Du sentiment même de soi.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar sescho » 27 oct. 2008, 21:39

hokousai a écrit :S' il y a infinité des attributs il y a infinités des modes infinis , où bien seuls les attributs pensée et étendue ont un mode infini . (des infinis médiats il n’en parle pas hors la figure du tout de l’univers qui n’est pas spécifique à la pensée ).bref ….

Donc, comme vous semblez l'avoir noté, il ne s'agit pas d'une infinité de modes immédiats liée à l'infinité des attributs (sur cela je suis parfaitement d'accord), il s'agit d'une infinité de soi-disant modes infinis "médiats" dans un seul et même attribut (le terme de "médiat" dit qu'ils seraient entre les modes infinis immédiats et les choses particulières, ce qui pour un esprit qui privilégie la Raison est inacceptable s'il y en a infinité.) Quant à l'individu que constitue la Nature de E2L7, ou la lettre 64 à Schuller qui lui correspond ("la face de l’univers entier, qui reste toujours la même, quoiqu’elle change d’une infinité de façons. Voyez, sur ce point, le Scholie du Lemme 7, avant la Propos. 14, part. 2"), je ne vois pas ce qui permet parler sans sérieuse démonstration de mode infini ("nécessaire" et "change" sent plutôt la grosse contradiction, même... et le "poursuivre le raisonnement à l'infini" de E2L7, comme l'"infinité de façons" n'ont pas le même sens.)

hokousai a écrit :Le problème : on a un mode infini immédiat et des modes finis de la pensée .

Ou bien l’infini n’enveloppe pas le fini et l'entendement infini ne pense pas des idées finies (quel entendement les pense ?).

Ou bien l’infini enveloppe le fini mais par une procédure d’enveloppement inconnue/ non spécifiée à ce moment de l’ Ethique où les choses singulières finies apparaissent prop 25/1..
bis repetita quel entendement pense le fini ?

A mon avis c’est l'entendement humain
Il faut dégager l’infini car il faut établir un lien (un enveloppement ) entre l’infinitude affirmée du mode infini immédiat et le fini.

Je récuse totalement que Spinoza laisse entendre (je n'ai pas vu l'ombre d'une explication à la hauteur de E5P40S pour l'instant et son libellé même l'exclut) que l'entendement divin serait égal à la somme des entendements humains (et animaux ; il en parle) même sommés sur l'étendue infinie du temps. L'idée me semble en plus totalement saugrenue.

L'infini enveloppe le fini. Dieu a l'idée de lui-même et de tout ce qui en découle nécessairement : une idée parfaitement simple qui est aussi son essence. Ce n'est que quand des choses singulières viennent à l'existence que leurs idées viennent aussi à l'existence. Là seulement apparaît l'homme tel que nous le concevons. Il est seulement l'idée d'un certain corps, et encore cela ne lui donne-t-il en première instance que des idées inadéquates de lui-même et des choses (E2P23 et suiv.)

Sur l'ordre ontologique, c'est sur une grande puissance d'esprit, me semble-t-il, qu'il faut compter. Pas facile, donc... Il y a, je pense, deux "sauts quantiques" (j'entends par-là qu'il y a une nécessité logique, mais incomplète.) Le premier entre la substance sans forme - qui seule existe par elle-même, qui est l'ensemble des dimensions de l'être (et de l'existence), savoir les attributs - et l'énergie animante, vue en général (le Mouvement, dont un parallèle est l'Entendement infini ou Idée de Dieu.) La seconde ne peut se concevoir que dans la première : c'est une animation, une manière de se révéler de la première, manière qui est nécessaire, donc d'une durée infinie, et sans aucun changement : par exemple, le Mouvement reste le Mouvement. L'essence du Mouvement dans l'Etendue comprend ses propres lois, et par-là toutes les essences des modes (existant ou non) qui découlent de ces lois. Le Mouvement ne pouvant être conçu que dans l'Etendue, comme manifestation de l'Etendue, son essence DOIT y être incluse. Rien d'autre n'est acceptable, car le Mouvement n'est qu'une manière d'être étendu. C'est ainsi que la forme prend racine dans le sans forme. Toutefois, le Mouvement n'existe pas par lui-même mais par l'Etendue, et de l'autre côté il n'est pas encore la forme existant en acte...

Le second "saut quantique" est entre le Mouvement et les corps existant en acte - ou parallèlement entre l'Entendement infini et les idées en acte. La nécessité (de l'existence du) du Mouvement (non par lui-même mais par sa cause) ne se transmet pas aux modes finis (E1P21 à E1P28 dont je tente de discuter avec Louisa.)

C'est ainsi que toutes les essences sont en Dieu ; mais le statut de l'existence de chacun des êtres imbriqués change à chaque niveau.

Les corps naissent du Mouvement, d'où l'interdépendance et l'impermanence.

hokousai a écrit :Si l'esprit perçoit de manière très généralement inadéquate .
.L’entendement imaginant ( ayant des idées confuses) est- il pour autant fini ? Je ne le pense pas .Il est dans une activité de mise en relation infinie des concepts .

Lorsqu’il a une idée adéquate une idée vraie est-il alors fini ? il me semble que ce que Spinoza dit par » sous une espèce d’éternité » signifie l’infinité des idée adéquates . Ces idée sont parfaites ( sic) elles ne renvoient à rien mais ne sont pas rien .(pour tout dire il me semble que pur Spinoza certaines certitudes sont infinies )

Le point est délicat, mais je pense "intuitivement" que c'est exact. Elles atteignent l'essence de Dieu, qui est éternelle et donc pas liée à l'existence de tel ou tel corps. Leur côté "fini" est peut-être simplement une marque des limites de l'esprit humain. Quand nous aurons vu cela clairement, si cela doit advenir, nous ne serons pas loin de la béatitude spinozienne, je pense... Je pense que nous aurons l'occasion d'approfondir (cette petite question sur le "Moi" en est en fait une bien grande...)

