La couleur des attributs

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Miam
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Messagepar Miam » 30 oct. 2006, 13:02

Ante scriptum : j'ai commis un autre message à la page précédente.

D'une manière générale, la difficulté provient de la signification des mots. J'ai déjà un peu montré en quoi Spinoza n'usait pas des mots "être" et "essence" au sens courant. Il en va de même pour l'"exister", parce que Spinoza distingue l'"être" et l'"existence". Mais notre manière de parler courant relève du vocabulaire traditionnel, c'est à dire scolastique.

Exister au sens courant, c'est exister présentement, exister en acte.
Exister, toujours au sens courant, dans le passé ou l'avenir, c'est avoir un être (formel et actuel) : une modification contenue au même niveau (ou simul) dans tous les attributs. Donc dans deux au moins - la pensée et l'étendue - car s'ils sont simultanés dans deux, ils sont simultanés dans tous.
Mais tous les modes (à distinguer des modifications contenues simul dans une infinité d'attributs) existent, au sens spinozien, en tant qu'ils sont contenus dans leur attribut, sans quoi cet attribut ne pourrait par lui-même "exprimer l'existence" ni, du reste, comme toute substance simplement infinie, exister par soi.

Le problème, c'est que pour bien lire Spinoza, il faut se départir du vocabulaire traditionnel, désapprendre tout ce qu'on a appris à ce sujet - car nous faisons partie d'une culture qui relève de cet enseignement traditionnel. Cela ne pose aucun problème quant au sens si l'on sait distinguer la signification traditionnelle de la signification spinozienne. Ce que fait Spinoza lui-même en I 8c.

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Messagepar hokousai » 30 oct. 2006, 13:44

à miam


.Difficile de vous suggérer que peut être il n y pas de langage privé .
Si les mots de Spinoza n’ont de sens que pour lui , que leur signification est radicalement différente ,qu’elle lui est personnelle et donc privée ( ce qui est impossible ) alors il est incompréhensible .


"""""""""""""""""«Mais tous les modes existent, au sens spinozien, en tant qu'ils sont contenus dans leur attribut, sans quoi cet attribut ne pourrait par lui-même "exprimer l'existence" ni, du reste, comme toute substance simplement infinie, exister par soi. »"""""""""""""""""""

Et bien cela reprend le sens commun d’ exister qui est ne pas ne pas être et qui plus est selon une raison d ‘être .
Ils sont contenus ! c’est bien qu’ils ont de l’être s’ils ont de l ‘être c’est qu’ils existent .Ce qui est votre point de vue pas le mien .

Les modes finis (ce ne sont pas de substance !)ne sont pas contenus dans les attributs .Ils existent comme expression dans la durée.(et leur finitude explique la durée ).

Votre position ici(celle de bardamu) gomme la proposition 28 c’est à dire toute la nature des choses particulières existantes .


hokousai

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Messagepar Miam » 30 oct. 2006, 18:38

Hokusaï, vous avez beau pester contre ce qui vous dérange chez Spinoza, vous n'arriverez qu'à lui faire dire le contraire de ce qu'il dit. Par exemple que le cercle n'est pas un mode de l'étendue (message pénultième ou antépénultième, je sais plus) ou que le mode n'est pas contenu dans l'attribut etc... (dernier message). Enfin ce langage n'est pas privé puisque je le comprends. Encore une mauvaise lecture de Wittgenstein...

Pour Bardamu, je précise que la chose existante en acte est bien entendu un être actuel (je l'avais omis dans mes messages parce que cela me paraissait évident), et que la chose qui a existé ou existera est un être formel, tandis que le cheval volant, qui existe seulement en tant qu'il est contenu dans son attribut COMME SPINOZA L'ECRIT EXPLICITEMENT, n'est pas un être formel (ni a fortiori actuel), mais seulement une essence formelle, précisément parce qu'il n'existe que dans un attribut et non dans tous les attributs. Il suit que tout être actuel est un être formel et peut être considéré comme essence formelle (ou actuelle). Et tout être formel peut être considéré comme essence formelle. Mais non l'inverse. Quant à l'essence actuelle ou conatus, ce n'est rien d'autre que l'être actuel considéré comme puissance, c'est à dire comme essence. Et on l'appelle essence parce que la puissance d'agir de Dieu ou son essence est exprimée par chaque attribut, tandis que l'être de Dieu, contrairement à son essence est constitué CUMULATIVEMENT par tous (une infinité) les attributs (cf. I 9, 10s et 11s), si bien que la notion d'être suppose la considération de tous les attributs (et de leur simultanéïté) et non d'un seul.

