definiton essence formelle etre formel cause formelle?

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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aurobindo
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definiton essence formelle etre formel cause formelle?

Messagepar aurobindo » 12 janv. 2007, 11:14

bonjour a tous jeme permets de vous demander votre aide sur la definitions de ces concepts particuliérement important mais pour lesquels je peine a me faire une idée precise. Essence formelle et cause formelle qu'estce que cela recouvrerait pâr opposition a etre ou cause objective dans l'attribut de la pensée mais aussi de la matiére? seconde question pensez vous que l'attribut de l'etendue soit reductible a ce que l'on appelle aujourd'hui matiére?

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Louisa
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Messagepar Louisa » 12 janv. 2007, 13:49

Bonjour Aurobindo,

comme ces notions me posaient (et posent) également problème, voici simplement ce qu j'avais trouvé il y a un an chez Rousset à ce sujet. J'y ajoute déjà que je crois avoir compris que Rousset est un commentateur communement considéré comme étant assez important, mais avec qui certains gens qui ont déjà étudié Spinoza en détail, comme Miam ici, ne semblent pas être d'accord sur ce point. N'ayant pas encore tout à fait compris les objections de Miam, je ne suis pas du tout capable de les résumer, donc à lui de les reprendre s'il le veut. En attendant, voici la citation de Rousset, issue de 'Spinoza. Lecteur des Objections faites aux Méditations de Descartes et de ses Réponses', Kimé, 1996, pg.27-29.

Rousset a écrit :"OBJECTIF, OBJECTIVEMENT, FORMEL, REEL"

La tradition scolastique et la philosophie cartésienne emploient deux mots se rattachant au substantif objectum, l'adjectif objectivus et l'adverbe objective: ils interviennent assez souvent dans les Objections et réponses et se retrouvent dans les analyses spinozistes, notamment dans la Réforme et la Deuxième partie de l'Ethique27.

Objectum sert à désigner la chose elle-même, res, mais en tant qu'elle est perçue dans une idée, que ce soit par les sens ou l'imagination, ou par l'entendement; cet objet perçu peut être une chose corporelle, matérielle, étendue, mais aussi être une idée, dans la mesure où une idée peut être elle-même l'objet d'une idée (qui ne peut apparemment être qu'une idée de l'entendement, mais pourrait tout autant être une idée de l'imagination). L'emploi de ce mot ne suscite pas de discussions particulières dans les Objections et réponses et le Spinozisme suit ici sans problèmes un usage qui, pour n'être pas très courant, n'en est pas moins commun.

Objectivus sert à qualifier un terme en tant qu'il est considéré comme se rapportant à la chose prise pour objet dans une idée: pour un scolastique comme Suarez, ce terme, le conceptus objectivus, est le concept, non pas en tant qu'acte de concevoir de l'entendement, mais en tant qu'être conçu dans l'entendement; pour Descartes, ce terme, la realitas objectiva, est la réalité (ou perfection, ou quantité d'être, ou encore degré d'existence) pensée dans l'idée de la chose, ce qu'il avait expliqué dans les Méditations et qu'il est amené à répéter dans les Réponses pour corriger d'abord (Répl, pg. 102) Caterus, qui, en se référant à ce qu'il avait 'jadis appris', en restait, pour donner un sens à l'expression cartésienne 'être objectivement', à cette acception et à cet usage de 'concept objectif' chez Suarez (Objl, pg. 92), et en négligeant ensuite de s'étendre comme une ressemblance entre l'idée et la chose dont elle serait la copie comparable à une image, confusion peut-être explicable du fait que Descartes mettait en avant une certaine correspondance, une proportionnalité, entre le pouvoir représentatif de l'idée et la perfection représentée de l'être qu'elle donne ainsi à penser (28) (Obj5, III, 5, p.290 (29)); pour Spinoza, ce terme, l'essentia objectiva, expression employée dès le Court Traité (I, 1, 8, II, 22, 4 note, APP. II, 3, 12 et 15), est l'essence même de la chose en tant que cette essence est pensée dans une idée. Ces différences ne sont pas sans importance, dans la mesure où l'on voit ainsi le premier être attentif à la structure interne du concept, le deuxième au rapport du sujet à un objet que lui présente son idée, le troisième à l'être même de l'objet défini dans son idée; mais elles n'interviennent pas expressément dans les discussions des Objections et réponses: elles ne constituent pas un élément décisif dans leur lecture par Spinoza, sinon que la confusion de Gassendi justifiera son insistance sur l'opposition de l'idée à l'image, sans doute mieux que ne l'avait fait Descartes.

Objective sert à déterminer un verbe, généralement le verbe être, pour exprimer la manière dont une chose est en tant qu'elle est un objet perçu dans son idée, donc en son essence objective dans le langage spinoziste; mais la différence entre l'essence objective de la chose dans son idée à laquelle se réfère Spinoza et la réalité objective de l'idée de la chose mise en avant par Descartes n'intervient plus ici, puisqu'il s'agit pour les deux de l'être objectivement de la chose dans l'idée.

Dans tous les cas, chez Descartes et Spinoza reprenant différemment le vocabulaire scolastique, qu'il s'agisse de la réalité (perfection) représentée par l'idée ou de l'essence (nature) de la chose, objectivus signifie toujours relatif à l'être en tant qu'objet, et s'oppose également, identiquement, à formalis, qui signifie constitutif de l'être propre d'un être, être d'une chose en tant que corps ou en tant qu'idée: il est évident que cette [sic] être formel n'est pas sa matière, ses matériaux ou ses éléments, mais son essence qui est sa définition le caractérisant dans sa spécificité, ou au moins son individualité.

