Du sentiment même de soi.

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 12 oct. 2008, 13:29

Durtal a écrit :
Louisa a écrit : ceci touche à mon avis à l'essentiel de notre divergence: pour toi avoir une idée inadéquate signifie qu'il y a une confusion réelle entre mon Corps et le corps extérieur. Pour moi cette confusion n'existe que dans mon Esprit. Ce n'est que l'IDEE de mon affection qui enveloppe les deux corps.


Ce que je ne comprends pas c'est comment il peut y avoir une divergence possible là dessus à partir du moment où l'on admet la parité corps/esprit. Elle implique évidemment que s'il y a confusion dans l'esprit il y a de même confusion dans les corps....C'est un raisonnement (supposé qu'il ait admit la thèse de la parité psycho/physique) qu'un enfant de 5 ans comprendrait....


le parallélisme qu'on attribue traditionnellement à Spinoza dit que l'ordre et la connexion des choses sont les mêmes dans tous les attributs. Mais cela ne donne pas à chaque attribut les mêmes propriétés, sinon ils auraient suffisamment de choses en commun pour pouvoir produire un effet l'un sur l'autre, tandis que c'est précisément cela que le parallélisme interdit.

Qu'arrive-t-il par exemple selon Spinoza lors d'une affection d'un corps par un autre? Il l'explique dans les lemmes de l'E2: le corps affectant produit un mouvement dans certaines parties du corps affecté. Il s'agit d'une simple affaire de "chocs": l'un touche l'autre, le met en mouvement, et le corps affecté communique ces mouvements au reste du corps d'une telle façon que le corps affecté (si tout va bien) maintient son union qui caractérise l'Individu en question. On ne voit pas très bien où le corps affecté "envelopperait" le corps affectant ...

A mon avis, "envelopper" est dans le spinozisme un terme qui n'est propre qu'à l'attribut de la Pensée et à ses modes, et non pas à l'attribut de l'Etendue. Une idée peut envelopper une autre idée, ou la nature de quelque chose. Un corps non. A moins que tu aies déjà rencontré un endroit où Spinoza le dirait? Sinon je crois qu'il faut réserver l'enveloppement à la connaissance seule: la connaissance de l'effet, par exemple, enveloppe la connaissance de la cause. Cela ne veut pas dire que l'effet a d'office une connaissance claire et distincte de la cause... sinon on serait tous omniscients et parfaitement béats ... . Lorsqu'une idée inadéquate est produite dans notre Esprit, son objet est causé par deux natures différentes, qui doivent donc nécessairement être enveloppées dans l'idée ou la connaissance que l'Esprit a de cet objet. Seulement, n'ayant pas d'emblée une idée claire de la nature du corps extérieur, l'Esprit ne sait pas distinguer, de prime abord, ce qui dans l'objet de l'idée vient du corps extérieur et ce qui relève de sa propre nature. C'est donc notre Esprit qui confond les deux natures. Mais dans la réalité corporelle, il y a juste eu des chocs. Quand je tape sur mon clavier, par exemple, mes doigts ne commencent pas à "être enveloppés" par l'ordinateur, celui-ci reste bel et bien où il est, il va juste un peu s'user avec le temps et c'est tout.

Durtal a écrit :Je veux ajouter néanmoins que je constate avec satisfaction que tu es plus attentive (dans tes réponses) que d'habitude et je t'en remercie. (même si pour moi tu te plantes toujours autant )


euh ... tu viens d'écrire un message extrêment long, qui répond à pas mal de mes questions en détail, questions qui elles aussi se trouvaient dans un message bien étoffé. Il est donc normal que je commence à mieux comprendre ta façon de penser, et inversement.

Pour moi c'est tout aussi erroné de croire que je suis moins attentive aux moments où je n'ai pas encore saisi ta façon de voir les choses que de croire qu'aux moments où, lorsqu'après de longues explications j'en comprends déjà un peu plus, je serais du coup plus attentive. Raison pour laquelle je serai moi très contente le jour où l'on peut simplement discuter du fond de la chose sans devoir consacrer du temps à discuter des "qualités morales" (au sens positif ou négatif) des interlocuteurs .. . :wink:
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Messagepar hokousai » 12 oct. 2008, 14:25

Ma chère Louisa

la solution de notre( léger ) différent tient peut être dans ce que dit Spinoza si comme il arrive bien souvent nous avons égard à la seule essence des modes et non à l’ordre de la nature etc ( cf la même lettre )

Spinoza ne regarde pas toutes choses et toutes questions dans une seule et même perspective , il en change , il change d’optique ( ou de lunettes )( ce qui n’est pas un scoop… d’accord )

Mais n' y a t- il une perspective qui l’emporterait en puissance donc en quantité de réalité (pour ne pas dire degré et ainsi fâcher vie ordinaire ) ?