Quant aux différences temporelles, outre celles que j'ai déjà expliquées, on peut distinguer l'être formel comme ce qui existe, existera ou a existé de l'être actuel, qui est ce qui existe en acte présentement, mais sans considérer cette existence en acte dans la durée, c'est à dire dans ses affections, puisqu'il s'agit justement de ce qui se conserve malgré les affections. Ce qui suffit pour distinguer également l'être actuel de la chose existante en acte.

Cela me paraît non seulement cohérent, mais permet je pense également d'expliquer maintes notions qui sans cela seraient inexpliquables. Et je ne vous ait pas encore parlé de la disttinction de l'être et de l'étant chez Spinoza; distinction qui, cela va sans dire, n'a plus grand chose à voir avec celle d'Heidegger.

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Messagepar bardamu » 30 oct. 2006, 19:49

Miam a écrit :(...) Le cheval volant est l'objet d'une idée, donc il est une chose (res) qui existe contenue dans l'attribut. Considères-tu le cheval volant come un néant, tu ne pourrais pas même alors avoir l'idée d'un cheval volant.
(...)
qui existe seulement en tant qu'il est contenu dans son attribut COMME SPINOZA L'ECRIT EXPLICITEMENT, n'est pas un être formel (ni a fortiori actuel), mais seulement une essence formelle, précisément parce qu'il n'existe que dans un attribut et non dans tous les attributs.

Je vais essayé de comprendre ce que tu dis :
il s'agirait de dire que bien que rien d'autre ne corresponde à ce cheval volant que des images dans un être qui imagine et les affections du corps qui leur corresponde, il faudrait considérer que ce cheval volant a une essence autre, purement idéelle, et que celle-ci serait dans l'idée infinie de Dieu, c'est-à-dire que l'idée infinie de Dieu contiendrait des idées de choses qui n'existent que de manière idéelle, que ce soit présentement ou éternellement.
Des êtres n'existeraient que de manière idéelle, n'existeraient que dans l'attribut "Pensée" ?
Il y aurait plus d'idées que de corps en Dieu ?
C'est ça ?

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Messagepar hokousai » 30 oct. 2006, 20:10

miam


Il y a des choses ( comme vous dîtes ) qui me gênent chez Spinoza mais de celles là vous n’en avez pas idée .( je n'en parle jamais et il ne m ' apparaît pas que vous les soupçonniez )

En revanche il y a des choses qui me gènent chez vous .
dans ce qui se donne comme l’interprétation du siècle ..
voire des siècles et des siècles

amen

………………………………………………..


Dîtes- moi où j’ai dit que le cercle n’était pas un mode de l’étendue?

Des cercles j’en trace dans l’étendue tous les jours que Dieu fait ( par profession ) et après je viendrai dire que le cercle n’est pas un mode de l’étendue .(si je l'ai dit c’est une sottise mais si je ne l'ai pas dit c'est vous qui êtes le sot )

.................................................................

Je vous dis qu’il n’est pas un langage privé, qu’ il n'y a pas de langage privé , c’est très aimable de confirmer .
....................................................................

Le scolie de la proposition 8 dit

""si quelqu’un ressent le besoin d’un exemple je ne pourrai à coup sur donner aucun qui explique adéquatement la chose , vu quelle est unique ."""""
voila où on en est avec les choses singulières comprises dans les attributs de Dieu en tant qu’il existe une idée infinie de Dieu .

