essence et existence; causalité

Questions et débats touchant à la conception spinozienne des premiers principes de l'existence. De l'être en tant qu'être à la philosophie de la nature.
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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 10:43

Louisa

c) sur les modes infinis. Le problème est que Spinoza présente ces modes comme un donné, qu'il ne déduit jamais directement de l'attribut. De plus, si ces modes se déduisaient de l'attribut, s'ils étaient vraiment infinis, comme les attributs ne sont pas produits par la substance, je ne vois pas pourquoi on devrait dire que les modes infinis sont, quant à eux, produits par l'attribut, donc aussi fatalement par la substance ! Si en revanche ils sont produits, alors oui ce sont des modes, mais alors ils ne peuvent être infinis, car l'infini ne peut être produit, c est aussi le sens de EThI,6: un infini ne peut en produire un autre. Donc l'existence de ces modes infinis est une donnée de fait, qui comme toute donnée de fait, reste contingente; ces modes ne sont donc pas vraiment infinis, mais indéfinis, ce qui me convient parfaitement: l'univers, sans être créé, est un mode indéfini.

d) Deleuze pense que les attributs sont conçus par eux memes mais n'existent pas par eux mêmes; il pense trouver dans la lettre 2 cette différence; c 'est d'ailleurs sur cette distinction supposée qu'il construit toute sa théorie de la distinction formelle: les attributs seraient formellement distincts de la substance tout en étant réellement et non numériquement un avec elle. Mais tout ceci est faux, comme l'a bien montré Alquié; de nombreux textes attestent que l'attribut existe par soi, ne serait ce que parce que les attributs possèdent tous les attributs substantiels,il ne leur manque que l'absoluité. Toute la construction de Deleuze autour de la distinction formelle est une pure fiction de son imagination. (ceci dit malgré la sympathie que j ai pour lui par ailleurs)

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Messagepar sescho » 02 mai 2009, 11:00

alcore a écrit :Pourtant il y a bien un espace et un temps au niveau des modes infinis, puisque SPinoza parle d'un facies totius universi ! cela autorise t il de parler d'une autre conception, cosmologique, de l'espace et du temps, libérée de la finitude de l'imagination ? peut être


La faciès totius universi, qu'on la prenne comme changeant avec le temps ou pas (la lettre dit les deux...), n'est pas un mode infini (et éternel, rappelons-le) ; sinon, effectivement, on ne comprend plus rien.

J'ai donné le lien plus haut renvoyant non sur des affirmations péremptoires, mais sur des éléments tangibles d'appréciation (cliquer sur les parties de couleur rouge : liens.)

Et la durée (le Temps est la métrique de la durée chez Spinoza, et la Mesure la métrique de l'étendue ; attention à ne pas confondre avec le principe même) vient bien avec les modes finis, comme il est surdéterminé par les extraits donnés ici.

Il n'y a pas de différence d'essence entre Etendue + Mouvement et ensemble des corps (possibles, et aussi passés, présents et à venir, si l'on se place du point de vue temporel.) Du point de vue de l'existence, on pourrait presque dire la même chose (sur l'infinité du temps du point de vue temporel) : mais le Mouvement est sempiternel tandis que les éléments de sa manifestation ne le sont pas, et ne peut pas l'être de par la Nature même du Mouvement. Une conclusion s'impose alors : les choses singulières n'ont pas d'être en soi, mais uniquement un être en autre chose.


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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 11:02

Louisa écrit :
Comment pourrait-il y avoir un "écart" entre une chose et ses modifications, à ce point que ces modifications n'appartiennent plus à ce qu'elles modifient ... ?

eh bien j'ai écrit un article sur cette question difficile, concernant la première proposition de l'Ethique. Je résume rapidement