:wink:

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Messagepar Durtal » 12 oct. 2008, 16:04

Louisa a écrit :
Durtal a écrit :Ce que je ne comprends pas c'est comment il peut y avoir une divergence possible là dessus à partir du moment où l'on admet la parité corps/esprit. Elle implique évidemment que s'il y a confusion dans l'esprit il y a de même confusion dans les corps....C'est un raisonnement (supposé qu'il ait admit la thèse de la parité psycho/physique) qu'un enfant de 5 ans comprendrait....


Louisa a écrit :Qu'arrive-t-il par exemple selon Spinoza lors d'une affection d'un corps par un autre? Il l'explique dans les lemmes de l'E2: le corps affectant produit un mouvement dans certaines parties du corps affecté. Il s'agit d'une simple affaire de "chocs": l'un touche l'autre, le met en mouvement, et le corps affecté communique ces mouvements au reste du corps d'une telle façon que le corps affecté (si tout va bien) maintient son union qui caractérise l'Individu en question. On ne voit pas très bien où le corps affecté "envelopperait" le corps affectant ...


Mais qu'est ce qui se passe à ton avis dans la transmission d'un mouvement? Le mouvement que n'avait pas le corps A avant sa rencontre avec le corps B, et que B lui a communiqué est précisément une détermination de A qui enveloppe l'action et la nature de B!!!!! Et tu me dis, pauvrette, qu'il ne s'agit que "d'une simple affaire de choc"... mais c'est quoi justement un "choc"? si ce n'est une communication d'affection? Le mouvement de chacun des mobiles après le choc est littéralement une trace du mouvement de l'autre.
Et si j'ai par exemple une cicatrice, ma peau porte toujours en elle quelque chose du couteau qui la blessa... D'une façon similaire à celle selon laquelle le mobile réfléchit, exprime dans sa trajectoire une détermination que lui a communiqué le plan de réflexion, le mobile quoi qu'ayant quitté le plan en a gardé une détermination qui explique sa trajectoire actuelle.
Mes perceptions modifient tant soit peu mon système nerveux central, les modifications qu'il en reçoit et qu'il conserve éventuellement, supposent que les objets qui l'ont modifié ont laissés, ou laissent quelque chose d'eux en lui à tous les instants....Pas d'atomes, pas de corps "infiniment dur", pas de figure inaltérable des choses: ça bouge, ça vie, ça échange, ça passe les uns dans les autres... Il n'y a pas besoin d'aller tripatouiller le parallélisme pour si peu.

Fin bref....c'est pas gagné.

Louisa a écrit :Pour moi c'est tout aussi erroné de croire que je suis moins attentive aux moments où je n'ai pas encore saisi ta façon de voir les choses que de croire qu'aux moments où, lorsqu'après de longues explications j'en comprends déjà un peu plus, je serais du coup plus attentive. Raison pour laquelle je serai moi très contente le jour où l'on peut simplement discuter du fond de la chose sans devoir consacrer du temps à discuter des "qualités morales" (au sens positif ou négatif) des interlocuteurs .. . :wink:
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Allez détends toi, tout ira bien...

D.

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Messagepar Louisa » 13 oct. 2008, 03:20

Durtal a écrit :Mais qu'est ce qui se passe à ton avis dans la transmission d'un mouvement? Le mouvement que n'avait pas le corps A avant sa rencontre avec le corps B, et que B lui a communiqué est précisément une détermination de A qui enveloppe l'action et la nature de B!!!!! Et tu me dis, pauvrette, qu'il ne s'agit que "d'une simple affaire de choc"... mais c'est quoi justement un "choc"? si ce n'est une communication d'affection? Le mouvement de chacun des mobiles après le choc est littéralement une trace du mouvement de l'autre.
Et si j'ai par exemple une cicatrice, ma peau porte toujours en elle quelque chose du couteau qui la blessa... D'une façon similaire à celle selon laquelle le mobile réfléchit, exprime dans sa trajectoire une détermination que lui a communiqué le plan de réflexion, le mobile quoi qu'ayant quitté le plan en a gardé une détermination qui explique sa trajectoire actuelle.
Mes perceptions modifient tant soit peu mon système nerveux central, les modifications qu'il en reçoit et qu'il conserve éventuellement, supposent que les objets qui l'ont modifié ont laissés, ou laissent quelque chose d'eux en lui à tous les instants....Pas d'atomes, pas de corps "infiniment dur", pas de figure inaltérable des choses: ça bouge, ça vie, ça échange, ça passe les uns dans les autres... Il n'y a pas besoin d'aller tripatouiller le parallélisme pour si peu.


très belle cette histoire. Mais ... comment savoir que "ça passe les uns dans les autres", s'il suffisait d'être affecté par quelque chose pour qu'il n'y ait plus l'un ni l'autre, mais simplement une espèce de "confusion corporelle" ... ??

