporte pas à II D2. Et alors à quoi se rapporte-t-il ?

Pourquoi pas:

"Peut-être aussi est-ce une manière de souligner (plutôt d'indiquer en passant) la nécessité de l'ordre et de l'enchaînement des choses : de même qu'une chose implique nécessairement Dieu, de même Dieu implique nécessairement telle ou telle réalité, puisqu'il n'est pas libre au sens où les choses auraient pu ne pas être ou être autrement qu'elles ne sont. Et donc en fait, si on pose Dieu, on pose la réalité des choses - et Dieu, sans la réalité des choses, ne peut ni être ni être conçu."

Cela ne peut être cela, puisque précisément ce scolie précise que Dieu n’appartient pas aux essences des choses créées et conséquemment, selon II D2 également, qu’il peut être et être conçu sans les choses créées, comme en témoigne la définition de la substance en I D3. Une remarque : le verbe « impliquer » est fort peut utilisé par Spinoza. Une seule occurrence dans l’Ethique, et très particulière : l’implication de la contradiction par l’idée d’une substance finie (I 13s). Deleuze, qui ne s’embarrasse pas de distinctions précises en la matière, assimile « impliquer » à « envelopper ». Mais même alors, si les choses créées enveloppent bien l’essence et l’existence de Dieu, le contraire n’est jamais établi.

Pourquoi pas:

"D'autre part, le sens des mots chez Spinoza est non pas flottant, mais fort ou faible, ça dépend. Ainsi, concevoir a souvent le simple sens d'imaginer ou de se représenter. Ainsi, suivre a parfois le simple sens de venir après, d'être un adepte de (la vertu par exemple), mais souvent d'être la conséquence logique de, etc. Mais vous savez ça au moins aussi bien que moi."

Si si : c’est ce que je voulais signifier plus haut.

A Bardamu

Oui, c’est cela aussi je crois. Jusqu’en II 10, il s’agit de Dieu seulement comme Nature naturante. A partir de II 11c, il s’agit toujours de ce même Dieu, mais en tant qu’il constitue l’essence du Mental via son entendement infini et l’idée de Dieu. C’est évidemment très différent : la constitution passe alors par le seul niveau modal et une référence à (refertur ad) Dieu comme nature naturante dans la seule mesure où toute idée suit de l’idée « de » Dieu et partant est « de » Dieu, « explique » Dieu. C’est du reste pourquoi seul le mental explique Dieu et non le corps. De II 10 à II 11 on passe d’une critique qui n’exige pas la distinction appartenir/constituer, à ce qui est véritablement l’épistémologie spinozienne (distinction de la puissance d'agir et de la puissance de penser).

Par contre j'aurais quelques réserves sur ton dernier message. Je ne crois pas que Dieu (et encore moins la substance) constitue l'essence des autres modes que ceux du penser. Ce qui constitue la "nature d'un individu corporel, c'est l'"union des corps", à savoir l'union de ses parties corporelles selon un certain rapport (Lemmes).
Par ailleurs ici, en II 10s, Spinoza parle autant de "la nature de Dieu" ou de "Dieu" qui n'appartiennent pas à l'essence de la chose créée. Mais en effet, en règle générale, il convient de distinguer Dieu, son essence et sa nature lorsqu'ils ne sont pas explicitement assimilés.

Pourquoi pas:

"Portez-vous bien"

Merci. J’ai justement la crève…

A Hokusai

Je pense que cela s’accorde aussi à ce que vous dites… ? Vous avez raison (voir plus haut) : il s’agit de l’essence des choses créées et non de l’essence du mental.

A bientôt.
Miam

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Messagepar Miam » 17 janv. 2006, 11:48

Mais bon, je ne suis par sûr que cette lecture me satisfasse entièrement. Quelqu'un aurait-il une autre idée plus convaincante ?

Pourquoipas
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Messagepar Pourquoipas » 20 janv. 2006, 05:20

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Messagepar Miam » 22 janv. 2006, 15:04

Cher Pourquoi pas,

Il y a ici deux questions corrélatives et l’une peut introduire à l’autre : d’une part la distinction entre « envelopper » et « impliquer » ; d’autre part la signification du terme « envelopper » (involvere).

Pour distinguer « envelopper » d’ « impliquer », il convient, je pense, de comparer I 13s et I 11d :

« Qu’une substance est indivisible, cela se connaît encore plus simplement par cela seul que la nature d’une substance ne peut être conçue autrement que comme infinie, et que, par partie d’une substance, il ne se peut rien entendre sinon une substance finie, ce qui (Proposition 8) implique une contradiction manifeste (nihil aliud intelligi potest quam substantiam finitam, quod manifestam contradictionem implicat) » (I 13s)

« La raison, par exemple, pour laquelle un cercle carré n’existe pas, sa nature même l’indique, attendu qu’elle enveloppe une contradiction (natura…quia contradictionem involvit). Pourquoi une substance au contraire existe, cela suit (sequitur) aussi de sa seule nature, parce qu’elle enveloppe l’existence nécessaire (Proposition 7) …
(…) Puis donc que la raison ou cause qui ôterait l’existence divine ne peut être donnée en dehors de la nature de Dieu, elle devra nécessairement, si l’on veut qu’il n’existe pas, être dans sa propre nature, laquelle devrait alors envelopper une contradiction » (I 11d)

Avant même de préciser leur différence de signification, il apparaît en premier lieu que le terme « impliquer » possède un sens plus « fort » que celui d’ « envelopper ».