a) la substance n'est pas une chose du tout, car il n'y a de choses que dans l'horizon du réalisme perceptif; or les choses naissent dans et par l'imagination, elles ont certes une essence qui les distingue des phénomènes, mais cela on le sait que si on part de la substance; considérées en elles memes les choses nous apparaîtront divisibles, fluctuantes, diverses numériquement, etc. et on croira même que ce sont des substances ! Tout ceci relève de l'imagination. Par contre pour concevoir la substance, il faut se retirer de l'idée que c'est une chose; d'ailleurs Spinoza n emploie ni le terme perception, ni le terme idée pour désigner la façon de penser la substance, mais : Concept. Je conçois la substance, je perçois ses attributs, et j'ai l'idée de ces modes.
Quand il est question d'extériorité de la substance, il ne s'agit bien sûr pas d'une extériorité spatiale, et d'une façon ou l'autre il faut bien penser la substance comme "transcendante" à toutes les déterminations psychologiques, relatives ne serait ce que pour, ensuite, intégrer ces mêmes déterminations au déploiement de la substance. La substance est l'en soi que l'on conçoit en formant un concept absolument per se; c 'est sa définition. On ne peut concevoir la substance par aucun signe: il faut que la pensée en produise absolument le concept et le corrélat de ce concept, c'est l'en soi, cela même qui ne peut en aucune façon être produit ou dériver d'autre chose. A l'absolue "liberté du concept répond l'absolue passivité non d'une chose, ou d'un quelque chose, d'un substrat, mais de cela même qui est "en soi". tenons compte de cette indétermination voulue par Spinoza, ces tournures indiquent assez les précautions qu il prend pour que l'on ne confonde pas la substance avec une chose justement.

b) ensuite, la première proposition établit justement que la substance est PAR NATURE antérieure à ses affections. Non seulement logiquement, mais ontologiquement.
Ca pose de nombreux problèmes.
Dans l'aristotélisme, la priorité de la substance, commandée par le rejet du mobilisme, conduit Aristote au concept de substance intelligible. La substance est par soi individuée, et elle n'est pas sensible, ce qui ramène le platonisme. eh oui on ne peut pas s'en défaire si facilement ! Donc je dirais
soit la substance est logiquement antérieure mais alors elle n'est qu'un concept et rien ne permet de dériver les modes de la substance;
soit la substance est ontologiquement antérieure, mais alors on est obligé pour soutenir l'immanence de la pensée à l'être, d'affirmer l'intelligibilité de la substance (comme Platon).
donc pour te répondre: oui les modes sont ontologiquement moindre que la substance, ils ont une façon d'exister qui diffère toto genere, pas seulement chronologiquement, ni logiquement, mais ONTOLOGIQUEMENT, de la façon d 'exister de la substance; ce qui n'empêche pas bien sûr que ces affections ne peuvent subsister que dans la substance.
Ainsi, si tu entends pas "chose" les choses de la perception, relatifs produits de notre imagination, alors ces choses se dissolvent en signes d'une part, et essences d'autre part, cad des modes. Par contre la substance n'est pas une chose, mais un dynamisme immanent à ce qui, dans ces choses, est réellement réel, à savoir leur essence. Donc oui la substance est en écart par rapport à ses modes, et Dieu n'est riende corporel, comme SPinoza le dit lui même.
Le "naturalisme" de SPinoza n ' a rien à voir , à mon sens, avec une déification de la nature "immédiate", avec le contententement de ce qui se trouve là. Si tel était le cas, ce plat naturalisme ne mériterait pas qu'on s y attarde.

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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 11:11

A Louisa sur les degrés de puissance

Le problème est que Deleuze, d habitude bergsonien, veuille à tout prix que les degrés de réalité soient des grandeurs intensives, des parties de puissance. Mais la notion de grandeur intensive enveloppe une certaine subjectivité (Ramond, quantité et qualité dans la philosophie de SPinoza, p 200) qui et exclue de la définition de l'essence spinoziste.

la notion de degré de réalité n est pas si facilement assimilable à celle de dégré de puissance puis de grandeurs extensives ! les textes que tu cites ne mentionnes pas l'idée de degrés de puissance, seulement de réalité, et rien n indique que ces degrés de puissance supposés soient des grandeurs intensives.
mais cela pourrait faire l'objet d'un forum en soi.

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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 11:34

Louisa écrit :
"non, je ne crois pas. La substance ne se définit pas par le fait d'être une cause. Tout ce qui existe est nécessairement une cause. Cela signifie que l'essence de la substance est tout aussi bien une cause que les affections de cette essence le sont. C'est exister qui implique d'être cause, alors que pour exister en tant que substance, il faut beaucoup plus que juste être une cause, il faut se concevoir par soi et exister en soi.