A mon avis tu confonds le mouvement avec un "rapport" (ratio) de mouvement et de repos. Ce qui caractérise une chose singulière, c'est un rapport de mouvement et de repos précis. Lors d'une affection, ce rapport reste INCHANGÉ, raison pour laquelle on peut parler d'un "Individu". Dès lors, quand une union de corps affecte une autre union de corps (caractérisée par un autre rapport de mouvement et de repos), la plupart du temps, les deux unions ne changent PAS. Chacune continue paisiblement à effectuer le rapport qui lui est propre. Car ce qui définit un Individu X, c'est précisément le fait que lorsqu'il est affecté, ce rapport propre à lui reste invariablement le même, et par conséquent demeure tout aussi différent du rapport de mouvement et de repos qui caractérise le corps extérieur qui vient de l'affecter.

Ou pour prendre ton exemple: il est clair que lorsqu'un couteau a laissé une trace dans ta peau, le couteau lui-même reste entièrement le même, il garde entièrement le rapport de mouvement et de repos qui le caractérise lui, il ne va pas du tout perdre son essence à lui pour entrer dans une espèce de "confusion corporelle" avec toi ... . Ce qu'il a communiqué à ta peau, c'est un certain mouvement, et non pas son rapport à lui. De même, tu peux accumuler dans ta vie pas mal de cicatrices, cela ne changera rien du tout à l'essence de ton corps à toi. Tu auras probablement toujours autant besoin de larder tes interventions dans des discussions philosophiques d'arguments ad hominem, que tu te sois blessé une fois par an en te rasant le matin ou dix fois, par exemple ... :wink:
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Messagepar Enegoid » 13 oct. 2008, 18:56

A Sescho :

D’une façon générale, je suis assez d’accord avec vos interprétations de Spinoza : elles sont fondées, documentées et argumentées. Cependant je me sens également, de façon générale, en désaccord avec votre vision des choses. La discussion est donc délicate. Je ne sais pas si elle est possible avec seulement des mots.

Je prends deux exemples.

1 Vous dites «...ne pas donner à ces fameuses "choses" ce qui n'est qu'un mot une réalité propre, compréhensible en soi qu'elles n'ont pas »
D’une certaine manière, on ne peut pas dire le contraire : le mode est une modification de la substance, seul être cause de soi et qui se conçoive par soi-même. Le mode ne peut se concevoir par lui-même : il est donc d’une certaine façon « inférieur » à la substance dans ce qu’on pourrait appeler une « hiérarchie » des êtres. Il a quelque chose en moins donc il est moins parfait donc il a moins de réalité.
Mais vous allez beaucoup plus loin : du fait que le mode ne se conçoit pas par soi vous tirez la conclusion qu’il n’a pas de « réalité propre », ce qui me semble un peu différent. On sent aussi dans votre formulation une sorte de glissement, on a presque l’impression qu’il ne faudrait pas vous pousser beaucoup pour passer de « pas de réalité propre » à « pas de réalité du tout »…Mais j’interprète peut-être.

En fait votre énoncé n’est (pour moi) totalement acceptable que si vous restreignez strictement le sens du mot réalité à celui de Spinoza, cad « perfection » ce qui donnerait : « ne pas donner aux choses une perfection qu’elles n’ont pas ». Ce avec quoi je suis totalement d’accord.

Deuxième exemple à venir...

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Messagepar Durtal » 13 oct. 2008, 21:42

En réponse au message de Louisa:

Louisa a écrit : très belle cette histoire. Mais ... comment savoir que "ça passe les uns dans les autres", s'il suffisait d'être affecté par quelque chose pour qu'il n'y ait plus l'un ni l'autre, mais simplement une espèce de "confusion corporelle" ... ??

A mon avis tu confonds le mouvement avec un "rapport" (ratio) de mouvement et de repos. Ce qui caractérise une chose singulière, c'est un rapport de mouvement et de repos précis. Lors d'une affection, ce rapport reste INCHANGÉ, raison pour laquelle on peut parler d'un "Individu". Dès lors, quand une union de corps affecte une autre union de corps (caractérisée par un autre rapport de mouvement et de repos), la plupart du temps, les deux unions ne changent PAS. Chacune continue paisiblement à effectuer le rapport qui lui est propre. Car ce qui définit un Individu X, c'est précisément le fait que lorsqu'il est affecté, ce rapport propre à lui reste invariablement le même, et par conséquent demeure tout aussi différent du rapport de mouvement et de repos qui caractérise le corps extérieur qui vient de l'affecter.