Pour établir la distinction substantielle de l'âme et du corps, Descartes s'appuie sur la distinction de leurs essences (31), c'est-à-dire, selon ce vocabulaire, leur distinction formelle: Caterus fait des réserves sur cette argumentation, dans la mesure où, dit-il en invoquant Duns Scot, une 'distinction formelle et objective' n'est pas encore une distinction réelle, mais se situe 'entre la distinction réelle et celle de la raison' (Obj1, pg. 102), et ne saurait donc justifier l'affirmation de la séparabilité des choses; Descartes répond en expliquant que la distinction formelle, telle qu'il l'entend, n'est pas une distinction modale, telle que l'entend Duns Scot, mais constitue bien une distinction réelle, dans la mesure où est conçue clairement et distinctement, adéquatement, la séparabilité des choses (Rép1, p.120; cf. Rép2, 1°, p.132): il est certain que Spinoza, qui reprend la différence entre distinction réelle, distinction modale et distinctin de raison dans le Court Traité (App. I, Ax. 1-4 et 4 Dém), abordera la question d'une autre manière dans sa doctrine des rapports entre l'esprit et le corps, mais il tirera aussi profit de cette discussion pour élaborer sa propre doctrine de la distinction entre les attributs dans l'unité de la substance et de la relation entre les modes dans l'unité des attributs et dans l'unité de la substance (32); toujours est-il que, dans l'usage de cette terminologie, précisée et systématisée par Descartes dans ses Principes (I), une distinction formelle, qui concerne l'être propre des choses, constitue aussi une distinction réelle, et cela d'autant plus aisément que, dans le Spinozisme, une distinction essentielle n'implique nullement une quelconque séparabilité substantielle (33).

Disons donc seulement que la lecture des Objections et réponses, avec le malentendu entre Descartes et Caterus, ou l'incompréhension de Gassendi, a pu amener Spinoza à préciser un vocabulaire devenu assez commun pour fixer, dès la Réforme, un usage qui lui sera relativement propre (...)."

Notes:
27. Cf. B Rousset: Traité de la réforme de l'entendement, Commentaire du par.33.
28. Il faut avouer que Descartes est lui-même responsable de cette lecture, dans la mesure où il avait écrit dans la Troisième méditation (Méd.III, p.42) que 'les idées sont en moi comme de certaines images (quasdam imagines)', ce que Gassendi prend à la lettre.
29.Cette confusion entre réalité objective et ressemblance fait que Gassendi ne peut comprendre Descartes dise que l'idée de Dieu soit en nous comme la 'marque' de l'ouvrier sur l'ouvrage et que nous, finis, ayons été faits 'à l'image et semblance de Dieu', infini (Obj5 et Rép5, III, 10); Spinoza ne fait pas la confusion, bien au contraire, mais ces affirmations cartésiennes n'en sont pas plus intelligibles pour lui, étant donné son analyse critique de la notion de dieu, qui exclut à la fois toute ressemblance et toute altérité entre l'infini et le fini.
30. Le Court Traité emploie en ce sens formaliter (App.II,3). Nous verrons comment formellement en viendra à s'opposer à éminemment à propos de la causalité.
31. Nous verrons plus loins les arguments invoqués pour établir cette distinction essentielle, et les Objections et réponses qu'ils ont suscitées.
32. Notons qu'il s'agit d'une des textes les plus tardifs du Court traité.
33. Dans le Spinozisme, il n'y a pas de distinction substantielle, puisque la substance est une, mais il y a des distinctions essentielles, ou réelles, entre les attributs, évidemment, mais aussi, je pense, entre les modes, puisque chaque mode, ou chose, même fini, a une essence qui lui est propre dans sa spécificité individuelle, ces distinctions réelles ne signifiant jamais cependant une séparabilité quelconque, puisque toutes les choses sont liées dans l'ordre commun de la Nature qui est une.


Pour autant que j'ai compris l'interprétation de Miam, celui-ci propose de concevoir l'être objectif comme étant synonyme de l'idée elle-même, seulement il s'agirait de l'idée non pas en tant que mode compris dans l'attribut, mais en tant que contenue dans l'entendement divin (l'être objectif étant dès lors l'idée de l'idée). Ce qui est objectif est selon lui avant tout l'idée, tandis que ce qui chez Spinoza est objectif selon Rousset, c'est la chose en tant qu'elle est l'objet d'une idée. En ceci, j'ai donc l'impression que Miam rapproche 'l'objectif' chez Spinoza de son usage scolastique chez Suarez, où là aussi l'objectif ne désigne que quelque chose par rapport à la structure interne du concept ou de l'idée. Il se base pour cela sur un tas d'arguments, dont pour l'instant je n'ai compris que les plus simples: pas de 'essence objective' dans l'Ethique mais uniquement la notion de 'être objectif', puis en 2.8 on a littéralement 'esse objective SIVE idea'. Enfin pour lui considérer les choses tel que le propose Rousset, cela implique forcément que ce qui est contenu dans l'entendement divin, ce seraient des objets (or déjà ici moi-même je ne vois pas très bien la nécessité de cette implication). Mais n'ayant pas encore compris l'essentiel du raisonnement de Miam, je ne suis pour l'instant pas du tout capable de trancher moi-même entre l'une et l'autre interprétation.
Bref, pour une autre approche de ces notions que celle de Rousset: voir Miam.
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Messagepar aurobindo » 12 janv. 2007, 16:56

Je te remercie pour cette reponse louisa qui me fait avancer dans la conception de l'etre objectif mais le probléme majeur concerne pour moi l'etre formle d'une idée et surrtout d'un objet materiel. Je vais essayer de relire en faisant un effort supplémentaire mais cela demeure encore assez confus dans mon esprit.

