alcore a écrit :louisa a écrit :problème: si tu dis qu'un attribut est en soi et se conçoit par soi, tu dis qu'un attribut est une substance, ce qui va à l'encontre des définitions de la substance et de l'attribut. C'est pourquoi aussi Spinoza peut dire des attributs que "Nous les concevons seulement dans leur essence et non dans leur existence, nous ne les concevons pas de telle sorte que l'existence découle de leur essence". Autrement dit: les attributs ne sont pas des causa sui, et donc pas de substances non plus. Ils reçoivent leur existence de la substance, elle n'est pas enveloppée par leur essence. Ils constituent une substance, mais ne s'y identifient pas entièrement (ce n'est que l'ensemble des attributs qui est identique à la substance, et non pas chaque attribut considéré en soi).
Admettons. Mais alors comment distinguer l'attribut du mode si tu dis que l'attribut a son être dans la substance comme dans un autre ?
Bonjour Alcore,
ayant une dizaine de pages de retard, je reprends la discussion
in media res... .
Je retraduis ta question: ce qui a son être dans un autre doit être un mode, donc si l'attribut n'est pas une substance, et partant a son être dans un autre, comment le distinguer d'un mode, qui par définition "est en autre chose, et se conçoit aussi par cette autre chose"?
Formulée ainsi, je dirais (à vérifier): tout mode non seulement est en autre chose, mais aussi se conçoit par autre chose, alors qu'un attribut se conçoit par soi (E1P10).
Or cette réponse n'est pas sans difficultés. Ne faudrait-il pas dire qu'en vertu du parallélisme, une "chose" qui se conçoit par soi sans exister en soi est par définition impossible?
Je crois que ce problème prend une autre forme dès que l'on essaie d'expliciter davantage ce que tu appelles "avoir son être dans un autre". Car remarquons que, malgré ce que tu dis ci-dessus, ce n'est pas exactement ce que j'avais dit moi-même. Autrement dit, je ne crois pas que l'on puisse identifier "être en soi ou en autre chose" et "avoir
son être en soi ou en autre chose". On possède toujours "son" être. Ce qu'il y a, c'est que cet être (pris au sens d'existence), on peut l'avoir grâce à sa propre essence (= cause de cet être), ou grâce à une autre essence. Or même dans le deuxième cas, l'être qu'on "a" demeure différent de l'être de la cause, surtout lorsque cette cause est la substance, qui comme on le sait a un "être" qui n'appartient
pas à l'essence de l'homme (E2P10). En effet, l'être de la substance se caractérise par le fait d'être causé par l'essence de la substance, alors que l'être d'un mode est causé par l'être d'un autre mode, ces deux derniers types d'être étant dits "être en autre chose", là où le premier type d'être est dit "être en soi".
Par conséquent, ce qui distingue un attribut d'un mode, c'est le fait que l'attribut n'est pas causé par autre chose que lui-même (raison pour laquelle il se conçoit par soi, contrairement à ce qui est le cas pour les modes), alors qu'il n'existe qu'en la substance (puisqu'il la constitue), caractéristique qu'il a en commun avec les modes.
alcore a écrit :ensuite tu invoques la définition de l'attribut. Mais quand Spinoza évoque ce qui existe hors de l'entendement, il dit seulement : les substances et les modes. Il ne mentionne jamais les attrbuts. Pourquoi ? Parce que les attributs et la substance c'est tout un et que justement les attributs ne sont pas dans la substance comme les modes sont dans elle.
qu'est-ce qui te fait penser cela?
En attendant ta réponse, je dirais: les attributs constituent la substance, ce qui n'est pas le cas pour les modes. Mais modes et attributs n'existent ou ne sont qu'en la substance. La différence majeure ne se joue pas sur ce plan-là, elle se situe au niveau de la conception (par soi versus par autre chose).
alcore a écrit :Ensuite, la notion de causa sui: hélas, cette notion n'apparaît que très peu et uniquement au début de l'éthique pour qualifier les substances. Spinoza, à ma connaissance, ne dit jamais que Dieu est infini, ni qu'il est causa sui: ce sont les substances qui le sont.
E1P16 démo:
"
Et, comme la nature divine a des attributs en nombre absolument infini (par la Défin.6), dont chacun également exprime une essence infinie en son genre, de sa nécessité doivent nécessairement suivre une infinité de choses d'une infinité de manières (c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous un intellect infini)."