Ou pour prendre ton exemple: il est clair que lorsqu'un couteau a laissé une trace dans ta peau, le couteau lui-même reste entièrement le même, il garde entièrement le rapport de mouvement et de repos qui le caractérise lui, il ne va pas du tout perdre son essence à lui pour entrer dans une espèce de "confusion corporelle" avec toi ... Ce qu'il a communiqué à ta peau, c'est un certain mouvement, et non pas son rapport à lui. De même, tu peux accumuler dans ta vie pas mal de cicatrices, cela ne changera rien du tout à l'essence de ton corps à toi. Tu auras probablement toujours autant besoin de larder tes interventions dans des discussions philosophiques d'arguments ad hominem, que tu te sois blessé une fois par an en te rasant le matin ou dix fois, par exemple ... :wink:
L.


Si j'avais à exprimer brièvement mon sentiment sur la teneur de ton message, je pourrais peut être résumer le tout en disant: « un éléphant dans un magasin de porcelaine ».

Plus sérieusement, je crois que nous sommes de nouveau face à ce que j'inclinerais désormais à appeler : ton syndrome de "cécité chronique" au sens des arguments et propositions de ton interlocuteur. (et par pitié pas de protestation sur "les attaques personnelles": je suis bien obligé de te le faire remarquer puisque je juge que c'est le cas...)

Je ne vais pas reprendre point par point ton message, juste répéter encore (je m'en excuse) quelle est ma position et j'espère de la façon la plus directe et la plus simple possible afin que tu puisse réellement prendre en considération ce que je soutiens. Et, bien sûr, le cas échéant, contredire réellement ce que je soutiens.

Je dis qu'il y a deux cas (pertinent) à considérer si l'on veut apprécier un rapport d'affections entre des corps:
a) cette affection est une passion qui s'exerce ou bien sur l'un de ces corps seul ou bien sur les deux en même temps.
b) Cette affection est une action, soit qu'elle se rapporte à l'un des corps seulement soit qu'elle se rapporte aux deux.

Et je prétends que dans le premier cas, le type de l'affection (la passion donc) implique une confusion de la nature des deux corps considérés.

Cette confusion peut être minimale, c'est à dire sans conséquence notable pour la forme du corps qui pâtit, ou au contraire maximale, le cas limite de la passion étant en effet la destruction du corps qui pâtit, c'est à dire une disposition de ses parties telle qu'elle exclue la disposition précédente qui était dite constituer sa forme. (voir E3 pour cela et en particulier: proposition X) C'est le « cas limite » de la confusion puisque dans ce cas, il y a identification littérale à une autre nature qui exclut celle qui me constituait.

Comme il y a un continuum de cas intermédiaires entre ces deux extrêmes, la passion, soit qu'elle entrave très peu notre puissance d'agir soit qu'elle la dépasse complètement, procèdera toujours du même type de cause ou du même genre de loi: une nature différente de la mienne, vient la « perturber », c'est à dire tend à faire, en tant qu'elle m'affecte, que mon rapport de mouvement et de repos se modifie au profit du sien.

Dans le second cas (l'action), soit que je modifie le rapport de mouvement et de repos qui constitue la nature de la chose qui pâtit de mon action sur elle, soit que j'agisse de concert avec l'autre chose qui alimente ma puissance d'agir en même temps que j'alimente la sienne, je prétends que je ne suis plus confondu avec l'autre corps de la relation, mais uni à lui.

Et dans ce cas mon rapport de mouvement et de repos, est non seulement préservé mais alimenté, et d'autant plus préservé et alimenté que cette union est forte. Et plus ceci a lieu et plus mon essence se conçoit distinctement (c'est à dire: plus ce sont les essences des autres choses qui se conçoivent par la mienne, que mon essence par elles, car que ce soit par la voie de « l'union » (des actions) ou par la voie de la « confusion » (les passions), il n'est pas possible que je sois indépendant des autres choses: je suis une chose finie). Et là aussi, tout comme précédemment il y a un continuum de cas intermédiaires entre certaines affections du corps qui secondent très peu sa puissance d'agir et d'autres qui l'aident de façon beaucoup plus considérable (en particulier quand l'union se réalise entre notre corps et un corps semblable au nôtre).

L'équilibre « neutre » entre "actions minimales" et "passions minimales", si il est atteint, peut être conçu comme affect indifférent à ma nature (ni bon, ni mauvais). Aux extrémités opposées se trouvent les affections par lesquelles nous atteignons toute la perfection dont notre nature est capable (limite au delà de laquelle nous sommes littéralement une autre chose, quelque chose qui est un peu plus qu'un homme, c'est à dire un sage) et symétriquement toute l'imperfection qu'elle peut souffrir, sans être détruite ( limite au delà de laquelle, là encore, nous devenons autre chose, quelque chose qui est un peu moins qu'un homme: c'est à dire un cadavre).