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Messagepar aurobindo » 12 janv. 2007, 16:58

que serait l'essence formelle d'un attribut par exemple? le fait qu'il soit en rapport de la substance en tant que mode d'expression par opposition a l'attribut pris en lui meme?

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Messagepar Louisa » 12 janv. 2007, 18:35

aurobindo a écrit :le probléme majeur concerne pour moi l'etre formle d'une idée et surrtout d'un objet materiel.


dans le cas où tu ne l'avais pas encore découvert toi-même: en ce qui concerne l'être formel d'une idée, l'expression 'esse formale' ne se trouve que dans la 2e partie de l'Ethique (on peut facilement le vérifier en faisant une recherche sur la version latine disponible ici sur le site).
Il s'agit des prop. 2.5, le scolie de 2.7 et 2.15. Ce que personnellement j'en déduis pour l'instant (à vérifier):

- 2.5: "l'être formel des idées reconnaît pour cause Dieu, en tant seulement qu'on le considère comme chose pensante, et non en tant qu'il s'explique par un autre attribut"
Considérer l'idée dans son être formel signifie donc considérer l'idée en tant qu'elle a Dieu comme cause, et non pas Dieu en général, mais Dieu en tant qu'il est l'attribut de la Pensée.
Démo: "L'être formel des idées est une manière de penser, c'est-à-dire une manière qui exprime de manière précise la nature de Dieu, en tant qu'il est chose pensante". L'être formel d'une idée est donc l'idée comme mode, l'idée comme mode de l'attribut de la Pensée, l'idée en tant que celle-ci exprime une manière précise de cet attribut. Ou l'idée en tant qu'elle est causée par l'attribut divin de la Pensée. Il s'agit donc de considérer l'idée en tant qu'idée, et non pas l'idée en relation avec un mode d'un autre attribut.
- 2.7s: "l'être formel de l'idée du cercle ne peut se percevoir que par une autre manière de penser, comme cause prochaine, et celle-ci à son tour par une autre, et ainsi à l'infini; en sorte que, aussi longtemps qu'on considère les choses comme des manières de penser, nous devons expliquer l'ordre de la nature tout entière, autrement dit l'enchaînement des causes, par le seul attribut de la Pensée"
- 2.15: "L'idée qui constitue l'être formel de l'Esprit humain est non pas simple, mais composée d'un très grand nombre d'idées. Démo: L'idée qui constitue l'être formel de l'Esprit humain, c'est l'idée du Corps".
A partir d'ici cela me semble devenir plus complexe, surtout quand on prend les propositions précédentes avec. De 2.15 on voit que l'idée du Corps constitue l'être formel de l'Esprit. Mais en 2.11, on trouve que le "premier à constituer l'être actuel de l'Esprit" c'est "l'idée d'une chose singulière existant en acte", car l'essence de l'homme est constituée par des manières précises des attributs de Dieu. Or 2.13 dit que "l'objet de l'idée constituant l'Esprit humain est le Corps". Le premier à constituer l'être actuel de l'Esprit, c'est donc l'idée du Corps. Conclusion: l'idée qui constitue l'être actuel de l'Esprit, c'est la même idée qui constitue l'être formel de l'Esprit: l'idée du Corps. Seulement, pour l'être actuel, il s'agit du Corps existant en acte.

'Essence formelle' n'a qu'une seule occurrence dans l'Ethique, en 2.8. Je n'ai pas encore compris la différence entre essence formelle et être formel. Selon Rousset, la distinction consiste en ceci: "'l'être formel', qui est l'être de la chose existante en tant qu'effet de Dieu', et 'l'essence formelle', qui est la nature de cette chose telle qu'elle est contenu en dieu et qui peut devenir l'objet d'une idée vrai de cette chose, même lorsqu'elle n'existe pas encore ou qu'elle n'existe plus". Il y ajoute: "alors que la chose est un mode de Dieu et que son 'être formel' est ce qui la constitue comme être, c'est-à-dire précisément 'le fait d'être un mode de Dieu ayant Dieu pour cause', son 'essence formelle' est cette même chose, mais en ce qui constitue sa nature ou l'ensemble de ses propriétés nécessaires, 'ce qui fait d'elle tel mode défini de Dieu'." Mais ici de nouveau, Miam n'est pas d'accord avec les définitions proposées par Rousset, et je n'ai pas encore suffisamment compris pourquoi pour pouvoir te l'expliquer à mon tour.

En ce qui concerne l'être formel d'un objet matériel: pour autant que je sache, Spinoza ne mentionne nulle part le terme 'objet matériel'. J'aurais tendance moi-même à identifier matière et Etendue, mais je ne sais pas si cela est vraiment correcte. En tout cas, dans l'Ethique il n'y a pas 'd'objets étendus' non plus. Si tu voulais dire par là un 'mode de l'attribut de l'Etendue', donc une chose singulière en tant qu'elle exprime cet attribut, c'est-à-dire en tant qu'elle est matérielle, alors je crois que l'être formel d'une chose en tant qu'elle est matérielle doive être cette chose conçue en tant que mode de cet attribut. Ou, si on applique le même raisonnement qu'en 2.5 (chose que l'on est permis de faire, vu qu'en 2.6 Spinoza mentionne lui-même "l'être formel des choses qui ne sont pas des manières de penser"), l'être formel de la chose singulière matérielle, c'est cette chose en tant qu'elle est causée par Dieu, Dieu ici en tant qu'il est chose Etendue, c'est -à-dire attribut de l'Etendue.