En général, ne faudrait-il pas dire que tu as tendance à identifier Dieu (et la substance) à ce qui n'est que l'essence de la substance, alors que toute substance (et donc aussi Dieu) est toujours aussi bien son essence que les modes de cette essence? "

hmm, j'ai l'impression que toute cette discussion est prise dans l'ornière du réalisme perceptif.
Habituellement nous parlons de causes parce que nous croyons qu'il existe des choses "en soi" qui agissent les unes sur les autres, comme des boules de billard.
Spinoza balaie cette vue naïve.
D'abord parce que les choses que nous percevons ne sont pas "en soi", ce ne sont pas des substances, et même si c etaient des substances, elles ne produire aucune autre substance. Le réalisme commun conduit tout droit à la croyance en une causalité transitive: telle substance produit tel effet dans tel autre substance
Spinoza nous apprend que pour bien comprendre la causalité il faut d'abord se débarasser du réalisme perceptif, et en même temps on comprendra que la causalité est immanente. Tout est lié. Tant que tu imagines un substrat à la causalité, que ce soit la matière ou autre chose, tu ne peux pas comprendre la nature du rapport causal.
Chez Aristote, il y a les substances et elles sont causées parce dans le changement, en plus de la matière déterminée (le gland devient chêne) il y a une matière indéterminée qui sert de substrat au changement. Pas du tout pour Spinoza. Sa métaphysique infinitiste invalide l'idée de substrat. Il faut comprendre la causalité par elle-même, ce qu'indique d'ailleurs l'idée de cause de soi, si difficile au premier abord.
Les théologiens n'y comprennent rien parce qu'ils pensent uniquement dans le fini, donc l'imaginaire. Pour eux, il faut qu'il y ait d'abord une substance pour qu'il y ait des causes, ils pensent en termes de choses. D'abord des choses, ensuite des causes, et c'est pour cela qu'ils disent: Dieu est une chose, sans cause, pas causa sui.
Une fois balayée le réalisme perceptif on se rend compte qu'il n'existe qu'un seul être, et que cet être n'est pas une chose du tout. Cet être est constitué d'essences qui en expriment la substantialité, ce sont les attributs. Les attributs ne sont donc pas causés par la substance. alors on pourrait dire qu'à ce niveau la substance ne se définit pas par le fait d'être cause puisqu'elle est constituée d'attributs qui ne sont pas des effets.
Si je comprends bien tu t'en tiens là. Selon toi, il y a un niveau de définition de la substance qui est pré-causal: elle existe nécessairement avec tous ses attributs et la causalité vient "ensuite" (bien sûrpas dans le temps). C'est du moins ce qui ressort de tes propos.

Or Spinoza dit bien que les attributs existent par eux memes et que chacun est CAUSA SUI (Prop 7); chaque substance apporte sa détermination ( c'est quoi une détermination infinie, c est une autre question) à une unique substance. Mais la causalité est déjà dans chacune de ces substances; la causalité par soi, de soi vient s'ajouter à la définition de la substance, c'est vrai; c'est elle qui fonde la nécessité d'exister de la substance, et non pas son existence pure et simple.
On a donc la série suivante:
la substance existe, ms pas nécessairement, pas infiniment, pas comme cause. En tout cas, c'est possible.
Démonstration : non ce n 'est pas possible toute substance est par soi, non produite, donc infinie, donc existe nécessairement, donc est cause de soi. Spinoza intègre donc bien la causalité dans la défintion de la substance une fois balayé le réalisme perceptif. En épurant le concept de substance on découvre que la causalité est constitutive de l'essence de l'infini. C'est l'infini qui est cause et rien d'autre.

Voilà.Donc comment, dans ces conditions, dire ensuite que: telle chose est cause d'une autre ? quel sens cela peut il avoir ?
Si l'on pense que cette chose est quelque chose par soi, et cause par soi alors c est une substance et on confond un mode avec une substance.
Si cette chose n'est en réalité qu'un ensemble de signes doublé d'une essence alors c'est autre chose. Car Dieu est cause des essences, comme des existences. Donc c'est seulement en tant que X est non pas imaginé, mais réellement DANS l'attribut, cad l'infini, cad la causalité qu'il peut lui même, à titre d'effet, être cause à son tour.

je n identifie donc pas Dieu avec la substance, car Dieu est plus qu'une substance, il est l ABSOLU; ce qui signifie: source d'une multiplicité infinie de substances qui le constituent et qui trouvent en lui leur unité ou union.