C'est pourquoi, en toute honnêteté, il est impossible de répondre à tes questions car elles ne tiennent aucun compte de cette différence: Tu traites "d'affections" entre corps, « qui ne changent rien à la forme du corps » très bien. Mais desquelles parles-tu? De celles qui sont passives? De celles qui sont actives? Ou de celles qui sont indifférentes? Suivant le type d'affection dont tu parles ce que tu en dis sera vrai ou sera faux. En fait cela n'est vrai, à la rigueur que pour les affections « indifférentes ». Pour les affections tant passives qu' actives cela est faux. « Pâtir » en effet c'est toujours peu ou prou perdre sa forme, et « agir » c'est toujours peu ou prou, restaurer sa forme. Pourquoi? Parce que c'est la loi des choses finies que leur essence est soumise a modification, changement, variation et que ces choses s'effectuent soient dans le sens de l'action soit dans le sens de la passion. Donc je réitère: ça bouge, ça vit, ça échange....

Ps: La cicatrice laissée par un couteau sur mon bras, a bien entendu modifié, contrairement à ce que tu prétends, l'essence singulière de ma peau (sans pour autant la détruire il est vrai: mais personne n'a prétendu que toute modification était destruction de la chose modifiée), et pour autant que l'essence de ma peau fait partie de l'essence actuelle de mon corps, la cicatrice en question est la trace permanente de cette modification que l 'essence de mon corps a reçu au cours de sa rencontre avec le couteau et qu'elle a « intégré » comme l'une de ses déterminations. Après tout, mon corps après la blessure, continue de vivre avec cette blessure, la blessure fait désormais partie de ce qu'il est.

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Messagepar Louisa » 13 oct. 2008, 23:11

A Durtal

ce que je ne comprends pas dans ta façon de voir les choses, c'est EN QUOI CONSISTERAIT la "confusion corporelle". Tu répètes qu'elle n'a lieu, selon toi, que dans le cas d'un Affect-Passion, et tu proposes de la concevoir comme une désintégration du rapport de mouvement et de repos qui caractérise le corps affecté par la Passion. Jusque-là, l'hypothèse me semble être intéressante (même si pour l'instant tu ne sembles pas entamer sa démonstration; mais on pourrait éventuellement essayer de la construire ensemble). Or comme j'ai déjà essayé de te dire dans mon message précédent, je ne vois pas en quoi il y aurait en ce moment-là une "confusion" avec le corps affectant.

D'où mon exemple du couteau: bien sûr, s'il blesse la peau et laisse une cicatrice, quelque chose a changé. Supposons qu'on ne va considérer que le cas où cela "change" mon essence du Corps. Il me semble que pour avoir une "confusion corporelle" entre deux corps, il faut que la frontière entre les deux disparaisse, et donc que le corps affectant lui aussi perd une partie de sa puissance à lui, voit son rapport de mouvement et de repos se désintégrer (sinon il y a juste, éventuellement, désintégration du corps affecté, et non pas confusion entre deux corps). Cependant, jamais Spinoza ne fait de la diminution de la puissance du corps affectant une condition de possibilité de la confusion dans la chose affectée. L'un n'a rien à voir avec l'autre.

C'est pourquoi je n'arrive pas à voir comment faire le pont entre l'hypothèse que tu proposes, et le texte de Spinoza. D'oú ma demande, dans mon message précédent, d'expliquer en quoi pourrait consister une confusion qui serait corporelle. Or ici tu sembles surtout répéter l'idée que tu avais déjà proposée, dans l'espoir que la réponse à ce qui pour moi pour l'instant n'est pas très clair dans ce que tu dis allait se produire comme un genre d'"effet secondaire". Mais je crains qu'il va falloir entamer directement la discussion sur le point où de prime abord nous ne pensons pas la même chose si l'on ne veut pas trop tourner en rond. Enfin bon, je suis certaine que tu feras ce que tu es "obligé" de faire, et ce sera de toute façon déjà très bien aussi.
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Messagepar sescho » 13 oct. 2008, 23:57

Enegoid a écrit :1 Vous dites «...ne pas donner à ces fameuses "choses" ce qui n'est qu'un mot une réalité propre, compréhensible en soi qu'elles n'ont pas »
D’une certaine manière, on ne peut pas dire le contraire : le mode est une modification de la substance, seul être cause de soi et qui se conçoive par soi-même. Le mode ne peut se concevoir par lui-même : il est donc d’une certaine façon « inférieur » à la substance dans ce qu’on pourrait appeler une « hiérarchie » des êtres. Il a quelque chose en moins donc il est moins parfait donc il a moins de réalité.
Mais vous allez beaucoup plus loin : du fait que le mode ne se conçoit pas par soi vous tirez la conclusion qu’il n’a pas de « réalité propre », ce qui me semble un peu différent. On sent aussi dans votre formulation une sorte de glissement, on a presque l’impression qu’il ne faudrait pas vous pousser beaucoup pour passer de « pas de réalité propre » à « pas de réalité du tout »…Mais j’interprète peut-être.