aurobindo a écrit :que serait l'essence formelle d'un attribut par exemple? le fait qu'il soit en rapport de la substance en tant que mode d'expression par opposition a l'attribut pris en lui meme?


dans l'Ethique Spinoza ne parle pas de l'essence formelle d'un attribut, seulement de l'essence formelle de choses singulières (2.8). Faut-il en conclure que les attributs n'ont pas d'essence formelle, mais seulement un être formel? Je n'en ai aucune idée. En tout cas, à mon avis il faut distinguer les attributs des modes (car en 1.4 démo il dit "substances, autrement dit, c'est la même chose, leurs attributs, et leurs affections"). Il y a donc la substance, dont l'essence est constituée par les différents attributs. Les affections ou modes de Dieu sont alors des modes de ces attributs. Ce qui implique que l'on ne peut jamais considérer l'attribut comme un mode ou une affection de Dieu. Les affections sont des affections de l'essence de Dieu, c'est-à-dire des attributs.

Sinon il y a dans la citation de Rousset que j'ai déjà donnée ceci:
"objectivus signifie toujours relatif à l'être en tant qu'objet, et s'oppose également, identiquement, à formalis, qui signifie constitutif de l'être propre d'un être, être d'une chose en tant que corps ou en tant qu'idée: il est évident que cette [sic] être formel n'est pas sa matière, ses matériaux ou ses éléments, mais son essence qui est sa définition le caractérisant dans sa spécificité, ou au moins son individualité."

Si j'ai donc répondu par ce passage, c'est qu'il me semble qu'il faut en conclure qu'objectif et formel forment un couple, et que comprendre l'un sans l'autre est difficile. Ce qui serait alors l'être formel d'une chose matérielle, ce serait à mon avis ce qui constitue l'être propre de cette chose en tant qu'elle est un mode de l'attribut de la Pensée. Et ce qui le constitue n'est pas 'matériel', mais 'formel'.

Comme dans la note 30 Rousset dit que plus loin il reviendra sur le 'formaliter', je viens de feuilleter un peu dans la suite du livre, mais je n'ai pas encore rencontré le passage concerné. Ce que j'ai seulement trouvé, c'est que les scolastiques comprennent par une 'distinction formelle' une 'distinction d'essence'. Dans ce cas, l'être formel d'une chose matérielle concernerait donc non pas la matérialité de la chose elle-même, mais plutôt la chose dans son essence, en tant qu'elle est mode de l'Etendue. En tout cas, je crains qu'au XVIIe, en philosophie on n'utilise pas vraiment la notion de 'chose matérielle'. Ce qui est matériel, c'est plutôt les causes. Tandis que ce qui est formel a plutôt à voir avec l'essence de la chose, avec sa définition.
Voir aussi le vocabulaire d'André Lalande: formel au sens ancien et scolastique: "est formel ou existe formellement ce qui possède une existence actuelle, effective, par opposition: d'une part à ce qui existe objectivement (au sens scolastique du mot, c'est-à-dire seulement à titre d'idée), (...)". Dans l'Ethique, la 2.8 montre clairement que ce qui n'a pas encore d'existence actuelle (au sens de 'durée') a tout de même déjà une essence formelle, en Dieu, donc en ceci Spinoza dévie du sens scolastique, mais il me semble que l'opposition formel-objectif reste importante. Enfin selon Lalande, la notion de 'forme' est "presque toujours opposée à" la notion de matière (qui désigne parfois le 'contenu' de la forme).
Enfin bon, voici où j'en suis moi-même pour l'instant. Sans doute d'autres membres de ce site y voient déjà beaucoup plus clair.
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Messagepar Louisa » 12 janv. 2007, 19:39

PS:

Louisa a écrit :dans l'Ethique Spinoza ne parle pas de l'essence formelle d'un attribut, seulement de l'essence formelle de choses singulières (2.8).


je viens de constater que je me suis trompée. J'avais uniquement fait une recherche sur 'essentia formalis' et 'essentiae formales', ayant oublié de le faire aussi pour 'essentiae formalis'. Du coup, j'avais sauté une phrase tout de même tout à fait cruciale, celle du 2e scolie de 2.40, où justement la connaissance du troisième genre est définie par une "connaissance qui procède de l'idée adéquate de l'ESSENCE FORMELLE DE certains ATTRIBUTS de Dieu vers la connaissance adéquate de l'essence des choses".
Les attributs ont donc effectivement une essence formelle, comme tu le disais déjà. Désolée pour l'erreur.
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Messagepar Louisa » 12 janv. 2007, 20:42

PS2: en faisant une recherche juste sur 'formal', on peut constater qu'il n'y a qu'une seule occurrence de 'cause formelle' dans l'Ethique, et ceci dans la 5.31: "Le troisième genre de connaissance dépend de l'Esprit, comme cause formelle, en tant que l'Esprit est lui-même éternel". Dans la démo, Spinoza y ajoute 'causa adaequata, seu formalis'. La cause formelle serait donc la même chose que la cause adéquate, c'est-à-dire (par la 3.Déf.1) celle dont on peut comprendre l'effet uniquement par elle-même (contrairement à la cause partielle qui est une cause inadéquate)?
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Messagepar Louisa » 13 janv. 2007, 00:02

Si l'on cherche dans le commentaire de M. Guéroult de la prop. 2.5, voici que l'on peut trouver les définitions suivantes ('De l'âme', pg 70):

"1. L'idée considérée comme essence objective ou représentation d'une chose autre qu'un mode de la Pensée.
2. L'idée considérée comme essence formelle (ou être formel), mode de la Pensée, cause comprise dans la chaîne infinie des causes dans la pensée.
3. L'idée considérée dans sa forme ou nature, comme idée de l'idée, "l'idée de l'idée [n'étant] rien d'autre que la forme de l'idée" (II. scol de la prop. 21). C'est l'idée considérée comme connaissance ou savoir et, par conséquent, savoir du savoir ou idée de l'idée, puisque savoir, c'est savoir qu'on sait."