Au passage, si la substance n 'est que l'union des attributs je vois mal comment on introduit pas un minimum de transcendance: en effet, si les attributs sont bien substantiels au sens où ils ont toutes les propriétés de la substance, et où ils constituent une même substance, parler de leur union c'est introduire un point de vue extérieur.
En effet, d'où vient la multiplicité infinie des attributs ? Pas de chacun, puisque l'un ignore les autres. Et cependan il y a une telle multiplicité. L'existence de CETTE multiplicité INFINIE ne peut par définition trouver sa source dans AUCUN des attributs, et pourtant ce "il y a" définit Dieu.
Et là nous retombons sur ce que je pressentais à savoir que Spinoza est forcé d'admettre un minimum de transcendance, comme d ailleurs toi meme le dit avec Macherey.
Qu'est ce qu'une union d'attributs tous différents incapables de se causer les uns les autres ? cette union ne peut procéder ni d'une cause extérieure, ni d'un rassemblement a posteriori, ni d'aucun attribut.

Il me semble donc que tu rejoins ici une de mes interrogations actuelles.

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Messagepar sescho » 02 mai 2009, 11:37

alcore a écrit :... Le "naturalisme" de Spinoza n'a rien à voir, à mon sens, avec une déification de la nature "immédiate", avec le contentement de ce qui se trouve là. Si tel était le cas, ce plat naturalisme ne mériterait pas qu'on s y attarde.

Voilà (et tout ce qui précède) à quoi je souscris pleinement et qui marque clairement pour moi l'abîme qui sépare la véritable philosophie (de Spinoza en l'occurrence) de son interprétation vulgaire.

Bon courage.

Serge
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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 11:50

sescho a écrit :
alcore a écrit :Pourtant il y a bien un espace et un temps au niveau des modes infinis, puisque SPinoza parle d'un facies totius universi ! cela autorise t il de parler d'une autre conception, cosmologique, de l'espace et du temps, libérée de la finitude de l'imagination ? peut être


La faciès totius universi, qu'on la prenne comme changeant avec le temps ou pas (la lettre dit les deux...), n'est pas un mode infini (et éternel, rappelons-le) ; sinon, effectivement, on ne comprend plus rien.


si je comprends bien vous m'accordez que l'univers est un mode, qu'il n'est pas fini, mais indéfini ?



sescho a écrit :Et la durée (le Temps est la métrique de la durée chez Spinoza, et la Mesure la métrique de l'étendue ; attention à ne pas confondre avec le principe même) vient bien avec les modes finis, comme il est surdéterminé par les extraits donnés ici.

oui, c'est certain. Mais une question demeure: est-ce que le temps comme mesure de la durée n'apparaît qu'avec l'homme, ou bien peut il être une constante cosmologique donc relatif,non à tel ou tel mode, mais à la facies de l'univers, ce qui autoriserait alors à en penser l'expansion.

sescho a écrit :Il n'y a pas de différence d'essence entre Etendue + Mouvement et ensemble des corps (possibles, et aussi passés, présents et à venir, si l'on se place du point de vue temporel.) Du point de vue de l'existence, on pourrait presque dire la même chose (sur l'infinité du temps du point de vue temporel) : mais le Mouvement est sempiternel tandis que les éléments de sa manifestation ne le sont pas, et ne peut pas l'être de par la Nature même du Mouvement. Une conclusion s'impose alors : les choses singulières n'ont pas d'être en soi, mais uniquement un être en autre chose.

Serge


d accord admettons qu'il n ' y ait pas de différence d 'essence entre l'Etendue réelle, douée éternellement de mouvement, et les corps; cela signifie qu'il n y a pas de différence essentielle entre l'attribut Etendue et les modes étendus, or l'attribut est un constituant de la substance, cela signifie donc qu il n y a pas de différence essentielle entre la substance et les modes
cela contredit manifestement E,I,1: toute substance est PAR NATURE antérieure à ses affections.
il y a bien une différence de nature entre la façon d'exister de la substance et de ses essences, les attributs, et la façon d exister des corps; s il y a bien intégration des modes dans l attribut, rien ne permet de dire que l'attribut et donc aussi la substance n est rien hors des modes; ce serait affirmer que Dieu a besoin des modes pour exister alors qu'il existe PAR SOI.
Bien entendu tous les corps sont des modes de l'Etendue, sont en elle et conçus par elle; ils n'existent qu'en tant que produits dans l'attribut par l'attribut;
la fin du message est juste: les modes n existent pas par eux mêmes, oui ne croyons pas à leur éternité, leur substantialité etc.mais alors il y a bien une différence de nature entre le fini et l infini, le même abime qui sépare le chien constellation celeste du chien aboyant

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Messagepar alcore » 02 mai 2009, 12:06

maltese a écrit :
Tiens un teilhardien ! Tiens deux teilhardiens !
MAIS QUE FAIT LA POLICE ???!!!