Merci de cette (amicale) interpellation.

D'abord je "viens" du même "bord." Ces notions de "vide", d'"irréel", d'"imaginaire", etc., je les ai longtemps considérées comme plutôt inacceptables. S'il convient de chercher au fond ce qui est vraiment consistant - et là quelques sévères interrogations se présentent effectivement - je me vois mal disserter sur la "volatilité ontologique" des choses, etc., et puis l'instant d'après prendre ma voiture - bien concrète -, acheter du bon pain - bien concret -, le manger très concrètement avec plaisir, etc. Rester en accord avec ses actes, cela relève de l'honnêteté simple.

J'ai évolué lentement, cependant, en approfondissant. Ma première référence reste Spinoza. Mais les convergences au même niveau sont rares ; en Occident on trouve les stoïciens et le top des auteurs chrétiens, et sinon la mine est en Inde - où, selon les mots de Swami Prajnanpad, 99% est de la superstition, mais où je dis que le 1% qui reste pèse encore très lourd. Il faut une bien faible conscience de l'unité de l'humanité, un racisme imbécile, ou un anticléricalisme obtus incapable de faire la différence entre la profondeur philosophique et la dérive superstitieuse - bref, une sévère inculture - pour vouloir l'ignorer. C'est pourquoi je confronte - dans mon esprit, qui est limité -, avec le souci permanent - mais je me trompe forcément au moins de temps en temps - de ne jamais prêter à Spinoza ce qui ne lui appartient pas. Mais reste quand-même à comprendre la profondeur de ses pensées...

Comme je l'ai dit, dans "cette chose existe", ce n'est pas tant le mot "existe" que le mot "chose" qui pose problème. Comment une "chose" qui ne peut pas se distinguer absolument de la matière dont elle est faite, de l'air, du soleil, du sol, du reste du Monde, ... qui d’autre part manifestement change en permanence tant soit peu (encore une fois, je ne parle pas d'une "essence de genre," ou même de toute "essence", d'ailleurs, puisqu'elle est éternelle, mais d'une chose en acte, donc) peut-elle être considérée comme une entité précise ; ou si c'est en tout instant une entité précise, comment pourrait-on en saisir correctement l'essence ? Car pour parler d'une chose avec poids, c'est une lapalissade de dire que l'idée doit en être claire et distincte.

Or Spinoza dit mille fois que ce que l'on peut comprendre de clair et distinct d'une chose singulière c'est avant tout, et de manière imprescriptible, qu’il faut la rapporter à Dieu. Par ailleurs, la clarté et la distinction sont dans les notions communes (axiomes) et ce qui s’en déduit logiquement (sublimé ensuite en vision intuitive : la connaissance du troisième genre ; c’est incontestable, vu le nombre de passages afférents, pour qui a un minimum de bon sens.) Il y a des essences de genre là-dedans (qui n’empêche pas pour autant la dissolution des choses en acte qu’elles « traversent »), mais aucune essence singulière prise dans sa singularité. Comment dans ces conditions d’absence de clarté donner avec raison une consistance à une chose singulière, si ce n’est une fausse consistance par l’imagination ?

Encore une fois, un nuage qui se déforme, se partage et s’unit à d’autres au gré du vent, de la chaleur, etc. c’est une chose singulière ou non ? Un front de chaleur dans un solide ? Une vague ? Un fleuve ? Comme je l’ai déjà dit, ce dernier n’est que de l’eau – jamais la même selon l’ordre commun de la nature – qui ruisselle toujours au même endroit. C’est par l’imagination que nous en faisons un être en soi. Ce qui vaut pour le fleuve vaut pour tout, et en particulier pour l’homme en acte, même si celui-ci représente plus de « complexité » et de « stabilité. »

Spinoza le dit on ne peut plus clairement : il y a les choses qui se conçoivent en soi et les choses qui se conçoivent en autre chose. Cela veut dire que les secondes ne PEUVENT PAS être conçues par soi (dans la clarté et la distinction.) L’erreur de compréhension vient du non-respect de l’ordre de l’entendement : on prend les choses singulières comme étant compréhensibles en soi, et on plaque du divin par là-dessus. L’individualisme soi-disant béni par Dieu.

Mais j’en profite pour dire, après examen, que je pense que pour Spinoza chaque chose a bien une essence individuelle en principe : c’est cette « tendance » qu’a chaque chose à persévérer dans son être, mais qui n’est bien qu’une « tendance » dans l’ordre commun de la Nature et ne peut jamais parvenir à la maintenir totalement, soumise qu’elle est de façon structurelle et donc inévitable à l’impermanence, au Mouvement dans l’Etendue, laquelle ne connaît pas le « vide » (néant de l’étendue.)