Il s'agit ici, toujours selon Guéroult, de trois aspects de l'idée ne faisant qu'un dans l'idée.
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Messagepar aurobindo » 14 janv. 2007, 10:59

De ce que j'ai compris actuellement je concois pas exemple pour l'etre objectif d'une idée , l'idée en elle meme en tenant compte de son contenu par exemple l'idée de manger une glace et l'idée formellle de cette idée en tant qu'elle est un mode de l'attribut pensée c'est a dire que je reconnais l'attribut pensée dans cette idée . Par la il y aurait une simplification des idées que l'on comprend dans leur etre formel puisqu'il n'y aurait jamais qu'une "chose", la Pensée elle meme en tant qu'elle est la forme de toutes nos idées objectives . Peut etre estce la la force de l'esprit sur les idées, amoindrissant la force de leur contenu par exemple dans l'idée je veux devorer une montagne de glace sous son essence formelle me fait surmonter la difficulté d'excés de gourmandise auxquel l'idée objective me contraindrait puisque l'on ne considére plus le contenu mais la forme de l'idée. Maintenant qui estce qui opère cette distinction , qui reconnait la pensée en toutes les pensée singulières, cela n'implique t-il pas une dissociation d'un pouvoir de discrimination de l'individu par rapport a la pensée, separant la pensée de sa nature propre ou la conscience est -elle encore réductible a la pensée comme chez Descartes? Je pense qu'il est possible de trouver une solution par un artifice spéculatif mais je recherche ce que spinoza lui meme entendait, je crois que je vais refaire un retour au texte, j'ai trop tendance a me perdre sur mes pensées du texte lol


En ce qui est des modes de l'attribut etendue, nous comprendrions par exemple le corps de pierre ,paul ,jacques ,d'une voiture ,d'une maison etc...toutes comme etant les modifications d'une seule chose, l'attribut etendue en d'autre terme sous l'essence formelle l'on ne percevrait que l'etendue ,il y a ,la aussi, simplification. Maintenant, estce la matiere en tant que telle ou en tant qu'elle est une expression de la substance, par exemple ,estce reconnaitre la substance dans chaque modes singulier de l'etendue ou simplement les ramener a leur dénominateur commun ou au concept qui les rassemble a savoir celui de matière aujourd'hui et d'etendue chez Spinoza. La, il y aurait conflit entre matiére divisible qui est celle que nous connaissons et la matiére indivisible en tant qu'expression de la substance et que voit le sage. Mais le problème demeure aussi quant a savoir ce que serait l'essence formelle et l'essence objective d'un attribut.

Voila péniblement l'idée a laquelle je suis arrivé mais dire que je ne suis pas sur que cela soit une représentation satisfaisante de ce que spinoza écrit serait un euphémisme. Si vous pouviez m'apporter plus de precisions. Misrahi ,dans les notes a sa traduction de l'ethique, écrit que pour Descartes et Spinoza, essence formelle est différent de son sens chez les scolatiques. Savez vous en quel sens? merci en tout cas pour vos réponses toujours fouillées ,sincéres, et érudites Louisa.

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Messagepar Louisa » 15 janv. 2007, 18:18

aurobindo a écrit :De ce que j'ai compris actuellement je concois pas exemple pour l'etre objectif d'une idée , l'idée en elle meme en tenant compte de son contenu par exemple l'idée de manger une glace et l'idée formellle de cette idée en tant qu'elle est un mode de l'attribut pensée c'est a dire que je reconnais l'attribut pensée dans cette idée .


je ne crois pas que chez Spinoza la notion d'une 'idée formelle' existe (à vérifier). Ce qui peut être formel, c'est ou bien un être, ou bien une essence, ou bien une cause. Sauf si tu as tout de même déjà trouvé cette notion quelque part?

Si tu prends l'être objectif dans le sens de l'idée en tant que celui-ci a un objet, il me semble que tu es assez proche de ce que propose Miam, qui, si je l'ai bien compris, réserve la notion d'essence à la chose en tant qu'elle est contenue dans un seul attribut, tandis que l'être désignerait d'office la chose en tous ses attributs (au moins 2 donc). Dans cette optique, ton 'idée formelle' serait donc égale à l'essence formelle de l'idée, c'est-à-dire l'idée en tant que mode de l'attribut pensée.
En ce qui me concerne, je n'ai pas encore compris ce qui permettrait/prouverait une telle interprétation. Pourrais-tu peut-être essayer d'expliciter sur quoi tu te bases, ou ce qui pour l'instant te fait concevoir l'être objectif d'une telle façon, même si ce n'est peut-être que quelque chose d'encore assez vague?