Amicalement

Serge
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Messagepar Louisa » 27 oct. 2008, 22:17

Sescho a écrit :le terme de "médiat" dit qu'ils seraient entre les modes infinis immédiats et les choses particulières


je ne crois pas que cette interprétation du terme "médiat" corresponde à l'usage qu'en fait Spinoza. Il n'utilise ce terme qu'en l'E1P23, et l'oppose à "immédiat". Ce qui distingue les deux, c'est que le mode infini immédiat suit directement (c'est-à-dire sans intermédiaire) de la nature même de Dieu, tandis que le mode infini médiat a les mêmes caractères d'infinité et d'éternité, mais il ne suit de la nature de l'attribut qu'en tant que cette nature est modifiée par un mode infini immédiat. Il y a donc "médiatisation" entre la nature absolu d'un attribut et le mode infini médiat, et le moyen terme est précisément le mode infini immédiat.

Je ne vois pas ce qui permettrait de dire que chez Spinoza, lorsqu'il parle des modes infinis qui ne suivent que médiatement de la nature absolue d'un attribut, il parle en fait de modes qui seraient eux-mêmes des "médiatisations" entre un mode infini immédiat d'une part, et les modes finis d'autre part. Non seulement Spinoza n'en parle jamais en ces termes, j'avoue qu'à mon sens cette hypothèse est hautement improbable, précisément parce que la démonstration de l'E1P21 peut en principe être appliqué à l'infini: c'est alors qu'on obtient éventuellement une infinité de modes infinis médiats, mais RIEN n'indique que du coup on sauterait d'un mode infini médiat à un mode fini. Au contraire même, Spinoza dit littéralement dans l'E1P28 que les modes finis ne peuvent suivre QUE de modes finis. Comme il le dit dans la démonstration:

"Or cela (= chose singulière finie, louisa) n'a pu suivre non plus de Dieu, ou d'un attribut de Dieu, en tant qu'il est affecté d'une modification qui est éternelle et infinie (par la prop.22). Cela a donc dû suivre, ou être déterminé à exister et à opérer, de Dieu ou d'un attribut de Dieu en tant qu'il est modifié par une modification qui est finie et a une existence déterminée."

Ici il réfère donc explicitement aux modes infinis médiats de la P22, pour dire que JAMAIS un tel mode ne peut produire un mode fini. Les modes infinis médiats ne sont donc pas des intermédiaires entre le mode infini immédiat et des modes finis.
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Messagepar hokousai » 28 oct. 2008, 00:40

à SErge

Quant à l'individu que constitue la Nature de E2L7, ou la lettre 64 à Schuller qui lui correspond …je ne vois pas ce qui permet parler sans sérieuse démonstration de mode infini


dans la lettre Spinoza parle d’ un exemple du deuxième genre on en a conclu mode infini médiat … la demonst de pro 23/1 dit :vel mediante aliqua modificatione…que necessario et infinita existit

Je récuse totalement que Spinoza laisse entendre (je n'ai pas vu l'ombre d'une explication à la hauteur de E5P40S pour l'instant et son libellé même l'exclut) que l'entendement divin serait égal à la somme des entendements humains (et animaux ;


D’autant plus d’accord avec vous que je n’ai rien dit dans ce sens là .

Vous me dites"" L'infini enveloppe le fini""
. C’est justement là où est le problème . Si est dites finie ce qui peut être bornée par une autre chose de même nature alors le fini ne peut être borné par l’infini . Puisqu’il doit s’agir de bornes finies,l’enveloppement du fini par l’infini est impensable l’infini ne peut constituer en rien une borne finie du fini .
Je ne fais que reposer le problème
( les tentatives de solutions que je proposais ne sont peut être pas dans le texte de Spinoza mais sont ce que je peux provisoirement penser du problème

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Messagepar sescho » 31 oct. 2008, 17:14

Louisa a écrit :Ici il réfère donc explicitement aux modes infinis médiats de la P22, pour dire que JAMAIS un tel mode ne peut produire un mode fini. Les modes infinis médiats ne sont donc pas des intermédiaires entre le mode infini immédiat et des modes finis.

Oui cela c’était déjà très clair, comme pas mal d’autres points évidents que tu répètes ou que j’ai moi-même mis en avant (comme l’infinité logique par E1P22, s’ils existaient, des soi-disant « modes infinis médiats » ; en passant je n’ai pas vu ce dernier adjectif chez Spinoza, mais admettons…) On tourne en rond…

Tu pars du fait que les soi-disant « mode infinis médiats » existent effectivement, ce que je conteste, et tu prétend consolider cela par le fait que Spinoza n’en dit rien (et donc évidemment en quelques termes que ce soit :woh:)…

E1P22, qui, quoique sa démonstration soit virtuellement identique à celle de E1P21, ne comporte, elle, aucun exemple ; et pour cause à mon avis…

Et en plus cette « infinité de modes infinis médiats » qui existerait ne se situerait pour autant pas (mais c’est vrai, comme je l’ai dit, qu’avec une infinité, c’est effectivement mal parti) dans l’ordre ontologique, qui va de la substance sans forme aux choses particulières. Mais c’est totalement illogique : comment un mode qui suit immédiatement du Mouvement ne s’intercalerait pas entre ce dernier et les choses singulières, alors qu’il est clair que celles-ci suivent du Mouvement, tant logiquement que chez Spinoza ?

Je ne vois pas comment on peut prétendre être interprète fidèle de Spinoza en n’ayant en main rien d’autre qu’un pinaillage plus ou moins contestable sur tel ou tel point de logique (je ne dis pas que ce n’est pas nécessaire pour comprendre certains point, mais certainement pas seul, avec rien à côté.) Spinoza ne donne pas dans les fioritures de l’érudition stérile : il va au plus droit possible, dans l’ordre logique, en partant de l’essentiel et se sert pour cela du rasoir d’Occam - par le côté qui tranche -, du principe d’économie qui est économie de principes. Le verbe haut sans la moindre concession de fond avec moins qu’une feuille de vigne pour tout vêtement… Un peu de décence quand-même ! :-)

Maintenant, si tu peux démontrer que le facies totus universi est un mode nécessaire et infini, nous aurons peut-être le premier de l’infinité…

Il y a aussi à déterminer de quoi suivent les choses particulières. Mais bon il est clair comme de l’eau de roche dans le texte de Spinoza que c’est des modes infinis (« immédiats, » mais il n’y en a pas d’autres.)

