Enegoid a écrit :... Je signale également deux chapitres du début du livre VII du séminaire de Lacan consacré à l’Ethique (de la psychanalyse), ...
Lacan, je ne PEUX pas...
Enegoid a écrit :Pour moi, si Spinoza parle des choses, il m’est difficile de croire qu’il ne parle de rien. Les « choses » ne sont peut-être pas toutes des entités « précises ». Mais ce sont des entités.
Oui c'est même le sens de "chose", qui est le plus général qui soit (E2P40S2 de mémoire), soit : "pas rien." "Pas rien" ne veut pour autant pas dire que la chose est compréhensible en soi. Je n'ai jamais employé le terme de "rien" à propos d'une chose, il est donc parfaitement inutile de faire comme si.
Enegoid a écrit :Pourquoi pas la pierre ?
Pourquoi pas. Une pierre existerait-elle en soi ? Ce qui est valable pour le nuage est valable pour la pierre, c'est juste une question de degré, ou de circonstances (dans la lave, par exemple.) Mais j'ai surtout développé l'exemple du fleuve. Plus "consistant" non ? Et comme régénéré par des particules identiques en nombre égal (à brève échéance)...
Enegoid a écrit :Vous dites « les choses ne sont rien parce que non conçues par elles-mêmes, imprécises et peu consistantes ».
Je n'ai jamais dit que les choses étaient rien. Je dis que les choses ne se comprennent pas par elles-mêmes, et que ceci se répercute dans l'existence : n'existant pas par elles-mêmes elles n'ont pas de continuité absolue dans l'existence. Mais elles en ont éventuellement suffisamment pour, par exemple, qu'un homme puisse être dit homme tout au long de sa vie. Cela toutefois, comme il est évident par la phrase même, ne constitue pas l'existence "solide" d'un moi individuel en tant qu'individuel.
Enegoid a écrit :Je dis : les choses ont un être propre (celui d’être une modification), plus ou moins précis, plus ou moins consistant.
Je dis la même chose, sauf que s'agissant d'une chose finie existant en acte - c'est ce qui nous occupe en tant qu'hommes existant en acte - elle n'a pas de constance absolue dans l'essence, ce que la mort traduit le plus nettement. Elle n'a pas de continuité absolue dans l'essence au cours du temps. Il ne s'agit pas de distinguer des degrés – ce qui ne prouve rien - dans cela mais les principes universels. N'ayant pas de constance dans l'essence elle ne peut exister en soi, ce qui pose un problème direct d'identité.
Enegoid a écrit :... j’ai envie de vous demander si vous faites de votre voiture (dont vous parlez) un être (uniquement) d’imagination ? Bien sûr, il y a de l’imaginaire dans la voiture…mais pas seulement, non ?
J'ai déjà donné la réponse puisque l'exemple vient de moi. Elle n'a pas d'identité propre, c'est tout. Après usure continuelle, une grosse rayure, un bouton qui se coince, c'est toujours ma voiture. Quand je change les pneus, "elle" conserve et même revitalise son essence pour l'essentiel, étant régénérée par des corps de même nature. A-t-elle pour autant une identité propre ? Elle est (un nom donné à) quelque chose à chaque instant, c’est tout ; nous sommes donc d’accord.
Enegoid a écrit :Il reste à expliciter la question de savoir si, pour atteindre la connaissance de Dieu (but affiché par Spinoza) il faut passer par les choses ou si il faut, en quelque sorte, aller directement à Dieu pour ensuite connaître les choses.
Dans le deuxième cas, d’ailleurs, on peut se demander s’il reste un intérêt à connaître les choses…
J'ai donné des extraits plus haut qui résument la pensée de Spinoza. Les extraits sont surabondants. Maintenant si l'on veut absolument lire autre chose que ce qui est écrit... Certains passage disent en substance "Dieu se fait connaître par lui-même", "les choses finies ne peuvent révéler l'infini", "l'expérience ne sert de rien pour connaître Dieu tant qu'on n'a pas une idée claire de Dieu" (oui si on l'a, car on voit alors la richesse, la puissance de la Nature, ayant la Nature pour cause infinie.) Dans l'
Ethique - sous réserve d'approfondissement - cela semble un peu différent : la communauté des corps dans toute sensation englobe et révèle l'existence de Dieu. Plus généralement, les notions communes (axiomes) émergent de cette communauté dans la sensation (idée d'affection du corps) et s'imposent immédiatement à tous les hommes ou presque, ou dans certains cas seulement à ceux qui ne sont pas aveuglés par les préjugés. Le reste est indubitablement, d'après le texte de Spinoza, recoupé de multiples fois par lui-même :
Notions communes = base de raisonnement ; raisonnement bien développé = idées adéquates 1 ; vision immédiate des idées adéquates 1 dans la vie réelle = idées adéquates 2 = idées claires et distinctes = connaissance du troisième genre. Ceci implique d'avoir présent vivant à l'esprit absolument l'ordre ontologique : Dieu naturant / Dieu en mouvement (en énergie) / modes singuliers. Pas de connaissance claire sans cela, c'est-à-dire sans la conscience présente de Dieu - la Nature en tout. Évidemment, Spinoza est parfaitement auto-cohérent (sinon quelle grossière fumisterie) dans l'
Ethique : il applique ce qu'il décrit et inversement.