Spinoza s’en explique très bien, en fait : ce qu’est chaque chose singulière à tout instant est éternel ; autrement dit, il est dans la nature de la substance de se modifier ainsi. Mais pour les choses singulières l’existence se distingue totalement de l’essence (c’est pourquoi Spinoza insiste beaucoup là-dessus) : elles n’existent pas en tant qu’elles ont une essence, elles existent d’un côté, et ont une essence éternelle à chaque instant de l’autre. Mais cette essence change. Tout me semble dit par là.

On peut néanmoins ajouter pour renforcer, cette approche que Spinoza utilise explicitement en quelques endroits : ce qui se rencontre en un nombre quelconque ne PEUT PAS se comprendre par soi (auquel cas l’existence serait donnée en même temps que l’essence, ce qui est contradictoire.) Les hommes pris dans l’essentiel de l’essence de chacun constituent la MÊME ESSENCE, qui se distingue complètement de leur existence à chacun. Ceci n’a rien à voir, donc, avec une essence vue exclusivement comme intégralement singulière (ceci étant appuyé sur une sur-interprétation – démentie par toute la démarche de l’Ethique même – de ce que seuls les êtres singuliers existent en Dieu et non les êtres de raison ; ce qui pourtant n’implique nullement, d’une part, qu’ils n’ont pas un commun d’essence, d’autre part que l’homme – qui est loin d’être Dieu – puisse y atteindre.) Et cela n’a non plus rien à voir avec une essence singulière qui se maintiendrait totalement dans le temps, ce qui équivaut à dire que l’existence est donnée avec l’essence, et est donc éternelle, ce qui est démenti par les faits. L’existence de la mort est un point suffisant, car quelque chose de vrai l’est tout le temps. En fait il n’y a de vrai pour l’homme que ce qui est saisissable clairement et distinctement par l’homme et rien de ce qui varie dans le temps – tout éternel qu’il soit en Dieu – n’est saisissable ainsi (les « essences de genre » ne dépendent pas de l’existence de tel ou tel individu, et sont donc saisissables, au moins en partie.)

L’homme, comme tous les modes existants, est un jeu de lois éternelles du mouvement et du repos dans les attributs, le jeu le plus riche qui existe actuellement sans doute, mais au milieu de plein d’autres tout de même, bien riches aussi. A partir de cela, il me semble clair que les attributs et les lois en question, de nature donc à constituer entièrement un homme, et étant éternels, ont plus de réalité que leur produit, dont l’existence ne l’est pas. Il existe à de nombreux exemplaires, il est impermanent et interdépendant, il n’est pas une forme substantielle. Il a à chaque instant une essence éternelle, mais il ne peut pas y atteindre in extenso, il a un Moi changeant qui est hors de sa portée. Ce qu’il peut atteindre clairement lui est donné par la connaissance de Dieu, les axiomes, le raisonnement, l’intuition libérée par les conclusions de ce dernier ; ce qu’il peut atteindre clairement est commun à tous les hommes. Mais l’homme n’en reste pas moins la concrétisation consciente dans l’existence divine de moult merveilleuses lois. A côté de cela, l’imagination d’un Moi substantiel en tant qu’entité séparée du Monde, n’est pas un bien précieux à préserver comme on y tend, mais au contraire le pire obstacle à la libération, l’enfermement intérieur même (voir l’Orgueil selon Spinoza.) Voilà l’enseignement majeur de Spinoza et des autres plus grands esprits.

Enegoid a écrit :En fait votre énoncé n’est (pour moi) totalement acceptable que si vous restreignez strictement le sens du mot réalité à celui de Spinoza, cad « perfection » ce qui donnerait : « ne pas donner aux choses une perfection qu’elles n’ont pas ». Ce avec quoi je suis totalement d’accord.

Inversement : qu’est-ce que la perfection ? La chose a moins de réalité que la substance…

Serge
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Louisa
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Messagepar Louisa » 14 oct. 2008, 00:57

Sescho a écrit :Spinoza le dit on ne peut plus clairement : il y a les choses qui se conçoivent en soi et les choses qui se conçoivent en autre chose. Cela veut dire que les secondes ne PEUVENT PAS être conçues par soi (dans la clarté et la distinction.) L’erreur de compréhension vient du non-respect de l’ordre de l’entendement : on prend les choses singulières comme étant compréhensibles en soi, et on plaque du divin par là-dessus. L’individualisme soi-disant béni par Dieu.


tout dépend de ce qu'on entend par "individualisme". S'il s'agit par là de désigner un atomisme, où chaque chose singulière serait entièrement séparée des autres, il est évident que cela est difficilement conciliable avec ce que Spinoza dit de l'Individu (qui est toujours causé par un autre Individu, et qui existe toujours en autre chose (Dieu).

