Sescho a écrit :Louisa a écrit :
Ici il réfère donc explicitement aux modes infinis médiats de la P22, pour dire que JAMAIS un tel mode ne peut produire un mode fini. Les modes infinis médiats ne sont donc pas des intermédiaires entre le mode infini immédiat et des modes finis.
Oui cela c’était déjà très clair, comme pas mal d’autres points évidents que tu répètes ou que j’ai moi-même mis en avant (comme l’infinité logique par E1P21, s’ils existaient, des soi-disant « modes infinis médiats » ; en passant je n’ai pas vu ce dernier adjectif chez Spinoza, mais admettons…) On tourne en rond…
Cher Sescho,
j'avoue que je suis un peu déçue par votre réponse. Ou en tout cas, l'impression d'un "dialogue de sourds" pour l'instant est clairement réciproque. Je ne vois qu'un moyen d'essayer d'en sortir, c'est d'essayer de vous dire en quoi pour moi ce que vous me répondez est à côté de la plaque. Si vous voulez bien, vous pourrez faire la même chose en ce qui concerne mon message ici, et alors on comprendra peut-être mieux pourquoi nous avons tous les deux le sentiment que la réponse de l'autre est tout à fait insatisfaisante.
Commençons par ce que vous dites ci-dessus. Je vous donne tout un raisonnement, dont la conclusion réfute une thèse que vous venez de proposer. Vous ne contestez pas la validité de l'argumentation, pire même, vous n'en parlez simplement pas, vous vous contentez de ne donner un commentaire que sur ce avec quoi vous êtes d'accord, commentaire, qui plus est, qui consiste uniquement à dire cela (que nous sommes d'accord là-dessus). Puis vous y ajoutez que comme vous le trouvez aussi, j'aurais dû omettre cela de mon raisonnement ... comme si un raisonnement peut tenir la route si l'on enlève d'abord tout ce qui est censé être vrai .. ???
Bref, je ne comprends pas la pertinence de l'"objection" que vous venez de faire. On ne peut pas réfuter une argumentation en disant qu'avec tel et tel point on est d'accord et qu'on aurait donc pu l'omettre. Il faut discuter de ce dont on n'est PAS d'accord, et essayer de dire POURQUOI. Or je ne sais toujours pas avec quel ARGUMENT que j'ai donné, vous n'êtes pas d'accord. Pour l'instant, j'ai juste compris que votre raisonnement vous fait conclure la thèse contraire ("les modes infinis médiats n'existent pas"), mais je n'ai pas encore lu le raisonnement qui vous permet d'arriver à une telle conclusion ... . Si donc vous avez l'impression que vous l'avez déjà donné, serait-il possible de le recopier, ou de le reformuler ou résumer? Merci!
Sescho a écrit :
Tu pars du fait que les soi-disant « mode infinis médiats » existent effectivement, ce que je conteste, et tu prétend consolider cela par le fait que Spinoza n’en dit rien (et donc évidemment en quelques termes que ce soit )…
je ne comprends pas comment vous pouvez lire ceci dans mes messages. A mon sens, ce dont nous discutons, c'est précisément de la PREUVE ou DEMONSTRATION de l'existence ou non des modes infinis médiats. Cette existence n'est PAS le point de départ de ce que j'ai écrit, c'en est la conclusion, donc le point d'arrivée. C'est bien la raison pour laquelle j'espère que vous allez réfuter la raisonnement qui mène à cette conclusion, sinon comment discuter de sa vérité ou fausseté .. ?
Puis bon, je vois encore moins comment vous pouvez dire que mon "raisonnement" consisterait dans le "fait" que Spinoza ne parle pas des modes infinis médiats ... . Comment pourrais-je vous demander de réfuter mes arguments qui permettent la déduction de leur existence, si je croyais que Spinoza ne parle PAS des modes infinis médiats ... ??? Rappelons que la SEULE personne ici qui a fait intervenir un argument du type "Spinoza ne parle pas de x", lorsqu'il s'agissait de prouver l'existence ou inexistence de x, c'était vous-même ... . Vous avez cité des propositions de Spinoza où effectivement il ne parlait pas des modes infinis médiats pour en déduire qu'ils n'existaient pas. Je vous ai répondu que ce procédé me semble être douteux, puisque bon, il est tout à fait évident qu'à d'AUTRES endroits, il en parle bel et bien ... . Par conséquent, pour savoir CE qu'il en dit, il faut bien se baser sur ces propositions-là, non ... ???