Un de mes problèmes avec une telle interprétation, c'est que je ne sais pas trop quoi en faire quand on pense à l'être objectif de l'idée de l'idée. Là, il me semble que si on respecte la conception que 1) l'être objectif, c'est l'idée en tant que celui-ci a un objet et que 2) on ne peut parler d'être à partir du moment où l'on se situe dans deux attributs différents, on tombe sur le fait un peu embarrassant que dans le cas d'une idée qui a une idée comme objeti, l'être objectif de l'idée de l'idée serait l'idée de l'idée en tant que celui-ci a un objet, mais cet objet appartient au même attribut que l'idée. On n'a donc plus qu'un seul attribut, ce qui ferait que l'on ne peut plus parler d'être objectif mais qu'il faudrait parler d'essence objective. Autrement dit, dans cette interprétation, il me semble que seules les idées qui ont autre chose qu'une idée comme objet peuvent avoir un être objectif, les autres n'ont qu'une essence objective. Je ne veux pas du tout dire que cela me semble impossible, seulement pour l'instant je n'ai rien trouvé chez Spinoza qui confirme l'un ou l'autre.

Une interprétation alternative pourrait consister en ceci: l'être objectif de quelque chose (une idée ou autre chose), c'est cette chose prise comme objet d'une idée, ou la chose en tant qu'elle est l'objet d'une idée. Je serais tenté de dire: c'est donc l'idée de la chose. Et alors la chose A un être objectif, et cet être objectif, c'EST l'idée de la chose.

En tout cas, moi-même je ne dispose pas encore de la profondeur de lecture qu'il faut pour pouvoir trancher entre ces deux interprétations, donc si tu penses à l'un ou l'autre argument, cela m'intéresse bien. Ou peut-être que je t'ai déjà mal compris, et que pour toi la condition de ne parler d'être que quand il y plusieurs attributs n'est pas nécessaire?

aurobindo a écrit :
Par la il y aurait une simplification des idées que l'on comprend dans leur etre formel puisqu'il n'y aurait jamais qu'une "chose", la Pensée elle meme en tant qu'elle est la forme de toutes nos idées objectives .


je ne suis pas certaine de bien te comprendre quand tu parles d'idée objective. A mon sens, ici à nouveau Spinoza n'utilise jamais l'expression. Est-ce possible, ou est-ce que je me suis trompée et est-ce que tu l'as déjà rencontrée quelque part?

aurobindo a écrit :Peut etre estce la la force de l'esprit sur les idées, amoindrissant la force de leur contenu par exemple dans l'idée je veux devorer une montagne de glace sous son essence formelle me fait surmonter la difficulté d'excés de gourmandise auxquel l'idée objective me contraindrait puisque l'on ne considére plus le contenu mais la forme de l'idée. Maintenant qui estce qui opère cette distinction , qui reconnait la pensée en toutes les pensée singulières, cela n'implique t-il pas une dissociation d'un pouvoir de discrimination de l'individu par rapport a la pensée, separant la pensée de sa nature propre ou la conscience est -elle encore réductible a la pensée comme chez Descartes? Je pense qu'il est possible de trouver une solution par un artifice spéculatif mais je recherche ce que spinoza lui meme entendait, je crois que je vais refaire un retour au texte, j'ai trop tendance a me perdre sur mes pensées du texte lol


:-)
En tout cas, en se perdant à deux dans ses pensées, il y a peut-être moyen de rencontrer l'un ou l'autre chemin un peu plus droit ... . Du moins est-ce ce que j'essaie de faire pour moi-même en réfléchissant à tes remarques et suggestions, donc merci déjà!

Alors pour ce que pour l'instant j'ai compris de Spinoza, j'ai effectivement l'impression que tu touches à quelque chose d'important, mais je ne te comprends pas encore très clairement. En tout cas, la puissance d'agir ou l'essence de l'Esprit, c'est effectivement de penser. Mais penser consiste peut-être en deux choses, former des idées d'affections du Corps et former des idées d'idées? J'ai l'impression que quelque part Spinoza donne tout de même un sens plus précis au mot 'penser', mais je ne l'ai pas encore retrouvé. Serait-ce seulement former des idées adéquates? A vérifier.
En tout cas, dans la première partie du 5e livre, où Spinoza énumère les remèdes concrets aux affects, il y a quelque chose qui ressemble à ce que tu dis:

E5.2:
"Si nous éloignons une émotion de l'âme, autrement dit un affect, de la pensée d'une cause extérieure, et la joignons à d'autres pensées, alors l'Amour ou la Haine à l'égard de la cause extérieure, ainsi que les flottements de l'âme qui naissent de ces affects, seront détruits."

ce qui me semble là-dedans abonder dans ton sens, c'est qu'effectivement, il s'agit ici d'éloigner l'idée de quelque chose d'extérieur, et cela semble bel et bien être l'Esprit qui a cette puissance. Mais j'ai tout de même l'impression que si tu en fais une histoire d'objectif/formel, que ce n'est pas certain que c'est comme ça que Spinoza voyait les choses. Tentative de m'expliquer.

Pour commencer, ce qu'il faut éloigner, ce n'est pas tellement l'objet de l'idée en tant que tel. Car l'objet de l'idée, rappelons-nous, ce n'est qu'une affection du Corps (ou bien une autre idée). La montagne de glace n'est donc PAS l'objet de l'idée, mais la chose extérieure dont mon Esprit forme une idée telle que cette chose extérieure soit cause de mon désir (la dévorer). Certes, dans un premier temps, l'idée de l'affection de mon Corps par la chose extérieure qu'est la montagne de glace enveloppe aussi bien la nature de mon Corps que celle de cette chose extérieure, mais cela ne fait pas encore de cette chose extérieure l'objet de mon idée. La chose extérieure a affecté mon Corps, c'est-à-dire mon Corps a formé une image, dont mon Esprit a formé une idée, ayant cette image comme objet. En cela, l'Esprit imagine, c'est-à-dire (par la définition de l'imagination en 2.17 scolie) se re-présente la chose extérieure comme étant présente à son Corps. Sans plus.
Si alors le moment après une autre chose extérieure affecte mon Corps, du fait même de la quasi-simultanéité des deux affections, mon Corps liera les deux images et mon Esprit les deux idées d'images. A partir de là, dès qu'une image est déclenchée, l'autre l'accompagnera immédiatement et inévitablement, idem au niveau des idées.