Pourquoi la nature du cercle carré enveloppe et non implique une contradiction ?
Parce que dans l’idée du cercle carré, on trouve encore l’idée du cercle et l’idée du carré.
Pourquoi, en revanche, l’idée d’une substance finie implique une contradiction manifeste ?
Parce que dans l’idée de substance finie, on ne trouve pas même l’idée de substance mais seulement le nom.

Je m’explique :

Quand bien même j’aurais une idée du cercle distincte de l’idée du carré, je peux former l’idée du cercle-carré, autrement dit imaginer un cercle-carré. Ainsi, comme je m’approche d’une figure indéfinie, mon imagination peut être conduite à former tantôt l’idée d’un cercle, tantôt l’idée d’un carré. Il s’agit là d’une « fluctuation de l’imagination » (fluctuatio imaginationis, cf. III 17s, II 49s et II 44s). Comme le terme de « fluctuation » l’indique, dans ce passage répété de l’idée du cercle à l’idée du carré (et vice versa), il faut bien qu’a un moment, j’ai l’idée du cercle et du carré simultanément de sorte à former l’idée du cercle carré. Certes son existence sera derechef exclue dans la mesure où je connais la nature du cercle et celle du carré (cf. TRE 63). Mais cela n’empêche que je forme l’idée du cercle carré. Mieux : dans cette fluctuation, je dois quasi toujours avoir cette idée du cercle carré, bien que ma connaissance des natures du cercle et du carré l’exclue à chaque moment. De là le doute. Puisque ma perception de cette figure indéfinie dépend de la forces des affections qui produisent dans mon Mental les idées du cercle ou du carré, il faut bien que l’idée que je me forme dépende de ce rapport de forces, de sorte qu’à un moment je percevrai un cercle carré plutôt cercle ou plutôt carré. Il en va de même dans la fluctuation de l’âme (fluctuatio animi) qui concerne non plus les seules affections, mais les affects, telle la fluctuation espoir-crainte, lorsque l’espoir est mêlé de crainte et vice versa, ce qui est toujours le cas selon une certaine proportion (cf. par exemple III 50s). Il en va de même quant à la Jalousie (III 35) et d’autres affects, que cette fluctuation soi médiée ou non par la ressemblance (III 17s)

Il reste que dans cette idée du cercle carré, on trouve toujours l’idée du cercle et l’idée du carré. Le cercle carré « enveloppe » une contradiction parce que tout n’est pas contradiction dans l’idée du cercle carré mais seulement l’assimilation du cercle et du carré. Que tout ne soit pas contradiction dans l’idée du cercle carré indique que le terme « envelopper » ne signifie qu’un recouvrement partiel. Si l’idée du cercle carré enveloppe une contradiction, c’est qu’il y a quelque chose de contradictoire dans cette idée (mais pas tout). Autrement dit : il y a quelque chose de commun à l’idée du cercle carré et au concept de contradiction. On trouve ainsi une partie de la signification de l’enveloppement : c’est une inclusion partielle - une intersection si on veut sauf qu’il ne s’agit précisément pas d’ensembles mathématiques mais de concepts formés causalement. A proprement dit, c’est une communauté entre deux choses, de sorte que le concept de l’une (ici le concept de contradiction) puisse être conclu du concept de l’autre (ici l’idée du cercle carré), ainsi que l’indique l’axiome I A5. C’est l’enveloppement qui introduit la notion primordiale du « commun » dans l’Ethique et la nécessité d’une communauté entre deux choses pour qu’il puisse s’établir entre elles un lien de causalité (cf. Proposition I 2).

Si l’enveloppement est une inclusion partielle, en revanche l’implication est une inclusion tout court. L’implication est l’envers de l’explication, qui dénote une inclusion logique, et se distingue en cela de l’enveloppement.

De même que l’idée du cercle carré, l’idée d’un Dieu dont la nature comprend la cause de son inexistence, enveloppe une contradiction. En effet, on défini par les causes. Et si j’ajoute à la nature ou définition de Dieu (I D6) une cause qui exclut son existence, il reste que, si l’on excepte cet ajout, la nature de Dieu demeure telle qu’elle a été définie dans la définition 6. D’ailleurs la définition de Dieu ne contient pas la notion d’existence. Celle-ci n’est établie qu’avec la proposition 11, suite à la démonstration par les propositions une à dix de la réalité de cette définition 6.