A l'origine, donc, il y avait, aux deux pôles de l'être, Dieu et la Multi¬tude. Et Dieu, cependant, était bien seul, puisque la Multitude souveraine¬ment dissociée, n'existait pas. De toute éternité Dieu voyait, sous ses pieds, l'ombre éparpillée de son Unité, et cette ombre, tout en étant une aptitude absolue à donner quelque chose, n'était point un autre Dieu, parce que d'elle¬même elle n'était pas, ni n'avait jamais été, ni n'aurait jamais pu être, puis¬que son essence était d'être infiniment divisée en soi, c’est-à-dire de se bander sur le Néant. Infiniment vaste et infiniment raréfié,le Multiple, anéanti par essence, dormait aux antipodes de l’Être Un et concentré.

;-)


la substance n 'est pas UNE, elle n'est même pas TOUT, elle est par soi infiniment multiple, et chaque multiple est lui même infiniment multiple sans point d'arrêt dans un quelconque Un qui contemplerait ces multiples de toute sa hauteur, ce pourquoi Dieu est en tout, puisqu'il n'est pas UN.

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Messagepar sescho » 02 mai 2009, 15:04

Avant de répondre, une ouverture sur l’aboutissement de la philosophie ontologique et morale en Inde, « foyer » s’il en est sur ce plan, par le grand Arnaud Desjardins (second extrait déjà produit ; on peut, pour faire le parallèle avec Spinoza, remplacer « Energie » par « Mouvement, » je pense.) Bien évidemment, c'est à considérer au-delà des poncifs ignorants habituels sur - pèle-mêle - le prosélytisme religieux, l'anéantissement de soi, l'immobilisme, l'insensibilité, l'amoralisme, ..., l'ataraxie (ou "absence de trouble" ; E5P42S : "... l’âme du sage peut à peine être troublée. Possédant par une sorte de nécessité éternelle la conscience de soi-même et de Dieu et des choses, jamais il ne cesse d’être ; et la véritable paix de l’âme, il la possède pour toujours.") :

Arnaud Desjardins, Les chemins de la Sagesse, a écrit :… nous avons déjà l'impression, presque la certitude, qu'il y a bien « autre chose » que ce que nous vivons aujourd'hui et que l'Absolu (brahman), le Soi (atman) est déjà là en nous. Il ne peut pas y avoir deux Infinis, deux Illimités et je suis cet Infini, je suis cet Illimité. Tout est moi, je suis tout, tout est en moi, je suis en tout, il n'y a que moi. Et : je ne change pas, je ne nais pas, je ne meurs pas, je ne vieillis pas, je suis éternel, je suis immortel (non dans le sens d'une prolongation indéfinie de la durée de la vie dans le temps mais de : situé au-delà de la mort, donc de la naissance).

Telle est la voix de cette unique énergie individualisée en des milliards d'êtres humains. C'est la même énergie qui est dans la plante, dans l'insecte, dans le tremblement de terre, dans chaque atome, partout. Mais, en l'homme, elle a la possibilité de retrouver sa véritable nature puis de se révéler elle-même comme manifestation d'un Ultime ou d'un Suprême Non-Manifesté. Et c'est cela la Libération. Il y a l'être non libéré, dépendant, soumis, avec sa prétention et sa révolte : « Je n'accepte pas la limite, je n'accepte pas la contradiction, je n'accepte pas qu'on me dise non, je n'accepte pas la souffrance. » C'est l'homme dans le péché, dans l'aveuglement, dans l'apparence, dans l'irréel, dans les ténèbres, dans la mort. Et il y a le sage délivré, dans la vérité ou le réel (sat), dans la lumière (jyoti), dans l'immortalité (amrit). Il vit dans un sentiment permanent de perfection, d'achèvement et de plénitude. Et par rapport à l'homme non éveillé, il vit surtout sans aucune crainte d'aucune sorte, aucune crainte d'être malade, de vieillir, de manquer d'argent, d'être séparé de ce qui lui est cher, aucune crainte de ce qui peut lui arriver : rien ne peut lui arriver, c'est en lui que tout se passe. Et sans aucun désir de quoi que ce soit d'autre que ce qui est là. Tout est accompli. La libération, c'est l'identité avec brahman, c'est l'état libre de l'ego, au-delà de tous les états.