Ne pas pouvoir résister quand on voit une montagne de glace (et quand on aime les glaces) me semble avant tout relever de ce mécanisme propre à l'imagination. Dès que tu vois la montagne de glace, une autre idée qui s'y est associée dans le courant des années passées est déclenchée: il me faut la manger!

La puissance de l'Esprit me semble alors consister dans le fait qu'il peut CHANGER l'ordre d'enchaînement des idées. Il peut pe associer activement aux idées 'montagne de glace' et 'il me faut la manger' une autre idée, pe celle qui dit que manger une si grande quantité de glace va me rendre malade, et que donc il vaut mieux ne pas la manger. C'est-à-dire, du fait même d'associer aux idées 'montagne de glace' et 'il me faut la manger' l'idée d'une indigestion garantie, l'appétit ou le désir de la manger diminue immédiatement.
Et dans le cas où l'Esprit ne dispose pas d'une telle idée, il peut toujours considérer les deux idées précédentes en tant qu'idées qui le caractérisent lui, au lieu de les concevoir comme idées causées par une chose extérieure (la montagne de glace). Là, il me semble qu'il n'enlève aucune idée de son contenu ou objet, mais qu'il enlève l'idée de cause extérieure de l'ordre imaginaire d'enchaînement des idées. A partir de ce moment-là, mon désir de la manger n'est plus conçu comme déclénché par la glace, comme mécanisme auquel je ne sais pas échapper, mais comme un désir et donc une idée à moi. Une fois pris 'possession' de manière plus active de ces idées d'images (donc une fois créée l'idée de ces idées, en éloigant l'idée d'une cause extérieure), je peux les ranger dans un autre ordre que l'ordre imaginaire (celui lié à la succession des affections de mon Corps par des choses extérieures), qui est l'ordre de la raison.

Enfin, ce que je veux donc dire, c'est que ce qui à mon avis se passe quand on arrive à ne pas céder à la tentation de manger cette montagne de glace devant moi, ce n'est pas que l'on enlève les objets aux idées, mais qu'on crée de nouvelles idées ayant ces mêmes idées d'images comme objets. La seule séparation consiste alors dans une rupture de certains liens entre certaines idées, pour les lier activement à d'autres idées, et non pas dans la rupture du lien idée-objet. C'est dans ce sens que je ne vois pas trop en quoi la distinction formel-objectif aurait un rôle important à jouer, à ce niveau-ci. Il me semble que la distinction imagination-raison soit plus importante.
Ce qu'il y a tout de même, c'est que nous pouvons former des idées d'idées en nous basant sur la forme de l'idée. Mais pour l'instant j'ai l'impression qu'il soit plus prudent de réserver pour cette notion de 'forme' une troisième place, à côté du formel et de l'objectif (tel que le suggère Guéroult pe, dans la citation ci-dessus).
En tout cas, moi-même aussi je ne suis qu'en train d'explorer toutes ces notions, donc rien de ce que je dis ici est pour moi tout à fait certaines. Ce ne sont que des hypothèses. Si donc tu vois quelque chose qui ne te semble pas justifié, ou si tu penses les choses autrement, cela m'intéresse beaucoup.

aurobindo a écrit :En ce qui est des modes de l'attribut etendue, nous comprendrions par exemple le corps de pierre ,paul ,jacques ,d'une voiture ,d'une maison etc...toutes comme etant les modifications d'une seule chose, l'attribut etendue en d'autre terme sous l'essence formelle l'on ne percevrait que l'etendue ,il y a ,la aussi, simplification.


dans quel sens est-ce qu'il y aurait simplification?
Si tu veux dire que sous 'essence formelle' en général on ne percevrait que l'Etendue, je ne crois pas que ce soit correcte. Toute chose qui existe a une essence formelle, donc aussi l'idée. Mais si on ne prend que les modes de l'attribut de l'Etendue, alors effectivement, tout ce que tu énumères sont des modifications d'une seule chose, l'attribut Etendue. En quoi est-ce que ce serait simplifier les choses de dire cela?

aurobindo a écrit :Maintenant, estce la matiere en tant que telle ou en tant qu'elle est une expression de la substance, par exemple ,estce reconnaitre la substance dans chaque modes singulier de l'etendue ou simplement les ramener a leur dénominateur commun ou au concept qui les rassemble a savoir celui de matière aujourd'hui et d'etendue chez Spinoza.


Spinoza semble être contre tout ce qui est concept général, abstrait (voir scolie I de 2.40), donc dans ce sens 'dénominateur commun' ne me semble pas tout à fait convenir pour désigner un attribut. Il dit bien que concevoir quelque chose sous l'attribut de l'Etendue, c'est concevoir cette chose en tant que son idée enveloppe le concept de l'attribut, mais je ne crois pas qu'on peut dire que chez lui la notion universelle ou le concept universel 'Etendue' ait du sens. De même, il me semble que l'on ne peut pas ramener un mode singulier de l'Etendue à cet attribut, car justement, il en est une affection, il est un mode d'être de cet attribut. Et en tant que ce mode d'être, il a bel et bien une essence formelle distincte, différente de tous les autres modes singuliers de l'attribut Etendue. L'attribut Etendue a donc, en tant que telle, une essence formelle, mais la chose singulière, en tant qu'elle est un mode de l'Etendue, a une essence formelle singulière, une essence formelle à elle. Ou disons que j'ai l'impression que pour l'instant, l'idée d'essences singulières chez Spinoza semble assez largement acceptée, mais personnellement je n'ai encore rien rencontré qui me le prouve à 100%. Comme il semble y avoir consensus, je pars seulement de l'idée que chez Spinoza, il y a des essences singulières, en attendant de voir un passage précis qui le confirme littéralement.