Sescho a écrit :E1P22, qui, quoique sa démonstration soit virtuellement identique à celle de E1P21, ne comporte, elle, aucun exemple ; et pour cause à mon avis…
la P21 dit clairement que la démonstration vaut pour n'IMPORTE QUEL exemple. La démonstration ne donne la preuve d'AUCUN mode infini précis (il ne s'agit que d'une réduction par l'absurde). Elle ne permet surtout pas d'en conclure que "l'idée de Dieu" serait un mode infini. Vous trouverez les arguments de ce que je dis ici dans l'autre fil de discussion, qui porte précisément sur cette démonstration, donc si vous interprétéz différemment le mouvement même de cette démo, je ne peux que vous inviter à réfuter les arguments qui se trouvent là-bas.
Sescho a écrit :Et en plus cette « infinité de modes infinis médiats » qui existerait ne se situerait pour autant pas (mais c’est vrai, comme je l’ai dit, qu’avec une infinité, c’est effectivement mal parti) dans l’ordre ontologique, qui va de la substance sans forme aux choses particulières.
qui, selon vous, a prétendu cela? Et en quoi cela a-t-il quelque chose à voir avec la question de savoir si le mode infini médiat existe réellement ou non? Car si la question est de savoir si un mode infini médiat existe ou non, il faut pouvoir montrer qu'il en existe au moins un. C'est exactement ce que j'ai fait, jusqu'à présent. La question de savoir s'il en existe une infinité ou non est une AUTRE question.
Sescho a écrit :Mais c’est totalement illogique : comment un mode qui suit immédiatement du Mouvement ne s’intercalerait pas entre ce dernier et les choses singulières, alors qu’il est clair que celles-ci suivent du Mouvement, tant logiquement que chez Spinoza ?
je vous renvoie à ce que vous venez d'accorder ci-dessus: JAMAIS un mode fini ne peut suivre d'un mode infini. Les modes infinis ne sont donc PAS des intermédiaires entre l'attribut et les choses singulières ... .
Puis j'avoue ne pas très bien comprendre ce que vous dites. Il y aurait selon vous un mode qui suit immédiatement du "Mouvement"? Mais ce serait quoi le "Mouvement", dans le spinozisme? Pour autant que je sache, Spinoza parle d'un attribut de l'Etendue, et d'un mode infini de "mouvement et de repos" qui en suit immédiatement. C'est cela le mode infini immédiat, dans le jargon technique des commentateurs. Tout mode qui suit de ce mode infini immédiat (donc tout mode qui suit du mode infini qu'est le mouvement et le repos), doit lui-même aussi être infini (et éternel), dit la P22. Comment voulez-vous alors qu'un mode FINI ou une chose singulière finie pourrait suivre de ces modes infinis ... ?
Sescho a écrit :Je ne vois pas comment on peut prétendre être interprète fidèle de Spinoza en n’ayant en main rien d’autre qu’un pinaillage plus ou moins contestable sur tel ou tel point de logique (je ne dis pas que ce n’est pas nécessaire pour comprendre certains point, mais certainement pas seul, avec rien à côté.) Spinoza ne donne pas dans les fioritures de l’érudition stérile : il va au plus droit possible, dans l’ordre logique, en partant de l’essentiel et se sert pour cela du rasoir d’Occam - par le côté qui tranche -, du principe d’économie qui est économie de principes. Le verbe haut sans la moindre concession de fond avec moins qu’une feuille de vigne pour tout vêtement… Un peu de décence quand-même !
oui oui, tout cela me va très bien. Pas de problème. Seulement, il faudra bien choisir: ou bien on se base sur les règles du raisonnement rationnel pour fonder nos interprétations dans le texte même, ou bien on est obligé à s'en tenir à un simple "moi je pense ceci, je SENS que je dois avoir raison, et cela me suffit amplement". SI l'on est d'accord pour discuter rationnellement, ALORS on ne peut pas se contenter de réfuter un argument en disant simplement qu'il s'agit de "discutailler" et que dès lors on ne va rien en dire. Ou bien l'argument est faux, ou bien il est vrai. S'il est faux, d'un point de vue de la raison il DOIT être possible de le réfuter rationnellement, au lieu d'en éviter la discussion. Si vous me répondez simplement par une fin de non recevoir dès qu'il s'agit d'argumenter, pour moi c'est un peu comme si vous restez au bord de la piscine, sans vous "mouiller" vraiment ... .