Spinoza a écrit :CT1Ch3 : … 5° Dieu est cause principale de ses œuvres, de celles qu’il a créées immédiatement, par exemple du mouvement dans la matière : auquel cas les causes secondes ne peuvent avoir aucune action, puisqu'elles ne se manifestent que dans les choses particulières, par exemple, lorsqu'un vent violent vient à dessécher la mer, et ainsi de toutes les choses particulières. Il ne peut pas y avoir eu une cause secondaire déterminante parce qu'il n'y a rien en dehors de lui qui puisse le contraindre à l'action. La cause initiale, ici, c'est sa perfection, par laquelle il est cause de lui-même et par conséquent de toutes choses.
6° Dieu est encore la seule cause première et initiale, comme il résulte de la précédente démonstration.
7° Dieu est aussi cause générale, mais en tant seulement qu'il produit une infinité d’œuvres variées ; en un autre sens, il ne pourrait être ainsi désigné, car il n'a besoin de rien pour produire des effets.
8° Dieu est cause prochaine des choses infinies et immuables, que nous disons immédiatement créées par lui ; mais il est aussi cause dernière, et cela par rapport à toutes les choses particulières.

CT2PréNote : … 7. Toute chose particulière qui arrive à l’existence réelle, devient telle par le mouvement ou par le repos ; et c'est ainsi (c'est-à-dire par le mouvement et le repos) que se produisent tous les modes dans la substance étendue que nous nommons des corps.

CT2Ch8 : … La nature naturée se divisera en deux parties, l’une générale, l’autre particulière. La première se compose de tous les modes qui dépendent immédiatement de Dieu (nous en traiterons dans le chapitre suivant) ; la seconde consiste dans les choses particulières qui sont causées par les modes généraux, de telle sorte que la nature naturée, pour être bien comprise, a besoin d'une substance.

CTApp1P4Dm : … les choses que nous voyons autour de nous … avant d'exister, étaient contenues en puissance dans l’idée de l’étendue, du mouvement et du repos


Serge
Modifié en dernier par sescho le 31 oct. 2008, 21:50, modifié 1 fois.
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Messagepar sescho » 31 oct. 2008, 17:51

En prime, les propositions en question en traduction Pautrat :

Spinoza a écrit :E1P16 : De la nécessité de la nature divine doivent suivre une infinité de choses d'une infinité de manières (c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous un intellect infini).

DÉMONSTRATION : Cette Proposition doit être évidente à chacun, pourvu qu'il prête attention à ceci : étant donnée la définition d'une chose quelconque, l'intellect en conclut plusieurs propriétés, lesquelles, en vérité, en découlent nécessairement (c'est-à-dire de l'essence même de la chose), et d'autant plus de propriétés que la définition de la chose exprime plus de réalité, c'est-à-dire que l'essence de la chose enveloppe plus de réalité. Et, comme la nature divine a des attributs en nombre absolument infini (par la Défin. 6), dont chacun également exprime une essence infinie en son genre, de sa nécessité doivent donc nécessairement suivre une infinité de choses d'une infinité de manières (c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous un intellect infini). CQFD.

COROLLAIRE I : De là suit (I) que Dieu, de toutes les choses qui peuvent tomber sous un intellect infini, est la cause efficiente.

COROLLAIRE II : Il suit (II) que Dieu est cause par soi, et non par accident.

COROLLAIRE III : Il suit (III) que Dieu est, absolument, cause première.

E1P18 : Dieu est de toutes choses cause immanente, et non transitive.

DÉMONSTRATION : Tout ce qui est est en Dieu et doit se concevoir par Dieu (par la Prop. 15), et par suite (par le Coroll. 1 Prop. 16) Dieu, des choses qui sont en lui-même, est la cause, ce qui était le premier point. Ensuite, en dehors de Dieu il ne peut y avoir de substance (par la Prop. 14), c'est-à-dire (par la Défin. 3) de chose qui en dehors de Dieu soit en soi, ce qui était le second. Dieu donc est de toutes choses cause immanente, et non transitive. CQFD.

E1P21 : Tout ce qui suit de la nature absolue d'un attribut de Dieu a dû exister toujours et être infini, autrement dit est, par cet attribut, éternel et infini.