Conclusion : difficile d être catégorique .

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Messagepar Miam » 31 oct. 2006, 11:25

A Bardamu.

C'est pas ça. Le cheval volant existe en tant qu'il est contenu dans l'attribut étendue dans la mesure où on peut dessiner, sculpter ou imaginer un cheval volant. Le mental du cheval volant est tout aussi imaginaire que ce cheval volant et est contenu dans l'attribut pensée. (rien ne m'empêche d'attribuer un mental à un cheval volant). Mais le mental du cheval volant que l'on imagine n'est pas au même niveau de puissance dans l'attribut pensée que le cheval volant l'est dans l'attribut étendue parce que l'idée (l'être objectif) qui constitue ce mental n'est pas l'idée d'un cheval volant existant en acte, à l'inverse du mental humain en II 11 (c'est évident), ni d'une chose qui a existé ou existera - i.e. d'un être formel, également à l'inverse du mental humain en II 13 et 15d (début). Autrement dit le mental que j'attribue à ce cheval volant peut bien être le mental d'un cheval ou le mental d'un être humain, ou d'autre chose selon la cohérence de l'histoire-imagination, mais jamais le mental d'un cheval volant. Par conséquent le cheval volant n'est pas un être et l'idée (être objectif) du cheval volant demeure compris dans l'idée de Dieu parce que l'idée (être objectif) d'une chose a comme objet cette chose dans tous les attributs (la puissance de penser de Dieu est infinie, combien même nous ne percevrons que deux attributs) au même niveau; ce qui fait qu'elle constitue le mental de cette chose. Or ici ce n'est pas le cas. Ainsi l'idée d'un cheval volant peut bien constituer mon mental puisque j'imagine un cheval volant mais ne pourrait lui appartenir, comme il en est du reste de toutes les idées inadéquates, dans la mesure où elle ne constitue pas le mental du cheval volant. Tout ceci évidemment, à supposer que je n'ai pas l'idée adéquate de tel ou tel cheval volant, c'est à dire des causes de l'imagination de tel ou tel cheval volant, car alors il s'agit d'une idée adéquate du dessin ou de la sculpture et le mental du cheval volant ne sera rien d'autre que le mental du dessin ou de la sculpture ou de tout autre support qui me permet d'imaginer un cheval volant, de sorte que l'idée que je me fais de ce support constituera bien le mental de ce support entendu comme être (ce support est bien "réel" et je rappelle que tout individu, chez Spinoza, possède un mental).


Quant à la signification d'"exister", je rappelle que ce terme ne se trouve pas chez les Grecs. Mais surtout, il a une étymologie qui correspond bien à l'acception spinozienne. On trouve dans la philosophie latine une étymologie qui fait naître "existere" de "ex-sistere" (ce qui est sans doute exact). Mais les scolastiques ont interprété cela comme "ex-esse" = "tenir son être d'autre chose". C'est que la scolastique est une vaste entreprise d'ontologisation de la philosophie. Cependant "sistere" ne veut pas dire "être" (esse), mais être tenu, être maintenu, être placé. "Exister", c'est donc être maintenu ou être placé en vertu d'autre chose. Ce qui correspond bien à l'acception spinozienne puisqu'un mode, en effet, ne saurait se maintenir sinon comme contenu dans un attribut.

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Messagepar bardamu » 31 oct. 2006, 12:56

Miam a écrit :(...) Ainsi l'idée d'un cheval volant peut bien constituer mon mental puisque j'imagine un cheval volant mais ne pourrait lui appartenir, comme il en est du reste de toutes les idées inadéquates, dans la mesure où elle ne constitue pas le mental du cheval volant. (...)

Ca, c'est en gros ce que je disais mais du coup, est-ce que tu attribues une essence aux idées inadéquates ?
Quand tu dis : "Le cheval volant serait donc un être : ce qu'il n'est pas bien qu'il soit une essence.", tu parles du cheval volant comme idée adéquate ou du cheval volant comme idée inadéquate ?
A priori, tu parles plutôt du cheval comme idée inadéquate.
Parler de l'essence d'une idée inadéquate me semble saugrenu mais il faudrait que je retrouve les références qui justifierait cette impression.