Cette Libération, retour à la perfection originelle (« Dieu créa l'homme à Son image »), est le sens, la Finalité de toute la manifestation et le but de toute vie humaine. La clé de la sadhana (discipline spirituelle) est, pour chacun, de prendre conscience de la source, ou du principe, ou du fondement de tout l'univers, de toute vie, donc de sa vie. « Quelqu'un en moi-même plus moi-même que moi », disait saint Augustin. Et saint Paul a écrit : « C'est en Lui que nous vivons, que nous nous mouvons et que nous sommes. » La description métaphysique que j'ai comparée à celle de la vague et de l'océan a été qualifiée de « panthéisme » par les auteurs chrétiens, bien que tous les textes et tous les maîtres hindous mettent au contraire en garde de façon très précise contre ce que les dictionnaires donnent comme définition de ce terme. Dieu est tout : mais rien n'est Dieu. En maintenant irréductiblement la distinction de la créature et du Créateur, nous limitons le Créateur. Si la créature n'est pas le Créateur, c'est qu'il y a quelque chose d'autre que Dieu. Par conséquent Dieu trouve là Sa limite. On ne peut plus dire que Dieu est infini, illimité, puisqu'il existe la créature qui n'est pas Dieu. Mais Dieu est infini, seule Réalité ayant l'être par soi et toute la nature n'a l'être que par Dieu. Et les Orientaux utilisent le terme manifestation et non création pour préciser qu'il s'agit d'une création permanente qui n'est pas autre que Dieu lui-même « s'exprimant » par le passage du non-manifesté au manifesté et de l'Un au multiple. Mais en même temps, la transcendance de Dieu est rigoureusement maintenue. Parlons le langage du simple bon sens : Dieu est éternel, nous voyons bien que nous sommes éphémères ; Dieu est unique, nous voyons bien que nous sommes innombrables ; Dieu est infini, nous voyons bien que nous sommes limités. Nous ne pouvons nous attribuer aucune des caractéristiques - ou plutôt absences de caractéristique - propres à Dieu. Et cependant tout ce qu'il y a d'être en nous est Dieu. Donc nous sommes Dieu. Mais nous ne le savons pas.

À la vérité, le védanta différencie deux Réalités d'ordre différent là où nous employons le seul terme Dieu d'une part le brahman neutre, au-delà de Être et Non-Être, inconcevable, indescriptible si ce n'est en termes négatifs : pas ceci, pas cela, pas ni ceci ni cela. Le brahman est dit nirguna : sans attributs. Le mot français généralement utilisé pour traduire brahman est : l'Absolu. Et Ishwara, saguna, avec attributs, l'Être Suprême se manifestant sous les trois aspects (trimurti) de Brahma, Vishnou et Shiva. Maître Eckhart aussi distinguait la « Déité » - qu'il a qualifiée de « Pur Néant », ce qui correspond bien au brahman des hindous ou au shunyata des bouddhistes - et Dieu le Créateur. Mais qu'Il soit conçu comme non manifesté ou comme Origine et « Moteur Immobile » de la manifestation, comme statique ou dynamique, comme « Néant » (Vide) ou comme Énergie, Dieu est toujours unique. Un unique océan produit sans arrêt des vagues qui apparaissent et qui disparaissent mais ces vagues ont leur être dans l'océan ; l'océan demeure en elles et elles demeurent dans l'océan. Et chaque vague est différente, chaque vague est unique. Vous êtes en Dieu comme la vague est dans l'océan et Dieu est en vous comme l'océan est dans la vague. Et pourtant la vague n'est pas l'océan car il y a des milliers de vagues et il n'y a qu'un seul océan ; les vagues naissent et meurent sans cesse, l'océan ne naît ni ne meurt. En tant qu'ego, individualité, être non régénéré, vous n'êtes pas Dieu. Et pourtant vous êtes Dieu, vous êtes l'Absolu, vous êtes brahman.

« Tat twam asi. » « Et toi aussi, tu es Cela. » Certains de vous pensent peut-être : « Mais c'est un blasphème que de dire : Je suis Dieu. » Non, le blasphème luciférien, c'est d'oser dire : « Je ne suis pas Dieu, je suis autre que Dieu, il y a Dieu et moi. » Monstrueuse affirmation d'indépendance et d'autonomie, prétention à posséder l'être en soi-même. Il y a beaucoup moins d'égoïsme et d'orgueil à se dénier toute existence autre que l'Unique Réalité qu'à se considérer comme un être, même pécheur, humilié et plein de remords, existant par soi-même.