DÉMONSTRATION : Conçois, si c'est possible (et au cas où tu le nierais), que dans un attribut de Dieu il suive de sa nature absolue quelque chose de fini, et ayant une existence ou durée déterminée, par ex. l'idée de Dieu dans la pensée. Or la pensée, puisqu'on la suppose un attribut de Dieu, est nécessairement (par la Prop. 11) de sa nature infinie. Mais, en tant qu'elle a l’idée de Dieu, on la suppose finie. Or (par la Défin. 2) elle ne peut se concevoir comme finie que si elle est bornée par la pensée elle-même. Mais non par la pensée elle-même en tant qu'elle constitue l'idée de Dieu, car, en tant que telle, on la suppose finie : C'est donc par la pensée en tant qu'elle ne constitue pas l'idée de Dieu, laquelle pourtant (par la Prop. 11) doit exister nécessairement : Il y a donc une pensée qui ne constitue pas l'idée de Dieu, et c'est pourquoi de sa nature, en tant qu’elle est pensée absolue, ne suit pas nécessairement l'idée de Dieu. (On la conçoit en effet comme constituant et ne constituant pas l’idée de Dieu.) Ce qui est contre l'hypothèse. Et donc, si l'idée de Dieu dans la pensée, ou quelque chose (il en va de même quoi qu'on prenne, puisque la démonstration est universelle) dans un attribut de Dieu, suit de la nécessité absolue de la nature de cet attribut, ce quelque chose doit être nécessairement infini ; ce qui était le premier point.
Ensuite, ce qui suit ainsi de la nécessité de nature d'un attribut ne peut avoir d'existence, autrement dit de durée, déterminée. Car, si tu le nies, suppose qu'une chose qui suit de la nécessité de nature d'un attribut se trouve dans un attribut de Dieu, par ex. l'idée de Dieu dans la pensée, et suppose qu'il y ait un temps où elle n'ait pas existé, ou bien aille ne plus exister. Et comme on suppose que la pensée est un attribut de Dieu, elle doit exister à la fois nécessairement, et immuablement (par la Prop. 11 et le Coroll. 2 Prop. 20). Et donc au-delà des limites de la durée de l'idée de Dieu (on suppose en effet qu'il y a un temps où elle n'existait pas, ou bien où elle n'existera pas) la pensée devra exister sans l'idée de Dieu ; or cela est contraire à l'hypothèse ; on suppose en effet que, étant donné la pensée, il en suit nécessairement l'idée de Dieu. Donc l'idée de Dieu dans la pensée, ou quelque chose qui suit nécessairement de la nature absolue d'un attribut de Dieu, ne peut avoir de durée déterminée ; mais, par cet attribut, ce quelque chose est éternel, ce qui était le second point. Remarque que l'on doit affirmer la même chose de toute chose qui, dans un attribut de Dieu, suit nécessairement de la nature absolue de Dieu.

E1P22 : Tout ce qui suit d'un attribut de Dieu, en tant qu'il a été modifié d'une telle modification, qui, par cet attribut, existe nécessairement et comme infinie, doit aussi exister nécessairement et comme infini.

DÉMONSTRATION : La démonstration de cette Proposition procède de la même manière que la démonstration de la précédente.

E1P23 : Toute manière qui existe nécessairement et comme infinie a dû suivre nécessairement, soit de la nature absolue d'un attribut de Dieu, soit d'un attribut modifié d'une modification qui existe nécessairement et comme infinie.

DÉMONSTRATION : En effet, cette manière est en autre chose, par quoi elle doit se concevoir (par la Défin. 5), c'est-à-dire (par la Prop. 15) qu'elle est en Dieu seul, et peut se concevoir par Dieu seul. Si donc l'on conçoit qu'une manière existe nécessairement, et est infinie, l'une et l'autre propriété doivent nécessairement se conclure, autrement dit se percevoir, par un attribut de Dieu, en tant que ce même attribut est conçu exprimer l'infinité et la nécessité de l'existence, autrement dit (c'est, par la Défin. 8, la même chose) l'éternité, c'est-à-dire (par la Défin. 6 et la Prop. 19) en tant qu'on le considère absolument. Donc une manière qui existe nécessairement et comme infinie, a dû suivre de la nature absolue d'un attribut de Dieu ; et cela soit immédiatement (là-dessus, Prop. 21), soit moyennant une modification qui suit de sa nature absolue, c'est-à-dire (par la Prop. précéd.) qui existe nécessairement et comme infinie. CQFD.

E1P24 : Des choses produites par Dieu l'essence n'enveloppe pas I'existence.

DÉMONSTRATION : C’est évident à partir de la Définition 1. En effet, ce dont la nature (considérée en soi) enveloppe l'existence est cause de soi, et existe par la seule nécessité de sa nature.

COROLLAIRE : De là suit que Dieu n'est pas seulement la cause que les choses commencent d'exister ; mais aussi qu'elles persévèrent dans l'exister, autrement dit (pour user d'un terme Scolastique) Dieu est causa essendi des choses. Car, que les choses existent ou qu'elles n'existent pas, chaque fois que nous prêtons attention à leur essence, nous trouvons qu'elle n’enveloppe ni existence ni durée, et par suite leur essence ne peut être la cause de leur existence ni de leur durée, mais seulement Dieu, à la seule nature de qui appartient d'exister (par le Coroll. 1 Prop. 14).

E1P25 : Dieu n’est pas seulement cause efficiente de l'existence des choses mais aussi de leur essence.

DÉMONSTRATION : Si tu le nies, Dieu n'est donc pas cause de l'essence des choses ; et par suite (par l’axiome 4) l'essence des choses peut se concevoir sans Dieu : or cela (par la Prop. 15) est absurde. Donc Dieu est cause également de l'essence des choses. CQFD.

SCOLIE : Cette Proposition suit plus clairement de la Proposition 16. Il suit d'elle en effet qu'étant donnée la nature divine, tant l'essence des choses que leur existence doivent s'en conclure nécessairement ; et, pour le dire d'un mot, au sens où Dieu est dit cause de soi, il faut le dire aussi cause de toutes choses, ce que va établir plus clairement encore le Corollaire suivant.

COROLLAIRE : Les choses particulières ne sont rien que des affections des attributs de Dieu, autrement dit des manières par lesquelles les attributs de Dieu s'expriment de manière précise et déterminée. La démonstration est évidente à partir de la Proposition 15, et de la Définition 5.

E1P26 : Une chose qui est déterminée à opérer quelque chose y a nécessairement été déterminée par Dieu ; et une chose qui n'est pas déterminée par Dieu ne peut se déterminer elle-même à opérer.

DÉMONSTRATION : Ce par quoi les choses sont dites déterminées à opérer quelque chose est nécessairement quelque chose de positif (comme il va de soi). Et par suite Dieu, par la nécessité de sa nature, en est la cause efficiente, tant de son essence que de son existence (par les Prop. 25 et 16) ; ce qui était le premier point. D'où suit aussi très clairement ce qu'on proposait en second. Car, si une chose qui n'est pas déterminée par Dieu pouvait se déterminer elle-même, la première partie de cette Proposition serait fausse, ce qui est absurde, comme nous l'avons montré.