En revanche, l’idée de substance finie implique « une contradiction manifeste » parce que la définition réelle d’une substance – c’est à dire celle de la Substance ou de Dieu – contient elle-même l’idée d’in-finité. On ne trouve certes pas l’infinité dans la définition 3 d’une substance. Et il faut attendre la proposition 8 pour établir que toute substance est infinie. Mais la définition 3 n’est qu’une définition nominale. Et les propositions une à dix ne servent qu’à une chose : établir sur la base des définitions nominales la réalité de la définition 6 qui affirme l’autoconstitution infinitaire de la Substance comme Dieu. Dès lors la seule définition réelle que l’on ait de la nature d’une substance, c’est celle de la Substance ou de Dieu : la définition 6. On ne pourrait donc avoir d’idée de substance – telle qu’elle a été établie réellement par les propositions une à dix – sans avoir en même temps l’idée de sa constitution infinitaire telle qu’elle est décrite dans cette définition 6. L’idée d’infini est bien contenue dans cette définition réelle de Dieu ou de la Substance. Et le fini est le contraire de l’infini. Tandis que si l’idée de cercle n’est pas contenue dans la définition du carré, ce n’est pas parce que l’idée du non-cercle y est contenue. Dans l’idée de substance finie, il n’y a pas même l’idée de substance, mais seulement le nom (issue de la définition nominale 3). Au contraire dans l’idée du cercle carré, il y a toujours l’idée du cercle et l’idée du carré. Ce n’est pas l’idée du carré et l’idée du cercle qui sont « nominales ». C’est seulement l’idée du cercle carré : rien ne m’empêche d’établir une définition nominale du cercle carré. C’est pourquoi sa nature « indique » la raison pour laquelle il n’existe pas : ce n’est qu’une apposition entre deux noms, un « flatus vocis », comme de nombreuses autres chimères.

Ceci pour la distinction entre « envelopper » et « impliquer » qui, évidemment, porte une charge infiniment polémique chez Spinoza.

Quant à la signification du terme « envelopper »

Pourquoi pas écrit : « Pour moi, dire ex p, q necessario sequitur (p a pour conséquence nécessaire q) = p involvit q. »

Cette définition est trop large car l’explication est aussi une conséquence nécessaire.

Par exemple : chaque mode du penser enveloppe l’attribut pensée (II 5d) et, d’une manière générale, les modes enveloppent le concept de leur attribut (II 6d). On peut bien sûr dire : « si le mode, alors nécessairement le concept de son attribut » (un attribut est perçu par un entendement). Ca a l’air de marcher. Mais on peut aussi bien dire « si l’attribut, alors nécessairement ses modes » puisque les modes « suivent » de la nature de l’attribut (cf. I 28d). Or un attribut n’enveloppe pas chacun de ses modes, il explique chacun de ses modes par leurs causes (II 7s, II 40s1, III 2s, V A2,…). La conséquence causale est ici de l’ordre de l’explication (ce ne sera pas toujours le cas), alors que la conséquence formelle de l’ « inventio » est de l’ordre de l’enveloppement. Le mode est la conséquence de l’attribut en tant qu’affection-effet de l’attribut, mais le concept de l’attribut est une conséquence de la nature de ce mode dans la mesure où la définition du mode exige le concept de son attribut. L’attribut n’appartient certes pas à la nature (définition) du mode, mais il en est enveloppé dans la mesure où il est enveloppé par tout ce qui appartient à cette nature. Autrement dit, on le sait, le concept de l’attribut est une « notion commune universelle ».

Comme on a ici deux conséquences nécessaires inverses de l’attribut et du mode de cet attribut : l’enveloppement et l’explication, « envelopper » ne peut être simplement défini par la conséquence nécessaire.

On pourrait croire d’après ce seul exemple que l’explication et l’enveloppement sont l’inverse l’une de l’autre. Ce n’est pourtant pas le cas puisque le Mental enveloppe et explique tout à la fois l’essence de son Corps, sans oublier que chaque attribut enveloppe et explique tout à la fois l’essence de Dieu. D’ailleurs s’elles étaient seulement des conséquences inverses, le raisonnement de Spinoza s’avèrerait circulaire. Chaque « corrélatif » de l’expression (envelopper, expliquer, impliquer, indiquer, constituer, signifier) possède sa signification propre et n’est jamais une opération logique simplement inverse d’une autre, sauf quand son nom l’indique, comme avec « impliquer » et « expliquer ». Et aucune de ces notions ne suit systématiquement l’ordre des causes qui, en I 16 et corollaires, ainsi qu’ailleurs, mais non partout, est exprimée par la locution « suivre de… » (« suivre de » dénote la conséquence en général). C’est pourquoi je ne trouve pas encore d’autre définition de l’ « enveloppement » que celle que j’ai formulée plus haut.

Bon. J'ai été assez long comme cela.

Au plaisir
Miam

Pourquoipas
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Messagepar Pourquoipas » 23 janv. 2006, 11:31

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