Sescho a écrit :Maintenant, si tu peux démontrer que le facies totus universi est un mode nécessaire et infini, nous aurons peut-être le premier de l’infinité…
c'est encore confondre deux questions ... la question de savoir si dans le spinozisme le mode infini médiat existe, et la question de savoir QUEL pourrait être ce mode infini médiat, ce sont bel et bien deux questions différentes, qui demandent des démonstrations différentes. Pour moi, la deuxième question n'a du sens qu'une fois résolue la première. Car si vous réussissez à réfuter mon raisonnement qui prouve l'existence nécessaire des modes infinis médiats, la deuxième question n'a plus de sens. Elle n'a de sens que si l'on a d'abord pu établir rationnellement que les modes infinis médiats existent. Raison pour laquelle j'espère vraiment que vous allez me dire non pas ce qui pour vous semble être évident dans mon raisonnement, mais surtout ce qui là-dedans pour vous ne l'est PAS, et pour quelle raison vous pensez que tel ou tel argument est faux.
J'ai essayé de rendre ce débat possible dans mon dernier message à ce sujet, que pour faciliter les choses je reproduis:
louisa a écrit :L'essentiel de votre argument contre l'existence réelle de modes infinis médiats, c'est de dire que l'un des seuls endroits où Spinoza parle explicitement des modes infinis médiats dans l'Ethique, la P22, est une proposition "conditionnelle". Vous voulez dire par là qu'elle est de la forme "si A alors B". Vous dites que A n'est pas prouvé par cette même proposition, et que par conséquent B n'est pas prouvé non plus (ni par la P22, ni même dans le spinozisme en tant que tel). Idem en ce qui concerne la P21 (sauf qu'ici vous reconnaissez que par après Spinoza va démontrer QUEL est le mode infini immédiat de l'attribut de la Pensée).
Or que dit la proposition (prenons la 21 pour simplifier, puisque vous êtes d'accord pour dire que les deux sont "conditionnelles")? Elle dit que tout ce qui suit de la nature absolue d'un attribut doit être infini et doit exister nécessairement. La "condition" sous laquelle un mode infini existe nécessairement, c'est donc qu'il y a quelque chose qui suit réellement de la nature absolue d'un attribut. Par conséquent, pour obtenir la forme "si A alors B", il faut reformuler la proposition ainsi : "SI quelque chose suit de la nature absolue d'un attribut, ALORS ce quelque chose doit être infini et exister nécessairement", dit la P21.
Si donc vous dites que la condition ("A") sous laquelle cette proposition prouve l'existence de modes infinis n'est PAS prouvée par Spinoza, il faut pouvoir démontrer en quoi la thèse "quelque chose suit de la nature absolue d'un attribut" serait faux dans le spinozisme. Car c'est bien cela qui est la condition de vérité de la conclusion ("B", ou "est infini et existe nécessairement").
Or si j'ai bien compris ce n'est pas ce que vous faites. Vous ne réfutez pas non plus les arguments que je donne pour prouver la vérité de A (vous dites juste que par après, Spinoza ne parle plus des modes infinis médiats mentionnés par les P22-23). C'est pourquoi je me demande quelle serait selon vous la condition ou prémisse de cette proposition, et pourquoi vous trouvez que celle-ci serait fausse dans le spinozisme. Autrement dit, par quoi plus précisément remplaceriez-vous les "A" et "B" dans "si A alors B", si ce n'est pas par ce que je viens de faire moi-même, et pour quelle raison cet A serait-il faux dans le spinozisme?
Pour résumer:
- nous sommes d'accord pour dire que les P21 et P22 peuvent être lues comme étant de la forme "si A alors B", comme vous l'avez proposé.
- nous sommes d'accord pour dire que dans ce cas, la vérité réelle de B n'est prouvée que si celle de A est prouvée, tandis que ni la P21 ni la P22 ne prouve A.
- or je vous ai donné la preuve de A, dans un raisonnement somme toute assez court (je veux bien le copier encore une fois si vous ne le retrouvez pas)
- jusqu'à présent, vous n'avez ni donné la preuve de la fausseté de A, ni la preuve de la fausseté de mon raisonnement qui mène à la conclusion que A est vraie. C'est pourquoi, à mon sens, pour l'instant on n'avance pas trop ... .
Cordialement,
L.
(message ré-édité une fois à 19h23)