E1P28 : Tout singulier, autrement dit toute chose qui est finie, et a une existence déterminée, ne peut exister, ni être déterminée à opérer, à moins d'être déterminée à exister et à opérer par une autre chose, qui elle aussi est finie et a une existence déterminée : et à son tour cette cause ne peut pas non plus exister, ni être déterminée à opérer, à moins d'y être déterminée par une autre qui elle aussi est finie et a une existence déterminée, et ainsi à l'infini.

DÉMONSTRATION : Tout ce qui est déterminé à exister et à opérer y est déterminé par Dieu (par la Prop. 26 et le Coroll. Prop. 24). Or ce qui est fini, et a une existence déterminée, n'a pu être produit par la nature absolue d’un attribut de Dieu ; car tout ce qui suit de la nature absolue d'un attribut de Dieu est infini et éternel (par la Prop. 21). Il a donc fallu que cela suive de Dieu, ou d'un attribut de Dieu, en tant qu'on le considère affecté d'une certaine manière ; car à part la substance et les manières il n'y a rien (par l'Axiome 1 et les Défin. 3 et 5), et les manières (par le Coroll. Prop. 25) ne sont rien que les affections des attributs de Dieu. Or cela n'a pu suivre non plus de Dieu, ou d'un attribut de Dieu, en tant qu'il est affecté d'une modification qui est éternelle et infinie (par la Prop. 22). Cela a donc dû suivre, ou être déterminé à exister et à opérer, de Dieu ou d'un attribut de Dieu en tant qu'il est modifié par une modification qui est finie et a une existence déterminée. Ce qui était le premier point. Ensuite, cette cause à son tour, autrement dit cette manière (pour la même raison qui nous a servi à démontrer la première partie de cette Proposition), a dû aussi être déterminée par une autre, qui elle aussi est finie et a une existence déterminée, et à son tour cette dernière (pour la même raison) par une autre, et ainsi toujours (pour la même raison) à l’infini. CQFD.

SCOLIE : Comme certaines choses ont dû être produites immédiatement par Dieu, j’entends celles qui suivent nécessairement de sa nature absolue, et, moyennant ces premières, d'autres qui ne peuvent pourtant ni être ni se concevoir sans Dieu ; de là suit (I) que Dieu, des choses produites immédiatement par lui, est la cause absolument prochaine ; et non en son genre, comme ils disent. Car les effets de Dieu ne peuvent ni être ni se concevoir sans leur cause (par la Prop. 15 et le Coroll. Prop. 24). Il suit (II) que Dieu ne peut être proprement dit cause lointaine des choses singulières, sinon peut-être pour nous permettre de les distinguer de celles qu'il a produites immédiatement, ou plutôt qui suivent de sa nature absolue. Car par cause lointaine nous entendons une cause telle qu’elle n’est d’aucune manière conjointe à son effet. Or tout ce qui est est en Dieu, et dépend tellement de Dieu que rien ne peut sans lui être ni se concevoir.



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Messagepar Louisa » 31 oct. 2008, 18:37

Sescho a écrit :
Louisa a écrit :
Ici il réfère donc explicitement aux modes infinis médiats de la P22, pour dire que JAMAIS un tel mode ne peut produire un mode fini. Les modes infinis médiats ne sont donc pas des intermédiaires entre le mode infini immédiat et des modes finis.


Oui cela c’était déjà très clair, comme pas mal d’autres points évidents que tu répètes ou que j’ai moi-même mis en avant (comme l’infinité logique par E1P21, s’ils existaient, des soi-disant « modes infinis médiats » ; en passant je n’ai pas vu ce dernier adjectif chez Spinoza, mais admettons…) On tourne en rond…


Cher Sescho,

j'avoue que je suis un peu déçue par votre réponse. Ou en tout cas, l'impression d'un "dialogue de sourds" pour l'instant est clairement réciproque. Je ne vois qu'un moyen d'essayer d'en sortir, c'est d'essayer de vous dire en quoi pour moi ce que vous me répondez est à côté de la plaque. Si vous voulez bien, vous pourrez faire la même chose en ce qui concerne mon message ici, et alors on comprendra peut-être mieux pourquoi nous avons tous les deux le sentiment que la réponse de l'autre est tout à fait insatisfaisante.

Commençons par ce que vous dites ci-dessus. Je vous donne tout un raisonnement, dont la conclusion réfute une thèse que vous venez de proposer. Vous ne contestez pas la validité de l'argumentation, pire même, vous n'en parlez simplement pas, vous vous contentez de ne donner un commentaire que sur ce avec quoi vous êtes d'accord, commentaire, qui plus est, qui consiste uniquement à dire cela (que nous sommes d'accord là-dessus). Puis vous y ajoutez que comme vous le trouvez aussi, j'aurais dû omettre cela de mon raisonnement ... comme si un raisonnement peut tenir la route si l'on enlève d'abord tout ce qui est censé être vrai .. ???

Bref, je ne comprends pas la pertinence de l'"objection" que vous venez de faire. On ne peut pas réfuter une argumentation en disant qu'avec tel et tel point on est d'accord et qu'on aurait donc pu l'omettre. Il faut discuter de ce dont on n'est PAS d'accord, et essayer de dire POURQUOI. Or je ne sais toujours pas avec quel ARGUMENT que j'ai donné, vous n'êtes pas d'accord. Pour l'instant, j'ai juste compris que votre raisonnement vous fait conclure la thèse contraire ("les modes infinis médiats n'existent pas"), mais je n'ai pas encore lu le raisonnement qui vous permet d'arriver à une telle conclusion ... . Si donc vous avez l'impression que vous l'avez déjà donné, serait-il possible de le recopier, ou de le reformuler ou résumer? Merci!