C'est cela, et uniquement cela, la chaîne des idées claires selon Spinoza, donc de la seule véritable connaissance (car nous discutons non pour commenter des imaginations, mais pour trouver la clarté, notre essence accessible clairement à nous-mêmes, notre vrai "Soi." Sinon on peut discutailler pendant des lustres.) Confondre la puissance de compréhension de Dieu et celle de l'homme - qui n'en est qu'une partie qui, en général, sauf en ce qu’il a des idées claires et distinctes, ne peut être conçue sans les autres parties - est purement et simplement mortel pour la compréhension de Spinoza.
Les choses singulières, par les sensations, sont donc là "au début," mais presque de façon triviale, "pour faire apparaître" les notions communes, mais elles sont surtout à la fin, quand elles révèlent la richesse de Dieu - la Nature, au travers de la vision claire, autant qu’accessible à l’homme, de l’ordre de la Nature.
Mais encore une fois, presque rien de tout cela n’est réalisé si l’antériorité du Dieu naturant (qui consiste dans les toutes les dimensions de l’existence même, modifiée ou non, réunies dans le parallélisme) n’est pas vivante en permanence à l’esprit. Si cela est acquis en revanche, corrélativement, le reste (la vision claire des lois) est comme des cerises sur le gâteau. C’est pourquoi beaucoup de passages tout au long de l’Ethique reviennent sur cette seule idée. Et cette seule idée détruit tout ego prétentieux (car au-delà des beaux principes affichés, celui-ci règne partout de fait), basé sur l’imagination – laquelle ne soutient pas le raisonnement : car qu’est-ce qui ferait alors la valeur d’un acte ? – qu’on est l’auteur par soi de ses propres actes, et les autres itou, et dans une comparaison de puissance purement imaginaire, en fait comble de l’impuissance : l’orgueil. Par-là même cette idée implique la béatitude de l’être qui se sait être non en soi mais en Dieu, l’être souverainement parfait. L'un exclut totalement l'autre.
Car il n’y a rien à perdre dans l’histoire que des entraves, autrement dit il n'y a qu'à gagner la libération. Le vrai Soi est commun – comme la raison qui le porte, c’est-à-dire les notions communes et la Logique, sublimée en connaissance du troisième genre – à tous les hommes : il n’est pas individuel. Au-delà de cela, l’homme concentre une belle part de la puissance de Dieu quand-même. Que demande le peuple ?
sescho a écrit :SVP : pouvez-vous éviter les phrases un peu trop véhémentes à mon goût concernant d’autres participants au forum ? Ca me gêne un peu, surtout vis à vis de quelqu’un dont j’appréciais les interventions…
A votre goût. Il n’y avait pas beaucoup de véhémence dans mon esprit. Je concède qu’il y a des seuils de négativité – joie prétentieuse qui ne produit presque que du bruit et tristesse consolidée qui ne produit presque que du noir – qui dépassés commencent à me peser, mais mon souci est – avec modestie et retenue essayé-je – surtout de ne pas laisser cela polluer outre mesure. L’Inde – entre autres – a tellement travaillé sur l’essentiel pendant que l’Occident investissait dans la technique, qu’il est juste stupide de l’ignorer – comme le fond du message de Jésus de Nazareth d’ailleurs -, et encore plus quand elle utilise la même démarche rationnelle, voire une encore plus poussée et « plus athée ». Et en plus, le Sanscrit est une langue européenne (« indo-» pour cette raison)… La personne en question s’est exclue d’elle-même, sous des prétextes saumâtres, et c’est sa propre responsabilité et aucunement la mienne à mon appréciation (et je pense être soucieux de ne pas blesser inutilement.)
Serge
Connais-toi toi-même.