aurobindo a écrit :La, il y aurait conflit entre matiére divisible qui est celle que nous connaissons et la matiére indivisible en tant qu'expression de la substance et que voit le sage. Mais le problème demeure aussi quant a savoir ce que serait l'essence formelle et l'essence objective d'un attribut.


d'une part à mon avis il faut donc distinguer l'essence formelle de l'attribut Etendue et l'essence formelle singulière de chaque mode singulier. Mais d'autre part l'attribut Etendue est effectivement indivisible, en 'réalité'. Qu'il y a conflit entre notre façon de percevoir l'Etendue (comme quelque chose de manifestement divisible) et la thèse de l'indivisibilité de la matière n'est pour Spinoza dû qu'au seul fait que quand nous existons dans un temps et un lieu précis, nous abordons toute chose d'abord 'sub duratione', du point de vue du temps, c'est-à-dire de façon imaginaire (car c'est l'imagination qui nous fait nous représenter les choses comme étant 'présentes' à notre Corps). L'impression de divisibilité de la matière n'est pour Spinoza qu'une idée liée à une conception superficielle de la nature. Ce n'est que parce que la matière nous affecte de manières diverses que nous sentons des parties différentes. Ces parties ne se distinguent donc que par la manière, et non pas en réalité. Ou selon l'exemple donné ici par Henrique (voir le sujet ouvert par fantasueno): la marche est une manière d'être de la jambe, mais on ne peut pas dire qu'elle en est une partie. De la même façon, chaque chose matérielle est une manière d'être une seule et même substance corporelle.

Pour l'essence objective de l'attribut: je ne suis pas certaine que cela existe. Comme Spinoza n'utilise plus l'expression 'essence objective' dans l'Ethique (pour autant que je sache; à vérifier donc), il est peut-être plus prudent de supposer qu'il ne voulait plus vraiment travailler avec. Quant à l'essence formelle d'un attribut: comme déjà dit, je n'ai pas trop d'idée non plus en quoi cela pourrait consister. Ce qui définit cet attribut en tant que tel, je suppose, et non pas en tant que Dieu en a une idée dans son entendement infini. Mais cela ne dit pas grand-chose en plus.

aurobindo a écrit :
Voila péniblement l'idée a laquelle je suis arrivé mais dire que je ne suis pas sur que cela soit une représentation satisfaisante de ce que spinoza écrit serait un euphémisme. Si vous pouviez m'apporter plus de precisions. Misrahi ,dans les notes a sa traduction de l'ethique, écrit que pour Descartes et Spinoza, essence formelle est différent de son sens chez les scolatiques. Savez vous en quel sens?


Je viens de chercher chez Wolfson, 'La philosophie de Spinoza' (car en tout cas moi-même je n'en ai pas encore d'idée). Quand on cherche sur 'essence formelle', on trouve un passage où il n'indique pas la différence entre Descartes et Spinoza (pour cela, le plus précis que j'ai trouvé pour l'instant, c'est ce que j'ai déjà cité dans mon premier message ici de Rousset, citation à prendre avec quelques réserves vu les objections de Miam), mais qui peut-être nous aide déjà un peu davantage.
Il précise que pour Spinoza, il y a deux types différents de l'existence. "Un type d'existence s'applique aux choses qui sont conçues comme actuelles dans la mesure où on les conçoit exister relativement à un temps et à un lieu donné". C'est, me semble-t-il, ce qui dans le scolie du 2.8 est appelé 'exister dans la durée'. "L'autre type d'existence s'applique aux choses qui sont conçues comme actuelles dans la mesure où on les conçoit comme contenues en Dieu et suivant de la nécessité de la nature divine". Rappelons qu'effectivement, si l'on considère les choses dans le premier type d'existence, là ce n'est pas Dieu, comme cause prochaine, qui serait responsable de leur existence, mais toujours un autre mode singulier.
Alors selon Wolfson, Spinoza utilise une terminologie différente quand il parle d'un type d'existence que quand il parle de l'autre type d'existence.

Pour le premier type d'existence (dans le temps) on a les notions suivantes:
- existence
- être formel
- essence actuelle
- essence donnée

Pour le deuxième type d'existence (en Dieu):
- essence
- idées des choses non existantes
- essence idéale
- essence formelle.

Rousset aussi dit qu'une chose peut être pensée par un entendement, abstraction faite de l'existence, et alors on la pense sous forme d'une 'essence idéale' ou essence éternelle (celle que la chose a aussi en dehors de tout temps). Les deux soulignent qu'en tout cas, à chaque fois il s'agit d'une seule et même chose, considérée tantôt d'une façon, tantôt d'une autre façon.
Mais aucun des deux ne dit quelle pourrait être la différence entre ces conceptions et celles de Descartes et/ou de la scolastique. Peut-être que la scolastique ne raisonnait pas encore en termes de deux types d'existence? Mais alors quelle distinction la scolastique faisait-elle entre 'esse' et 'essentia', si elle en faisait une? Je n'en ai aucune idée. Peut-être que Wolfson ou Rousset l'expliquent dans un autre passage, mais j'ai seulement lu ces deux passages-là, donc en attendant de trouver le temps de commencer à les lire en entier, je ne saurai rien en dire de plus, je crains... .
Louisa


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