Sescho a écrit :
Tu pars du fait que les soi-disant « mode infinis médiats » existent effectivement, ce que je conteste, et tu prétend consolider cela par le fait que Spinoza n’en dit rien (et donc évidemment en quelques termes que ce soit )…


je ne comprends pas comment vous pouvez lire ceci dans mes messages. A mon sens, ce dont nous discutons, c'est précisément de la PREUVE ou DEMONSTRATION de l'existence ou non des modes infinis médiats. Cette existence n'est PAS le point de départ de ce que j'ai écrit, c'en est la conclusion, donc le point d'arrivée. C'est bien la raison pour laquelle j'espère que vous allez réfuter la raisonnement qui mène à cette conclusion, sinon comment discuter de sa vérité ou fausseté .. ?

Puis bon, je vois encore moins comment vous pouvez dire que mon "raisonnement" consisterait dans le "fait" que Spinoza ne parle pas des modes infinis médiats ... . Comment pourrais-je vous demander de réfuter mes arguments qui permettent la déduction de leur existence, si je croyais que Spinoza ne parle PAS des modes infinis médiats ... ??? Rappelons que la SEULE personne ici qui a fait intervenir un argument du type "Spinoza ne parle pas de x", lorsqu'il s'agissait de prouver l'existence ou inexistence de x, c'était vous-même ... . Vous avez cité des propositions de Spinoza où effectivement il ne parlait pas des modes infinis médiats pour en déduire qu'ils n'existaient pas. Je vous ai répondu que ce procédé me semble être douteux, puisque bon, il est tout à fait évident qu'à d'AUTRES endroits, il en parle bel et bien ... . Par conséquent, pour savoir CE qu'il en dit, il faut bien se baser sur ces propositions-là, non ... ???

Sescho a écrit :E1P22, qui, quoique sa démonstration soit virtuellement identique à celle de E1P21, ne comporte, elle, aucun exemple ; et pour cause à mon avis…


la P21 dit clairement que la démonstration vaut pour n'IMPORTE QUEL exemple. La démonstration ne donne la preuve d'AUCUN mode infini précis (il ne s'agit que d'une réduction par l'absurde). Elle ne permet surtout pas d'en conclure que "l'idée de Dieu" serait un mode infini. Vous trouverez les arguments de ce que je dis ici dans l'autre fil de discussion, qui porte précisément sur cette démonstration, donc si vous interprétéz différemment le mouvement même de cette démo, je ne peux que vous inviter à réfuter les arguments qui se trouvent là-bas.

Sescho a écrit :Et en plus cette « infinité de modes infinis médiats » qui existerait ne se situerait pour autant pas (mais c’est vrai, comme je l’ai dit, qu’avec une infinité, c’est effectivement mal parti) dans l’ordre ontologique, qui va de la substance sans forme aux choses particulières.


qui, selon vous, a prétendu cela? Et en quoi cela a-t-il quelque chose à voir avec la question de savoir si le mode infini médiat existe réellement ou non? Car si la question est de savoir si un mode infini médiat existe ou non, il faut pouvoir montrer qu'il en existe au moins un. C'est exactement ce que j'ai fait, jusqu'à présent. La question de savoir s'il en existe une infinité ou non est une AUTRE question.

Sescho a écrit :Mais c’est totalement illogique : comment un mode qui suit immédiatement du Mouvement ne s’intercalerait pas entre ce dernier et les choses singulières, alors qu’il est clair que celles-ci suivent du Mouvement, tant logiquement que chez Spinoza ?


je vous renvoie à ce que vous venez d'accorder ci-dessus: JAMAIS un mode fini ne peut suivre d'un mode infini. Les modes infinis ne sont donc PAS des intermédiaires entre l'attribut et les choses singulières ... .

Puis j'avoue ne pas très bien comprendre ce que vous dites. Il y aurait selon vous un mode qui suit immédiatement du "Mouvement"? Mais ce serait quoi le "Mouvement", dans le spinozisme? Pour autant que je sache, Spinoza parle d'un attribut de l'Etendue, et d'un mode infini de "mouvement et de repos" qui en suit immédiatement. C'est cela le mode infini immédiat, dans le jargon technique des commentateurs. Tout mode qui suit de ce mode infini immédiat (donc tout mode qui suit du mode infini qu'est le mouvement et le repos), doit lui-même aussi être infini (et éternel), dit la P22. Comment voulez-vous alors qu'un mode FINI ou une chose singulière finie pourrait suivre de ces modes infinis ... ?

Sescho a écrit :Je ne vois pas comment on peut prétendre être interprète fidèle de Spinoza en n’ayant en main rien d’autre qu’un pinaillage plus ou moins contestable sur tel ou tel point de logique (je ne dis pas que ce n’est pas nécessaire pour comprendre certains point, mais certainement pas seul, avec rien à côté.) Spinoza ne donne pas dans les fioritures de l’érudition stérile : il va au plus droit possible, dans l’ordre logique, en partant de l’essentiel et se sert pour cela du rasoir d’Occam - par le côté qui tranche -, du principe d’économie qui est économie de principes. Le verbe haut sans la moindre concession de fond avec moins qu’une feuille de vigne pour tout vêtement… Un peu de décence quand-même !


oui oui, tout cela me va très bien. Pas de problème. Seulement, il faudra bien choisir: ou bien on se base sur les règles du raisonnement rationnel pour fonder nos interprétations dans le texte même, ou bien on est obligé à s'en tenir à un simple "moi je pense ceci, je SENS que je dois avoir raison, et cela me suffit amplement". SI l'on est d'accord pour discuter rationnellement, ALORS on ne peut pas se contenter de réfuter un argument en disant simplement qu'il s'agit de "discutailler" et que dès lors on ne va rien en dire. Ou bien l'argument est faux, ou bien il est vrai. S'il est faux, d'un point de vue de la raison il DOIT être possible de le réfuter rationnellement, au lieu d'en éviter la discussion. Si vous me répondez simplement par une fin de non recevoir dès qu'il s'agit d'argumenter, pour moi c'est un peu comme si vous restez au bord de la piscine, sans vous "mouiller" vraiment ... .