Le but proposé à l'homme c'est de perdre complètement sa conscience d'être autre que Dieu. C'est de ne plus être que Dieu et rien d'autre. Cela est possible en conservant un corps humain, en mangeant, en répondant aux questions : tel est le jivanmukta, le Libéré vivant. Et c'est aussi le sens de la « mort » pour celui dont la vie a été uniquement la préparation à cette mort. L'existence dans un corps humain nous est donnée pour nous permettre de nous libérer, pour nous permettre de mourir à nous-même. « On ne peut voir Dieu sans mourir », dit la Bible, sans mourir à son ego. Et mourir à son ego, c'est mourir à tous les désirs. Même si vous désirez seulement la perfection, seulement « trouver Dieu », c'est que vous voulez encore quelque chose. Trouver Dieu, connaître Dieu, c'est être Dieu. On ne connaît que ce que l'on est. Tous les désirs doivent disparaître pour faire place à un seul : réaliser (to realize) le Soi (atman), l'Absolu (brahman). Et cet ultime désir disparaît dans l'Identité Suprême, le retour de l'enfant prodigue au Royaume des Cieux.


Arnaud Desjardins, Pour une mort sans peur, a écrit :Un homme est immobile — en méditation. Immobile en méditation, il n'est ni un nageur, ni un père, ni un client, ni un consommateur, ni un danseur, il est simplement un Homme. Dès qu'il commence à remuer, à bouger, il devient un danseur. La danse commence avec le danseur, la danse s'achève avec le danseur. Mais avant que naissent simultanément le danseur et la danse, et après qu'ont disparu simultanément le danseur et la danse, subsiste l'Homme, juste l'Homme, assis immobile, avant et après la danse, comme je l'ai vu en Inde, comme je l'ai vu au Japon.
De la même manière, la Réalité suprême peut être considérée sous trois aspects. D'abord la Réalité ultime, essentielle, le Brahman non manifesté, « nirguna brahman » (Brahman sans aucun attribut). Il est représenté dans notre comparaison par l'Homme immobile et en méditation, préalable à la danse, sous-jacent à la danse et qui subsistera après la danse. Dans le danseur, il y a l'homme. Dans la manifestation, il y a le Brahman, la Réalité Suprême, Être — Conscience — Béatitude, « satchitananda ». C'est l'aspect statique, sans attribut, du Brahman.

Puis il y a l'aspect comparé au danseur : c'est ce qu'on nomme le Brahman avec attributs, « saguna brahman », et bien d'autres termes. La Réalité absolue devient le Dieu Créateur, « Ishwara » en Inde. Mais ce Dieu créateur, ne l'oubliez pas, n'est pas extérieur à sa Création, comme le sculpteur est extérieur à sa sculpture. Ce Dieu créateur est immanent à sa Manifestation. C'est d'ailleurs pourquoi en Inde, on dit plutôt la manifestation que la création. Le Brahman absolu se manifeste sous la forme du Brahman qualifié ou de la shakti, l'Unique Énergie infinie qui s'exprime par toutes les formes dont nous sommes conscients à l'intérieur de nous-même. C'est sa manifestation, c'est sa danse. De même que l'homme, le danseur et la danse ne sont qu'un, la Réalité Ultime non manifestée, l'Unique Energie infinie, et la Manifestation, la danse de Dieu, ne sont qu'Un. Cette Réalité Suprême est donc à la fois immanente puisque c'est Elle qui sous-tend toute la Manifestation, et transcendante parce qu'Elle n'est jamais affectée par cette Manifestation.