Or pour Spinoza Dieu lui-même est une Individu, composé d'une infinité d'autres Individus, eux aussi composés à l'infini. Qu'on le veuille ou non, la notion d'Individu est donc bel et bien centrale dans le spinozisme. Il s'agit bel et bien d'un individualisme.

Seulement, l'individualisme dont il s'agit ici n'a plus rien à voir avec un atomisme. Pour comprendre la différence, cela me semble être crucial de bien distinguer entre "être en soi" et "être par soi". Tout Individu peut produire un effet qui n'existe que à cause de cet Individu considéré seul, sans le concours d'une autre cause (c'est le cas pour toutes les idées adéquates qu'un homme peut acquérir). Mais cela n'empêche nullement ce même Individu d'être toujours en Dieu. L'un n'exclut nullement l'autre, puisque tout Individu est toujours lui-même composé (les Individus qui le composent n'existant qu'en lui, et non pas hors de lui), tandis qu'il fait toujours lui-même aussi partie d'un Individu. De même, l'idée adéquate que je produis est là PAR moi, et est en même temps EN moi, mais en tant que chose qui existe, elle produira nécessairement une effet tout seule, effet qui ne découle que de sa nature à elle. Cela ne fait pas moins de cette idée une de MES idées à moi, cette idée n'en demeure pas moi entièrement EN mon Esprit.

De nouveau, à mon sens c'est précisément en cela que l'être de la substance est différent de l'être d'un mode: seuls les modes sont des Individus qui eux-mêmes composent avec d'autres modes d'autres Individus encore, tandis que la substance/Nature/Dieu est le seul Individu qui est infiniment composé SANS être soi-même une partie d'un autre Individu encore, ou sans qu'il y ait d'autres Individus du même "genre" capable de la limiter. C'est donc ainsi qu'il faudrait définir, peut-être, l'individualisme propre au spinozisme, et qui n'a rien à voir avec l'individualisme occidental moderne (= atomisme).

Cela signifie qu'à mon sens le spinozisme prend une "troisième" voie: ni atomisme, ni unité indivisible où l'infinité rendrait le statut du fini flou, ou serait de telle sorte qu'une idée claire et distincte du singulier deviendrait inconcevable. Chaque chose singulière, dit Spinoza dans le TIE, a une essence objective, qui est l'idée qu'est la chose, idée qu'est Piere par exemple, et qui n'est pas du tout l'idée qu'est Paul. C'est même exactement ainsi que Spinoza y définit l'idée vraie: non pas par l'idée qui porterait sur une généralité, mais par l'idée d'une chose singulière... .

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Durtal
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Messagepar Durtal » 14 oct. 2008, 12:45

Louisa a écrit :A Durtal

ce que je ne comprends pas dans ta façon de voir les choses, c'est EN QUOI CONSISTERAIT la "confusion corporelle".


Mais c'est la confusion entre les valeurs de mouvement et de repos! Deux corps s'affectent mutuellement, chacun communique quelque chose de sa quantité de mouvement à l'autre, donc chacun est affecté d'une valeur de mouvement adventice. Donc l'affection est une composition locale de puissance, un produit (au sens mathématique) entre le rapport de mouvement et de repos du Corps affectant et entre le rapport de mouvement et de repos du corps affecté.

Dans le cas de la cicatrice par exemple, la trace doit être comprise comme une continuation indéfinie (tant que la cicatrice dure), au sein même du corps humain d'un gradient de mouvement et de repos qui s'est confondu avec celui du corps humain. La cicatrice retient l'information (parce que c'est son essence) de la conjonction initiale de la rencontre des puissances qui l'ont produites. Elle est comme un "echo" de l'évènement (donc un forme de présence de l'évènement passé). Si je prends cet exemple, c'est évidemment parce qu'il illustre ce que Spinoza appelle la mémoire, qui n'est rien d'autre (ainsi que l'imagination en général) que la trace ou l'effet du monde environnant sur le corps humain, lequel assimile et conserve dans son propre rapport de mouvement et de repos, les rapports de mouvements et de repos des choses qui sont différentes de lui. C'est ce qui fait la supériorité du corps humain sur les autres: il est très plastique, très modulable, il peut accueillir en lui, c'est à dire intégrer, assimiler, beaucoup de rapports de mouvement et de repos, étranger au sien, sans être détruit pour cela.


Louisa a écrit :Cependant, jamais Spinoza ne fait de la diminution de la puissance du corps affectant une condition de possibilité de la confusion dans la chose affectée. L'un n'a rien à voir avec l'autre.



mais bien sûr que si! Seulement il y a des degrés dans la confusion. (E3 prop X) Quand un corps est détruit, cela veut dire qu'il est identifié à une multitude d'autres, que sa forme est assimilée aux puissances des choses qui l'ont détruites, que Dieu forme à sa place l'idée d'un corps ou d'un complexe de corps qui exclut sa nature à lui.

D.


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