Sescho a écrit :Maintenant, si tu peux démontrer que le facies totus universi est un mode nécessaire et infini, nous aurons peut-être le premier de l’infinité…


c'est encore confondre deux questions ... la question de savoir si dans le spinozisme le mode infini médiat existe, et la question de savoir QUEL pourrait être ce mode infini médiat, ce sont bel et bien deux questions différentes, qui demandent des démonstrations différentes. Pour moi, la deuxième question n'a du sens qu'une fois résolue la première. Car si vous réussissez à réfuter mon raisonnement qui prouve l'existence nécessaire des modes infinis médiats, la deuxième question n'a plus de sens. Elle n'a de sens que si l'on a d'abord pu établir rationnellement que les modes infinis médiats existent. Raison pour laquelle j'espère vraiment que vous allez me dire non pas ce qui pour vous semble être évident dans mon raisonnement, mais surtout ce qui là-dedans pour vous ne l'est PAS, et pour quelle raison vous pensez que tel ou tel argument est faux.

J'ai essayé de rendre ce débat possible dans mon dernier message à ce sujet, que pour faciliter les choses je reproduis:

louisa a écrit :L'essentiel de votre argument contre l'existence réelle de modes infinis médiats, c'est de dire que l'un des seuls endroits où Spinoza parle explicitement des modes infinis médiats dans l'Ethique, la P22, est une proposition "conditionnelle". Vous voulez dire par là qu'elle est de la forme "si A alors B". Vous dites que A n'est pas prouvé par cette même proposition, et que par conséquent B n'est pas prouvé non plus (ni par la P22, ni même dans le spinozisme en tant que tel). Idem en ce qui concerne la P21 (sauf qu'ici vous reconnaissez que par après Spinoza va démontrer QUEL est le mode infini immédiat de l'attribut de la Pensée).

Or que dit la proposition (prenons la 21 pour simplifier, puisque vous êtes d'accord pour dire que les deux sont "conditionnelles")? Elle dit que tout ce qui suit de la nature absolue d'un attribut doit être infini et doit exister nécessairement. La "condition" sous laquelle un mode infini existe nécessairement, c'est donc qu'il y a quelque chose qui suit réellement de la nature absolue d'un attribut. Par conséquent, pour obtenir la forme "si A alors B", il faut reformuler la proposition ainsi : "SI quelque chose suit de la nature absolue d'un attribut, ALORS ce quelque chose doit être infini et exister nécessairement", dit la P21.

Si donc vous dites que la condition ("A") sous laquelle cette proposition prouve l'existence de modes infinis n'est PAS prouvée par Spinoza, il faut pouvoir démontrer en quoi la thèse "quelque chose suit de la nature absolue d'un attribut" serait faux dans le spinozisme. Car c'est bien cela qui est la condition de vérité de la conclusion ("B", ou "est infini et existe nécessairement").

Or si j'ai bien compris ce n'est pas ce que vous faites. Vous ne réfutez pas non plus les arguments que je donne pour prouver la vérité de A (vous dites juste que par après, Spinoza ne parle plus des modes infinis médiats mentionnés par les P22-23). C'est pourquoi je me demande quelle serait selon vous la condition ou prémisse de cette proposition, et pourquoi vous trouvez que celle-ci serait fausse dans le spinozisme. Autrement dit, par quoi plus précisément remplaceriez-vous les "A" et "B" dans "si A alors B", si ce n'est pas par ce que je viens de faire moi-même, et pour quelle raison cet A serait-il faux dans le spinozisme?


Pour résumer:
- nous sommes d'accord pour dire que les P21 et P22 peuvent être lues comme étant de la forme "si A alors B", comme vous l'avez proposé.
- nous sommes d'accord pour dire que dans ce cas, la vérité réelle de B n'est prouvée que si celle de A est prouvée, tandis que ni la P21 ni la P22 ne prouve A.
- or je vous ai donné la preuve de A, dans un raisonnement somme toute assez court (je veux bien le copier encore une fois si vous ne le retrouvez pas)
- jusqu'à présent, vous n'avez ni donné la preuve de la fausseté de A, ni la preuve de la fausseté de mon raisonnement qui mène à la conclusion que A est vraie. C'est pourquoi, à mon sens, pour l'instant on n'avance pas trop ... .
Cordialement,
L.

(message ré-édité une fois à 19h23)

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Messagepar Louisa » 31 oct. 2008, 19:34

PS: je viens de constater que, contrairement à ce que j'ai dit ci-dessus, le lien vers la discussion de la démo de l'E1P21 ne se trouve pas dans le fil que Pourquoipas a ouvert récemment à ce sujet, mais à la page 9 de cette discussion-ci. Le voici donc:

http://spinozaetnous.org/ftopict-628.ht ... ca4ff1bfbc

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Messagepar sescho » 31 oct. 2008, 19:47

hokousai a écrit :Vous me dites"" L'infini enveloppe le fini""
. C’est justement là où est le problème . Si est dites finie ce qui peut être bornée par une autre chose de même nature alors le fini ne peut être borné par l’infini . Puisqu’il doit s’agir de bornes finies,l’enveloppement du fini par l’infini est impensable l’infini ne peut constituer en rien une borne finie du fini .

Une précision déjà : je n'entends pas "enveloppe" ici pour "implique" ; l'infini n'implique pas les modes ; il est impossible de les en déduire.