C'est cette Unique Réalité, immuable et s'exprimant par des formes changeantes, qui est le thème central des Upanishads, que vous l'appeliez Brahman du point de vue universel, ou Atman, du point de vue personnel.
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Louisa
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Messagepar Louisa » 02 mai 2009, 17:51

alcore a écrit :d) Deleuze pense que les attributs sont conçus par eux memes mais n'existent pas par eux mêmes; il pense trouver dans la lettre 2 cette différence; c 'est d'ailleurs sur cette distinction supposée qu'il construit toute sa théorie de la distinction formelle: les attributs seraient formellement distincts de la substance tout en étant réellement et non numériquement un avec elle. Mais tout ceci est faux, comme l'a bien montré Alquié; de nombreux textes attestent que l'attribut existe par soi, ne serait ce que parce que les attributs possèdent tous les attributs substantiels,il ne leur manque que l'absoluité. Toute la construction de Deleuze autour de la distinction formelle est une pure fiction de son imagination. (ceci dit malgré la sympathie que j ai pour lui par ailleurs)


question intéressante en effet. Deleuze commence par constater que "Spinoza ne dit pas que les attributs existent par soi, ni qu'ils soient conçus de telle façon que l'existence suive ou découle de leur essence. Il ne dit pas non plus que l'attribut est en soi et est conçu par soi, comme la substance. Il dit seulement que l'attribut est conçu par soi et en soi." (Spinoza et le problème de l'expression, début du chapitre II). Il y ajoute deux pages plus loin: "LA substance a le privilège d'exister par soi: existe par soi, non pas l'attribut, mais ce à quoi chaque attribut rapporte son essence, de telle manière que l'existence découle nécessairement de l'essence ainsi constituée. Des attributs considérés en eux-mêmes, Spinoza dira donc de manière parfaitement cohérente: "Nous les concevons seulement dans leur essence et non dans leur existence, nous ne les concevons pas de telle sorte que l'existence découle de leur essence.""

De prime abord, je dirais qu'il s'agit d'un faux problème. C'est que la notion d'une "existence par soi" à mon sens n'est pas spinoziste. Toi-même et Deleuze l'utilisez, mais où Spinoza l'utilise-t-il... ?

Lorsqu'on parle de l'existence d'une chose, on peut seulement dire que cette chose existe ou bien en soi, ou bien en autre chose (E1Ax.1). Une existence ne peut pas exister "par soi", puisqu'une existence est toujours l'existence d'une essence, il n'y a pas d'existence telle quelle.

C'est aussi la raison pour laquelle la définition de la cause de soi ne dit pas qu'il s'agit de quelque chose qui existe "par soi". Il s'agit plutôt d'une essence qui a un caractère tout à fait particulier: celui d'envelopper l'existence, au lieu de devoir recevoir l'existence d'une cause hors de cette existence.

Du coup, on comprend que Spinoza peut dire que "il est de la nature de la substance que chacun de ses attributs se conçoive par soi" (car en effet, lorsqu'on ne parle plus de l'existence mais de la conception, alors la distinction "se concevoir par soi - se concevoir par autre chose" est pertinente (E1Ax.2)) pour y ajouter tout de suite que "puisque tous les attributs qu'elle a se sont toujours trouvés ensemble en elle, et que l'un n'a pu être produit par l'autre; mais chacun exprime la réalité ou l'être de la substance." Conséquence: l'attribut existe "en" la substance, et donc non pas "en soi" (c'est ce qui garantit l'indivisibilité de la substance). Ou comme il le dit au début du même scolie de l'E1P10: "encore que l'on conçoive deux attributs réellements distincts, c'est-à-dire l'un sans l'aide de l'autre, nous ne pouvons pourtant pas en conclure qu'ils constituent deux étants, autrement dit deux substances différentes". En effet, si les attributs existaient en soi et non pas en Dieu, alors ce ne seraient plus des attributs mais des substances, ou des étants. Ce que par définition ils ne sont pas, ils ne font que "constituer" un étant ou une substance.

Sinon pour autant que je sache Deleuze ne dit pas, comme tu le dis ci-dessus, que les attributs soient formellement distincts de la substance. Il dit, et à mon avis à raison, que les attributs sont formellement distincts les uns des autres (car être formellement distinct signifie précisément pouvoir se concevoir par soi, sans l'aide d'un autre). Seulement, cette distinction est formelle et non pas numérique (car si c'était numérique, de nouveau chaque attribut devrait être un étant, alors qu'il n'est qu'une "qualité" de la substance).

CONCLUSION.
Lorsque Deleuze dit que Spinoza ne dit pas que les attributs existent par soi, je crois qu'il a raison, mais cela précisément parce que jamais Spinoza ne parle d'une "existence par soi". Il se trompe donc lorsqu'il dit de la substance qu'elle existe par soi. Mais le scolie que je viens de citer confirme explicitement ce qu'il dit concernant la distinction formelle et numérique (que les attributs soient formellement distincts les uns des autres, sans qu'il s'agisse d'une distinction numérique).


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