Dieu est donc infini en trois sens du terme:
- ce qui constitue son essence est absolument infini (le mot "nombre" a été ajouté, à tort à mon sens, par Pautrat)
- chaque attribut considéré en soi seul exprime une essence infinie en son genre
- de la nécessité de la nature divine suivent une infinité de choses d'une infinité de manières.
Sinon on pourrait aussi simplement référer à la définition même de Dieu: "
Par Dieu, j'entends un étant absolument infini, c'est-à-dire une substance consistant en une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie."
Puis Spinoza montre que "
toute substance est nécessairement infinie" (E1P8), alors que par définition, Dieu est une substance.
Enfin, l'E1P11 montre que l'essence de Dieu enveloppe l'existence, ce qui en vertu de la toute première définition de l'
Ethique implique nécessairement que Dieu est
causa sui.
alcore a écrit :Or pourquoi perdraient elles cette causa sui en s intégrant à la substance ?
je dirais: parce qu'aucun attribut n'existe par soi, indépendamment de la substance, alors qu'être
causa sui signifie que l'on existe par la seule "cause" de son essence. Un attribut n'existe pas parce que son essence existe, un attribut existe parce que son essence "exprime" l'essence d'une substance (en l'occurrence de la substance unique) - tout en n'étant pas causé par un autre attribut, raison pour laquelle il se conçoit par soi.
alcore a écrit :Diras tu qu'alors c'est la substance absolue qui est causa sui ?
oui
alcore a écrit :Mais précisément Spinoza ne le dit jamais
il dit qu'il n'y a qu'une substance, et que l'essence de cette substance enveloppe son existence, ce qui fait qu'elle est par définition
causa sui. J'en conclus que dans le spinozisme, il n'y a qu'une substance unique, absolue, qui est nécessairement
causa sui. Si tu n'es pas d'accord avec cela, pourrais-tu expliciter pour quelles raisons?
alcore a écrit :Donc dans ta lecture, tu es obligée de dire
a) les ex substances perdent leur inséité et leur causa sui en devenant des attributs
oui en effet
alcore a écrit :b) mais jamais il n'est dit que Dieu est causa sui
il faudrait que je vérifie
texto, mais dire que l'essence divine enveloppe son existence (E1P11), c'est dire
exactement la même chose que de dire que Dieu est
causa sui!
alcore a écrit :c) donc rien n'est causa sui !
si, l'essence de la substance unique qu'est Dieu.
alcore a écrit :ensuite, tu parles de récéption de l'existence par la substance.
Mais on avait convenu que Etre et Existence n etaient pas synonymes, je crois?
je ne crois pas avoir utilisé le mot "recevoir" à ce sujet. Sinon j'ai bien dit qu'à mon sens il faut chez Spinoza identifier être et existence, et cela jusqu'à ce que Spinoza énonce qu'il décide d'utiliser le mot "existence" en deux sens différents (invention proprement spinoziste; il s'agit d'une part de l'existence
sub specie durationis, correspondant à ce que traditionnellement on désigne par le mot "existence", et d'autre part de l'existence (proprement spinoziste)
sub specie aeternitatis ou l'existence éternelle en Dieu).
alcore a écrit :L existence c est ce qui apparaît quand une substance, du fait qu'elle n'est pas produite, se trouve investie d'une essence qui tout entière existe, est l'existence de cette essence de sorte que la liaison essence-existence est nécessaire et c'est cette nécessité que la causalité exprime.
ceci à mon avis n'est qu'un "type" d'être ou d'exister (celui qui est propre à toute
causa sui), l'autre étant le fait d'être "en autre chose".
alcore a écrit :on a donc:
les substances sont mais n'existent pas
???
Une substance,
par définition, existe par soi, donc existe!
alcore a écrit :elles ne sont pas produites, ni créées
en effet
alcore a écrit :donc elles EXISTENT, ce qui signifie: elles n'ont pas besoin d'autre chose pour développer leur essence dans l'immanence de leur être en soi, et ce développement est causal: causa sui
oui bien sûr
alcore a écrit :cela Spinoza le dit DES SUBSTANCES, qui deviendront des attributs.
qui deviendront des attributs ... ?