Je reprends l'exemple d'une onde de choc dans un volume d'eau. L'onde n'est pas sans l'eau (qu'on prend ici comme substance) ni ne se conçoit sans elle, mais l'eau se conçoit parfaitement sans onde, quoiqu'elle se manifeste en permanence dans des ondes diverses et variées. Si l'on prend acte que l'eau, bien qu'on la conçoive en elle-même sans cela, est agitée dans sa nature même par un Mouvement éternel qui est sa manifestation et le principe éternel des ondes diverses et variées, on obtient l'eau en mouvement éternel. Le Mouvement ne peut pas être considéré comme quelque chose qui est hors de l'eau, ou en plus de l'eau, bien qu'on conçoive l'eau sans mouvement. C'est là me semble-t-il un paradoxe irréductible, que j'appelle "saut quantique." Le Mouvement hérite de l'eau l'éternité, ou du moins la sempiternité, puisque lui ne peut être conçu en soi ; il n'est pas une substance. Le second "saut quantique" tient dans le "passage" du Mouvement sempiternel à ses effets qui ne le sont pas. Personnellement je fais assez facilement le lien ; mais il reste que le Mouvement ne communique pas à ses effets sa sempiternité. De même, pour autant, ses effets ne sauraient être considérés comme quelque chose de plus que le Mouvement.

On voit alors très bien comment le fini (qui "bouge" en permanence comme effet du Mouvement dans la substance) naît de l'infini ; on le voit d'autant mieux que le néant de l'Etendue n'existe pas et que l'Etendue reste donc infiniment étendue malgré (avec) le fini en son sein. Le fini est une manière d'exister, une manifestation, de l'infini.


Serge
Modifié en dernier par sescho le 31 oct. 2008, 21:43, modifié 1 fois.
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Messagepar Louisa » 31 oct. 2008, 20:10

A Sescho

Voici encore une fois, dans sa forme la plus simple et la plus pure possible, l'un des arguments fondamentaux qui prouvent l'existence réelle et nécessaire des modes infinis médiats, autrement dit des modifications infinies et éternelles des modifications infinies et éternelles de la nature absolue de l'attribut.

- E1P11 a prouvé que la nature absolue de Dieu existe, et l'E1P20 montre qu'il en découle immédiatement que les attributs sont eux aussi éternels (tandis que l'on sait qu'ils sont par nature infinis)
- E1P21 dit que tout ce qui suit de la nature absolue d'un attribut, doit être également infini et éternel
- E1P36 dit que de tout ce qui existe un effet soit suivre.

Conclusion: puisque la nature infinie et éternel de l'attribut existe, et que par conséquent elle doit nécessairement produire un effet, cet effet existe réellement. Or E1P21 prouve que tout effet produit immédiatement par la nature absolue de l'attribut, est lui aussi éternel et infini. Donc le mode infini immédiat existe nécessairement réellement.

Le raisonnement qui démontre l'existence réelle des modes infinis médiats est le même:

- on vient de démontrer que le mode infini immédiat existe réellement
- E1P36 démontre que tout ce qui existe réellement, produit nécessairement un effet
- E1P22 démontre que tout effet d'un mode infini immédiat doit être lui-même infini et éternel. Or l'effet d'un mode infini immédiat, c'est une modification de la modification éternelle et infinie de la nature absolue de l'attribut, autrement dit un mode "médiat" (appellation des commentateurs, qui se base sur l'E1P23, et qui n'est qu'une abréviation).

Conclusion: le mode médiat est lui aussi infini et éternel, et il existe nécessairement réellement.

Si vous contestez l'existence des modes infinis médiats, il suffit de réfuter ce raisonnement en montrant où se trouve selon vous l'erreur. Si vous ne voyez aucune erreur, mais vous pensez néanmoins que la conclusion est fausse et que la conclusion inverse est vraie, vous pouvez également essayer de formuler un raisonnement qui nous oblige à en tirer cette conclusion. A part ces deux possibilités-là, je ne vois pas très bien comment on pourrait trancher le débat (mais n'hésitez pas à en proposer une troisième, si cela vous semble être plus pertinent).
L.

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Messagepar sescho » 31 oct. 2008, 20:42

Louisa a écrit :... j'avoue que je suis un peu déçue par votre réponse. ...

Il ne faut pas, ma grande, il ne faut pas...

Louisa a écrit :Je vous donne tout un raisonnement, dont la conclusion réfute une thèse que vous venez de proposer.

Pour moi tu n'as rien réfuté du tout. Je peux éventuellement concéder une difficulté sur E1P22, mais c'est tout. Je ne cherche pas à ergoter sur un vague point de logique quand l'ensemble de l'œuvre de Spinoza me donne l'indication. J'ai peu de temps libre, et quand il s'agit de discuter avec toi, je pèse immédiatement son prix...

Tu me fais le même coup que précédemment : tu cherches à planter un petit clou à ta sauce quelque part, et tu refuses de discuter de quoi que ce soit d'autre, même quand c'est du Spinoza très explicite et recoupé, de portée générale, mais qui met grandement en cause ce que tu avances. Et puis j'ai une assez bonne mémoire ; ce "ton de prof." ridicule, ce vouvoiement subit, ... quand je me remémore ce que tu as pu sortir... Et pas la peine d'enchaîner tes protestations de bonne foi et autres sorties sur ce qui est "spinoziste" ou ce que sont les règles de la bonne Philosophie : comme d'autres sur le site, je juge non selon les dires mais selon les actes...

Et je ne dis pas le fond de ma pensée, parce que je ne suis pas sûr que cela te serve.

Tu veux que le "mode infini médiat" existe, eh bien soit, je le veux ; il y en a même une infinité par la logique récurrente de E1P22. Ils forment un monde parallèle qui n'entre pas dans l'ordre ontologique, dont Spinoza ne dit rien, qui ne lui servent qu'à nier que les choses particulières tiennent leur existence de la nature absolue d'un attribut ou d'un mode infini dans E1P28, et parle de tout le reste comme s'ils n'avaient aucune place.

Quant à moi, je vais retourner au statu quo dont je n'aurais pas dû sortir : ne pas discuter avec toi, sans pour autant laisser tes bêtises saturer le forum ni perdre quoi que ce soit de ma liberté d'expression. C'est définitif. Libre à toi de m'interpeller ; je ne répondrai pas... C'est toi qui vois...


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