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Messagepar hokousai » 31 oct. 2006, 15:58

"""""""""""""Autrement dit le mental que j'attribue à ce cheval volant """""""""""

ah bon , parce qu'en plus d être volant il pense !

Est -ce qu’aussi il sait faire les petites marionnettes ?

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Messagepar Miam » 01 nov. 2006, 11:56

Bien sûr, Bardamu, ce que tu appelles "les idées inadéquates" ont une essence. Il y a des causes nécessaires qui conduisent aux idées inadéquates et à leur objet. Pour parler plus proprement, il faudrait dire que les objets des idées inadéquates ont une essence. Une essence formelle comme le dit I 8. Ces objets sont les modes des attributs. Et leurs idées, qui demeurent des êtres objectifs puisqu'elles opèrent dans une infinité d'attributs bien que non "simultanément" (ce qui les distingue des idées adéquates), sont alors comprises dans l'idée de Dieu.

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Messagepar bardamu » 01 nov. 2006, 17:29

Miam a écrit :Bien sûr, Bardamu, ce que tu appelles "les idées inadéquates" ont une essence. Il y a des causes nécessaires qui conduisent aux idées inadéquates et à leur objet. Pour parler plus proprement, il faudrait dire que les objets des idées inadéquates ont une essence. Une essence formelle comme le dit I 8. Ces objets sont les modes des attributs. Et leurs idées, qui demeurent des êtres objectifs puisqu'elles opèrent dans une infinité d'attributs bien que non "simultanément" (ce qui les distingue des idées adéquates), sont alors comprises dans l'idée de Dieu.

Miam

Tu as raison de dire qu'il faudrait parler de l'essence de l'objet de l'idée. Ce que je voulais dire se résumerait à : les idées inadéquates manquent les essences, l'assentiment qu'elles provoquent ne correspond pas au bon objet, il ne porte sur rien qui n'existe et ait une essence.

"l'essence d'une chose, c'est ce dont l'existence emporte celle de la chose, et la non-existence sa non-existence".
L'idée inadéquate est mutilée, il lui manque les causes permettant à l'assentiment qu'elle entraîne de correspondre à un objet existant et symétriquement ayant une essence.

- idée adéquate (I1) : le cheval volant est une idée imaginaire, son objet réel (O1) est l'imaginaire de celui qui imagine
- idée inadéquate (I2) : le cheval volant existe autrement que ci-dessus, il y a un réel objet "cheval volant" (O2) en dehors de l'imaginaire

Pour moi, O2 n'existe pas et c'est I1 qui donne l'essence, la seule essence du "cheval volant" qui est celle de O1 même si on dit que c'est O2 quand l'idée est inadéquate.

Je ne vois pas comment une chose n'existant pas autrement que comme image pourrait avoir une essence autre que celle d'image.

Dans l'appendice de EI, on a :
"ceux qui ne comprennent pas la nature des choses n'ont jamais pour objet de leurs affirmations les choses elles-mêmes, mais seulement les images qu'ils s'en forment, et confondent les données de l'imagination et celles de l'entendement"
Dans E2P49 Corol. scolie, on a :
"celui qui se représente un cheval ailé ne prétend pas pour cela qu'un cheval ailé existe réellement ; en d'autres termes, il ne se trompe que si, au moment qu'il se représente un cheval ailé, il lui attribue la réalité."

Ce que tu me sembles affirmer, c'est que cet assentiment que donnent ceux qui confondent les images et les choses se porte sur un objet existant et ayant une essence, ce qui pour moi signifierait que leur idée inadéquate est en fait adéquate, qu'ils auraient raison d'attribuer une réalité à ce cheval, de croire à la vérité ("et la vérité, l'essence formelle des choses, n'est ce qu'elle est que parce qu'elle existe objectivement dans l'intelligence de Dieu") de leur erreur.


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