A mon sens ici tu y vas un peu trop vite. Ce qui devient chez Spinoza un attribut était avant lui en effet appelé "substance", mais cela précisément parce qu'une substance se concevait par soi mais n'existait
pas par soi! L'homme, Socrate par exemple, était chez Descartes une substance (ou plutôt deux substance, une substance étendue et une substance spirituelle), mais cela ne signifiait que que Socrates existait "séparément" des autres substances/choses, et non pas que Socrates serait une
causa sui (puisque Descartes maintient l'idée que tout homme est "créé" par Dieu, donc reçoit son existence/être de Dieu, et non pas de sa propre essence).
Or Spinoza est plus exigeant en ce qui concerne ce qui est appelé "substance": pour lui, pouvoir exister de manière "séparée" signifie être cause de soi. Cela signifie que ce qu'on appelé avant "substance" devient en effet un "attribut", mais cela signifie aussi que le mot "substance" acquiert un tout nouveau sens, ce qui implique qu'il faut distinguer "substance" et "attribut".
alcore a écrit :Si maintenant tu dis que les attributs tiennent non seulement leur être, mais leur EXISTENCE de la substance absolue alors tu leur ôtes tout: l'essence, l'être, la nécessité d'exister, la causa sui, l'infinité
et donc derechef tu en fais des MODES !
non je ne crois pas. Pourquoi serait-ce le cas?
alcore a écrit :En fait, moi je dis que la substance absolue est UNIQUE mais pas UNE, elle est intrinsèquement multiple,ce pourquoi Dieu n'est jamais qualifié qu'indirectement comme tu peux le remarquer.
je ne suis pas certaine de bien comprendre ce que tu veux dire par "qualifier qu'indirectement" mais sinon en effet, je suis d'accord pour dire que la substance est unique mais pas une.
alcore a écrit :Par ex Spinoza ne dit jamais: Dieu est infini, il dit: Dieu est l'ETre absolument infini, il prend un détour; et il précise: la nature de cet Etre est d'être constitué d'une infinité d'attributs.
mais là il ne parle pas d'être au sens de
esse, comme c'est le cas pour tout ce que ci-dessus j'ai appelé "être", il parle d'être au sens de "
ens". Je crois qu'il faut distinguer les deux. La
nature de Dieu est infinie, dit-il littéralement. Et là il parle de Dieu en tant qu'étant, ou d'être au sens d'étant/
ens. C'est en effet l'essence même de Dieu qui est infinie, et cela non pas en son genre (comme c'est le cas pour les attributs) mais de manière absolue. Alors qu'on ne va pas dire que son "être" est infini, si par "être" on veut dire "existence" (là l'adjectif approprié est plutôt "éternel" que "infini").
alcore a écrit :Dieu n'est pas l'UN, il est unique en tant qu'infiniment multiple par lui même. Ou encore: son unicité est une conséquence de son infinie multiplicité.
en effet, et cela me semble être important de souligner, tenant compte du grand nombre de commentateurs qui ont voulu faire du spinozisme un "monisme" au sens où la substance serait "une".
alcore a écrit :Les attributs constituent la nature en Dieu, mais pas à mon sens la nature de Dieu (ou Dieu comme NAture, ce qui rejoint un autre post)
Spinoza dit que les attributs sont ce que l'entendement perçoit comme constituant l'essence d'une substance (donc de Dieu, voir ci-dessus). Quelle différence ferais-tu entre "la nature en Dieu" et "la nature de Dieu"?
alcore a écrit :Les attributs conservent leurs propriétés de substances, mais ils sont relativisés par l'existence d'une infinité d'autres attrbuts, dont chacun ne sait. C'est donc au plan de cette multiplicité "extérieure" qu'ils sont relatifs, mais en eux mêmes, ils sont parfaitement "en soi", cause de soi, infinis, etc. Et Spinoza n héste pas à dire de la pensée qu'elle est absolue, notamment.
à mon avis, lorsque Spinoza parle de la pensée absolue, il parle de la pensée considérée absolument, c'est-à-dire en son genre, et non pas en ses différents modes. Or ce qui est considéré en son genre n'est
pas encore ce qui est cause de soi, cela n'est que ce qui se conçoit par soi.
alcore a écrit :Bien sûr, l'attribut qui est en soi est par là meme en la substance; car, ce son être en soi exprime la force d'être de la substance. Le rapport de l attribut à la substance n 'est pas celui du mode à l'attribut.
pourrais-tu indiquer un endroit où Spinoza dit que l'attribut est en soi? Merci par avance!
L.